Cette conversation prenait un drôle de virage. Non, pas « drôle » : inquiétant, plutôt. Leonard ouvrit la bouche et la referma. C’était le moment de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de répondre avec empressement. Il prit donc le temps de digérer les différentes nouvelles informations et d’observer Précieuse. L’atmosphère s’était alourdie. Elle était devenue plus sérieuse.

« Iris. »

Le ton était plus grave. Leonard était sérieux.

« Il y a énormément de choses qui échappe à notre compréhension. Quand je dis nous, je parle des êtres humains en général. Alors, si tu as une mauvaise intuition : j’ai tendance à vouloir te croire et l’écouter. »

La Team Mistral. Plus le temps passait et plus il entendait parler d’eux. La vie lui laissait de moins en moins le choix : il allait devoir s’ouvrir au monde, s’intéresser aux nouvelles. Rester enfermé dans sa bulle n’allait plus être possible. Car cette bulle où il se sentait si bien, protégé de la noirceur du monde : cette bulle commençait à l’asphyxier.

*Parce que je ne peux plus rester aveugle. Pour ma petite Ange. *

« La Team Mistral… »

Leonard ne savait pas quoi ajouter.

« Je suis désolé. Je sais que je n’ai rien à me reprocher. Mais je suis vraiment désolé qu’elle soit entrée dans ta vie. Et je ne veux pas t’emmener voir des gens ou faire des choses qui pourraient réveiller de mauvais souvenirs. Je me doute que Précieuse est puissante et qu’elle te soutiendra. Mais, s’il te plaît : ne te force pas à faire des choses juste parce que je souris et que j’aligne deux-trois idées pseudo-logique. »

La main de Leonard se posa sur celle de chair d’Iris.

« D’accord ? »

Bien évidemment, il lui donnait un nouveau sourire.

C’était plus fort que lui. Leonard était un être trop gentil et trop pur pour ce monde. Résultat ? Les larmes coulèrent le long des courbes de son visage. Il parvint tout de même à se retenir de se jeter sur elle pour lui faire un câlin. Surtout qu’il n’était pas sur de la manœuvre étant donné qu’elle était en fauteuil roulant.

« Tu es forte, Iris. (snif) Vraiment. Je ne sais (snif) pas comment tu as fait pour retrouver le sourire. (snif) Mais c’est une bonne chose que tu ne l’es pas perdu : ah ah ! »

Lui aussi restait très optimiste dans la vie. Il pouvait se prendre les pires coups durs de la part de la Vie, c’était plus fort que lui : il devait sourire. Car la bonne humeur était contagieuse. C’était le virus qu’il voulait répandre dans le monde !

Sa main chercha à essuyer ses larmes qui coulait encore un petit peu.

« Je ne sais même plus de quoi on parlait. Enfin, je sais que nous sommes là tous les deux pour mon projet de Machine. Mais ça me parait tellement grossier comme sujet maintenant. Je comprendrais que tu veuilles reporter cette conversation à plus tard. »

Son esprit essayait de reprendre leur conversation. Sa motivation cherchait à rester haute malgré les drames qui venaient de le toucher plusieurs fois au cœur. Mais il restait distrait. Alors il ne voyait qu’une solution sur le moment.

« J’aimerai bien venir chez toi. »

La phrase seule était sujette à mauvaise interprétation. Leonard ne s’en rendait pas compte.

« J’aimerai visiter la pension dont tu t’occupes. Ça m’intéresserait beaucoup de voir d’autres pokemons. Qui sait ? Peut-être qu’en voir autant au même endroit me fera comprendre certaines choses sur la communication ? »

Ça y était. Son esprit revenait au sujet de la Machine. L’Eclipse reprenait le contrôle sur le sensible.

« Est-ce qu’il y a beaucoup de monde qui travaille à la pension ? Parce que je me disais que s’il y a des humains, ça me permettrait aussi de voir comment travaillent ces personnes avec les pokemons. Ils communiquent tous les jours avec eux, j’imagine. Donc ils doivent avoir appris des trucs. Peut-être même sans qu’ils ne s’en rendent compte. »

Qu’est-ce que Leonard aurait dû comprendre ? Il y avait eu un sous-entendu qu’il n’avait pas compris, visiblement. Peu importait ! Il sourit et oublia ce quiproquo.

« Dans deux jours ? Je n’ai rien de prévu donc c’est parfait pour moi. »

Il avait hâte de découvrir la pension. Comme il l’avait déjà dit, ça avait été un de ses rêves. Pouvoir aider les pokemons et travailler à leurs côtés pour découvrir de nouveaux mystères.

« Si je peux apporter quoi que ce soit pour aider, ce sera avec plaisir. Je ne sais pas moi, de la nourriture pour les pokemons ou des choses comme des jouets. Ou alors, si je peux retrousser les manches et pas seulement être une sorte de touriste : ce sera avec plaisir ! »

C’était certain maintenant. Cette entrevue sympathique arrivait à son terme. Ils avaient discuté et échanger de façon intéressante. Pas seulement au sujet de la Machine mais également sur leur vie personnelle. Leonard se sentait proche d’Iris et avait envie qu’elle rejoigne son cercle d’amis.

« Je me demande si je ne devrais pas emmener Ange. Je pense que Capucine sera occupée. Je me dis que ça pourrait être sympa que ma petite Ange découvre très vite les pokemons. Après tout, on dit que c’est quand on est tout jeune enfant qu’on apprend le plus facilement. Certains apprennent plusieurs langues. Pourquoi est-ce que ma petite Ange ne pourrait pas apprendre le langage des humains en même temps que celui des pokemons ? »

Le visage de Leonard s’illumina d’une nouvelle idée. Et si les êtres humains savaient tous parler le langage pokemon ? Mais qu’en grandissant, ce savoir avoir été relégué pour une raison ou une autre au fin fond de leur inconscience ? Intéressant…

« Je pense que je vais me tromper mais une fille muette qui communique sur son téléphone portable, ça me fait tout de suite penser à quelqu’un. »

Est-ce que l’île était vraiment si petite que tout le monde était lié avec tout le monde ? Leonard était impatient de connaître la réponse ! Il adorait cette idée que tous les êtres humains étaient reliés comme tous les arbres de la forêt partageait un réseau d’entraide et de communication.

« Elle ne s’appellerait pas Camille par hasard ? Une fille avec deux couleurs dans ses cheveux ? C’est elle qui t’a appris la langue des signes ? Parce que si c’est elle, sache que c’est elle qui m’a permis de complexifier et enrichir ma communication avec Esmeralda : ah ah ! »

« Je t’aime beaucoup, Iris. »

La femme devant Leonard avait beau paraitre petite, faible et incapable de faire quoi que ce soit à cause du fauteuil roulant et de la prothèse. On ne pouvait pas faire plus faux. Personne ne devrait juger les gens à l’apparence extérieure ! Neuf chance sur dix de faire une erreur.

« La vie a été dure avec toi. Tu as vécu beaucoup d’épreuves. Et… tu souris toujours ! Tu as toujours des rêves et tu continues d’avancer vers le futur avec une joie de vivre communicante ! C’est formidable ça, Iris ! Vraiment ! »

Leonard aussi souriait. Puis une ombre passa sur son visage… qu’il chassa très vite d’un nouveau sourire !

« Iris. Si un jour tu perds quelque chose, ou si tu te sens triste à propos de quoi que ce soit, que tu as envie de parler ou je ne sais quoi d’autre. La porte de ma maison te sera toujours ouverte. Je ne peux pas te promettre que je ne disparaitrais pas. La vie est imprévisible. La preuve, je suis en couple avec Capucine Alambra et nous avons une petite fille : ah ah ! Mais, sérieusement, ma porte te sera toujours ouverte si tu as besoin de parler ou simplement de passer du temps avec quelqu’un. »