Le beau temps était vraisemblablement de mise pour la journée. Tant mieux. Quitte à devoir crapahuter en dehors des sentiers balisés du Parc Safari, Auguste préférait le faire par beau temps que sous la pluie ou dans le froid. La pluie et la neige ne rendaient pas plus aisée la progression en terrain difficile. A côté de cela, la présence du soleil et de la brise estivale faisait du bien. Il suffisait de regarder Ekaterina qui était accoutrée comme si elle s’apprêtait à faire un pique-nique. La voir ainsi vêtue changeait de d’habitude et cela rappela au Pulsar que de manière générale, la jeune femme était loin d’être désagréable à regarder. En y regardant à deux fois, il se demanda néanmoins si elle n’avait pas pris un peu de poids récemment. Si la question lui brûla les lèvres, il s’interdit de la formuler. Certaines femmes étaient très… sensibles lorsqu’il était question de leur poids et dans la mesure du possible, il ne tenait pas à agacer la scientifique. L’après-midi ne faisait que commencer, autant rester de bonne humeur !

« Ah heu… non, je ne l’ai pas. Je n’y ai pas pensé. Tu as le tien avec, toi ? »

Qu’elle lui demande cela l’avait surpris mais il était vrai que lors de leur dernier passage ici, il avait mentionné l’idée d’aller faire trempette. Dommage qu’elle ne le lui ait pas rappelé avant leur rendez-vous d’aujourd’hui, il aurait emporté son short de bain. Mais n’était-ce pas un sourire taquin qui étirait les lèvres d’Ekaterina ? Il ne l’avait pas saisi tout de suite mais elle plaisantait, chose plutôt rare de sa part.

« Ce n’est pas grave. Au pire, je ne porterai rien pour aller piquer une tête. » dit-il en aussi les épaules avant de rendre à la jeune femme son regard mutin.

Il avait été pris au dépourvu par cette tentative d’humour. Ce genre d’attitude n’était pas habituelle chez elle, c’était le moins que l’on puisse dire. Elle souleva juste après l’idée de retourner au même endroit que la fois passée. Auguste n’eut pas besoin de réfléchir plus de cinq secondes avant de prendre sa décision.

« Bien sûr ! L’endroit était sympa et même si on n’a pas trouvé de Zorua ou de Melo, on a trouvé des Pokémons atypiques. Je suis certain que ce sera encore le cas. »

La météo était semblable même si les rayons du soleil n’étaient pas aussi forts. A n’en point douter, s’aventurer jusqu’à un point d’eau n’était pas une mauvaise idée. Ils trouveraient sans doute l’un ou l’autre Pokémon en quête d’un endroit où se désaltérer. Ils se mirent dès lors en route sans attendre. Même s’ils n’étaient pas pressés, inutile d’attendre à l’entrée du Parc, ce n’était pas là qu’ils allaient trouver ce qu’ils cherchaient.

« Reste à espérer que nous ne croisions plus de Tutafeh au sang-chaud. »

Cela avait été drôle et même s’ils s’étaient montrés agressifs, tout s’était bien fini. La seule victime avait été Auguste, qui avait eu droit à une belle bosse sur le sommet de la tête. Il avait même fini par capturer un des deux Pokémon, Ekaterina attrapant l’autre, alors il ne s’en plaignait pas.

Amusé, Auguste suivait le Crocrodile du regard. Voir un Pokémon doté d’une mâchoire aussi puissante transporter un Magicarpe dans sa gueule avec toute la délicatesse du monde était presque attendrissant. Comparé aux Pokémons de premier abord froids ou turbulents, cela faisait un sacré changement. Il n’eut pas le temps d’y réfléchir davantage car la scientifique la question posée par la scientifique le fit sortir de ses pensées.

« J’en ai entendu parler, oui. » répondit-il, la mine assombrie.

C’était logique. Un tel événement ne passait pas inaperçu. En plus d’avoir fait la une des journaux de la région, cet incident avait été un sujet de discussion récurrent à la Base des Rangers, où tous eurent l’occasion d’affirmer leur dégoût face à des telles pratiques. Le Pulsar ne comprenait pas ce qu’il se passait dans la tête des gens ayant des idées pareilles.

« Cela aurait déjà été horrible s’il s’en était juste pris aux Pokémons, c’est encore pire que le coupable ait tué quelqu’un au passage. »

Qu’il s’agisse d’un policier ne changeait rien à cela. Auguste n’avait jamais eu de réels soucis avec les forces de l’ordre et en aucun cas il ne leur souhaitait du mal mais ce sort-là, il ne le souhaitait à personne. Il soupira, accordant quelques secondes à la nouvelle question d’Ekaterina. Que pensait-il de tout cela ? C’était ignoble, bien entendu, mais que dire des motivations de l’empoisonneur et tueur ? Il devait y avoir une raison derrière tous ces actes…

« Je… Je ne sais pas. Je dois t’avouer que ce genre de comportement m’échappe un peu. Ces Pokémons étaient dans un bassin donc ce n’est pas comme s’il cherchait à se débarrasser de nuisibles. Si l’objectif était de frapper fort, je ne comprends pas pourquoi il n’a rien revendiqué après. Peut-être un déséquilibré qui a cédé à ses pulsions avant de se faire surprendre par un policier sur les lieux du crime, je ne vois que ça pour le moment. »

Un peu à la manière d’un enfant un peu cruel qui arrache les pattes d’un insecte même si là, c’était à une échelle différente. Une chose était certaine, l’auteur de cet acte devait être retrouvé et amené devant la justice. Ce crime ne devait pas rester impuni et un fou tel que lui ne pouvait pas être laissé en liberté car s’il avait frappé une fois, il recommencerait. Peut-être pas tout de suite mais tôt ou tard, il commettra un nouveau méfait. C’était ainsi qu’Auguste voyait les choses.

« Quel est ton avis sur tout cela, toi ? »

Et pourquoi l’avait-elle interrogé au sujet de cette affaire ? Ses questions sortaient de nulle part, il fallait bien l’avouer et le Champion Psy était curieux de savoir la raison pour laquelle elle était intéressée par cette affaire. S’agissait-il d’un lieu qu’elle affectionnait ?

« Tu sais quelque chose que j’ignore ? » demanda-t-il finalement.

Ce n’était pas impossible car puisque cette affaire impliquait le meurtre d’un agent de police, peu d’informations fuitaient sur l’avancée de l’enquête. Auguste lui-même ne savait pas où ils en étaient mais peut-être qu’il en allait autrement pour la scientifique.

« Ils sont déjà peu bavards sur toute cette affaire avec les Rangers alors oui, je doute fortement qu’ils laissent un échantillon à quelqu’un n’étant pas affilié aux forces de l’ordre. Trop de risques que ça se perde, soit volé ou même soit utilisé à de mauvais escient, je suppose. »

Ce ne serait bien évidemment pas le cas de la jeune femme. Elle était Championne d’arène et était connue du grand public, elle n’avait donc aucun intérêt à commettre un crime si on pouvait remonter aussi facilement jusqu’à elle. Malheureusement, ce n’était pas Auguste qu’elle devait convaincre si elle désirait mettre la main sur un échantillon du poison utilisé. Si cela avait été le cas, elle serait déjà en possession de ce qu’elle voulait pour mener ses recherches.

« Savoir qu’il possède un Miaouss d’Alola limite les possibilités, certes, mais ce n’est pas avec ça que nous allons retrouver le coupable. J’espère seulement qu’il se fera attraper avant qu’il ne recommence. Il a déjà tué une personne, j’aime autant que le bilan ne s’alourdisse pas. »

C’était triste aussi pour les Pokémons de l’aquarium, oui, mais le drame principal dans cette histoire demeurait la mort d’un être humain. Vu la manière dont Ekaterina avait présenté les choses, à savoir que d’après elle, il s’agissait d’un essai, il était logique de conclure que le criminel allait recommencer. A plus grande échelle et muni d’un poison qu’il aurait perfectionné ? Pas impossible. Il y avait vraiment des gens détraqués…

Le fil des pensées du Pulsar fut interrompu lorsque la scientifique tendit un index pour attirer son attention dans une direction donnée. Il posa les yeux à l’endroit indiqué pour y découvrir un Pokémon. La stupéfaction s’inscrivit sur son visage lorsqu’il découvrir un Sinistrail. Il avait été tellement absorbé par ses réflexions qu’il ne l’avait pas vu. Ekaterina souligna son désir de le capturer. C’était normal, on ne croisait pas tous les jours un Pokémon aux couleurs si particulières et puisqu’elle l’avait découvert, le Ranger entendait bien lui laisser le privilège de l’attraper.

« Tu as l’œil ! » glissa-t-il en s’approchant du bord de l’étang.

Il souhaitait rester à bonne distance pour laisser le champ libre à la jeune femme et être certain de ne pas la gêner. Après avoir fait une si belle rencontre, il aurait été dommage de faire fuir le Sinistrail après l’avoir effrayé. Il entendait donc observer la scène de loin. Enfin, c’était son projet, jusqu’à ce qu’un énorme poisson crève la surface. Ne l’ayant pas vu venir, Auguste sursauta mais cela ne l’empêcha pas de se jeter sur le côté lorsque le Pokémon sauvage lança un puissant jet d’eau dans sa direction. Par chance, Ekaterina ne se trouvait pas sur la trajectoire et il avait donc pu s’en écarter sans devoir s’inquiéter pour elle.

« Tous ne sont pas d’humeur à faire la sieste, on dirait. »

Maintenant que se carte « effet de surprise » avait été jouée, le Pokémon que le Pulsar ne reconnut pas allait devoir subir les conséquences d’une telle agression. Une Pokéball apparut dans la main de l’homme qui en fit sortir son Métalosse. S’il n’était pas dans les habitudes d’Auguste d’aller brutaliser gratuitement la faune locale, force était d’admettre que la créature aquatique ne lui laissait guère le choix. Krang avait très vite compris le danger et il n’attendit même pas les directives de son dresseur pour préparer une attaque Poing-Eclair.

À l’exception du Tutafeh qui s'était faufilé derrière Auguste pour le frapper, toutes leurs captures en ces lieux s'étaient plutôt bien déroulées. Or, il semblait que celle-ci allait leur donner du fil à retordre. Ekaterina et lui-même s'étaient retrouvé face à deux Pokémons sauvages et aucun des deux n'avait l'air décidé à se montrer pacifique. Tant pis. Le Pulsar entendait bien ne pas se laisser faire. S'il n'était pas du genre agressif, il n'hésitait pas une seconde à répliquer pour se défendre, comme il l'avait prouvé en envoyant Krang, son fidèle Métalosse.

« Ça devrait aller, oui. » répondit-il.

Le monstre d'acier avait abattu son poing sur le Pokémon adverse. Dans ce poing était insufflée la puissance de la foudre et cela fit des ravages. La créature aquatique cria de douleur avant de préparer à son tour une attaque pour se débarrasser de l'importun. Plus rapide que lui, Krang l'attaque à nouveau avec Poing-Eclair, ce qui suffit à coucher la bête sur le flanc.

« Ça suffit, pas la peine de nous acharner. »

Lui faire comprendre qu'il n'avait pas la moindre chance et que c'était une erreur d'avoir cherché à s'en prendre à eux était suffisant. Surtout vu sa faible puissance ! Il avait beau être énorme et intimidant, le Pokémon sauvage n'était à vrai dire pas très fort puisque deux coups avaient suffit à le vaincre. Néanmoins, ce qui se passa ensuite surprit Auguste. Le gros poisson diminuait de taille à vue d’œil !

« Qu'est-ce que... ? »

Tout au bord de l'étang, le Champion d'arène tentait d'y voir plus clair en mettant sa main en visière afin de ne pas être aveuglé par le soleil. Du monstre vaincu s'enfuyaient une myriade de petite silhouettes sombres que le Ranger apercevait sous la surface.

« Krang, tire-le jusqu'ici. »

Ce phénomène l'intriguait et il ne s'en cachait pas. Ni une ni deux, il se débarrassa de ce qu'il avait aux pieds, retroussa son pantalon et pénétra finalement dans l'eau. Il y fit quelques pas pour se rapprocher tandis que son Métalosse faisait de son mieux pour traîner la bête, celle-ci diminuant de volume à chaque seconde qui s'écoulait. Quant il parvint enfin à proximité de son dresseur, le Pokémon qu'il tractait ne faisait même plus un quart de sa taille initiale. Et les ombres sous l'eau continuaient à fuser, certaines passèrent à proximité du Pulsar, d'autres lui frôlèrent carrément les mollets.

Vif comme l'éclair, Auguste enfonça une main dans l'eau et referma ses doigts sur l'une des nombreuses silhouettes. Au toucher, il s'agissait à n'en point douter d'un poisson mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il le sortit de son milieu de vie pour le regarder de plus près. Le Ranger n'avait que très rarement aperçut un Pokémon ayant l'air aussi pitoyable. Il tenait entre ses mains une minuscule créature – tout au plus vingt centimètre – dont les yeux globuleux laissaient à penser qu'il pleurait.

Arrivant à sa hauteur, Krang ne tenait plus rien entre ses pattes. Le monstre n'était plus et tout ce qu'il restait de lui était un alevin ridicule. Selon toute vraisemblance, le gros poisson qui, à l'origine, mesurait près de dix mètres n'était en réalité qu'un rassemblement de ces petits poissons qui agissaient de concert. Quel étrange comportement... Toutefois, c'était aussi curieux et il n'en fallait pas davantage pour titiller l'intérêt d'Auguste. Ekaterina pourrait peut-être éclairer sa lanterne. Elle était toujours aux prises avec son propre adversaire et il semblait un peu plus coriace que celui affronté par Auguste.

« Va l'aider. »

Se soulevant hors de l'eau, le Métalosse fonça droit sur le Sinistrail. Des flammes entouraient déjà une de ses pattes, indiquant qu'il s'apprêtait à utiliser une attaque Poing de Feu. Le bruit du métal s'entrechoquant résonna avec force tandis qu'Auguste revenait sur la terre ferme. L'herbe sèche lui chatouilla la plante des pieds tandis qu'il rejoignait la scientifique.

« Tu as une idée de ce que c'est ? » lui demanda-t-il en brandissant sa sardine.

Il s’agissait donc d’un Froussardine. Auguste fronça les sourcils en regardant de plus près le Pokémon qu’il tenait en main à mesure qu’il écoutait les explications de la scientifique. S’il ne l’avait pas vu de ses propres yeux il aurait eu du mal à y croire mais puisqu’il avait vu la Forme Banc en action, il ne pouvait nier son existence. En farfouillant dans sa mémoire, il lui semblait se souvenir avoir déjà entendu parler d’un Pokémon capable de s’assembler avec ses congénères pour acquérir une forme plus puissante. Cela ne l’avait pas spécialement intéressé à l’époque mais s’il avait su que c’était ça le résultat, il y aurait prêté une oreille plus attentive.

« Assez, oui. » répondit-il une fois qu’Ekaterina se tut, « J’ai été surpris de me faire attaquer par un Pokémon aussi massif mais plus encore lorsqu’il s’est mis à rapetisser après avoir été battu. Au final, c’était tout simplement une multitude de Froussardines qui agissaient de concert. »

Il avait agité la sardine qu’il tenait en main afin d’appuyer son propos. Pas une seconde il n’aurait cru qu’un Pokémon aussi petit et pitoyable puisse accomplir cela. Comme l’avait souligné la jeune femme, Froussardine était l’application du célèbre adage « L’union fait la force ». Le Ranger considéra sa trouvaille encore quelques secondes avant de se dire qu’au final, un tel Pokémon pouvait avoir son utilité. Il s’arma donc d’une Safari Ball et l’appuya sur le corps frétillant du poisson. Bien trop faible pour résister, le Froussardine entra dans la sphère métallique et n’en ressortit pas.

« Ce n’est peut-être pas le Pokémon le plus séduisant mais je suis curieux d’en apprendre un peu plus sur lui. Je vais le prendre ! »

Ce n’était clairement pas la créature la plus sexy que la terre ait porté mais bon, cela lui importait peu actuellement. Sa rencontre avec la Forme Banc l’avait intrigué et désormais, le Pulsar était intéressé de connaître tout le potentiel de ce Pokémon. Il ne le garderait probablement pas mais pour sa satisfaction personnelle, il était obligé de se pencher davantage sur les capacités du Froussardine. Il n’était pas impossible qu’au final tout cela ne mène qu’à une déception mais d’après ce que lui confia Ekaterina, ce Pokémon était redoutable une fois entouré de ses congénères.

« On en a fini pour aujourd’hui en effet ! » confirma-t-il avant de hausser les épaules, « Eh. On ne change pas les bonnes habitudes, je te suis. »

Rien de mieux pour se détendre qu’un petit verre, n’est-ce pas ? Ekaterina ne semblait pas boire d’alcool – c’était son choix et Auguste ne chercherait jamais à la forcer – mais pour lui, une bière bien fraîche n’avait pas d’équivalent. Rien qu’à y penser, il avait déjà hâte d’y être ! Le Pulsar rangea alors la Safari Ball pleine dans son sac et enfila de nouveau ses chaussures. Le confort n’était pas optimal avec les pieds humides mais faute d’avoir emporté une serviette, il devrait s’en contenter.

« Je reste quand même étonné qu’après être venus deux fois jusqu’à cet étang, nous n’y ayons toujours pas croisé quelqu’un d’autre. Enfin, je ne m’en plains pas, ça nous laisse plus de choix. Qui sait, s’il fait beau la prochaine fois, on reviendra à nouveau. »