Janvier 2021

Dans la pénombre de l’aquarium, je profite de la quiétude des lieux. Aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de visiteur et il faut avouer que les attractions ne font pas beaucoup de bruit. La visite nous fait déambulait dans des couloirs au lumière tamisée, avec d’immense baie vitrée, donnant sur de vastes espaces aquatiques, remplis de Pokémons qui navigue sous l’eau, ignorant la présence humaine, cette intrusion dans leur vie privée. Ils sont juste enfermés, et je ne saurai dire s’ils sont résignés ou heureux. En un sens, ils sont en sécurité ici, nourris, logés, soignés. D’un autre côté, ils sont coincés ici avec les mêmes compagnons à vie, sans rien connaitre du monde. Mais ont-ils une vraie connaissance de ce qui les entoure ?

Je suis venue aux premières heures, pour pouvoir profiter au maximum de la tranquillité des lieux. C’est la seconde fois que je viens. Mais la première fois, il y avait trop de monde, des enfants, criant et… je suis ressortie au bout de quelques minutes. Je cherchais du calme, pour échapper au constant bourdonnement de chez Leonard. Il y a toujours du monde là-bas et je suis tellement fatiguée. Je vis d’habitude au milieu d’une forêt, seule, indépendante et autonome. C’est trop pour moi, de vivre avec autant de monde, de Pokémons, dans une ville, et de ne pas pouvoir faire quoi que ce soit seule. Avec ce ventre qui me précédente, je ressemble à un Wailord. Tu as intérêt à vite sortir de là mec, parce que je ne supporterais pas ta présence dans mon ventre encore longtemps. Et par Arceus, j’espère que tu ne seras pas aussi chiant après l’accouchement que maintenant. Pourvu que tu sois comme ton père maintenant, et pas quand il était petit.

Cette pensée me rend triste. Ma mère ne verra jamais mon bébé et je ne saurais jamais comment j’étais bébé. Il n’y a personne pour s’en souvenir et en parler. Je secoue la tête.

La balade dans les différentes zones m’épuise. J’ai mal au dos, j’ai faim, mais je sais que ce n’est qu’une impression.

J’avise un banc mais hésite. Si je massois, je vais certainement avoir du mal à me relever. Je suis un petit gabarit, et le bébé est forcément énorme, par rapport à moi. Quand je vois les grandes échasses, ou Yokoss qui use son fauteuil, dont je suis sûre qu’elle n’en a pas besoin.

J’abandonne pour finalement m’assoir et m’appuyer contre le mur. Je pousse un soupir de soulagement tout à fait artificiel. Si j’ai moins mal aux jambes, mon dos est toujours douloureux. Je reste là un moment, reprenant un souffle de plus en plus court. Je vais avoir du travail après l’accouchement. Mes Pokémons vont aussi avoir une surprise. On va se réentrainer à la dure. Avouons-le, comme je ne peux plus courir avec eux, on s’est un peu ramolli. J’imagine que ça doit se rapprocher d’un entrainement de champion normal, mais je ne suis pas n’importe qui. J’ai une réputation.

C'est assez terrible ça. On m'a dit que je n'en avais plus pour longtemps, qu'on approchait du terme, mais le terme n'approche pas, il n'approche jamais. C'est la dernière ligne, mon œil. La dernière ligne droite avant le virage surtout. Je dors mal, j'ai mal partout, je ne rentre plus dans mes vêtements, ni même dans mes sous-vêtements. On a dû m'acheter des vêtements, ça a coûté un bras. D'un côté j'espère pouvoir continuer à les porter pour les rentabiliser, mais d'un autre, je n'ai pas envie de garder ses proportions éternellement. Le cauchemar pour courir, me battre ou juste vivre. Quand je pense que des filles rêvent d'avoir des formes. L'horreur et la bêtise dans toute leur splendeur.

Je pousse un soupir en essayant de penser à autre chose qu'aux courbatures permanentes de mon corps, lorsqu'une voix se fait entendre près de moi. J'ouvre un œil et découvre une jeune femme à mes côtés. Elle me regarde et se présente. J'imagine que je dois être enchantée de la rencontrer. Ce qui n'est pas le cas, puisqu'elle vient certainement m'emmerder parce que j'ai fait quelque chose de mal. Généralement, quand on me demande si j'ai besoin d'aide, c'est parce que je ne suis pas au bon endroit et qu'on veut me demander gentiment de dégager.

Je pousse un soupir et m'apprête à partir lorsqu'elle se détourne de moi pour aller chercher un truc au distributeur. Elle a des troubles de la concentration manifestement, je m'appuie de nouveau sur le mur, pour profiter des derniers instants avant de devoir bouger. Je ne sais pas pourquoi je ne devrais pas m'asseoir ici, mais il doit bien y avoir une raison stupide et ridicule pour ça. Genre, ce n'est réservé que pour les vieux, ou lors d'une présentation.

Elle me revient et me tend une bouteille. Je regarde la bouteille d'eau, puis la fille puis de nouveau la bouteille avant de fixer mon regard violet définitivement sur elle. Il y a quelque chose de bizarre dans son physique. Mais je ne saurais dire quoi.

Doucement, avec méfiance, je tends la main pour prendre la bouteille d'eau. Merci, je suppose.

Elle est très gentille, c'est inquiétant. Les gens sont bien trop gentils avec moi en ce moment. Pour une raison simple et évidente que je dois à chaque fois me rappeler alors qu'elle est évidente. Parce que je suis enceinte. Je n'arrive pas à m'aider et les gens doivent le savoir et le font à ma place. C'est pour ça que les gens viennent m'aider sans que je ne demande rien.

Mais il faut un peu de temps à mon cerveau pour refaire ce raisonnement. Pendant ce temps, j'articule lentement, toujours avec méfiance. Ce devrait être bon, je vais me débrouiller. , tout en la dévisageant.

Il y a quelque chose qui cloche chez elle, mais quoi. Ses oreilles ? Non. Son sourire ? Presque mais ce n'est pas ça. Ses cheveux peut-être. Oui, mais ce n'est pas ça. Je cherche et la regarde de haut en bas. Qu'est-ce qui me gêne chez elle ?

En remontant mon regard je croise le sien et la lumière se fait.

Tes yeux ! Ils sont violets !

Je n'ai jamais vu personne avec des yeux violets en dehors de moi. Et j'ai le regard froid, dur et méchant. Or, les siens sont doux et gentils. C'est ultra bizarre.

Je regarde la jeune femme, intriguée. Je sais ce que veux dire impliquer, mais je ne suis pas sûre de savoir ce que ça veut dire dans sa phrase. Elle est trop impliquée dans quoi ? Généralement, les gens sont impliqués dans des trafics ou des trucs louches non ? Elle fait un trafic de quoi ? Bouteille d’eau ? Ou alors elle croit que je suis une trafiquante aussi et elle essaye de se faire reconnaitre ? Non, je crois que j’ai trop regardé de film ces derniers temps. Parfois j’ai l’impression que le monde est rempli de complots et d’espion ou qu’un Pokémon géant va surgir des mers pour tout détruire. Cette dernière histoire cependant et tout à fait possible. Je crois que c’est à Sinnoh que Regis a essayé d’inonder le monde, ou un truc comme ça. Et des Pokémons géants, j’en ai affronté deux et ce n’est vraiment pas un bon souvenir.

Revenant sur la jeune femme, je lui fais remarquer la couleur de ses yeux. Elle me surprit et me perturbe. Ce n’est pas exactement de la même couleur que les miens, mais tout de même. C’est la première fois que j’en vois des violets ailleurs que dans un miroir. En plus d’une teinte différente, ce qu’ils évoquent est bien loin des miens. En pensant à mon futur bébé, j’envie cette inconnue, Helia, pour la douceur et la tendresse qu’on y lit. J’aimerai bien exprimer la même chose avec mes yeux, mais même avec Leonard ce n’est pas possible. Je ne sais tout simplement pas comment faire. J’ai déjà essayé, devant mon miroir d’imiter le regard idiot de mon amoureux, mais en vain. J’avais l’air d’une grosse débile.

Mais manifestement, ce n’est pas la couleur naturelle de ses yeux. Elle me parle de ses cernes. Alors ça jouerait sur la couleur des yeux ? Quand elle est reposée, ils sont de quelle couleur alors ? Parce que j’ai toujours connu mes yeux violets, avec ou sans cerne. Peut-être que j’ai passé trop de temps épuisée et que la couleur est devenue définitive. Bah non, je me souviens les avoir violets même toute petite. Et je n’étais pas cernée à l’époque. Je faisais de bonne nuit, dans un vrai lit, bien qu’un peu petit. Ou alors, les yeux des autres changent de couleur ? Bah non, j’ai déjà vu les yeux de Leonard cerné et ils n’ont pas changé de couleurs.

Je n’aime pas la tournure de cette conversation. Je vais passer pour une débile, encore et je suis trop fatiguée pour ça. Trop épuisée mentalement pour esquiver la honte de montrer que je suis une idiote qui ne sait rien. Trop inquiète pour qu’on me rappelle que je serai la pire mère du monde, incapable de comprendre le moindre besoin de mon enfant, la moindre chose.

Une boule se forme dans ma gorge, alors qu’une saute d’humeur, une crise de larme et d’angoisse remontent depuis mon estomac. Je suis ici pour essayer de penser à autre chose, et ça revient me hanter.

Mais la boule disparait aussi vite qu’elle est venue lorsqu’Helia comprend de quoi je parlais. En réalité, c’est elle qui se trompait et la panique cède le pas à la colère aussi vite qu’on allume la lumière. Mes sourcils se froncent, bien que l’inconnue ne sache rien de mon débat intérieur.

Non, ce n’est pas commun.

Comme si elle ne le savait pas. Ce n’est tellement pas commun que mon esprit, derrière cette découverte anodine, se met à faire des plans. Mes yeux cherchent un air de famille, un autre détail. A l’idée de fonder une famille, d’avoir enfin un chez moi, avec des gens qui m’aiment, je me réveille la nuit pleine d’angoisse. Quand on a rien, on a rien à perdre. J’ai passé ma vie sans rien posséder que mes Pokémons. Maintenant, je vais avoir des personnes sans défense à protéger, que je pourrais perdre ou qui pourrait me perdre. Et ça me terrifie.

Et plus encore. Je suis jalouse de Leonard. Il a une famille qui l’aide, qui le soutient. Il sait ce que c’est une famille et comme s’en occuper, vivre avec. Moi pas. Alors je cherche, inconsciemment, une autre famille aussi. Des gens à qui me raccrochaient, avec qui fêtaient un anniversaire. Juste un. Avec des gens que je connais. Ou… je ne sais pas ce que fait une famille.

Alors je cherche sur le visage d’Helia, autre chose à quoi me raccrocher. Mais il n’y a rien. A part une couleur des yeux, peu commune, mais qui n’est même pas la même. C’est juste un hasard.

Sans que je ne m’en rende compte, mes épaules s’affaissent de déception. Cette fille, ce n’est personne. Je détourne le regard pour me plonger dans la contemplation d’un bassin. Ce n’est personne.

Perdue dans mon propre cercle de pensée, j’ai oublié qu’elle était toujours là, si bien que lorsqu’elle me parle de mes cheveux, j’ouvre de grands yeux surpris. Je prends une de mes mèches entre mes doigts, pour essayer de les regarder, inutilement. C’est mes cheveux, je les connais et ils sont courts. Je les ai coupés récemment. Pas aussi court qu’avant, mais je les ai raccourcis.

Euh… Merci. Oui. Je les coupe moi-même. Pourquoi ? C’est une vrai compliment ou pas ? Je ne comprends pas ce que veut cette fille ? M’aider. Elle veut m’aider. Si on revient au début, elle travaille ici et veut m’aider. Reste concentrée Capucine ! Les tiens aussi.

On aurait essayé de m’arracher des aveux que je les aurais dits avec plus de faciliter.

Tu dis que tu as le sommeil agité. Tu veux en parler ?

Wow. C’est sorti tout seul. J’en rien à faire. Et pourtant, je viens de faire un truc gentil là non ? C’est gentil non ? De s’inquiéter des problèmes des autres, et des inconnus. Je crois que c’est gentil. Sinon tant pis, je passerai pour la méchante. De toute manière, j’ai déjà cette image.

Me rendre mal à l’aise avec ta remarque ? Tu es tellement loin du compte. Rien que ta présence me met mal à l’aise. C’est vrai, cette fille est beaucoup trop gentille, trop souriante, trop… je ne sais pas moi. J’ai pas l’habitude que des inconnus soient aussi gentils avec moi. Non, je me corrige, ce n’est que depuis que je suis enceinte que les gens sont spontanément gentils avec moi et encore moins longtemps que je ne les envoie plus promener, pour une raison simple : j’ai trop mal partout pour râler quand on m’offre à boire. Je ne dois plus faire attention à moi, mais je dois m’occuper de mon bébé. Si ça n’avait été que moi, mais cette fille aurait disparu de terreur. Je me méfie de la gentillesse gratuite. Il n’y a que les idiots que font ça. Et en dehors de Leonard, je n’aime pas les idiots.

Mais en ce moment, je ne peux pas repousser les gentillesses. J’ai besoin de beaucoup d’aide, comme ce sera certainement le cas quand je vais vouloir me lever. Alors j’essaye de réagir convenablement aux paroles, aux douces attentions et aux compliments.

Ce n’est pas très compliqué. lui répondis-je. De se couper les cheveux je veux dire. Je les attache quand ils sont trop long et je coupe. Rien de bien compliqué.

Rien n’est jamais compliqué avec moi. Je m’en rends compte de plus en plus. Les gens font des trucs difficiles, alors que moi, je trouve des solutions simples. Un couteau, une ficelle et je me suis coupée les cheveux. En revanche, il y a des trucs que je sais qu’on peut faire, mais je ne sais pas comment.

Comment on fait boucler ses cheveux ?

N’ayant jamais eu les sous pour aller dans un salon de coiffure, pour avoir un chez moi, les artifices de la beauté ne m’ont jamais atteint. De toute manière, ça ne m’intéresse pas. Il vaut mieux avoir les cheveux courts quand on se bat.

Je regrette immédiatement cette question. Elle est complètement débile mais elle m’a échappé. Cette fille avait l’air tellement… je ne sais pas. Mal à l’aise ? J’ai envie de… mais je ne sais pas moi pourquoi j’ai envie de lui poser la question. Mais je me sens stupide maintenant.

En plus maintenant, elle m’explique son problème. Alors, déjà, je m’en fous. Mais ça me touche parce que je n’aimerai pas que mon bébé ait la même chose. Je veux dire, la terreur nocturne, ça a l’air terrifiant. Je ne sais pas vraiment pourquoi elle a ça mais bon… elle est certainement incapable de vaincre ses peurs. En revanche…

Narcoleptie ? Encore un truc de peur ? Et tu ne peux pas… je sais pas, ne plus avoir peur ? Genre, y a rien de dangereux dans le noir en général. Si tu adoptes un Pokémon, il devrait pouvoir t’aider non ?

C’est vrai quoi. Un Grahyéna, ou un Funécire, pour faire de la lumière. Les solutions sont nombreuses pour régler le problème. Ces gens qui ne font aucun effort, ça me saoule. Ils se complaisent dans leur douleur pour qu’on les plaigne. Désolé gamine, mais je ne te plains pas. Tu as de la chance de m’avoir apporté de l’eau et que je risque d’avoir besoin de toi pour me lever, sinon je t’aurai envoyé chier. Non, je t’aurai juste ignoré en fait.

Je suis Capucine Alambra. Comme si cette réponse était impressionnante. A windoria, on ne pose plus la question et beaucoup de gens me connaissent. Mais certaines personnes ne savent même pas ce qu’est une arène, et donc, connaitre les champions. J’espère qu’elle reconnaitra au moins mon nom.

Oui. Non. Je ne sais pas. Je suis déjà venue. Mais c’est tout récent. C’est calme ici, c’est mieux pour le bébé et moi. Les Pokémons eau ne peuvent pas nous attaquer ici, il n’y a pas trop de bruit, la lumière est agréable. Il fait bon. C’est une bonne planque.

Personne pour me dire quoi faire, de ne pas me ménager, pour être trop attentionné.

J’entends mon accouchement avec impatience. Prendre mon bébé dans mes bras et reprendre mes occupations habituelles. C’est intenable.

Je ne me suis jamais vraiment poser la question pour mes cheveux. Ils sont trop long, je les coupe. Droit, pas droit, je ne sais pas. Ma technique est simple et efficace et bien plus propre que le faire sans les attacher. Et puis ça va plus vite. Comme le regard des autres m’importe peu, je n’ai jamais essayé de faire jolie. De toute manière, les gens me regardent comme une gamine et maintenant comme une handicapée. C’est nul et ça craint.

Maintenant je sens qu’elle essaye de se moquer de mot. Pour boucler ses cheveux, elle utilise un faire à lisser ? Vraiment ? Elle me prend pour une débile profonde ? Même si je ne sais pas à quoi ressemble un fer à lisser, rien que le nom dit bien ce que ça fait : lisser. Et puis même… ça n’existe pas les fers à lisser. C’est absurde comme nom. Je vois un clou en fer et… comment tu lisses avec un clou ? Okay. En fait, c’est un méga piège cette fille. Genre elle fait la gentille, je t’apporte de l’eau mais c’est pour me raconter de la merde et me piéger. Elle est en train de se moquer de moi et là, elle va éclater de rire et attirer les gens pour que tout le monde en profite. Hahaha, comme c’est amusant. Regardez la championne de glace croit tout ce qu’on lui dit. Qu’elle est débile. En plus, elle ne peut même plus se lever seule. Hahaha.

Je vais le défoncer. Pas maintenant, mais dès que je pourrais de nouveau me déplacement normalement, je vais la défoncer. Et…

Oh, en fait non, on change déjà de sujet. La Narcolepsie. Là, c’est un mot qu’elle a inventé. C’est sûr. Et le syndrome. Insomnie mais inversée. Je sais ce que c’est une insomnie. Mais on ne peut pas l’inverser. Genre, on sait quand on est fatigué et on va se coucher. On ne tombe pas spontanément endormi sans raison. Il faut… je ne sais pas moi, au moins s’allonger.

A mesure que la jeune femme parle, je sens qu’elle n’essaye pas de me piéger. Je pense qu’elle est juste stupide. C’est une idiote. Elle ne sait pas trop ce qu’elle veut, ce qu’elle fait et donc, s’invente des problèmes. Comme les terreurs nocturnes. Genre… est-ce que je viens de régler son problème en quelques secondes ? Oui. Parce que ce n’est pas compliqué comme problème.

Finalement, le sujet de conversation quitte les délires bizarres de cette Helia. Quel nom à dormir dehors. Mais elle s’intéresse à un sujet que j’aime. Même que je préfère. Je pourrais parler des heures de mon bébé à venir. De la lutte permanente pour qu’il n’est pas un nom stupide, comme tout ceux que proposent Léonard. C’est un combat de chaque instant pour éviter que cet idiot ne ruine la vie de mon enfant avant même sa naissance. Il a des idées si absurdes des fois. C’est insupportable.

C’est pour bientôt. Le médecin parle de jours, semaines. Peut-être même heure. J’en sais rien. En tout cas, il est de plus en plus lourd. On a fait des tests et tout, on a même pu le voir. Il est en bonne santé, bien formé. Je ne sais pas comment le médecin a fait, parce que sur les images, je reconnais rien. Mais il est médecin. Il doit avoir l’habitude. On viendra souvent à l’aquarium. Puis au parc d’attraction. Dans les fêtes foraines et…

Partout où il voudra. Mon enfant ne sera privé de rien. Il aura tout ce que je n’ai pas pu avoir. Une famille, de l’amour, un toit sur sa tête, l’accès à l’école, des livres. Des cadeaux. Tout. Il ne sera jamais seul et abandonné. Il n’aura pas de difficulté à se faire des amis. Il ira à des anniversaires et on fêtera les siens. Bref, je ferai tout pour qu’il soit heureux.

Non… je n’ai pas de… section préférée… Je… J’ai le souffle coupé. Le bébé bouge pas mal dans mon ventre et j’ai comme une crampe. Tout va bien… j’ai un peu mal, mais c’est bon.

Ce coup là était assez fort. Je sais que je suis stupide, mais pas au point d’oublier la date approximative du bébé. Et ce n’est pas aujourd’hui. C’est plus tard. Alors, je ne sais pas à quoi corresponde ces douleurs, mais elles vont arrêter tout de suite parce que je suis mal installée et que je dois rentrer chez moi après.

Je pousse un petit cri de surprise à l’arrivée d’une nouvelle crampe. Je grimace de douleur. Ce n’est vraiment pas agréable ce qu’il m’arrive. Je bouge légèrement sur le banc pour mieux m’installer.

Comment je vais appeler mon bébé ? C’est pas ses oignons. Je la connais pas cette fille moi. Pourquoi est-ce que je lui dirai le nom de mon bébé. D’autant plus que je n’en sais rien. On n’a pas encore décidé avec Leonard. Lui, il a plein d’idées. Des idées stupides, évidemment, ça se saurait s’il avait de bonnes idées. Il en a proposé des noms. Pour les garçons, pour les filles, pour les deux. Tous complètement débiles. Moi, je vais attendre de voir mon bébé avant de lui donner un nom. Il faut que ce soit instinctif. Je ne vais pas l’appeler Blanche si elle est noire. Ou Pire, Ambre si elle est métisse. Ce serait horrible. Non. Mon bébé attendra sa naissance pour avoir un nom.

Non. Il n’a pas encore de nom. Ce n’est pas décidé.

Ma réponse est courte et sèche. Parce que je ne veux pas m’appesantir sur le sujet. Et parce que je n’ai pas envie de lui en dire plus. Je commence vraiment à avoir mal au dos et je ne compte pas rester encore très longtemps, sinon le retour à la maison sera plus que pénible et difficile. Avec la fatigue, la douleur et les jambes lourdes, j’aurai le plus grand mal à me déplacer.

A peine la douleur arrivée, la voilà, l’autre fille à se précipiter à mes côtés pour m’aider. Je claque de la langue, agacée.

C’est bon. J’ai pas besoin d’aide.

Et j’ai envie de rentrer. J’étouffe ici. Le calme est parti et l’agitation me saoule. Une classe semble arrivée aussi, c’en est trop.

Ça ira pour aujourd’hui. Je vais rentrer chez moi.

Je reprends ma route vers la sortie pour aller chez moi, ou plus exactement chez les parents de Léonard.