On prenait ce qu’on avait, même quand ça n’était pas grand-chose. C’était moche, mais c’était le boulot. Et sa piste était... particulière. Suspicion de trafic de drogue, jeux illégaux, c’était presque habituel pour un réseau pour Dismas. Mais quand il s’agissait de détournement de mineur, c’était autre chose. Déjà parce que c’était plus risqué, mais également moins profitable. Et si Dismas détestait bien une chose, c’est qu’on touche aux gamins.

Enfin bon, il verra une fois sur place. Pour l’instant il était un mélange entre un client et un futur partenaire de business pour cette mafia. Le costar cravate était de mise. Même pour John. Quant à la boule rose sociopathe, elle était dans sa boule qui lui servait de maison.

Il grommela quand il réalisa que son premier contact avec cette organisation était une putain de gamine.

"Je pensais avoir affaire à des professionnels."

Bien sûr qu’il pouvait râler. Il était un client. Il devait être un minimum exigeant.

"Ou alors je ne suis pas pris au sérieux ?"

C’était un monde de brute. Il n’allait pas être sympa.

 

Pépé. Entendre ce mot, ça faisait mal aux "viellard" qu’était Dismas. Oui, il était âgé, mais il n’était pas hors jeu pour autant. Du moins, en théorie. En pratique, certaines de ses méthodes étaient trop anciennes et plus vraiment optimisées à défaut d’être fonctionnelles. Mais il allait passer outre cette attaque et faire semblant que tout allait bien. C’était une question... d’honneur. De principes, et autres valeurs un peu stupides et vieux jeu. Dismas dans toute sa splendeur...

"Si tu ne prends jamais tes clients au sérieux tu va vite les perrés, petits."

Elle n’était pas aussi stupide qu’elle en avait l’air, il le savait. Mais il fallait jouer dessus.

"Et évite de me toucher s’il te plait."

Il y avait des limites.

"Ah oui, j’imagine bien que tu ne peux pas."

Bien trop risqué.

"Appelle-moi Rook, ça devrait aller en attendant."

C’était son véritable surnom après tout. Mais elle ne devait pas le connaitre.

"Bon, on ne va pas rester comme des nazes ici, la marchandise est un peu plus loin. Je présume que tu es là pour vérifier la qualité de la "farine", c’est bien ça ?"

Pour quelle autre raison elle serait là après tout ? Aucune, à vraie dire.

"À croire que maintenant les réseaux recrutent tout et n’importe qui. Bientôt des collégiens vont faire tourner le tout, c’est ridicule."

Oui, il jugeait, pour avoir l’avis de la jeune fille. Peut-être pour qu’elle comprenne dans quelle merde elle était coincée. Qu’elle parte avant qu’il soit trop tard.

 

Rester calme et professionnel était de plus en plus dur, même pour un gars comme Dismas. Non, surtout pour un gars comme Dismas, qui pouvait s’énerver facilement. Surtout que la conasse de gamine le titillait comme pas possible. Est-ce que ce réseau faisait exprès d’envoyer la personne la plus chiante pour une première transaction ? Possible. Une sorte de test pour savoir qui avait les nerfs pour rester. Il espérait que c’était ça. Sinon il allait provoquer un meurtre.

"Du calme."

Il repousse ses mains. On ne jouait pas (trop) avec lui. Il y avait des limites.

"Je sourirai quand je ne serai plus pris pour une attraction. Je doute que tu aies envie qu’il t’arrive la même chose."

C’était sur, en fait.

"J’évalue la maturité sur les actions, pas l’âge."

Mais visiblement elle ne respectait aucune de ces valeurs, ou à sa manière. Les joies de l’éducation un peu ratée.

"Je suis incroyablement impatient d’être cuisiné par ta personne."

C’était ironique, il disait ceci en soupirant. Mais il n’avait pas le choix. Parfois, il détestait son boulot.

 

Quel dommage oui. Elle n’avait pas besoin de le rappeler en permanence. À croire qu’elle était inconsciente du danger, ou suicidaire. D’un autre côté, Dismas devait cacher son jeu. Donc si elle était ainsi, c’est que ça fonctionnait. Même son pokemon semblait en avoir marre.

"Un véritable malheur. J’ai dû épuiser toute ma chance avant d’arriver ici."

Il n’allait pas insister sur ce point. Il priait pour être tranquille, au moins quelques instants.

"C’est en étant sérieux que je suis encore debout aujourd’hui."

Un champi... à une époque, il avait sorti un gars d’une horrible addiction. Et maintenant, ledit gars était l’une des meilleures personnes qu’il connaissait.

"J’ai déjà ma propre drogue, mais merci pour la proposition."

Il sourit en montrant son paquet de cigarettes. Une seule part jour. C’était un rituel. Une vieille habitude prise avec d’anciens camarades.

"T’impressionner, pas vrai ?"

Cette gamine était insupportable.

"Tu ne devrais pas hurler comme ça, on va finir par attirer l’attention."

Il n’aimait pas la nuit, il détestait l’obscurité, mais il avait appris à l’observer et à la combattre. Les civils étaient bien trop habitués aux lumières de la ville.

"Rectification, nous sommes déjà observés. Tes supérieurs ont tendance à surveiller avec des ectoplasmes, ou je dois demander à mon compagnon de m’en occuper ?"

Il était sur a 90 % de la position et de la nature des deux espions très discrets. C’était l’expérience qui ne parlait, ni plus ni moins.

 

"Donc tu vas rester éternellement jeune ?"

C’est beau l’espoir. Lui n’en avait plus. Dismas était un vieux con qui voyait la fin du monde, la mort et le désespoir partout. Les idéaux, et les rêves, il n’en avait plus, lui qui était ici bas. Ceci ne voulait pas dire qu’il n’aimait pas sa vie, c’était juste... différent. Pour lui, s’arrêter, c’était mourir, alors il était parfois nécessaire d’arrêter de réfléchir et de continuer de faire quelque chose.

"Arrete de crier, veux-tu ?"

Il avait failli donner un ordre. Ou plus, véritablement utilisez son ton autoritaire. Ça aurait été dommage. Il ne voulait pas perdre ce qui lui rester de sens auditif.

"Ho, pour savoir."

Elle n’était qu’un rouage dans la machine. Un simple pion. Si elle ne réfléchissait pas un peu plus, elle n’allait pas rester longtemps. Ou être exploité le plus possible, car elle était stupide. L’un des deux. Bon courage à elle.

"Je pensais qu’on y allait déjà. À moins que je te suive pour rien."

Ce qui serait une perte de temps énervante, pour sur.

 

"Je l’avais remarqué."

Il soupira à nouveau. Une gamine était plus maligne et plus stable qu’elle. Elle était insupportable. Et pourtant Dismas en avait vu des personnes différentes. Mais là, c’était le pompon. Un jour, il appellera tout les cons et autres stupides qu’il connaissait pour faire un concours. Il serait un super juge.

"Pardon ?"

Il espérait avoir rêvé.

"Tu as oublié ?"

Il ne savait pas quoi dire. Elle se roulait par terre de rire, mais au moins son pokemon semblait la juger autant que Rook. C’était surréel.

"Voilà qui est... surprenant. Et décevant, je ne vais pas mentir."

Extrêmement décevant.

"C’est presque insultant pour le nouveau client et négociant que je suis."

Il n’avait pas besoin d’être plus sympa que nécessaire.

"J’espère donc que tu vas rapidement retrouver ton chemin. Je n’aimerais pas faire de la mauvaise publicité à votre association."

C’était le boulot. Et au bout d’un moment, il devait se faire respecter.

 

"Ho, mais je sais très bien quelle tête j’ai."

La tête d’un gars qui ne montre pas qu’il doit se retenir de faire un meurtre de sang-froid. Rien de grave. Pour lui. Il savait cacher les cadavres et les preuves. Et il pourrait presque dire que ça ne serait pas une grosse perte.

"Dieu merci , je suis célibataire. Umagine avoir une enfant comme toi... non merci."

Il avait connu l’amour, mais ça avait été très bref, et très brutal. Quant aux enfants... ça n’était pas pour lui. Il s’occuperait très (très très très...) mal d’eux. Les pauvres. Heureusement qu’ils n’existaient pas et qu’ils n’existeront possiblement jamais.

"Et je pense que je ne vais pas te retourner la question."

Elle dirait soit n’importe quoi, soit n’importe quoi. Aucun intérêt à entendre la réponse.

"Mais merci de m’avoir mener jusqu’ici, je suppose."

Il avait hâte de pouvoir avoir une conversation avec un être censé.

 

Oui j'ai donné des noms au pif

"Je n’y peux rien si j’ai une vie normale, gamine. Tu verras, c’est la joie de devenir un adulte, avec le train-train quotidien aussi inintéressant qu’ennuyant."

Il préférait largement être vu comme un mec ennuyant qu’un gars qui avait une vie beaucoup trop agitée. Parce que la sienne était tout sauf de tout repos. Mais elle n’avait pas besoin de savoir ça, et elle ne devait certainement pas le savoir. Peut-être qu’un jour, elle comprendra ce qu’était la vie. Ça n’était pas certain.

La preuve, la gamine fonçait dans les bras de ses collègues... à leurs grands désarrois. Dismas comprenait leur douleur.

"C’est ce que j’ai remarqué, en effet. Sauf votre respect, je doute qu’elle le meilleur premier contact pour votre charmante entreprise."

Charmante, en effet. C’était la joie des organisations illégale.

"Comme je disais à votre coursière, je suis vendeur d’information et de produit. J’ai une cargaison de baies coca qui n’attend que des acheteurs potentiels."

À voir si les voyous allaient mordre à l’hameçon.

 

"Je comprends pourquoi elle est rarement de sortie."

Quel dommage qu’elle ne soit pas dans l’armée. Elle se serait fait pourrir par les instructeurs puis par ses camarades avant d’être vite fait bien fait dégagé de la. Et ça n’était pas qu’on a fait l’armée qu’on est psychorigide. Dismas se trouvait très ouvert d’esprit et prompt à l’improvisation. Il soupirait à l’unisson avec son "confrère". Tout le monde ici présent voulait assommer la gamine.

Gamine que Rook ignora soigneusement. Oui, il n’était ni drôle, ni souriant, ni fun, ni beau, et il n’en avait rien à carrer. En tant qu’adulte, il était important de faire la part des choses. De se détacher de l’environnement terriblement chiant et d’ignorer certains problèmes. La négociation et la vente de produit illégal demandaient normalement du calme, mais il faisait avec.

"Et moi je n’aime pas être avec toi, ça va dans les deux sens, gamins."

C’était gratuit, ça faisait du bien.

"Tant qu’elle ne devient pas mon principal contact avec votre organisation, tout me semble bon."

Il continuait de penser que c’était un test. Voir s’il avait les nerfs pour supporter tout ceci. Ça ne valait presque pas le coup. Il en avait marre.

"Encore merci pour votre aide. Je présume qu’elle doit me raccompagner quelque part ?"

Il espérait que non. Il était prêt à les payer pour ça.

 

"Parait que j’ai le sang empoisonné, entre l’alcool, la fatigue, la clope et les drogues."

Dismas n’était pas vraiment un modèle de santé. Quoique... si il, pouvait servir d’exemple. D’exemple à ne pas suivre, mais un exemple tout de même. C’était une petite victoire ? Une toute toute toute petite victoire. Il se sentait vieux, tout d’un coup. Pour changer. Heureusement qu’il avait un peu de soutien de la part des bougres. Si ça, ça n’était pas l’ironie du sort...

"Ouaip, j’hésite sur quel endroit et quel domaine je peux te vendre. Dans certaines situations, les jeunes font fureur."

Toutes, en réalité. Cruelle réalité. Être âgé diminuait toujours la valeur d’une personne, dans la vie civile comme dans la vie criminelle.

"Merci, mais je vais refuser l’offre. Je sais retrouver mon chemin, et je suis attendu quelque part. C’est que je suis un homme occupé. Alors bon courage pour le reste et pour gérer la gamine."

Il la repoussa de sa personne et commença à s’éloigner. Il voulait rentrer chez lui, boire et s’effondrer pour oublier tout ceci.