Son enfance fut tout à fait ordinaire, au point qu'il serait probablement superflu d'en faire un résumé détaillé. Tout ce qu'il faut en retenir, c'est qu'Eric naquit, grandit et étudia à Sunyra. C'est un pur produit de Lumiris, pour qui passer l'entièreté de sa vie au même endroit est une évidence.
Il fit carrière dans la comptabilité, à l'image de son père, car il s'agissait là d'une autre évidence : celle consistant à suivre le chemin que l'on avait tracé pour lui. Eric rêvait d'une vie paisible et rangée et c'est pourquoi il opta pour un métier plus lucratif qu'intéressant.
Là où tous les jeunes gens de sa génération rêvaient de pokémon et d'aventure, Eric songeait aux chiffres et au petit pavillon tranquille qu'il pourrait bientôt s'offrir, une fois sa carrière lancée.
En effet, Eric ne s'intéressa jamais aux pokémons et c'est encore le cas aujourd'hui. A dire vrai, s'il décida de se lancer dans la course aux badges et au titre prestigieux de « maître », c'est pour une toute autre raison.

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Eric franchit la porte du petit pavillon de banlieue à dix-neuf heures quarante précise, conformément à toutes les fois où il rentrait du travail sans faire de crochet par l'épicerie de quartier. Il déposa son cartable de cuir noir au pied des crochets muraux desquels on pendait les manteaux puis, après avoir soigneusement placé sa veste de costume sur un cintre, il rejoignit le salon.
Son regard se posa immédiatement sur le sous-pull en cashmere que Jessica avait abandonné en boule sur le canapé. Eric eut un petit sifflement désapprobateur. Il plia proprement le vêtement et le déposa sur l'accoudoir. C'est seulement à ce moment là que son visage se détendit. L'homme reporta alors son regard sur le salon parfaitement meublé, décoré avec goût et d'une propreté sans pareille : il sourit.
Mais alors, il remarqua une tache de café sur la table basse. Eric eut un nouveau sifflement et s'élança vers la cuisine à la vitesse de éclair, afin de prendre une éponge et faire disparaître l'horrible trace circulaire. Quand il eut fini, on entendit la porte d'entrer claquer. Eric releva la tête et vit passer Jessica en coup de vent. L'instant d'après, ce fut à la porte de la chambre de claquer. L'homme se redressa d'un air qui semblait dire « ça ne va pas se passer comme ça » et se dirigea à son tour vers la chambre, le petit pull en cashmere dans les bras.
« Jessica, si tu pouvais éviter de laisser traîner tes affaires partout !
S'exclama-t-il d'un ton furieux en brandissant le pull en évidence. Cependant, Jessica ne lui accorda aucune attention. Elle était en train de faire sa valise.
« Qu'est-ce que tu fais ? Tu pars en voyage ?
Demanda-t-il bêtement. Elle se tourna et lui adressa un regard courroucé.
« Je me tire Eric, j'en ai marre.
-Hein ? Mais de quoi ma biche ?
-De tout ! De cette vie parfaite, de tes manies débiles ! J'en peux plus,  j'ai pas signé pour ça.
Eric s'assit sur un coin du lit. Il paraissait sidéré.
« Mes manies débiles ? Répéta-t-il. Mais enfin, ce n'est pas trop demander que de ranger son pull au bon endroit.
-Ah, tait-toi hein ! Donne moi ça.
Elle lui prit le pull des mains et le jeta dans la valise.
« Alors tu me quittes ? Et le mariage ?
-Je ne sais pas, d'accord ?
-Mais enfin Jess, tu ne peux pas tout jeter en l'air sur un coup de tête ! J'ai travaillé dur pour t'offrir tout ça, je te signale.
Il dit cela en regardant le pull en cashmere, de nouveau froissé au fond de la valise, une expression de dépit sur le visage. Jessica s'interrompit pour l'observer.
« Tu crois qu'il suffit de me faire des cadeaux pour que je sois heureuse ?
-Oh, hé, tu me les demandes ces cadeaux, il ne faut pas exagérer.
Fit Eric d'un ton renfrogné.
« Peut-être, mais ça ne change pas le fond du problème.
-Le fond du problème, c'est que je me plie en quatre pour te faire plaisir, mais que tu n'es jamais contente.
Jessica lui lança un regard noir.
« Je regrette nos premières années, Eric. Avant, on s'amusait bien ensemble. On faisait des choses... Mais maintenant, notre vie, c'est quoi ? On est là, dans notre parfaite petite maison de banlieue, on ne partage plus rien.
Eric lui lança un regard stupide, il semblait passer à côté de ce qu'elle voulait dire et Jessica s'en aperçu. Elle soupira.
« Laisse tomber...
La jeune femme ferma sa valise d'un claquement sec et commença à la traîner sur le sol.
« Non, non ! Attends Jess ! S'exclama l'homme en se redressant d'un bond. Ma biche, je t'en prie, je prenons pas de décision à la hâte !
-Pousse toi.
Grogna-t-elle.
« Jess, chérie, on était sur le point de se marier, tu ne peux pas partir sans me laisser une dernière chance de rattraper le coup !
La jeune femme laissa échapper un profond soupir. Elle prit un moment pour aviser Eric de la tête aux pieds.
« Si tu veux que je reste, il va falloir me prouver que tu es prêt à changer.
-Tout ce que tu voudras !
Dit-il d'un ton plein d'espoir. Elle laissa s'égrainer quelques secondes, l'air de réfléchir.
« Je veux que tu fasses une chose que tu n'aurais jamais fait d'habitude. Quelque chose de vraiment osé. A l'opposé de ton caractère.
-Tout ce que tu veux, tu n'as qu'à me dire !
Jessica croisa les bras sur sa poitrine. Au même moment, Monsieur Poutine fit son entrée dans la chambre. Il vint se frotter paresseusement à la jambe de sa maîtresse et lui adressa un miaulement mou, tandis que cette dernière le considérait attentivement. Finalement, Jessica releva les yeux en direction d'Eric et esquissa un sourire mauvais.
« Hé bien quoi ?
Dit-il. La jeune femme ne pipa mot et se dirigea vers la commode, afin d'en tirer une de ces casquettes publicitaire que l'on distribue à l'occasion de la ligue pokémon. Elle la lança à Eric sans plus d'explication.
« Quoi ? Tu veux... Jessica sourit de plus belle et haussa un sourcil en guise de réponse. L'homme eut un instant de réalisation. Oh seigneur...