Déjà bien ancré dans sa journée, Amaury venait de poser le dernier chocolat dans un assortiment qu’une cliente de passage lui avait commandé. Il ajouta au petit paquet un joli ruban rouge qu’il noua en une petite cocarde. Voilà qui ravirait sans doute la personne à qui il était destiné. Le jeune homme offrit un sourire aimable à la cliente qui régla sa consommation ainsi que le paquet avant de sortir.

S’étirant discrètement, le chocolatier passa rapidement en salle, s’assurant que personne ne manquait de rien et retourna ensuite derrière le comptoir pour vérifier où en était ses stocks. Les chocolats partaient rudement bien ce jour-ci et il devrait bientôt reporter les commandes au lendemain. Beaucoup de travail en perspective mais le salon de thé tournait à plein régime et c’était tout ce que voulait Amaury.

Il s’arrêta un instant pour regarder la salle dans son ensemble. Qu’est-ce qu’il aurait aimé que ses parents soient là pour voir ça. Pour voir ce qu’était devenu leur fils et ses rêves d’enfants. Malheureusement ils étaient bien trop occupés avec leur propre travail pour cela. Il espérait cependant bientôt la visite de ses frères et de sa petite sœur. Ils lui manquaient tant, à part peut-être les bêtises incessantes d’Edward. Plongé dans ses pensées, il ne s’était pas rendu compte qu’il s’était accoudé au comptoir, le menton dans une main. Ce n’est que lorsqu’on le héla qu’il reprit ses esprits. Aussitôt, l’air rêveur du garçon disparu, laissant place au sourire professionnel mais néanmoins sincère du propriétaire de l’établissement.

“Un autre café ? Mais bien sûr Madame, je vous apporte cela de suite. Vous faut-il autre chose ? Je peux vous conseiller les tartelettes aux fruits de saisons ou quelques échantillons chocolatés de notre collection fruitée.”

“Juste un café Amaury je vous prie. Vos entremets sont délicieux mais si je vous écoutais jeune homme, je finirais par prendre quinze kilos par jour !”

La vieille femme, une habituée du salon, se mit à rire. Elle ne tarissait jamais d’éloges sur Amaury et son salon de thé, louant tantôt le raffinement et l’éducation du jeune homme, tantôt l’odeur et l’ambiance tranquille du salon de thé et tantôt le goût des boissons et mets proposés. Cette dame venait tous les jours avec son Cotovol qui passait lui-même son temps à jouer avec Crèmy.

Amaury aimait cette constante, lui qui n’était pas un grand fan des surprises, savoir que cette cliente venait tous les jours apportait une sorte de stabilité qu’il appréciait. Les clients fidèles et réguliers étaient définitivement ceux qu’il préférait. Aussi, il discuta poliment avec le vieille femme tout en lui préparant puis en lui apportant son café, bien serré comme elle l’aimait avant de retourner à ses occupations.

Repassé derrière le comptoir après son échange avec la cliente au Cotovol, Amaury met un peu d’ordre. Ce n’est pas son truc et l’état actuel du comptoir était bien là pour le prouver. Cependant il fallait que le salon de thé soit clean, surtout les parties visibles à la clientèle, comme le comptoir. Le jeune homme s’appliqua alors à prendre quelques minutes pour jeter à la poubelle ce qui devait l’être, mettre la vaisselle en cuisine et nettoyer les quelques tâches qu’il avait pu malencontreusement faire à droite à gauche. Il devait en profiter tant que les clients n’avaient pas spécialement besoin de lui, sinon il se retrouverait bientôt submergé. Concentré dans sa tâche, il faillit oublier une nouvelle tournée de pâtisseries qui cuisait au four et se précipita soudain vers la cuisine sous le regard curieux et amusé des habitués afin d’éteindre le four avant que tout ne soit brûlé.

Lorsqu’il posa la plaque brûlante sur le plan de travail, Amaury soupira et se passa une main sur le front, c’était moins une...Il examina les entremets pour vérifier qu’ils étaient tous en bon état et entreprit de les laisser refroidir un peu. Quand ce serait moins chaud il pourrait s’atteler à la garniture. En attendant, il pouvait retourner dans la salle principale et réfléchir à ses prochaines créations dont il faisait un croquis sur un carnet accompagné de petites notes ici et là pour ne pas oublier quand il mettrait la main à la pâte.

Accoudé au comptoir, la main dans le menton alors qu’il griffonnait distraitement, le chocolatier releva la tête au tintement de la clochette d’entrée suivi par un “Bonjour” bien familier. Un sourire éclaira le visage du jeune homme lorsqu’il reconnut la nouvelle arrivante. Une autre de ses clientes les plus fidèles. Il rangea alors son calepin et fit un signe de la main à la jeune femme alors qu’elle s’approchait du comptoir.

“Bonjour Ketty ! Quelle bonne surprise, ça faisait un moment que je ne t’avais pas vue par ici ! Comment vont les affaires ?”

Le jeune homme se pencha légèrement au-dessus du comptoir pour apercevoir Hydrogène, le Goupix d’Alola de Ketty et lui faire à lui aussi un signe de la main.

“Salut Hydrogène ! C’est toi qui m’a ramené ta maîtresse ? Tu as bien fait, je commençais à croire qu’elle me boudait !”

Un doux sourire aux lèvres, Amaury ne put s’empêcher d’observer quelques secondes le Goupix d’Alola en silence, fasciné. Puis Crèmy débarqua comme une folle, virevoltant dans tous les sens autour de Ketty et d’Hydrogène, bien contente de les revoir. Cela fit rire le chocolatier qui reprit ensuite son sérieux, reportant son attention sur sa cliente.

“Alors dis-moi ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Je te sers quelque chose ?”

Ca lui faisait toujours aussi bizarre de tutoyer Ketty, surtout au salon de thé. Il manquait toujours de la vouvoyer et avait mis bien du temps avant de réussir à utiliser le tutoiement. Cependant, cela faisait maintenant un bon moment qu’ils se connaissaient alors c’était un peu plus facile. Un peu.

Comme deux amies qui ne s’étaient pas vues depuis bien trop longtemps, Effie et Hydrogène se faisaient la fête. L’une en virevoltant partout, l’autre en fanfaronnant et en faisant voleter de petits flocons de neige. Amaury observa les deux Pokémons dans un sourire puis haussa les épaules, peu importait s’il y avait de la neige dans le salon de thé ou un peu de bazar. Après tout, cet endroit est un lieu certes calme mais aussi plein de vie et il se voyait mal ternir la joie de ces retrouvailles.

“Oh oui bien trop longtemps ! Tu devrais laisser ta compagne t’amener plus souvent ici !”

Le chocolatier jeta un énième coup d'œil à la Goupix d’Alola et à la petite Crèmy avant de reporter son attention sur Ketty qui s’était accoudée au comptoir juste en face de lui, le sourire aux lèvres. Elle lui expliqua alors le pourquoi de sa longue absence. Beaucoup de travail. Amaury s’en doutait quelque part, néanmoins il était vraiment heureux de revoir la jeune femme.

“Ne t’en fais pas je plaisantais ! Je me doutais que tu devais être bien occupée pour ne plus te montrer ici. Tu devrais lever le pied tu sais, c’est pas bon de se noyer dans le travail.”

Malgré son ton léger, Amaury était sérieux. Il n’était cependant pas le mieux placé pour dire à quelqu’un de lever le pied sur le travail, lui qui ne comptait pas ses heures pour faire tourner son salon de thé, mais la différence était que lui était son propre patron, s’il voulait fermer temporairement le salon de thé pour prendre des vacances il pouvait le faire à n’importe quel moment, même s’il s’y sentait beaucoup trop bien pour faire ça souvent ou longtemps.

“Hop c’est parti ! Et un chocolat chaud avec son gâteau pour la demoiselle !”

Avec entrain, il tourna le dos à la jeune femme pour pouvoir lui préparer son chocolat chaud qu’il versa dans un mug de Noël. Puis il déposa la tasse fumante sur le comptoir et gagna la vitrine réfrigérée pour en sortir un petit gâteau trois chocolats qu’il posa à côté de la boisson chaude.

“Et voilà, madame est servie !”

D’une petite révérence, Amaury se mit à rire légèrement avant de jeter un coup d'œil circulaire au salon de thé. Personne ne semblait avoir besoin de lui dans l’immédiat et il en profita alors pour se faire lui aussi un chocolat chaud à déguster en compagnie de Ketty.

“D’ailleurs tu ne bosses pas aujourd’hui du coup ?”

Il termina de préparer sa propre boisson et revint s’accouder au comptoir pour papoter tranquillement.