Malgré son comportement d'ado, Ophélia est comme un bambin. À chaque fois que nous allons à la Plage Mystique, le pingouin est tout excité ! L'eau est son élément favori et aujourd'hui, elle va pouvoir jouer comme une folle, d'autant plus qu'une expédition surprise se planifie.

Une fois arrivée, je déballe tout mon matériel sur la plage. Sans m'attendre d'avantage, Ophé' se jette dans l'océan pour ne plus en sortir. Je pousse un soupir attendri avant de me déshabiller et checker consciencieusement mon matos.

« Ok, le bloc de plongée je l'ai ... La combinaison, y'a pas besoin tell'ment y fait chaud ... Le masque, les palmes ... Niquel tout y est ! »

En réajustant mon maillot de bain, je contemple l'horizon. Le soleil commence doucement à se coucher sur les vagues tandis que la température ne chute toujours pas. Un plongeon attractif pendant la canicule, quelle bonne idée ! Je m'équipe à la vitesse de la lumière avant de rejoindre mon pingouin dans les fonds marins.

« Attends moi Ophééé' ! »

Ainsi, la sirène brune que je suis disparais dans l'écume.

J'ai l'impression de pénétrer dans un univers parallèle : tout est si paisible. Malgré l'eau verdâtre, le décor marin reste incroyable et plus je m'éloigne de la rive, plus le paysage se précise. Après plusieurs minutes à explorer les alentours, je retrouve mon pingouin favori en train de tournoyer et filer à fond la caisse. Je glousse gaiement en applaudissant ses exploits. J'aimerai la complimenter mais sous l'eau c'est inutile, sachant qu'Ophélia connait par cœur mes réactions et qu'elle peut lire ma gestuelle comme un livre ouvert. La Prinplouf, l'air de rien, me tourne le dos afin que je puisse m'agripper à elle. Sans réfléchir davantage, je me colle au pingouin en la câlinant par la même occasion. Une fois bien attachée, mon pokémon eau plonge entre deux immenses roches.

(Pas trop profond quand même, je voudrai pas risquer ma santé ma belle ...)

Parler est difficile mais crocheter ses doigts sur la nageoire du pingouin lui suffit à saisir le message. C'est avec une douceur exceptionnelle qu'Ophélia m'entraîne jusqu'au plancher océanique.

Doucement, nous descendons comme si on prend l'ascenseur. Je contemple les jolis pokémons poissons se faufilant dans mon champ de vision et je profite de cette apesenteur me berçant comme un bébé. Mon corps se décontracte et mon esprit se relâche. Cette confiance et ce bien-être me donnent le culot d'essayer de choper les écayons qui nagent.

Soudain, un gigantesque amas bleuté surgit à travers l'eau trouble. Il semble se rapprocher de nous, comme si nos chemins sont destinés à se croiser. Quelque chose au sommet de cette roche attire nos pupilles cupides : c'est un objet brillant à peine identifiable à cause de la faible luminosité.

(Ophélia ... T'as vu ce truc ? Faut qu'on aille voir c'que c'est !)

Bien décidée à aller le choper, Ophélia pique à toute vitesse vers son trophée. Mais lorsque nous atteignons de peu l'objet notre convoitise, celui-ci file entre nos pattes, tombant comme une pierre vers les tréfonds de l'océan. C'est sans crier gare que Prinplouf m'abandonne lâchement pour carburer vers son trésor. Pendant ce temps, je réalise que la falaise bleutée n'en est pas une car elle s'avère être un monstrueux Waillord ! Et il est très mal léché. C'est la grosse mouise là.

« BLBLBLBLBLBL »

Digne d'un épisode cartoon, je hurle comme une folle en courant dans le vide car dans le stress, mes jambes se mettent à carapater alors que je suis au beau milieu de l'océan. Quand le Waillord ouvre sa grande gueule, mes compétences de nageuse rejaillissent et je brasse comme jamais jusqu'à dégoter une cachette.

Après de longues minutes de nages-poursuites épuisantes, une entaille dans la falaise vient me libérer de mon sort. Le Waillord se cogne contre la paroi, frustré de ne pas pouvoir atteindre sa proie. Une chance que personne ne peut me voir me pisser dessus ...

Alors que l'oxygène de ma bouteille se vide à vue d'œil, je me prostre dans le petit coin en chouinant ma future mort. Cette dernière est originale mais bien trop humiliante pour la fin héroïque que j'espère avoir.

Puis, un miracle se produit : quelque chose heurte férocement le colosse marin avant de se faire laminer à coup de Picpic, Laser Glace et Toxic. Le pauvre Monstro, étourdi, ne fait plus attention à sa victime se faisant délivrer par son assaillant. Très vite, les deux perturbateurs se propulsent à la surface en disparaissant dans la lumière.

***

« Pfouaaah, un truc de dingue ! »

Toute essoufflée, j'atteins la plage en compagnie de mon Prinplouf. Enfin atterrie, toute la pression se relâche par un rire à gorge déployée.

« C'était n'importe quoi ! Pourtant ça commençait bien ... Mais c'truc il m'a foutu les chocottes ... J'ai jamais vu de Waillord dans ma vie moi ! »

Allongée dans le sable humide, je redresse mon buste en me tournant vers Ophélia. Cette dernière semble tenir le trésor aperçu plus tôt.

« Woaw Ophé' t'as géré ... T'as réussi à le récupérer tout en m'ayant sauvé ! T'es vraiment la meilleure. »

À coup sûr, cela va être difficile de la convaincre de retirer ce truc du bec, sauf si c'est une canne à pêche ou un bibelot sans valeur. En tout cas, c'est une escapade qui nous a bien plu – même si elle ne le montre pas je sais qu'Ophélia a adoré – et je compte bien m'y remettre dans différents endroits de la région !

La mer est si calme aujourd'hui. À la surface, seul les braillements des Békipans résonnent à l'horizon. Sauf que dans l'océan, l'ambiance n'est pas la même.

(Ophélia, utilise Saumure! blblbl)

La plus belle et la plus élégante de toutes les Pingoléons génère une sphère bleue dévastatrice avant de la balancer sur une falaise, trônant dans les fonds marins. Un bruit sourd et un tremblement effrayant grondent dans la mer entraînant la chute importante de la grosse pierre.

Je me précipite sur mon impératrice en caressant ses palmes soyeuses. Embarrassée par mes cajoleries, elle n'est pas moins fière de ses prouesses. Sous l'eau, tout lui semble plus facile, plus fluide et plus esthétique. Elle pourrait vivre ici, loin de cette maîtresse infantilisante pour mener la belle vie, manger les crustacés et la poiscaille qu'elle souhaite, copuler avec un beau mâle vigoureux et tout cela loin du vacarme de la terre ferme.

C'est pour cela que le lendemain, Ophélia tente une fugue. Même si cela s'avère être un échec, elle veut voir ce qu'est le quotidien d'un pokémon sauvage.

Au petit matin ...

Ophélia était déjà partie.

Je peux vous dire que c'est le réveil le plus angoissant de toute mon existence. J'ai passé la majorité de ma vie avec ce pokémon qui est le dernier souvenir de mon papa : si il lui arrive malheur, je m'en voudrai jusqu'à ma mort. C'est pour cela que je ne perds pas de temps : malgré le froid glacial d'une matinée de novembre, je fonce à l'école de Surf pour leur expliquer mon affolement. Connaissant bien les personnes qui y travaillent, le personnel n'a aucun mal à m'écouter me proposant même leur aide pour retrouver mon pokémon.

« J-je suis convaincue qu'elle est partie dans la mer. Hier soir elle avait du mal à partir ... et je l'ai senti de plus en plus distante avec moi … et ... »

Brandon et son fidèle Phogleur me rassurent comme ils peuvent. Ils se sont dévoués à la tâche et ne compte pas rentrer au bercail sans ma précieuse Ophélia. Malgré ce réconfort, mon visage reste livide et mes paupières sont gonflés à cause des larmes discrètes qui roulent sur mes joues.

***

Dans un petit bateau à moteur, nous quittons la côte. Je tire sur ma cinquième cigarette en contemplant tristement le ciel gris et brumeux. Une multitude de questions et de reproches se bousculent dans ma tête : pourquoi est-elle partie ? Est-ce à cause de moi ? Suis-je une si mauvaise dresseuse pour que le pokémon que j'affectionne le plus se fasse la malle ? Brandon essaie tant bien que mal de détendre l'atmosphère mais il est impossible pour moi de me défaire de ces ruminations.

C'est une fois arrivée au milieu de nulle part que j'écrase ma cigarette dans mon cendrier de poche. Le vent polaire me dissuade d'ôter mon gros manteau chaud mais ce n'est clairement pas cela qui va m'arrêter. En attendant que mon acolyte prépare le matériel et m'explique son plan d'exploration, je me désape pour laisser place à ma combinaison de plongée préalablement enfilée. Dès que tout est réglé, nous ne patientons pas une minute de plus avant de se jeter tous les trois à l’eau.

Pendant ce temps-là ...

Ophélia vivait sa meilleure vie.

Qu’est-ce que c’est bon la vie sous-marine ! Il n’y a personne pour vous casser les bonbons, de la nourriture à foison et un décor idyllique ! Ophélia tourbillonne gaiement en dansant comme une déesse à la vue de tous. Tout le monde doit savoir qu’ici vit l’impératrice acier et que tous lui doivent respect et soumission. Soudain, son petit ventre se met à gargouiller. Hier soir elle n’a pas touché à sa gamelle pensant que la nourriture est plus qualitative dans l’océan.

Après des minutes interminables à chercher de quoi graille, Ophélia ne tombe que sur de vieux déchets humains où des carcasses d’Écayon sont encore coincés dans des bouteilles en plastique.  C’est dans une petite grotte coincée entre deux roches qu’Ophélia découvre le royaume des Froussardines. Leurs écailles illuminent l’antre donnant un aspect plus féeriques à la scène. Les babines mouillées, l’impératrice s’apprête à se mettre à table, pensant être la seule à avoir découvert ce nid à nourriture.

Mon cœur se met à battre la chamade. J'essaie de contrôler comme je peux mon souffle mais mes inquiétudes paralysent mon corps. Accrochés au Phogleur, notre mobilité est plus fluide et rapide ce qui nous permet de fouiller au plus vite les recoins de l'océan. Ceci dit, le monde sous-marin est infiniment grand et trouver un Pingoléon dans l'obscurité complique la tâche.

Je ne perds cependant pas espoir. Connaissant Ophélia comme mon enfant, je sais d'office qu'elle irait se dégoter un garde manger creusé dans la roche et à l'abri des regards. Angoissant à l'idée qu'elle fasse de mauvaises rencontres, je mets la pression au pauvre Brandon qui fait de son mieux pour nous guider dans les ténèbres.

( Brandon, faut qu'on aille plus vite ! Je suis sûre qu'elle est en danger !)

Le gars tourne sa tête vers moi, l'air désolé. Une chance que ce mec est une crème pour supporter une hystérique comme moi.

(On va essayer d'aller par là, ici y'a pas mal de petites grottes mais c'est vachement risqué, c'est là où vive les Hastacudas et ils sont très territoriales ...)

Je suis bien consciente que la mer n'abrite pas que des pokémons inoffensifs. Un Phogleur contre un peuple d'Hastacuda ne risque pas de faire le poids mais peut-être qu'avec Choupet nous allons renverser la tendance.

Je détache la pokéball de ma ceinture avant de l'envoyer dans les flots. Une splendide anguille apparaît, se tortillant et volant avec grâce et volupté. Le peu de lumière qui traverse l'eau se reflètent sur ses écailles jaunes, brillant comme des bijoux. Malgré ses airs patibulaires, Choupet est le Lampéroie le plus doux, le plus beau et le plus gentil qui soit.

Son enthousiasme et son amour réconforte mon âme en peine et me donne du courage pour affronter l'antre des Hastacudas. Maintenant agrippée à l'aileron de mon Lampéroie, je hoche la tête comme pour envoyer un signal à Brandon. Déterminés, nous pénétrons dans l'abîme.

***

Ophélia a une pointe de regrets. Tailladée sur tout le corps, le Pingoléon ne fait pas le poids contre trois pokémons agressifs. Ces derniers ne ménagent pas leur coups, passant à tabac les intrus osant pénétrer leur terter.

Épuisée, l'impératrice abandonne la bataille. Habituellement, Manon la ramène à la maison pour la soigner et la dorloter. Or, là, abandonner signifie dépérir.

‘‘ Mais qu'est-ce qui me prend ? Ch'ui pas comme ça, d'habitude jamais personne n'arrive à me mettre dans cet état ... ’’

Sa douleur l'empêche de réfléchir d'avantage. Au lieu de s'enfuir, Ophélia est prostrée dans un coin en pleurnichant tandis que ses assaillants la pousse à bout. Cette scène lui rappelle un souvenir très lointain.

Cela remontait quand elle n'était qu'un Tiplouf. Là aussi Ophélia tenta de fuguer pour découvrir le monde extérieur. Hélas, elle fut prise en embuscade par une armée de Poichigeon et ce ne fut qu'au moment où Tiplouf appela sa maîtresse que cette dernière surgit. Même si Manon n'était qu'une petite fille, elle se débrouilla pour protéger son être cher par ses propres moyens. Ophélia se souvint que sa dresseuse avait apporté du déo et un briquet pour cramer chasser les satanés pigeons. C'est la première fois que la Tiplouf trouvait Manon aussi cool ...

***

Un Rugissement très familier parvient à nos oreilles. Nous nous stoppons un instant pour identifier et localiser ce cri : je suis absolument convaincue que nous avons entendu Ophélia et qu'elle est dans le coin ! Les facultés de Lampéroie et Phogleur nous amène droit dans une grotte d'apparence vide mais qui s'avère très vite être l'endroit que nous cherchons.

( Ophélia !)

La lampe torche et les tâches lumineuses de Lampéroie éclaire la scène de drame : trois Hastacudas s'acharnent sur un Pingoléon en PLS dans l'obscurité. Ma colère se transmet instantanément à Choupet qui a la peau de plus en plus électrifiée. Mon regard noir suffit au pokémon électrique pour se jeter sur l'un des poissons avant de le carboniser. Les deux autres Hastacudas tentent de libérer leur pote mais Phogleur et moi-même ne les laissons pas faire. Pendant ce temps là, Brandon qui a l'habitude de secourir des pokémons en détresse attrape Ophélia avant de l'éloigner de ses agresseurs. Inutile de se déchaîner davantage sur les Hastacudas parce qu'à ce rythme, toute la famille va rappliquer et nous n'aurons plus aucune chance de remonter à la surface. Pendant que le Phogleur remonte avec Ophélia et son maître, je décide avec Choupet de faire diversion en mettant ses compétences à l'épreuve.

( Chouchou, utilise Rayon Chargé !)

À force d'utiliser la même attaque dans un lieu extrêmement conductible, les Hastacudas sont mit hors d'état de nuire le temps de quitter les abysses. Enfin, nous rattrapons nos partenaires le cœur soulagé de l'angoisse.

***

La mer n'est plus si calme aujourd'hui. À la surface, seuls les pleurs d'une dresseuse en peine résonne à l'horizon.

Ophélia est grièvement blessée. N'ayant pu reprendre sa respiration à temps, le pokémon a bu la tasse ce qui explique le fait qu'elle a arrêté de se défendre.

Brandon nous conduit fissa au Centre Pokémon de Mirawen. Pendant ce temps, mes mirettes inondées de larme ne quitte pas celle d'Ophélia.

« T'es vraiment conne Ophélia ... Vraiment t'es une p'tite conne ... »

L'impératrice, toujours consciente, dégueule enfin l'eau qu'elle a dans l'estomac. Étonnamment, elle recrache une étrange pierre qui mérite mon attention. J'irai l'examiner plus tard, en attendant je souhaite qu'une seule chose : que cette abrutie de Pingoléon se fasse soigner.

« Tu sais très bien que je me mets dans des états pas possibles quand tu es loin de moi, alors s'il te plaît ... »

Je colle mon front contre le sien avant de lui dire entre deux sanglots :

« Ne part pas sans rien me dire. Si tu veux plus de moi ... tu as juste à me le dire. Je t'en aurais pas voulu. J'aurai compris ... mais j't'aurai pas laissé partir comme ça dans un endroit si risqué. »

Je me relève en essuyant mes yeux irrités.

« Moi j'veux juste que tu sois heureuse, que tu m'explique les choses parce que je ... j'peux pas comprendre si tu m'dis rien ! »

Le Pingoléon à moitié comateux comprend parfaitement les paroles de sa maîtresse. Malgré son état, l'impératrice réalise à quel point sa dresseuse tient à elle. Cette affection qu'Ophélia préfère nier ou dévaloriser est en fait celle qui l'a amené à devenir la magnifique danseuse qu'elle a toujours rêvé d'être.

C'est donc par pur esprit de contradiction et par amour que l'impératrice préfère rester à mes côtés. Elle me le fait comprendre en m'invitant à me blottir contre elle. Comme un gros bébé, j'en profite pour décharger toutes mes émotions en chialant sur sa poitrine pendant que Pingoléon me patpat gentiment la tête.