Layla et moi avons l’habitude de nous chambrer, mais permettez que je prenne un ton plus sérieux pour cette partie.

Je suis tout de même un narrateur, après tout.

Layla est née à Johto dans une famille qu’on pourrait qualifier de… Euh…

Coincée du cul.

Oui. Voilà. Ça. Bref, c’est vraiment pas un passage structurant de sa vie, donc je la fait courte : elle a passé sa jeunesse a devoir se conduire en gentille jeune fille, à ne pas avoir le droit de courir, de parler sans permission ou encore de montrer ses émotions.

Alors évidemment, qu’a-t-elle fait lorsqu’elle a été majeure ? Elle a prit ses cliques et ses claques et quitté le domicile familial avec rien de plus que son argent de poche et les vêtements qu’elle avait sur elle pour faire tout l’inverse.

Elle est comme ça Layla, elle est fière et libre comme l’air.

Aussi donc elle a couru, elle a parlé, elle a ri, elle a pleuré. Comme elle dit : elle a vécu.

Les jours passent et ne se ressemblent pas. Layla enchaîne les petits boulots pour vivre. Un jour livreuse, un jour factrice. Un jour cuisinière, un jour garagiste. Elle savait pas tenir en place. Tant brimée dans sa jeunesse qu’elle voulais goûter à tout, aller partout. Oh, ce qu’elle a put voyager ! Passer trois mois de suite au même endroit semblait latéralement impossible pour cette jeune femme avide de découvertes.

Elle est comme ça Layla, elle est débrouillarde et voyageuse.

Enfin bref, les jours se transforment en mois, les mois en années, les années en décennies. Layla fait des des boulots moins petits. Un jour enseignante, un jour détective privée. Un jour commerciale, un jour conseillère d’orientation… Un jour mère…

Et oui, elle a fait le plus beau métier du monde. Les voyages n’étant plus vraiment d’actualité, Layla se range. Elle achète une maison à Kalos, l’endroit où elle se trouvait lorsque sa grossesse est devenue trop importante pour qu’elle puisse encore voyager. Elle a fait un bébé toute seule, comme dirait le poète. Il n’y en avait pas de père, elle n’en a jamais voulu de toute façon.

Elle est comme ça Layla, elle est indépendante.

Elle a élevé sa fille - sa petite étoile, comme elle l’appelait - seule, galèrant à allier travail et éducation, obligée de mener une vie qu’elle avait fuit jusque là : celle de sédentaire, fidèle à un travail !

Et vous savez combien de fois elle a regretté ?

Aucune.

Chaque fois que le ciel l’appelait, que la route se faisait trop désirable, le travail trop détestable, elle n’avais qu’à regarder sa fille, son sourire si innocent, la manière dont elle courrait et parlait, riait et pleurait, et ça passait. Il n’y avait nulle part au monde où elle aurait préféré être.

Elle était comme ça Layla, c’était une mère attentionnée.

Mais tout va si vite parfois. Un petit jeu en rentrant, une erreur d’inattention, deux personnes qui se croisent à un endroit où ils ne le devraient pas et, soudain, les deux sourires les plus insouciants de la terre se transforment en des nuits de larmes solitaires.

Layla n’est plus mère.

Et pour oublier qu’elle ne l’a jamais été, elle se plonge à corps perdu dans ce qui lui reste : sa vie de travailleuse sédentaire. Elle a même rencontré un certain succés, considérant qu’elle a réussi à se hisser assez haut dans sa hiérarchie et à bien gagner sa vie - en échange de passer beaucoup plus de temps au travail.

C’est à ce moment de sa vie que son corps a vieilli le plus vite. Les cheveux se sont clairsemés de blanc, sa silhouette s’est amincie et voutée, et son visage en paraissait toujours dix ans de plus.

Enfin… Fini les voyages et les rencontres, les petits boulots et l’imprévu. Layla trouve refuge dans l’apathie de la routine. Au bout d’un moment, elle pense même qu’elle va mieux, mais elle ne se rends pas compte qu’elle est éteinte. Au final, elle ne vis plus que par habitude.

Tant de temps perdu à me morfondre.

Ne sois pas si dure avec toi même. Parfois, le coeur a besoin d’être mis sur pause jusqu’à ce que quelqu’un puisse le réparer. Et pour toi, ce quelqu’un est arrivé de la plus étrange des manière !

Hahaha c’est vrai ! J’ai failli l’envoyer en prison !

Il faut dire que tu l’a trouvé dans ton jardin à trois heures du matin et que tu avait été alerté par des bruits suspects. Illumis n’est pas forcément de tout repos, la nuit. Et au final, tu a trouvé quoi ? Une jeune fille de quoi… Quinze ? Seize ans ? En train de souffrir le martyr après s’être faite rosser !

Aaah, Hellenna. J’avais prévu de la foutre dehors en lui indiquant le chemin de l’hôpital le plus proche et ma volonté de ne vouloir être mêlée à aucune de ses affaires sordides ! Mais je n’ai pas put.

Pourquoi ça ?

Au moment où j’ai ouvert la bouche pour lui dire de partir, nos regards se sont croisés et… Je ne sais pas. Il y a quelque chose en elle… Qui m’a rappelé Hana. Elles auraient eu à peu près le même âge, tu sais ?

Oui… Je sais…

Enfin bref ! Toujours est-il que te voilà, réveillée à 3h30 du matin à soigner une ado inconnue dans ton jardin au lieu de te reposer pour être en forme pour le boulot du lendemain. Les débuts ont été très silencieux et puis, un mot en entraînant un autre, vous vous êtes retrouvées à parler jusqu’à l’aube ! La jeune fille était réticente au début, mais quelque chose en Layla l’a poussé à s’ouvrir à elle.

Enfin bref, cette rencontre impromptue s’est transformée en deux rencontres impromptues, puis trois, puis, avant qu’elles ne s’en rendent compte, la jeune fille avait trouvé un refuge sûr où se reposer après ses nuits de bad girl rebelle qui se mettait toujours dans des situations pas possibles.

On pourrait penser que Layla ai été fatigué de ce rythme de vie, mais c’est tout le contraire ! Ses collègues et ses amis la voyaient revivre, elle passait moins de temps au travail, réfléchissait plus longtemps en faisant ses courses, se demandant ce que la jeune fille apprécierais grignoter quand elle viendrait se faire soigner.

Tout ça jusqu’au jour où Hellenna est venue à son jardin sans être blessée. Bah oui, c’était une rebelle quand même, elle allait pas passer par la porte sous prétexte que tout allait bien ! Sauf que voilà. Tout n’allais pas bien. C’est juste que ce n’était pas visible.

Pour la première fois, Hellenna parla à Layla non pas de ses mésaventures de la nuit… Mais de ses mésaventures du jour. Hellenna parla à Layla de ses problèmes avec sa famille. Un père qui découche, une mère qui bois, un frère… Bref, pas vraiment la famille modèle.

C’est à ce moment là que j’ai comprit.

Hmm ?

On ne cesse jamais vraiment d’être Mère. C’était ça, cette chose entre nous. Elle avait besoin d’une mère, même si ce n’était pas la sienne… Et j’avais besoin d’une fille, même si ce n’était pas la mienne.

Donc… Tu l’a vue comme une fille de substitution ?

Certainement pas ! Enfin… si, peut être un peu, au début. Mais c’est un sentiment que j’ai très vite étouffé. Personne ne peut remplacer une fille dans le coeur d’une mère. Non, c’est plutôt que… Nos manques mutuels se sont attirés et ont fertilisé le terreau de notre amitié. Je pense qu’Hellenna vois les choses de la même manière.

Peut être… L’avenir le dira.

Comment ça ?

Shhh, ce sont des spoilers de Narrateur.

Fufufu, très bien. Toujours est-il que j’ai décidé de reprendre sa vie en main, tout comme j’avais commencé à reprendre la-

Non mais ça va oui ?! C’est MOI le narrateur, et c’est MOI qui raconte ! Non mais !

Ahum.

Toujours est-il que Layla a alors décidé de reprendre la vie d’Hellenna en main, tout comme elle avait commencé à reprendre en main sa propre vie. Petit à petit, Layla a guidé Hellenna pour l’aider à se rendre compte que sa famille n’avait pas a définir qui elle était.

Elle est comme ça Layla, elle aime prendre soin des autres.

Ça semblait même être en bonne voie jusqu’au soir où… Hellenna n’est pas revenue.

Rooooh, ce que tu peut être dramatique ! Tu dis ça comme si on vivait ensemble ! Elle ne passait pas tous les soirs quand même ! Et je ne me suis pas inquiétée avant qu’une bonne semaine ne se soit écoulée !

Tu ruine. TOUS. Mes effets.

BON. MAAAAAAADAME Layla ne s'est donc pas inquiétée avant une bonne semaine de ne pas avoir de nouvelles de son amie. Mais le temps s'étirant, et le silence avec, l'inquiétude se fraya un chemin dans le coeur de la femme solitaire.

Les métaphores et les figures de style, c'est comme l'alcool : avec modération.

Ne me parle plus.

Layla était sur le point de lancer un avis de recherche lorsqu'un jour, finalement, Hellenna refit surface... Et frappa à la porte !

Fufu, elle m'a confié plus tard qu'elle n'était pas sure d'être au bon endroit ! L'habitude de s'introduire par le jardin.

L'ancienne voyageuse sentait que quelque chose avait changé dans le comportement de sa protégée.

Tu l'a dit toi même : elle a frappé à la porte !

Bien dit. Mais il y avait autre chose. Dans son sourire, dans sa posture, dans son attitude, un calme et une acceptation qu'elle n'aurait jamais ressentit et encore moins affiché quelques semaines plus tôt. Elle qui était ans une fuite en avant constante depuis des années, la voilà qui avait enfin décidé de se poser et de se calmer. Layla n'avait pas été aussi fière de qui que ce soit d'autre depuis...

Depuis...

Depuis des années. Une larme roula sur sa joue, très vite cachée et essuyée, alors qu'elle invita Hellenna à rentrer chez elle.

Les mois qui suivirent virent se multiplier les rencontres entre les deux femmes. Cinéma, théatre, restaurant, tous les prétextes étaient bons pour enfin se voir hors du domicile de Layla. Quand Hellenna mentionna finalement son intention de partir en voyage, Layla n'en fut pas particulièrement surprise. La vie suivait son cours, les gens voyageaient, exploraient leurs possibilités. Elle même avait fait de même, dans sa jeunesse. Elle eu un petit pincement au coeur en souvenir de cette époque.

Elle est comme ça Layla, elle est parfois nostalgique.

Mais Hellenna ne comptait pas partir sans rien offrir à sa mécène. Le jour de son départ, elle se présenta à la porte de Layla avec un présent que Layla ne se serait jamais attendue à recevoir : un oeuf de pokémon.

Hellenna ne dit rien de l'espèce. Elle ne dit quasiment rien d'ailleurs. Peu de mots auraient été utiles, de toute façon.

Sacré petit bout de femme ! Je ne lui ai presque jamais parlé d'Hana, et pourtant... Pourtant elle l'a sentit. Et elle m'a fait don de quelque chose que je ne pensais plus mériter : la responsabilité d'une vie.

Layla accepta le présent, puis chassa Hellenna en la grondant qu'elle allait être en retard. Ce n'est qu'une fois la porte fermée que Layla s'autorisa à pleurer à chaudes larmes en serrant le cocon entre ses bras.

Elle est comme ça Layla, elle aime pas qu'on la vois pleurer.

Son amie partie, Layla se retrouva à nouveau seule dans une maison trop grande pour elle. Le travail, les trajets, la routine... Elle eu un regard vers l'oeuf entre ses bras. C'était un sacrifice qu'elle afait déjà fait.

...

Au diable les sacrifices.

Lorsque Magellan sortit de son oeuf, quelques semaines plus tard, c'était sur une plage de Sinnoh. Travail quitté, maison fermée avec un mot dans le jardin au cas Hellenna viendrai à repasser par chez elle, Layla avais reprit sa vie itinérante, multipliant les rencontres, les jobs, les découvertes.

Elle est comme ça Layla, elle revis.

La dernière fois qu'elle a été vue, c'était à Port-Corail, il y a quelques semaines. Elle descendait d'un navire de plaisance d'où elle venait de quitter son job d'hotesse de voyage. Ce n'est pas la première fois qu'elle viens, bien sur, mais c'est la première fois qu'elle compte rester un moment. Ou est-ce le cas ? L'avenir vous le dira. Layla, elle, connais déjà la réponse. Un commentaire à ce sujet ?

Non.

Vieille bique.

Enfin... Elle est comme ça, Layla... Elle est fière et libre comme l'air, débrouillarde et voyageuse, indépendante et attentionnée, elle est mère, et elle ne pourrait jamais se sentir plus vivante qu'à chaque matin où elle se réveille dans un lieu inconnu.