Pour la première fois, ta crinière rouge subit la folie des vents de Lumiris. Un sentiment semblable à de l’amertume humecte tes lèvres. Ton regard ne vient même pas contempler tes arrières. Wailmer sautillant comme un ballon en plastique à tes côtés, tu esquisse un léger sourire, une denrée très rare de nos jours. Ton pied droit vient marquer le début de ta foulée, tu avances sans la moindre douleur, laissant ton être imager le futur que tu souhaites dessiner. Le soleil venait arroser divinement ton visage blanchâtre, tu te tenais face à lui comme une adversité, comme un rempart infranchissable. Tu devenais quelqu’un, libéré de tes chaînes et sentant la légère brise de la liberté frôlé ta nuque dans une douce caresse qui te soulevait l’échine. Un nouveau départ, une nouvelle vie. Une voie toute tracée, comme pour briser le rêve de ta famille. Aujourd’hui tu n’as plus rien à part ton pokémon, premier d’une longue lignée de gagnant. Dans ses yeux, tu lis comme dans un livre ouvert et tu te sens complémentaire à ses côtés, tu es devenu utile à quelqu’un, comme ta présence en retour. Une ponctuation laissant ta silhouette s’éloigner sur les rives de Lumiris, tandis que le règne du soleil prenait fin.

La vérité est plus sombre. Tu n’as jamais été un garçon désiré par ses parents. Tu es né comme un cheveux sur la soupe, d’un couple de créateur en pleine hérésie. Tu es la source d’une tempête immense et tu ne le sais pas encore. Ton corps chétif s’agite, tu hurles à n’en plus pouvoir respirer parce que tu viens de sortir d’un endroit réconfortant et la lumière de l’extérieur te brûles les yeux. Tu ne comprends rien et pourtant la vie commence à te malmener d’une façon étrange. Ton premier cri survenant au mois d’avril. Une enfance inexistante, une solitude devenant une arme doublée d’une meilleure amie. Tu n’étais qu’une fumée pâle qu’on ne pouvait saisir, le genre de garçon invisible qu’on préférait oublier pour mieux vivre. Tu restais là, sans la moindre colère assis sur ton lit, les genoux contre la poitrine, les yeux humides. Tu attendais un signe, ne serait-ce qu’un simple rayon de soleil sur ta misérable carcasse et un jour, Wailmer entra dans ta vie.
En vérité, tu en étais le propriétaire parce que tes parents n’en voulaient pas, parce qu’il ne représentait pas l’incarnation de la perfection. Une boule de gras bleue, avec un large sourire niais sans arrêt figé sur son visage, Une créature énervante, mais pas pour ta personne. Tu as commencé à te prendre d’affection pour cette petite sphère bleutée qui, au départ, pouvait tenir dans le creux de ta main comme une pokéball. Aujourd’hui, ce n’est plus la même histoire. Il est plus grand et plus épais que toi et lorsqu’il sautille, la terre tremble légèrement. Il mange comme cinq et engloutit toute nourriture que sa gueule trouve. Tu l’aimes plus que ta propre vie, pourtant tu n’as jamais eu les mots pour lui faire comprendre, un simple regard suffit, une simple émotion, un simple battement de coeur.