Revivre des souvenirs.
Concept étrange que cette princesse de glace ne parvenait pas vraiment à comprendre, à assimiler. Elle qui pourtant quelque part vivait tout de même dans le passé fronçait les sourcils face à la scène se déroulant sous ses yeux. Autant elle essayait de comprendre; autant elle se disait que fallait seulement passer au-delà de la mort du compagnon. Déjà qu'elle ne parvenait pas à saisir comment on pouvait ainsi s'attacher à ces bêtes. Comment pouvait-on seulement ressentir un quelconque vide en les perdant ? Ça lui échappait totalement. Elle, elle cherchait toujours à les faire aller loin. Le plus loin possible de sa personne. Clairement, elle ne les appréciait pas dans son cercle personnel. Alors… comprendre qu'on puisse les pleurer ? Non, clairement, c'était hors de sa portée.

Heureusement pour cette demoiselle étrangère que le pokemon de l'enseignante se montrait beaucoup plus compatissant et empathique en acceptant de rejouer la scène, en étant gentil et affectueux. Écoutant attentivement ce que sa propre dresseuse écoutait d'une oreille. La journée s'annonçait terriblement longue et pénible pour Lyra.
On ne lui avait pas appris. On ne lui avait pas appris à penser aux autres, on ne lui avait pas appris à se mettre à la place de ceux qu'elle côtoyait. Bien au contraire, ses parents avaient toujours mis les désirs et besoins de cette poupée de verre en priorité, tout en l'isolant de tout ce qui pouvait la briser - soit le monde entier - qu'elle avait grandi choyée, en enfant roi quelque part. Même si elle avait toujours supporté de se faire dire "non" et qu'elle ne faisait pas de caprice - elle manquait cruellement d'empathie par moments.

Quand son pokemon sauta dans les bras de celle qui était venue demander leurs services, larmoyante, Lyra avait seulement lever les yeux au ciel sans rien dire de plus. Ce n'était pas son rôle de s'exprimer sur la situation. Seulement… de s'exécuter. Même s'il allait de soi que cette princesse de glace allait tout faire pour ne pas s'approcher du moindre pokémon. Ne jamais les toucher. Comme des décorations dans un musée : les regarder de loin. Ou mieux : ne pas les regarder, ne pas les voir. Toujours mieux.
Lyra avait observé les larmes sur le visage de cette inconnue dans une froideur qu’on ne lui reconnaissait pas. Qu’elle ne se reconnaissait pas elle-même, mais elle ne pouvait pas faire autrement. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas cette émotion à l’égard des pokémons, elle ne comprenait pas. Alors, elle ne cherchait pas à comprendre.

Lyra tourna la tête et salua d’un léger signe de main Ombline - dont elle connaissait le prénom grâce à la présentation que sa partenaire de la journée avait fait à son pokémon. Étrange façon de connaître le prénom d’une personne : parce que celle-ci l’avait donné à un Négapi. Quand Ombline qualifia Shunt d’un pokémon adorable, ce fut une grimace incertaine sur le visage de l’enseignante. « Adorable… n’est pas le terme que j’aurais employé. » Elle ne savait même pas le dit terme qu’elle aurait employé, mais certainement pas adorable. Les pokémons n’étaient pas adorables, ils étaient effrayants. Ils étaient un danger pour sa personne, un billet aller-simple pour l’hôpital, peut-être même la morgue tout dépendant comment ils la brisaient. « Je pense aussi. Vous avez fait du beau boulot, félicitation ! » Parce que ce n’était pas elle qui avait organisé la scène. Elle n’avait fait que suivre les indications d’Ombline, refusant de commander un pokémon. Qu’est-ce qu’elle aurait fait si son Négapi s’était rebellé et l’avait électrocuté ? Non, décidément, elle ne faisait pas confiance aux pokémons. Trop grand potentiel de la faire voler en éclats.

Ici, elle n’était pas dans son élément et elle remet en doute sa volonté d’essayer. Essayer de sortir de sa zone de confort - comme sa psychologue lui disait de faire. Remettait en doute toutes les motivations qui avaient fait en sorte qu’elle soit tout simplement présente. Soupir alors qu’elle sourit si légèrement à cette femme qui vient les remercier, sans répondre. Qu’aurait-elle à répondre ? Elle ne savait pas elle. Elle ne savait pas ce qui était coutume de dire dans une telle situation. Alors elle avait souri. Légèrement, doucement - dans toute la douceur qui lui revient - elle avait souri. Sans rien dire. Avant de se tourner vers sa camarade quand l’inconnue fut hors de leur champ de vision. « Il reste combien d’heures ? »
Lyra avait posé son regard sur l’emplacement aux notes nostalgiques - mais quelque part un peu glauques. Rejouer des moments passés, des êtres morts. Remuer les morts. Ce n’était jamais bon. Fallait les laisser dans leur tombe. Ça ne faisait que bouger les énergies négatives, et ça ne pouvait pas être bon. « Vous avez vraiment fait du bon travail avec elle et Shunt.. c’est admirable. » Elle aurait voulu, quelque part, pouvoir faire ce qu’Ombline avait accompli : travailler de pair avec Shunt pour apaiser un coeur. Quelque part, oui, elle aurait souhaité en avoir la capacité.

« Oui ? » fut la question qui franchit les lèvres de la princesse de glace quand un jeune homme se rapprocha d’elles, hésitant, regardant autour de lui comme s’il se trompait d’emplacement. Mais c’était bel et bien pour se vider le coeur qu’il était ici.
Après quelques secondes d’hésitation, il expliqua que son pokémon s’était enfui. Et que jamais il n’était parvenu à le retrouver. Il se mit en pleurer quand il expliqua qu’il ne s’était pas bien occupé de son pokémon, que ça lui arrivait de mal lui parler ou de l’engueuler, parce que son pokémon était un peu trop turbulent et que lui n’avait pas beaucoup de patience, alors il s’énervait.
Lyra le regarda et se tourna vers Ombline, totalement démunie, ne sachant pas quoi dire pour le réconforter. « Quel… quel est votre meilleur souvenir avec votre pokémon ? » fut tout ce qu’elle trouva à dire.