J'ai une étrange sensation, depuis quelques semaines. Celle de ne jamais être seule où que j'aille. Celle qu'on m'observe, qu'on me suit, qu'on me surveille. En permanence, j'ai l'échine qui se hérisse. Pas par peur, non. Mais à cause de cette impression. J'ai envie de savoir, de comprendre. Non. J'en ai besoin. Je crois qu'une partie de moi ne veut pas admettre de quoi, de qui il s'agit. Je réfute cette possibilité. Pourquoi m'aurait-elle suivi jusqu'ici, à Lumiris? A des années lumière, façon de parler, de chez nous, Alola. Non, ce n'est pas possible. Pourtant, cette impression ne part pas, ne me quitte pas. Je m'arrête souvent pour regarder dans les vitrines ce qui peut se trouver derrière moi. Mais rien à faire. Je ne vois rien. Pourtant, je n'ose pas me retourner. Ce ne serait pas très discret. A la place, je continue mes petites habitudes, sans jamais rien voir.

Elle est là, devant moi. Cette fois c'est sûr, c'est elle. J'esquive les humains qui veulent m'attraper, me capturer. Elle a beau m'avoir repoussée, rejetée par le passé, c'est elle. C'est ma dresseuse. La seule et unique que j'aurai jamais à l'avenir. Je refuse de la laisser partir. Ce n'est pas possible. Alors je l'ai suivie. Le chemin a été long pour parvenir ici. Il m'a forcée à grandir, à évoluer. J'espère qu'elle me reconnaîtra quand même. Qu'elle verra cette lueur dans mon regard, que c'est toujours moi, celle qu'elle appelait Amanza. Mon coeur bat à tout rompre alors qu'elle s'arrête devant cette vitrine et regarde dedans. Je me fige, me demandant si elle m'apercevra, cette fois.

Je m'arrête, regarde dans le reflet de la vitrine, mais ne remarque personne qui semble me suivre. Celui où celle qui le fait est un peu trop doué pour ça, clairement. Raaah. Ca m'énerve. Je remarque bien quelques pokemon, notamment une Otarlette, mais mon regard passe dessus sans que je ne réalise. Je hausse les épaules et repars. Il faut que j'aille faire des courses, de toute façon. Je vais jusqu'à la supérette. Là, l'impression d'être suivie s'évanouit un peu et je peux vaquer tranquillement à mes occupations. Pourtant, lorsque je ressors, je tombe à nouveau sur l'Otarlette de tout à l'heure. Nos regards se croisent.

Ca y est. Elle me regarde. Mon coeur s'accélère. Il y a tellement de choses que j'ai envie de lui dire. Mais je ne le peux pas. Elle ne peux pas comprendre ce que je lui dirai. J'avance un peu vers elle, mon corps ondoyant légèrement pour m'approcher d'elle. Mais déjà, elle hausse les épaules et se détourne de moi. Mon coeur se brise. Elle ne m'a pas reconnue.

Je vois l'Otarlette bouger, mais je reprends mon chemin pour rentrer chez moi. Sans doute son ou sa dresseur.euse a-t-iel avancé aussi. De toute façon, ce n'est pas possible. Je traverse un parc et, parce que j'ai toujours cette sensation, je finis par m'arrêter, en plein milieu. Cette fois, je me retourne. J'ai besoin de savoir, d'être sûre.

J'hésite à la suivre. Mais enfin. Même si elle, elle ne veut plus de moi, je ne la lâcherai pas. Je continuerai à la suivre, à la protéger dans l'ombre. Même si elle m'a remplacée. J'ai bien vu qu'il y avait un Dratatin - un peu inutile, si vous voulez mon avis - et surtout, une Salamèche qui passe tout son temps avec elle. Quoique. Pas aujourd'hui. Et c'est peut-être là ma chance. Aujourd'hui, aucun pokemon ne l'accompagne. Alors je m'arme de courage et je la suis jusqu'à ce parc. Je vais aller la confronter. L'obliger à me reconnaître. Je vais aller la.... Elle s'arrête, et je manque de lui rentrer dedans. Elle se retourne et me regarde droit dans les yeux. Une nouvelle fois.

Mon coeur s'accélère alors que j'observe l'Otarlette avec un nouveau regard. Elle est là, encore. Et cette fois, il n'y a personne autour d'elle. Elle m'a donc suivie. Elle n'appartient à personne. Et puis elle fait un nouveau mouvement vers moi. Je recule d'un pas. Elle s'arrête, baisse la tête un instant. De la tristesse? Ce que je vois, je ne veux pas le reconnaître. Mais je crois que mon coeur le fait pour moi. Tant que j'étais à Alola, dès que je regardais par la fenêtre, je la voyais. Mon Otaquine qui m'attendait. Même après que je l'ai rejetée, que je l'ai libérée. Se pourrait-il vraiment que...? Non. Une fois de plus, je repousse cette idée. Ca ne peut pas être elle. Amanza.

Elle a reculé, une fois de plus. Je baisse la tête, triste et déçue qu'elle ne me reconnaisse toujours pas. Je sais que j'ai changé. Pour la suivre, j'ai été obligée d'évoluer. La distance était trop longue, trop fatiguante pour l'Otaquine que j'étais. J'ai grandi. Je sais qu'elle aimait quand j'étais petite. Mais ce n'était pas possible. Je me serais tuée à la tâche, sinon, à nager sur d'aussi grandes distances pour essayer de la retrouver. C'est moi, Nana. Amanza! Je tente, pour essayer de faire un déclic dans son esprit.

Je cligne des yeux lorsque l'Otarlette s'adresse directement à moi. Onk-onk-Ooooooooonk, entends-je. Le dernier est comme un appel, une supplique qui me fait monter les larmes aux yeux, presque. C'est bientôt Noël, et j'ai prévu de le passer uniquement avec mes pokemon. Après tout, je n'ai pas de famille, ni pour l'heure d'amis, à Lumiris. Je suis restée trop solitaire, depuis mon arrivée. Mais cette Otarlette me parle, s'adresse à moi comme si je la connaissais. Elle va jusqu'à venir à mes pieds et se mettre sur sa nageoire caudale pour toucher ma cuisse de son nez. Pas n'importe quelle cuisse. Celle qui a la cicatrice. Cicatrice invisible aujourd'hui à cause du pantalon que je porte pour me protéger du froid. Un déclic se fait dans ma tête.

Elle tombe par terre plus qu'elle ne s'assoit lorsque je la touche de mon nez. Il faut dire, aussi, que j'ai bien choisi l'endroit. Je la touche là où elle a été blessée parce que je n'avais pas su la protéger, ce jour-là. Cette nuit-là, plutôt.

Je revois, comme si c'était hier, l'accident. J'avais dix-sept ans, j'étais jeune et folle. Ma meilleure amie venait de se faire larguer, et j'ai voulu la rejoindre en plein milieu de la nuit. Plutôt que de prendre le canot moteur, j'ai pris ma planche de surf. Et le Sharpedo....

Son visage se ferme. A quoi pense-t-elle? Est-ce qu'elle m'a reconnue? Est-ce qu'elle se souvient? Je la regarde, le coeur battant. Et puis, soudain... "Amanza?" Mon coeur bondit de joie. Elle vient de prononcer mon nom. Elle vient de me reconnaître. Je saute dans les bras qu'elle ouvre pour moi

J'ai du mal à y croire. Mon Otaquine, malgré le fait que je l'ai rejetée avec force, avec méchanceté, même, ne m'en a pas voulu. Elle m'a suivie tout ce temps? Sur toute cette distance? J'éprouve tellement de honte. La vérité, c'est qu'elle m'a manqué, toutes ces années. Que je m'en suis voulue de l'avoir repoussée. Je referme mes bras autour d'elle, les larmes débordant de mes yeux. Je lui demande pardon. Elle a évolué. Elle est devenue Otarlette, mais je n'en ai que faire, honnêtement. Je crois que j'ai toujours su qu'elle évoluerait un jour. "Pardon, Amanza. Pardon." dis-je avant de sortir une pokeball. Est-ce que?

Elle sort une pokeball et mon coeur bondit de joie. Je vois bien que c'en est une vide. Qu'elle me propose de la rejoindre, à nouveau. mon nez appuie sur la pokeball et je me laisse aspirer à l'intérieur.

Je ne sais pas ce que je fais faire, à l'avenir, avec Amanza. Ce que je sais, c'est que j'ai un devoir envers elle. Je ne sais pas comment elle vivra le fait de ne plus aller à l'océan. J'ai peur d'avoir fait une bêtise, en la récupérant. Mais elle a fait tout ce trajet pour moi. Je serre la pokeball contre mon coeur, une dernière larme roule. Après tout ce qu'elle a fait pour me retrouver, j'ai le devoir de la rendre heureuse. Enfin.