Vai'ata ne savait pas arriver dans un endroit en toute discrétion. Il lui fallait les feux d'artifice, la musique épique, et évidemment, un hairflip. Si une nuée humaine pouvait s'exciter à son arrivée, c'était un plus.
De fait, c'est ce qui arrivait le plus généralement -la nuée humaine et le hairflip, pas le reste. Elle ne prévoyait pas assez ses déplacements -et sa vie en général- pour embarquer des feux d'artifice ou une enceinte portative. Et au pire, elle pouvait toujours s'occuper elle-même de la partie musicale -c'était un peu son job, disons.
A son arrivée à Voltapolis, donc, que bon nombre de têtes se tournent sur son passage et qu'on l'arrête tous les dix mètres pour un autographe ou un selfie n'avait rien de bien étonnant. Fatiguant à la longue sans doute, mais l'insulaire appréciait aussi cette partie de la célébrité : qu'on l'aime. Elle adorait qu'on l'aime. Elle ne s'en plaignait donc guère -quelle mauvaise foi c'eût été ; or elle ne faisait que très rarement preuve de mauvaise foi- et faisait avec. Elle n'avait jamais cherché à se dissimuler et, tenant à sa sécurité, elle était toujours aux côtés de son otaquin et d'une bonne bombe au poivre. C'était suffisant pour éloigner les psychopathes.
Sauf que le problème, le plus généralement, c'était elle. Elle adorait se mettre dans la merde. A ce stade, ça frôlait le suicidaire. Sauf que non, elle n'était pas suicidaire, bien au contraire ; elle vivait juste trop. Trop intensément, en faisait trop, voulait tout et tout de suite, quasiment. Une bonne grosse star capricieuse, en somme.
Donc voilà. Elle aime trop se mettre en danger. On comprendra donc aisément la suite.
Elle était à Voltapolis pour un shooting photo dans la matinée, une interview juste avant le déjeuner, rencontrer plusieurs potentiels featurings entre le repas et l'après-midi et surtout, un fan riche à millions qui désirait contribuer à son financement. Un bon gros programme qui lessive bien, en gros. Pendant un bon moment, elle était restée concentrée, parfois troublée par des affiches très discrètes qui suintaient d'une chose qui ne la laissait (malheureusement) pas indifférente : le mystère. Un minimum responsable, elle avait su rester sérieuse le plus longtemps possible et avait même réussi tout ce qu'elle avait entrepris avec brio.
Et puis arrivait les seize heures, presque dix-sept, le soleil tombait tôt à cette période et son dernier rendez-vous se décommanda. Allait-elle se pointer à cette soirée huppée à laquelle elle avait été conviée -elle avait déjà refusé, mais apparaître par surprise était toujours du meilleur effet- ? Elle y réfléchissait sérieusement ; elle n'avait pas pour habitude, quand elle bossait, d'être "libre" si tôt, il fallait bien qu'elle s'occupe. Qu'elle s'occupe...
Le mystère ressurgit.
Alors qu'elle se tenait au premier étage d'un café branché, intégralement vitré, son regard se perdit sur la façade qui lui faisait face. De là, elle ne voyait pas grand chose, mais reconnut quelques illustrations qui lui rappelèrent le fameux mystère qui avait plané toute la journée, quelque part dans un coin de son esprit.
Et elle était de nouveau possédée par la curiosité, par le désir d'aventure, par le goût du mystère.
Une fois sa boisson finie, elle s'était baladée en quête d'affiches avec plus de renseignements et était finalement tombée sur tout autre chose ; si à la base, il s'agissait d'un endroit mystérieux à la lisière de la ville, elle tomba cette fois sur un papier évoquant des disparitions de pokémons. La décolorée regarda autour d'elle avec un air surpris ; pourquoi une seule affiche en format A4 pour un tel sujet ? Ça sentait l'arnaque...
Elle marchait à fond.
Vai'ata décrocha le deuxième petit bout de papier affichant une adresse, puis s'y dirigea promptement, son agent au téléphone. Il aurait évidemment préféré qu'elle aile à sa soirée, mais qu'importe... il la connaissait assez pour savoir qu'elle ferait un choix aussi stupide.
Quand elle arriva sur les lieux, ils lui parurent totalement louches. La secrétaire n'était pas moins rassurante et tout semblait étrangement glauque. En somme ? Elle allait s'éclater !
Et donc... Vai'ata ne savait pas arriver dans un endroit en toute discrétion. Elle allait éviter les feux d'artifice ou la musique épique, et même la nuée humaine (avec trois personnes à tout casser dans les lieux, ç'eût été compliqué), mais elle n'était pas discrète du tout. Au moment d'entrée dans la salle d'attente, elle défonça presque la porte de son enthousiasme et baissa un regard lumineux vers la seule autre âme vivante des lieux.
» Bonjour ! Vous attendez également pour les pokémons disparus ?
Elle pénétra les lieux qu'elle observa rapidement avant de se tourner à nouveau vers lui. Elle avait tellement l'habitude d'être reconnue qu'elle oubliait une fois sur deux de se présenter (parfois, elle y pensait, vraiment !) et s'intéressait plus au vif du sujet qu'à l'identité de son interlocuteur. Là, en l'occurrence, la disparition de pokémons et toute cette mise en scène avait de quoi l'intriguer suffisamment pour lui faire momentanément oublier toute forme de politesse, outre le "bonjour".