Par chance, il ne pleuvait pas aujourd’hui. Ca m’arrange. Faut dire que finir trempée encore une fois ne m’arrangerait pas. Stahl sur le talons, j’arpente la ville à la recherche de… De quoi au juste? J’en ai foutrement aucune idée. Qu’est ce que je suis sensée faire? En tant que dresseuse? En tant qu’assistante du prof? Capturer de nouveaux pokémon? Entrainer Stahl? Chercher un adversaire pour le combat? Je ne suis pas ici en touriste, je ne peux pas rester là à ne rien faire durant mes journées. Trouver un objectif est le plus important. Ici ou dans une autre ville, c’est pareil non? Du coup voilà ce que je vais faire: je vais explorer la ville histoire de comprendre où est-ce que j’ai mis les pieds.

Au bout de quelques minutes, je me rend compte de deux choses: c’est bondé de touristes et ça ne m’avance pas à grand chose. Et je suis perdu. Ça fait trois choses, en fait. Bordel, qu’est ce que je suis venu foutre là, moi? Alors oui, techniquement je mettais le plus de distance possible entre moi et Johto, mais… J’avais d’autres solutions. Qui ne m’auraient pas plus avancée, remarque. Panique pas, Lauriane. C’est juste le temps que je m’adapte, que je trouve ma place dans ce monde nouveau.

Je pousse un soupire au moment où j’entends un espèce de jappement qui me sort de mes pensées. En regardant autour de moi, je me rend compte que je me suis éloignée du centre ville. Bien joué, ça. Déjà que je m’y repérais pas dedans… Perdue pour perdue, je décide de m’avancer un peu plus dans ces rues moins fréquentées pour en savoir plus sur la provenance des bruits que j’entends. L’ambiance qui règne ici me rappelle le quartier dans lequel j’habitais, ce qui n’est pas pour me plaire. Je déboule finalement derrière un petit groupe de cinq ou six personnes. Deux d’entre elles se tiennent légèrement en retrait. Les autres sont attroupées autour d’un Pokémon. Un Caninos dirait-on. Je m’approche, curieuse.

-Tu crois qu’il est mort? Demande une des mecs, devant l’animal immobile.
-Non, il respire encore.
-C’est qu’il en a pas assez eu. Déclare un troisième.

Ce dernier décroche un puissant coup de pied dans les côtes du chien de feu qui est projeté contre le mur. L’animal, faible et endolori s’allonge difficilement sur le sol, ventre à terre, prêt à se liquéfier pour disparaitre, la tête enfouie entre ses pattes. Cette position. Cette violence gratuite. Cette douleur infligée par plaisir. Les larmes aux yeux, je ne peux rester immobile une seconde de plus. Pas face à ça. Pas après m’être retrouvée dans cette position tant de fois. Je refuse de fermer les yeux, quand bien même je sois en sous nombre et dussé-je y risquer ma peau. Sans prévenir, mon poing écrase déjà la machoire de l’un d’eux. J’empoigne le second par les cheveux et lui tire la tête vers le bas pour que son nez fasse connaissance avec mon genoux. L’un d’eux, plus réactif que les autres, m’attaquait déjà par derrière, mais il se prend un coup de coude dans les côtes. Je frappe (fort) par instinct, sans réellement faire attention. Je suis comme une furie que personne ne peut approcher sans s’en recevoir une. Moi aussi je prend des coups, beaucoup même. Stahl est là également, il tente de m’aider mais il n’est pas très doué au combat, il se retrouve vite sonné à devoir m’abandonner à mon sort. Mais je ne lui en veut pas. Je préfère qu’il reste à l’écart, en un sens.

J’aperçois un éclat blanc sur le côté. J’ai à peine le temps de tourner la tête que je vois un Simiabraz m’asséner un puissant mach punch au ventre. Mon souffle est coupé net. Je sens mon repas remonter avant même que je ne touche le mur contre lequel j’ai été projeté. L’arrière de ma tête cogne contre la pierre, je tombe au sol, à côté du Caninos. Pris de panique, le chien se jete sur moi. J’ai à peine le temps de mettre mon bras devant mon visage pour recevoir ses crocs. Par chance, il est trop faible pour vraiment les enfoncer profondément, mais cela m’arrache une grimace. J’essaie de t’aider, abruti!

Je vois les autres connards m’encerler. Certains sont pas mal amochés, mais je tiendrai plus très longtemps. Je m’aperçois que mon Galekid n’est plus là. J’espère qu’il est juste parti chercher de l’aide et que rien ne lui est arrivé…

 

Aux prise avec le Caninos sauvage, l’un des aggresseur me donne un coup dans le genoux qui m’arrache un gemissement. Bande d’enflures…

-C’est bon, t’as eu ton compte?
-Va crever!

Il va pour me frapper à nouveau mais un nouveau dresseur débarque avec son Arcanin. Le chien de feu met au tapis le primate, tandis que son dresseur se charge des autres. Pendant ce temps, Stahl bondit sur le Caninos pour qu’il me lâche le bras. Je serre mon Galekid contre moi, je suis contente qu’il aille bien. J’aimerai me relever pour aider cet inconnu qui semble avoir du mal aussi, mais mon ventre me fait trop mal.  Recevoir les coups d’un humain c’est une chose, mais une frappe d’un pokémon de type combat, c’en est une autre. Je vais m’estimer heureuse qu’il ne s’agisse que d’un mach punch, qui vise à attaquer rapidement, au détriment de la puissance. Mais ça fait mal quand même.

Au bout du compte, l’homme avec les dreads ârvient à les faire fuir. L’un des aggresseur tend une Pokéball et fait rentrer le Caninos à l’intérieur. Je bloque un moment. C’était le sien? C’était son Pokémon? Prise d’une nouvelle vague de colère, je tente de lui partir après mais j’ai trop mal. La douleur m’empêche de me relever et me fait tomber à quatre pattes. Ces enflures, si je les recroise, je…  Je me ferais tabasser encore une fois, hein? C’est logique, mais c’est une logique bien pourrave. Dire que ces enfoirés s’en sortent…

L’homme me tend la main et me suggère de partir rapidement. Un bras sur le ventre, je lui prend la main pour me relever. Je grimace mais m’efforce de le suivre, à mon rythme. Si c’était possible de se fracturer l’estomac comme un os, je penserais que c’est ce qui m’arrive. Je ne le connais pas, et ne sais pas où il m’emmène. Dans d’autres circonstances, ça aurait probablement été la pire décision possible. Mais bon, là j’ai pas trop le choix. Stahl me suit de près et jette sans cesse des regards en arrières pour s’assurer que nous ne sommes pas suivis. Je suis contente qu’il ait été là.

Quelques minutes de marche, de silence et de douleur plus tard, nous traversons un parc, avec une aire de jeu. Par chance, il n’y a aucun bambin. Mes crampes à l’estomac etant toujours aussi violentes, je me laisse tomber sur un banc. Ca ne craint plus rien, je crois. On devrait pouvoir s’arrêter ici. Enfin, moi, l’autre fait ce qu’il veut. Posée, je lève les yeux vers lui et lui adresse enfin la parole.

-Merci d’être venu m’aider. Qui sait ce que ces raclures auraient fait de moi sans votre intervention…

Stahl grimpe s’allonger sur mes genoux, et je pose une main délicate sur son dos.

-Je m’appelle Lauriane, et vous?

Je me présente, plus par politesse mais surtout pour briser le silence. Je suis soulagée qu’il en fasse de même. Je lâche même un sourire à sa plaisanterie. C’est vrai qu’il a pas l’air bien vieux. Je m’enfonce à nouveau dans le silence, pensive. Enfin, essayant de ne pas penser, plutôt. Je préfère ne pas réfléchir à ce qu’il vient de se passer. Vouer une haine envers ces personnes ne servirait à rien. Je suis pas une mafieuse qui vais laisser libre court à mes envies de représailles, et il y a peu de chance que je les recroise un jour par hasard. Faut juste que je me mette en tête que c’est un épisode pas glorieux qui est terminé. Et ce genre de mauvaises personnes ne refont surfasse que dans les mauvaises séries, là où le gentil finit par gagner. Mais on est loin de la fiction.

Je préfère reporter mon attention sur le Arcanin, à côté. Une magnifique créature au pellage ardent. Imposant et fier. Lionel fait sortir deux autres Pokémon de leurs Pokéball. Un Gobou et un Drattak. J’écarquille les yeux en voyant ce dernier, et me redresse légèrement. Je suis à la fois impressionée et intimidée. Il faut être un très bon dresseur pour élever un Draby à ce niveau. Ce n’est pas chose aisée. L’homme me tend de une poche de glace fabriquée à l’aide d’un morceau de sa chemise et de la glace générée par son Gobou. Je le remercie et l’applique sur mon arcade qui a pris un coup pendant le combat.

Le silence est à nouveau rompu par un bruit étrange émanant de son téléphone portable. Comme si quelqu’un essayait de communiquer avec lui mais qu’il y avait beaucoup d’interférence. Je ne comprend pas un traitre mot de ce que l’autre dit, ça ne semble faire aucun sens. Peut être est-ce un code entre eux. Suite à cela, je le vois du coin de l’oeil, qui m’observe. Je tourne la tête et croise son regard, que je détourne en entendant sa question. Comment je me sens? Difficile à dire. J’ai l’habitude de me battre, mais cette fois c’était différent. J’allais lui dire poliment que je n’avais pas envie de lui répondre. Ou alors j’allais lui mentir en disant que tout allait bien. Je ne sais pas trop. Toujours est-il que je n’en ai pas l’occasion. Mon malaise a dû se voir, puisqu’il embraye sur ses Pokémon.

J’obtient, par la même occasion, une explication sur la voix entendue tout à l’heure. Un Porygon-Z. Plutôt rare comme spécimen. Bordel, sur quel dresseur je suis tombée? D’après lui, il y a une chance que ça se finisse bien quand même. Enfin, non pas que finir derrière les bareaux soit un fait bien en soi, mais si eux y vont, c’est mieux pour le monde. Sa dernière question me décroche un sourire. Le fait qu’il lance la conversation me détend un peu. Non pas que je sois timide, ou asociale. Disons que je ne me sentais pas de le faire, là, tout de suite.

-Il s’appelle Stahl. On ne se connait pas depuis très longtemps, mais c’est un bon petit. C’est le seul ami que j’ai. J’espère que ce Caninos ne restera pas entre leurs mains trop longtemps.

Le Galekid relève la tête en comprenant que l’on parle de lui et affiche un espèce de sourire vers notre sauveur. Je jette un oeil au Drattak, surveillant les alentours depuis les airs. Je me lance enfin dans le bain pour aborder un sujet qui me taraude l’esprit depuis quelques minutes.

-Ton équipe est impressionante, tu sembles être un puissant dresseur. Ca fait longtemps que tu élèves des Pokémon?

Une équipe n’est normalement composée que de six Pokémon. Ici, il m’en a présenté quatre, dont une qui semble encore faiblarde. Mais les trois autres semblent bien entrainés et en bonne santé. Ils ne représentent qu’une demi-équipe au final. Mais c’est déjà la plus puissante équipe qu’il m’ait été donné de rencontrer. Etudier dans une école de Pokémon au lieu de se lancer directement sur le terrain a des avantages et des inconvénients.

J'acquiesçais silencieusement au parole du grand brun. J’étais plutôt d’accord avec lui, dans l’ensemble. Cependant, lui ne semblait pas l’être avec moi quand je le complimente sur son équipe. Je l’écoute attentivement, en silence, toujours. C’est étrange comme sentiment, mais je veux en savoir plus. Je veux savoir comment il en est arrivé là. Il m’informe également que les quelques créatures présentes ici ne sont qu’une petite partie de toutes celles qu’il possède. J’éprouve une certaine déception en comprenant qu’il n’est pas vraiment combattant, mais plutôt éleveur. Ca reste admirable, faire passer le bien des autres devant le reste est une vocation à laquelle il n’est pas toujours aisé de se tenir.

Il en résulte qu’il est le type de personnes que j’admire, que je respecte. Pour leur force et leur volonté. J’aimerai avoir les mêmes. Enfin, je ne suis pas à plaindre, pour ça, c’est certain. J’en ai bavé pour arriver là, et pourtant j’y suis parvenue. Mais j’ai encore du chemin à parcourir avant d’arriver à mon objectif final. Mon regard quitte Lionel que je ne lachais pas pendant son récit, pour se poser sur le dragon, au dessus de nous. Ouais, un jour, on écrasera les colosse comme lui. Dans des combats sportifs, encadrés par des règles, bien entendu.

Je me surprend à sourire en pensant à nos futurs combats épiques, au sommet. Je suis sortie de ma rêverie quand Lionel reprend la parole. Il m’invite à passer à son refuge. Ca pourrait être cool. Comme ça, je pourrais voir ses Pokémons et me faire une idée de… Une bulle verdatre se forme autour de nous alors qu’un cri retentit. Je me lève précipitament, non sans lacher une grimace, et regarde autour de moi. Ces enfoirés sont revenus. C’est à se demander pourquoi ils pensent avoir une chance, maintenant. Le Arcanin et le Drattak sont en position de combat, tandis que Stahl et la Gobou restent près de nous.

Après quelques insultes et menaces, les autres passent à l’attaque. Le combat démarre. Stahl m’alerte de quelque chose. Je me retourne et aperçois deux autres personnes qui nous prennent à revers. Ce qui explique pourquoi ils étaient aussi confiant. Mais merde, de notre côté, on a aucun moyen de se battre contre des adversaires aussi organisés et probablement bien plus forts que nous. Je ne peux pas envoyer Stahl dans une mission suicide, mais Lionel ne pourra peut être pas combattre de partout à la fois. Je dois trouver un truc, mais rien de très intelligent ne me vient à l’esprit. Tant pis, je vais faire ce que je fais de mieux.

-Stahl…

Mon Pokémon se met en position de combat en entendant son nom.

-Restes ici.

Son visage surpris se lève vers moi, alors que je commence à courir.

-Ne bouge pas! Ordonné-je.

Je me rue sur l’assaillant le plus proche, qui a le temps de brandir une Pokéball. Son acolyte aussi en sort une. Un machopeur et un Noarfang en sortent. Le baraqué me foncent dessus. Je ralentis et me place désespérément en position de combat, sachant pertinament que je ne fais pas le poids. Une opportunité survient alors que je pensais tomber face au premier adversaire. Un jet de boue, envoyé grâce à l’attaque de mon Galekid, atterit en plein visage du type combat. J’en profite pour lui passer à côté pendant qu’il est aveuglé.

Le volatile prend la relève et me fond dessus en piqué. J’ai le temps de réagir. Je me protège le visage et tente d’esquiver. Son aile me frole. J’en profite pour la saisir, ce qui le déstabilise et le fait chuter. Je n’attends pas de me prendre un coup de bec, et fonce vers son dresseur, que je reconnaitrais entre mille. Fallait bien que je tombe sur lui, c’est mon jour de chance. Façon de parler. Il essaie de se défendre, mais il n’a probablement pas fait des années d’art martial, et je le maitrise assez vite. Un bras pour bloquer le sien dans son dos, l’autre sous sa gorge, je me sert de lui comme bouclier humain. Je lui murmure à l’oreille, menaçante.

-C’est marrant que tu sois revenu, on a un compte à régler, toi et moi. Mais je suis surprise, à ta place j’aurais eu honte de montrer ma gueule. Tu te souviens du Caninos? Alors voilà ce qu’on va faire: tu vas dire à tes potes de partir sans faire d’histoire, ou je te fais finir comme lui. J’ai encore les traces de ses crocs sur le bras, tu n’as pas envie d’avoir la marque des miens.

Mon otage semblait avoir compris le message. Presque. A peine je le menace qu’il commence à se débattre. Ses coups de coude dans les côtes ne font pas du bien, mais je tiens bon. Appuyant un peu plus sur son bras, je menace de le rompre s’il continue. C’est moi qui suis en position de force. Il n’a qu’a abandonner. Cela, appuyé par l’intervention dangereuse mais calculée du Porygon-Z de Lionel, finit par le faire abdiquer. De sa main libre, il se saisit d’une Pokéball. Je me tient prête à lui briser le bras, au cas où, mais c’est bien le type feu maltraité qui en sort. Une fois celui-ci définitivement relâché, je laisse repartir l’homme à contrecœur. Non sans lui faire un croche-pied. Il parvient à garder son équilibre, à mon grand désarroi. Une main sur mes côtes endolories, je m’approche de mes alliés. Lionel me soutient, mais je ne fais aucune remarque là dessus.

-Pfiou.. J’ai cru qu’on s’en sortirai pas, cette fois. Je crois qu’on a mérité de se poser dans un endroit où on se fera pas attaquer.

Je n'avais pas besoin de la remarque de Lionel pour deviner dans quel état piteux nous étions. Je connaissais plus ou moins le chemin vers le centre et me mis en route. C’était sans compter les mains de Lionel qui me saisissent par la taille et me soulèvent de terre pour me placer sur le dos du Arcanin. Le temps que je réalise, je reçois le Galekid dans les bras.

-Hé! Je peux marcher toute seule, tu sais! C’est gentil de m’avoir aidé, mais j’ai pas besoin d’être assistée à ce point! Lancé-je à la fois gênée et vexée, avant de sauter de l’autre côté du Pokémon.

Je n’ai certainement pas besoin d’être portée pour aller jusque là bas. Et encore moins pour monter sur le dos d’un Pokémon. Je sais reconnaître quand j’ai absolument besoin d’aide… des fois. Mais je sais me débrouiller seule. J’ai déjà vu pire comme bagarre. Enfin, peut être pas au point de me battre contre des Pokémon. Mais niveau blessures et traumatisme, je m’en sort plutôt bien pour le coup. Je ne dis rien sur une bonne partie du trajet. Je fais un peu la gueule, je l’admet. Mais je réalise que faire la gueule sans explication ne résoudra rien.

-Ecoute. Tout à l’heure, dans la ruelle, tu m’as pas vue au meilleur de ma forme, c’est vrai. Et je te remercie d’être intervenu. Mais je ne suis pas une petite chose fragile qui a besoin d’aide sans arrêt. Je sais encaisser les coups, et je sais comment m’en remettre.

Mon ton est sans doute un peu sec et distant. Mais j’ai fais de mon mieux pour ne pas paraitre trop énervée et pour ravaler ma fierté.

Il n’y a pas beaucoup de monde au centre Pokémon. Je m’approche de l’infirmière à la réception, à qui je confie Stahl. Mon compagnon a quelques bobos, mais rien de bien grave. Ca ne devrait pas prendre trop de temps pour lui. J’ignore cependant ce qu’il en est pour les Pokémon du jeune homme. Je n’ai pas vraiment fait attention au combat qu’il a pu mener. Pendant qu’il s’occupe de ça, je présente le Caninos à une autre infirmière et lui explique toute l’histoire. Presque toute l’histoire. J’omet volontairement le fait qu’on l’a ni plus ni moins volé à son dresseur. Arraché de force à son maître officiel. Je sais pas trop comment décrire ça. Toujours est-il que, malgré ce que le gars lui a fait subir, notre action n’était pas bien légale non plus. Du coup, pour la version rapportée, on va dire qu’il était sauvage dès le début. Je rejoint Lionel ensuite.

-Bon. Ils vont regarder ses blessures et prendre soin de lui le temps qu’il se rétablisse. Après, il sera remis à une organisation compétente qui se chargera de lui trouver un nouveau dresseur ou de lui rendre sa liberté s’il en est apte… Et toi? Tu vas faire quoi maintenant?

Au moins Lionel semblait comprendre ce que je voulais dire et il n’y avait pas l’air d’y avoir de tensions suite à ma réaction plutôt impulsive. Tant mieux. Après que nous ayons confiés nos Pokémon au centre Pokémon, je le rejoint et lui explique ce qu’il va advenir du Caninos. Je suis contente de savoir qu’il compte le recueillir et en prendre soin personnellement. Je ne le connais pas beaucoup, mais je sais que c’est une bonne personne et qu’il prend soin de ses protégés. Le rescapé sera entre de bonnes mains avec Lionel. Il me tend une bouteille d’eau. Je saisis le Saint Graal.

-T’as peut être pas de Galopa blanc, mais au moins tu sais combler une femme. Plaisanté-je avant d’absorber une bonne quantité d’eau fraîche.

C’est vrai que ça fait du bien après une journée comme ça. Dans le feu de l’action, je ne m’étais pas rendu compte d’à quel point ma bouche et ma gorge s’étaient desséchées. Je mangerait bien un truc aussi, mais je ne sais pas si mon estomac est prêt à recevoir de la matière. Il me fait encore un peu mal, mais ça devrait aller. Je m’en remettrai. Lionel me retourne ma question.

-Je sais pas trop. Je viens de débarquer à Lumiris. J’ai entendu dire par le professeur Saule que toutes les espèces de Pokémon vivaient dans cette région, ce qui est une condition très rare. Donc j’imagine que je vais chercher où vivent les Galekid d’ici. Je pourrais les étudier pour en apprendre plus sur eux et sur comment élever le mien.

Je m’assois à côté du brun en sirotant ma boisson. Je me rappelle de ce qu’il me disait avant que les autres enfoirés nous interrompent. Il me proposait de voir son refuge. Peut être que je pourrais, si c’est sur ma route.

-Il se trouve où ton refuge? Je pourrais peut être y faire un tour, quand je reviendrai de chez les Galekid?

En parlant de ce Pokémon, j’aperçois le mien qui nous cherche du regard, au milieu du hall. Je lui fais signe pour qu’il nous rejoigne. Comme je le disais, ça n’a pas pris trop de temps. Il n’a même pas de bandage ou autre. Il est comme neuf! J’imagine que les Pokémon de Lionel ne devraient pas trop tarder non plus.

Lionel m’avoue ne jamais avoir quitté la région. J’imagine qu’on est tous plus ou moins attaché à sa région natale, ou qu’on a pas forcément les moyens de partir s’installer ailleurs. D’après lui, les Galekid (et leurs évolutions) de la région vivent dans une colonie au nord. Dans une grotte de la mâchoire de fer. J’ai rapidement regardé comment était formée la région, sur internet. Il me semble que cette fameuse mâchoire de fer est la longue chaîne de montagne qui travers l’extrême nord de Lumiris d’est en ouest. Et évidement, j’ai choisi d’arriver par Port-Corail, sois la ville qui est bien au sud. J’ai du chemin à faire avant d’y arriver.

Il me parle ensuite de son refuge. C’est dans le sud cette fois, à Kishika. D’après ce que je comprends, ça m’a l’air d’être un petit village campagnard. Lorsqu’il me parle de grand terrain d’entrainement, je dois admettre que ces mots titillent délicatement mes oreilles. Il va vraiment falloir que je lui rende visite un jour. Pour rencontrer tous ses Pokémon. J’en ai déjà aperçu quelques uns, mais il doit posséder plein de potentiels adversaires à affronter et de qui apprendre. Les Pokémon du brun finissent par revenir. Par chance, aucun d’entre eux n’a de soucis de santé suite à ce qu’il vient de se passer. Tant mieux. Lionel émet le souhait de rester en contact. Cela me semble une évidence.

-Oui, bien sûr. Écris ton numéro!

Je lui tends mon portable pour qu’il puisse écrire la série de chiffres correspondant au sien. Il souhaite également que l’on s’entraîne ensemble. Cependant, il fait référence à mon allure sportive, j’ignore donc s’il parle de nous ou de nos Pokémon lors qu’il mentionne l’entrainement. Peut être les deux.

-Ça serait avec plaisir! Pour mes recherches, c’est une longue histoire.

Je croise son regard, pour être certaine qu’il veuille l’entendre. Je prend finalement une inspiration avant de lui expliquer de la façon la moins chiante possible.

-Tu connais le professeur Saule? J’ai été son apprentie pendant mes études pour devenir dresseuse. Ses recherches se divisent en trois branches, chacune dirigée par une personne différente. Ces trois branches sont à la fois liées, et en même temps concurrentes. Mais ensemble, elles essaient de déterminer la meilleure façon de faire ressortir le plein potentiel des Pokémon. Spark pense que le mieux est de bien éduquer son Pokémon. De l’accompagner depuis l’œuf. Pour lui, les premières années de vie d’un Pokémon sont les plus importantes. Candela, elle, pense qu’un Pokémon devient fort grâce au lien qui l’unit à son dresseur. Un Pokémon est plus fort s’il a quelque chose ou quelqu’un pour qui se battre. Quant à Blanche, elle croit en l’évolution des Pokémon. Tant physique que moral et qu’un Pokémon ne peut révéler son vrai potentiel qu’au terme de cette évolution.

Je marque une pause, le temps que Lionel puisse assimiler tout ce que je viens de dire. Puis je reprends.

-Quand à moi, je suis la seule et unique représentante d’une nouvelle branche. “ABIS”, comme ils l’appellent. Mon rôle est de prouver la théorie que j’ai moi même avancé: Les trois modes de pensée sont vrais indépendamment, mais ce n’est qu’en appliquant tous ces concepts simultanément que l’on peut réellement faire ressorti le vrai potentiel d’un Pokémon. Un Pokémon qui a des valeurs inculquées depuis la naissance… Une raison de se battre… et l’expérience d’avoir atteint un objectif… Est plus fort qu’un Pokémon qui ne remplirait pas ces trois conditions. C’est à Stahl et à moi qu’il revient de prouver cette théorie.

Je me rends compte que mon regard s’est un peu perdu dans le vide pendant que je parlais. Je cligne des yeux pour reprendre mes esprits. Ecoute toi, Lauriane. On dirait presque que tu parles comme une vraie scientifique. Tss… Pourquoi je parle de ça comme si ça me tenait à cœur, en fait? Peut être parce que c’est grâce à ça que je gagne de quoi bouffer. Ouais, ça doit être ça.

-Désolé, je me suis laissée emportée.

Après avoir finit ma longue explication, le brun garde le silence. Est-ce que je l’ai perdu en route? Je me contente d’attendre qu’il réagisse, ce qui finit par venir. Il n’a pas tort, cette tâche m’a l’air assez conséquente. D’autant plus que je n’éprouve pas le souhait d’être scientifique à la base. Je n’ai pas encore réellement commencé à travailler sur tout ça. Mis à part la première étape, bien sûr, il faut bien que je m’occupe de Stahl. Mais ça ne fait pas longtemps que nous sommes ensemble.

-Pour être honnête, j’ai accepté ce travail parce que c’est en adéquation avec mes intérêts. Je n’ai jamais cherché à devenir scientifique. C’est juste une opportunité qui m’est tombée dessus. Je veux devenir plus forte, et m’affirmer dans le monde du dressage de Pokémon, c’est tout. Mais on m’a proposé d’être payée pour trouver le meilleur moyen d’y parvenir. Tout le monde est gagnant dans l’histoire.

C’est un peu égoïste quand on y pense. Je ne fais pas ça pour rendre service ou pour faire avancer la science. C’est juste un tremplin qui m’a permit de me lancer. En ce sens, ma réponse à la prochaine question de Lionel est toute trouvée. Evidemment que je souhaite capturer d’autres Pokémon. Je ne pourrais jamais devenir une grande dresseuse avec un seul Pokémon. Il me faut juste les trouver.

-Oui, j’en aurais d’autres à l’avenir, quand l’occasion se présentera.

C’est à mon tour d’écouter Lionel me parler de son refuge. Il a l’air d’avoir beaucoup de travail aussi. Il me propose de voir des photos. Je n’ai jamais été très photo. Ni pour en faire, ni pour en regarder. Quitte à voir les choses, autant le faire en vrai. Mais par politesse j’accepte. Et en un sens je suis curieuse de voir quels Pokémon il élève.

Je suis assez surprise que Lionel approuve mon choix. Je ne pensais pas que quelqu’un comme lui, qui semble passer sa vie à s’occuper d’autrui, serait d’accord avec un choix égoïste comme celui-ci. Non pas que son avis importe vraiment. Je fais bien ce que je veux. Ça fait simplement du bien d’avoir le soutien de quelqu’un. Le brun commence ensuite à me parler de ses protégés. Il semblerait qu’il ait recueilli la plupart de ses Pokémon parce qu’ils en avaient besoin. Je découvre qu’il possède aussi un Carchacrok. Ce n’est qu’en voyant la méga gemme sur la photo que je ne remarque le bracelet comportant la gemme Sésame au poignet de Lionel. Mon admiration pour ce dresseur ne s’en fait que plus grande.

Je trouve ses histoires plutôt plaisantes, mais, au bout du compte, il se rend compte qu’il en possède beaucoup trop pour tous me les présenter de cette façon. Revient alors le sujet de ma visite à son refuge, pour que je puisse tous les voir. Il voudrait que je fasse un détour par chez lui avant d’aller vers le nord. La tentation est grande, c’est vraiment tentant.

-Je pense que je vais devoir y aller rapidement, histoire d’avoir de quoi faire mon compte rendu au prof. Si je met trop de temps, je ne veux pas qu’il croie que je me tourne les pouces. Je passerai un coup en redescendant, si ça ne te dérange pas.

En vérité, il y a aussi une autre raison que je ne mentionne pas. Je veux être un peu seule. Je viens de tout quitter pour venir ici, sans connaissance, sans attache. J’ai simplement envie d’être tranquille, de goûter à la liberté solitaire qu’offre l’indépendance. Lionel est très gentil, mais c’est justement pour ça que je veux prendre du recul sur ce que je suis en train de vivre avant de réellement devenir amie avec qui que ce soit. Mais quand je reviendrai dans le coin, pourquoi pas?

Le téléphone de Lionel laisse entendre une légère sonnerie, signe d’un appel. Celui-ci décroche. Je reste sans parler, en attendant qu’il ait terminé. Je suis assez gênée d’écouter sa conversation, cependant. Enfin, disons “entendre” plutôt. D’autant plus qu’il semble parler à sa copine. Pendant un moment j’ai vraiment l’impression d’être de trop, assise là, à côté de lui. C’est assez gênant. Surtout qu’ils semblent proches. Je me lève de mon siège, et m'éloigne un peu, histoire de ne pas supporter cela plus longtemps.

Finalement, le brun finit par raccrocher, et moi par revenir vers lui. Il m’annonce son départ imminent, non sans me taquiner. C’est avec un léger agacement que je lui réponds:

-Vas chier!

Je tente de résister mais je n’arrive pas à cacher le léger sourire qui fait écho au sien. J’allais tourner les talons pour partir de mon côté, lorsque je l’aperçois se tourner vers moi une dernière fois. Je lui fais un simple signe de la main. J’espère qu’il n’est pas en train de s’inquiéter pour moi. C’est bien la dernière chose dont j’ai envie.  Il verra bien que je sais me débrouiller, quand on se reverra. Je soupire et fait signe à Stahl de me suivre pour jeter un œil au reste du centre Pokémon, et pour louer une chambre pour la nuit. Je crois que j’ai bien besoin d’un peu de repos.