La faim. C'était quelque chose qui suivait le monstre depuis longtemps. Cela avait toujours été ainsi, une guerre sans merci contre la famine. C'était vrai qu'à un moment, il avait eu un toit et un couvert. Mais le peu de souvenirs qu'il en avait s’estompaient au fil du temps. La faim, c'était quelque chose d'insoutenable, qui dévorait les entrailles, qui faisait un bruit énorme. Et qui faisait beaucoup maigrir. Et on est jamais rassasié, on a continuellement envie d'avoir quelque chose sous la dent, lorsqu'un petit morceau de pain passe dans bouche. C'était un sentiment horrible qui pouvait mener à la mort.

Alors, il se demanda, l'être putride qu'il était, pourquoi il respirait encore. Pourquoi cette envie de survivre était encore là. Peut-être parce que c'est humain, de vouloir se battre pour sa vie ? Mais était-il réellement humain ? C'était la question que se posait le jeune sans-abri. Il volait, voler pour se nourrir. Et on le punissait parce qu'il avait faim. Le monde était cruellement injuste.

C'est ce qu'il pensait. Et au fond de lui, Asmaël se détestait et il haïssait les autres, ceux de la société. Et la faim le poursuivait, encore une fois. Poussé par les grondements de son estomac, le monstre avait parcouru les poubelles et même quelques supermarchés de nuit. Il était doué, agile et discret malgré son aspect atypique. Il eut réussi à voler un morceau de viande cuite et deux petites baies. Et aussitôt, il avait rejoint sa sombre ruelle malfamée, là où personne n'allait parce qu'elle sentait la mort, parce qu'elle était mal éclairé. Et il pouvait se cacher là, afin de ne pas dévoiler son visage.

Le monstre décida de garder le bout de viande pour son amie. Elle ne devrait pas tarder de sa chasse non plus. Alors, il attrapa une de ces petites baies à la couleur de la mer et la déposa entre ses dents. C'était si peu mais de quoi lui redonner un peu d'énergie. Alors, Asmaël se mit à déchirer la viande, afin qu'elle soit plus facile à manger, avant qu'un petit miaulement attire son attention.

En quelques bonds, un chaton apparût dans la ruelle sale, sautant sur l'épaule du monstre avant de lâcher un petit sac de biscuits dans la main de celui-ci. Il tapota alors la tête du félin avant de se relever, fixant le contenu du paquet. Il n'y avait pas grand chose mais c'était assez pour avoir un bon repas du soir.

Jusqu'à ce qu'une voix les interpelle. Apparemment, elle en avait après Carcasse, le chaton. Mais il voulait reprendre son paquet. Son ancien petit sac à biscuits. Le sans-abri ne répondit pas, observant le nouveau venu. Une femme, apparemment, elle avait les cheveux longs. Et elle aussi, avait des coussins à la place des pectoraux. Quel était donc ce pacte entre les femmes de toujours mettre deux gros ballons sur leur torse ? Il secoua la tête avant de s'approcher du lampadaire, dévoilant alors son visage brûlé, cet aspect qui l'avait transformé à jamais en un monstre hideux.

- Et bien maintenant. Ceux sont mes biscuits.

Répondit le sans-abri d'une voix rauque, tentant d'être le plus menaçant possible pour effrayer la jeune femme. Il ne voulait pas qu'elle s'approche de lui, il ne voulait pas être traiter comme on le faisait si bien. Les bleus sur son corps étaient encore présent et il n'avait pas la force de se battre.

- Tout ce que vous laissez à Carcasse ou à moi, m'appartiennent.

Insinuant bien que puisqu'elle avait laisser ses biscuits sans surveillance et que la flamiaou avait volé, c'était désormais à eux. Ainsi était leur loi. Puis, son ventre se mit à gargouiller, dans un grand bruit qui laissa le monstre en suspens.

Son ventre résonnait dans la nuit claire. Comme un appel de détresse, d'envie. C'était toujours ce fichu sentiment qui le poussait à voler, à faire de nouvelles lois pour remplir l'estomac malheureux. Le zombie avait espérait avoir fait peur à l'inconnue, avec son visage balafré et brûlé mais non, à la place, cette idiote avait sorti un étrange tube pour remplir un verre d'un étrange liquide brun opaque. Du café ? Non, c'était plus clair. Puis un sachet de nourriture. Qu'essayait-elle de faire ? Le provoquer sur sa faim ?

Asmaël n'allait pas se laisser faire ainsi et recula d'un pas, prêt à prendre la fuite sur les toits. On ne l'achetait pas avec de la nourriture aussi facilement. Mais lorsqu'elle sortit finalement des biscuits et qu'elle les tendit à Carcasse, forcément, ça changea du tout au tout. L'animal se jeta carrément dessus, remuant avec joie sa queue alors qu'elle croqua à pleines dents dedans. Finalement, c'est le zombie qui décida enfin de s'approcher, comme une bête appâtée par la nourriture qu'on lui tendait. Sa main blessée alla attraper une des viennoiseries qu'il avait l'habitude de voir derrière les vitrines, le faisant souvent saliver. Il avait pu en goûter quelques uns quand il était encore avec son père adoptif et le goût lui manquait un peu.

Puis, après avoir pris une petite bouchée, Asmaël ne put se retenir, attrapa la moitié du sachet pour les engouffrer dans son œsophage, une larme coulant sur sa joue. Voilà des années qu'il n'avait pas pu manger autant et le sucre raviva quelques souvenirs de joie.

- Les rues sont ma maison. Je n'ai pas d'endroit fixe.

Finit-il par répondre avant de désigner une petite cabane faite de cartons et de couvertures sales, derrière les poubelles. À l'intérieur, un oeuf gisait, enseveli sous quelques tissus troués auquel l'odeur était nauséabonde. Depuis peu, le zombie n'osait bouger de cet endroit. Il avait trouvé ce futur petit être abandonné ici et il ne pouvait pas se résoudre à le laisser seul dans un endroit aussi glauque.

- Je n'ai pas si froid que ça. Mais la faim, si. J'ai tout le temps faim.

Marmonna-t-il avant de se retourner pour appeler une petite tribu de pokémons eux aussi sans abri. Le nosferapti et le smogo arrivèrent en silence, n'osant s'approcher de l'inconnue. Ils mourraient tous de faim et étaient tous aussi maigre que le flamiaou ou Asmaël.