Les policiers m'ont posé des questions. Plusieurs questions. Au début, je n'ai su que bafouiller. Je ne savais pas ce que je faisais là. Je ne savais pas où j'étais. J'étais complètement perdue. Puis un infirmier est venu à mon secours. Il m'a donné une couverture, et il a fait remarqué que j'étais blessée et en pyjama au policier, probablement en état de choc.

Choc.

Ce moment m'a fait sursauter. J'avais les yeux écarquillés depuis que j'étais sortie de l'immeuble maintenant en flamme malgré les efforts des pompiers. Je n'avais plus mal, nul part. J'avais froid et frissonnait. Les policiers se sont excusés mais un d'entre eux est resté près de moi. On m'a allongée sur une civière, on s'est occupé de ma jambe. Je me souviens avoir eu mal. Puis ils ont voulu me sangler pour le trajet, pour éviter que je ne bouge.

J'ai hurlé. Je me suis débattue. Je ne voulais pas être attachée. Je ne voulais pas que l'autre vienne et me surprenne sans défense. En me débattant, je me faisais mal. Ma jambe m'a fait mal, terriblement mal. Finalement, on est venu me parler, m'expliquer gentiment, calmement. J'ai juste répondu que j'avais mal. Alors, on m'a donné un médicament.

Quand j'ai rouvert les yeux, j'étais à l'hôpital. Comment est-ce que j'ai reconnu l'hôpital ? Les murs, blanc, le lit, la table, le fauteuil, tout respirer l'hôpital. Je me sentais plutôt bien. Je n'avais mal null part et je sentais des vague de chaleur dans tout mon corps.

Quelque chose me gênait sur ma jambe droite et c'est là que j'ai découvert un platre. Et l'horreur revint. Hier et cette nuit n'était pas un cauchemar, c'était bien vrai. Toute la course-poursuite, le garçon, l'incendie. Je me suis mise à pleurer. On vint me rassurer, me dire que tout était fini. Des policiers sont revenus pour me demander de tout leur raconter. Ce que j'ai fait. Avec beaucoup de détail, et très vite. Je ne sais pas qui est ce garçon, ni ce qu'il me voulait.

Il est dangereux et fou. Pourtant j'ai tout de même demandé ce qu'il était devenu, où il était. Les policiers m'ont dit qu'il était dans une autre chambre et surveillé. Alors j'ai demandé quelque chose de fou.

Je veux le voir.

Il y a eu de l'incompréhension dans le regard des policiers.

Je veux le voir, car il me terrifie, et je ne veux pas qu'il me hante. Il m'a poursuivie tout le temps, depuis hier. Je veux le voir inconscient, je veux le voir faillible. Sinon j'aurai peur de chaque recoin d'ombre, de chaque bruit dans la rue, ou de chaque passant.

Je travaille dans un café, je ne peux pas sursauter à chaque bruit de cuillère. Je ne sais pas qui est ce garçon, mais depuis qu'il est venu dans ma vie hier, il a envahi mon espace. Il faut que ça cesse, il faut que je le confronte.

Les policiers discutent avant de hocher la tête.

On m'a apporté un fauteuil roulant. J'aurai préféré être debout. Mais je me sentais trop faible pour marcher. En me glisser doucement dans le fauteuil, je remarque les bandages et les pansements partout sur mon corps. J'ai eu de nombreuses coupures en forçant la fenêtre.

En remontant le couloir, un des policiers m'a dit que si mon histoire s'avère vraie, ce qui est pour l'instant le cas car d'après leurs informations, j'ai bien eu à faire au garçon hier et la porte de chez moi a bien été fracturé, il n'y aura aucune poursuite contre moi, mais toute contre lui. Et il faudra que je porte plainte aussi.

Je n'ai jamais porté plainte. Pour moi, ça n'arrive qu'aux autres, ou dans les les films. Qu'est-ce que ça pourrait bien faire de toute manière ? Ils ont des preuves de tout contre lui. Une plainte de plus ou de moins, il va être puni.

Nous rentrons dans sa chambre au moment où il se réveille. Il s'agite, il crie. Pourquoi est-ce qu'il m'appelle sorcière. Le voir dans cet état chasse la peur et la remplace par de la colère. Je me lève, une fois près de son lit.

Tais-toi ! Mes yeux violet lancent des éclairs. Je ne sais pas qui tu es ! Je ne te connais pas et je ne t'ai rien fait. Je te déteste et tu me dégoûtes. Sors de ma vie.

Je lui hurle dessus et vacille. On vient me soutenir.

Je t'ai sauvé la vie dans l'incendie. Alors pour me remercier, disparaît. Va agresser quelqu'un d'autre.

Je sursaute alors qu'il se remet à crier. Mon masque de colère et de froid tombe immédiatement. Il m'a fallu longtemps pour réussir à masquer ma peur, et avoir assez de courage pour faire face. Du temps et deux policiers qui marchaient à mes côtés. Hélas, ils sont à l'entrée de la pièce, et je suis plus proche du garçon fou que des deux hommes.

Une autre que moi lui aurait répondu avec mépris et une surprise feinte qu'elle ne savait pas qu'il avait un cœur. Car ce garçon est complètement fou. Il a essayé de m'enlever, il m'a menacé, m'a poursuivi jusque chez moi. Il a pénétré dans mon appartement par la force et m'a poursuivi sur les toits. J'ai la jambe cassé par sa faute et un trop grand nombre de coupures plus ou moins profonde.

Cet homme est le mal. Il est le mal insidieux, celui qui ronge et qui détruit.

Il crie après quelque chose, quelqu'un. Mozart ? Certainement pas le compositeur. Son Pokémon alors ? Il a peut que son ami soit mort. Je devrai le prendre en pitié. Plus que tout autre, je devrai comprendre ce que c'est que de perdre un être cher, de vivre sans personne pour nous aimer. Sauf qu'il ne m'inspire que dégoût.

Je le regarde se recroqueviller de nouveau. Il faudrait que je le réconforte, que je le rassure. Je sais que ses Pokémons sont vivants. L'incendie ne les a pas laissés indemnes, mais ils sont vivants. Mais non, il ne mérite pas de réconfort. Il mérite de comprendre.

Par ta faute.

Je laisse tomber cette phrase d'une petite voix. Dans ma tête, quelqu'un hurle de ne pas faire ça. Que c'est cruel, que c'est ignoble. Mais ce qu'il a fait, ce qu'il m'a fait aussi est ignoble. Il mérite de souffrir. Il mérite de souffrir autant que j'ai souffert et que je vais souffrir, à vivre dans la peur que le cauchemars ne recommence.

C'est par ta faute. Dis-je plus fort. C'est toi qui lui a demandé de te suivre. C'est toi qui m'a poursuivi, en me voulant du mal. C'est par ta faute, ce qui se passe. Tu as tué ton Pokémon. Tu as tué tes Pokémons parce que tu es un être cruel et mauvais et que personne ne pourra t'aimer, jamais. Et aucune sorcière ne voudrait t'ensorceler. Parce que tu es un être ignoble !

Je me suis mise à crier et les policiers sont venus me sortir, alors que je l'insultais en pleurant de rage et de tristesse. Je voudrai qu'il souffre, plus qu'il ne pourrait endurer puis qu'il souffre encore, jusqu'à en mourir, et qu'il y survive, pour souffrir encore plus.

On me force à me rassoir dans le fauteuil et on me pousse dehors. Je ne peux rien faire d’autres que lui hurler dessus, lui cracher de la culpabilité à la figure. J’ai ouvert une vanne que je ne peux pas fermer. Toute cette peur, cette frustration, cette incompréhension. Cette colère. Je venais de passer une journée et une nuit abominable. Rien n’avait été aussi atroce de ma vie. Ce garçon méritait de souffrir. Il devait souffrir pour que jamais plus il ne recommence.

Une infirmière entre dans la chambre alors qu’on me sort de force et elle me regarde avec sévérité. La porte fermait je retombe en larme en tremblant. On s’inquiète de mon état. Comme si je pouvais aller bien. Bien sûr que non. On n’aurait jamais dû me laisser le voir. Je n’étais pas prête. Je ne voulais pas tout ça. Tout ce que je voulais, c’était avoir une journée de travail tranquille, rentrer chez moi, relire mes cours, lire mon roman et dormir pour repartir travailler le matin avant d’aller à l’université. A la place, j’ai vécu un cauchemar qui ne semble jamais s’arrêter.

Derrière la porte, j’entends l’infirmière qui découvre le garçon en plein état de conscience. Elle sait ce qu’il a fait. Elle sait qu’il mérite ce qui lui arrive. Pourtant, elle lui parle avec bienveillance et douceur.

Restez calme jeune homme. Tout va bien. Vos Pokémons sont en train de se faire soigner. Ils ont été sauvés par ceux de la jeune femme qui vient de sortir. Ne vous inquiétez pas pour eux.

Et je ne regrette rien. Je m’en serais voulu toute ma vie si j’avais empêché mes Pokémons de retourner dans les flammes pour aller sauver les compagnons du garçon.

Et en parlant de compagnon, des cris retentissent lorsque mes trois Pokémons arrivent en courant vers moi. Je ne sais pas pourquoi ils n’étaient pas là avant, certainement qu’on le leur avait interdit, mais ils viennent me faire la fête et un sourire remplace mes larmes alors que Vulka pose ses pattes sur mes jambes. Mon bonheur est plus grand que la douleur de ce poids sur ma jambe cassée.

C’est fait. Tout ceci est derrière moi. Cet horrible cauchemar est terminé. Je me suis libérée de la peur de ce garçon. Je lui ai dit ce que je devais lui dire. J’ai été courageuse, j’ai été terrifiante, je crois, et j’ai été autoritaire. Jamais plus il ne viendra me hanter. Il va finir en prison, très loin. Il va m’oublier, ou alors il ne me retrouvera jamais car quand il sortira, je serai partie. Peut-être même que je retournerai à Kanto, pour y faire mon métier. Je sais aussi que je peux contenter sur mes Pokémons, pour me retrouver comme ils l’ont fait quand il m’a emmenée. Ils viendront me protéger. Je dois aussi apprendre à me protéger seule. Je ne dois pas contenter sur les autres pour me sauver à chaque fois car ils prendront toujours le risque de se blesser pour moi et ce n’est pas juste.

Les deux policiers me laissent dans le couloir, ils ont tout ce dont ils ont besoin et étaient venus pour voir si j’allais bien et m’apportaient leur soutient. Le reste, c’est l’équipe médical et le temps qui doit s’en charger. Il me faudra du temps, pour remarcher et du temps pour ne plus avoir peur la nuit. Je ne me fais pas d’illusion. Même si je suis venue à bout de ce cauchemar, son souvenir viendra toujours me hanter, pendant quelques temps. Les questions tourneront dans ma tête, viendront, partiront. Mais je vais guérir. On guérit de tout. On doit guérir de la peur.

Un cri dans la chambre que je viens de quitter me glace le sang. Je respire profondément. Non, il ne peut plus rien me faire. Il est trop épuisé pour faire quoi que ce soit. Il vient de crier dans sa folie. Je n’ai rien à craindre. Encore une chose que je devrai vaincre. Sorcière. A chaque fois que j’entendrai ce mot, je sursauterai, j’aurai peur, je le verrai derrière moi. Dans les films, certains héros prennent le surnom que leur donne leurs ennemis, et s’en servent. Je ne suis pas dans un film et je ne suis pas une héroïne. Je ne veux pas en être une de toute façon.

Je pousse un long soupir et respire profondément. Je dois retrouver le calme et la sérénité. L’absence de peur, le courage.

La porte s’ouvre avec fracas et le garçon en surgit en hurlant. Je bondis du fauteuil et couine de douleur, mais je le regarde avec terreur. Il s’écroule et une vague de pitié coule dans mon corps, vite chassée par la peur et un sentiment de colère. L’univers semble s’acharner sur moi. Qu’ai-je fait de mal pour qu’une pareille chose m’arrive ? Qu’on me le dise et je ferai tout pour que ça ne se reproduise plus et réparer mon erreur. Mais pitié, pourvu que ça cesse. Faite que ce cauchemar prenne vraiment fin.

Je prends mon courage à deux mains et me rend compte que c’est de la peur. Je ne remarque pas que nous faisons une scène, dans un couloir d’hôpital.

Parce que tu le mérites ! Parce que tu ne les mérites pas ! Parce que tu es un monstre. Je t’ai menti parce que tu es la pire saloperie que ce monde ait portée. Que tes Pokémons seraient mieux sans toi, car tu es une ordure. Tu m’as agressée et tu me traites de sorcière ! Comment veux-tu que je le prenne ? J’aurai dû te laisser brûler vif.

Je me rends compte un peu de mes paroles. Tout doucement. Elles sont horribles. Ce n’est pas moi ça. Je ne suis pas comme ça normalement. Je ne suis méchante, pas cruelle. Je suis douce et gentille. Avec un mot doux pour chacun.

Qu’est-ce que tu es en train de me faire ? Tu es en train de me transformer en toi ! Je ne veux pas te ressembler. Personne ne le veut. Tout ce qu’on veut, c’est que tu n’entres pas dans nos vies. Ou que tu en sortes pour toujours.

Comment est-ce que j'aurai pu le laisser mourir ? Comment est-ce que j'aurai pu vivre en sachant qu'un humain est mort dans un incendie provoqué par un de mes Pokémons ? J'étais obligée de demander à mes amis de le sauver. Je ne l'ai pas fait pour lui, mais je l'ai fait pour moi.

Mais je le regrette. Je me demande si le poids de sa mort ne serait pas plus léger que le poids de sa vie. Ses hurlements attirent l'attention, et un mal de crâne insoutenable me frappe. J'ai l'impression que mon crâne double de volume, au même titre que mes épaules. J'ai l'impression que mes veines et mes artères se gonflent, et que de l'air chaud sort de mon corps. Je me sens grandir dans la colère et la fureur.

Le policier le tient puis le lâche. Mais moi, je ne céderai pas. Pas à ses jérémiades. Pas à toute cette pathétique scène. Quand il est là, la moindre lueur de bonté qui est en moi s'éteint.

Il me révulse. Il s'imagine des choses ? Un frisson d'horreur me traverse l'échine. Quel genre de chose peut donc imaginer un monstre pareil.

Je me lève et le toise. Jamais je n'ai haï quelqu'un comme ça. Cet homme m'a enlevée, m'a agressée. Il m'a suivie et a forcé mon appartement. A cause de lui, j'ai été blessée, j'ai eu une jambe cassée et des éclats de verre dans le corps. Un immeuble a pris feu.

Tu me dégoutes.

Il y a dans mon ton, tout la haine qu'il m'inspire.

Tu as peur pour moi ? Tu m'étonnes. Tu ne cesses de me vouloir du mal. J'ai aussi peur pour moi à cause de toi.

Il est trop horrible pour que je fasse un peu vers lui. Il est hors de questions que je lui pardonne, pas tout de suite. Il devra se rattraper. Mais je ne peux pas lui laisser croire un seul instant qu'on peut ne serait-ce que s'approcher l'un de l'autre.

Oscillant sur ma jambe blessée, je me laisse retomber sur mon fauteuil et le fait reculer, tant bien que mal.

Je ne veux pas que cet homme s'approche de moi. Dis-je au policier.

Le changement de ton me surprend. Je ne m’attendais pas à ce qu’il arrive à être raisonnable ou qu’il finisse par accepter de me laisser tranquille. Cela fait redescendre ma colère très rapidement, presque instantanément. Alors que j’étais en train de faire un demi-tour pour repartir et ne plus jamais le revoir, ses paroles me rendent perplexe.

Je me retourne pour le regarder. Je ne sais pas ce qu’il va faire. Est-ce que c’est un piège ? Est-ce qu’il va plutôt continuer à venir me voir et que ses paroles ne sont qu’un mensonge pour que je baisse ma garde ? Il a beau dire qu’il a compris le message, j’ai des doutes.

Des doutes qui ne font qu’augmenter lorsqu'il continue de parler. Qu'est-ce que qui ne tourne pas rond chez ce type ? Pourquoi est-il toujours en liberté ? Des gens ont bien dû se rendre compte qu'il avait besoin d'aide. Ou d'être enfermé. Enfin, il fallait faire quelque chose.

S'il voulait me terrifier de nouveau, il n'aurait pas pu faire mieux. Je méloigne doucement de lui. Qu'est-ce qu'il va faire maintenant ? Il n'y a rien de cohérent dans sa façon de se comporter. Il pourrait faire n'importe quoi. Se jeter sur moi pour m'étrangler, être raisonnable et partir, disparaître de ma vie. Ou... je ne sais pas, s'arracher un œil et me le jeter.

Je me serais attendu à tout, donc je ne suis prête à rien. Lorsqu'il se jette sur l'infirmière, je bondis de mon fauteuil, par la surprise, par je ne sais quelle bêtise. Par ce que c'est une erreur. Je suis trop faible et la douleur me vrille l'esprit. Mais je reste là à le voir se saisir du stylo. Rien de ce qui se passe n'a de sens. Rien du tout. Et je le vois, se planter le stylo.

Je ne sais pas pourquoi, mon corps bascule. Le spectacle devant au loin, fait un recul. Je ne touche plus le sol, mes pieds ont quitté terre, comme un tout petit vol mon corps est projeté dans les airs. Perte d'équilibre, surprise, incompréhension, terreur. Alors que je chute au ralentis dans le monde, je ne comprends plus rien. J'ai l'impression d'être aveugle et sourde pourtant j'ai une conscience complète de mon environnement. Le garçon à moitié brûlait qui essaye de se tuer avec un stylo. Le policier qui se retourne et se précipite vers moi, l'infirmière qui essaye d'arrêter le garçon, d'autres patients et visiteurs qui regardent la scène avec surprise.

Je sens aussi le fauteuil que mon bond a fait rouler. Je le sens bouger derrière moi. Je vois le plafond maintenant puis un contact dans ma nuque.