Les Bois Hurlants, hein... Un lieu sombre et effrayant, que les gens évitent dès que la lumière faiblit... Un lieu où tout homme est un étranger, un intrus, une proie... Un lieu renferment de noirs secrets, de terrifiantes créatures nocturnes, et... Et un vieux qui mange des biscottes.

Ricanant à ma propre blague mentale, je ralentis un peu l'allure pour épousseter ma barbe, qui est pleine de miettes de pain grillé. Il est aux alentours de 23h30, mais j'avais la dalle, et j'ai encore pas mal de pain sur la planche. Ha ha ha, pain, planche, biscotte. Elle est bonne, hein ? Non, vous la trouvez tiède ? Bah, va falloir vous accrocher, mes loulous... Euh, où j'en étais déjà ? Vindiou, le rituel, oui. C'est important, ça, il faut que je me bouge les miches. C'est que je ne suis pas là par hasard ! On a un programme chargé ce soir, fiston. J’accélère donc le rythme, louvoyant entre les ombres en esquivant du mieux possible ces ***** d'arbres qui mettent leurs branches partout. J'en insulte d'ailleurs quelque-uns au passage, histoire de faire bonne figure. Et à chaque fois que mes jurons se dissipent, la forêt reprend ses droits et fourmille de sons étranges. Crish crish font les feuilles sous mes bottes. Crôa crôa font les piafs. Crac croc font mes biscottes.

Dante flotte dans mon dos comme à son habitude, silencieux et immatériel. Il est dans son élément le bougre avec cette nuit épaisse de partout. Encore heureux, d'ailleurs, car du haut de ses 3 mètres 80 ça aurait été coton de l'amener ici. Du coup, le voilà qui sert d'éclaireur, et c'est grâce à lui qu'on arrive à temps sur place. Une petite clairière perdue en plein milieu des Bois Hurlants, ça devrait bien le faire. Avec empressement, je pose mon gros sac à dos fourre-tout à l'écart, et farfouille les alentours à la recherche de grosses pierres. La récolte sera cependant maigre, mais tant pis. Je dispose les quatre cailloux en un cercle approximatif au centre de la clairière, avant de revenir vers mon sac pour en tirer le plus important : l'offrande. Avec précaution, je la sors de son paquet, la place au sein du cercle et y verse une goutte de sang après avoir mordu mon index gauche. C'est important, note bien fiston ! C'est toujours le gauche pour le sang, le côté du cœur. J'invente rien, c'est logique !

Du coup, tout est prêt. Enfin presque.

- "Hé, le grand échalas là, ça te fatiguerait de faire ta part ? Allez, allez, en place mauvaise troupe ! L'heure tourne."

Après une longue hésitation (on l'entendrait presque soupirer, je vous jure !), le Sinistrail se traîne jusqu'aux pierres, et se met à léviter à deux mètres du sol en tournant sur lui-même. Voilà, on y est...
Je m'agenouille au pied du cercle d'invocation, ferme les yeux un instants et me fige, très concentré. Plusieurs secondes passent. Puis une minute. Enfin, je me racle la gorge et lance le rituel d'une voix forte :

"Ho, Toi dont l'habit est noir,
Toi aux sombres pouvoirs,
Et pourtant au cœur blanc,
Qui peux voir au travers du temps,
Absol ! En cette nuit, entends notre appel !
Et viens jusqu'à nous tant que la nuit est belle !"

...

Ça en jette, hein ? Je trouve aussi. Bon évidemment, les râleurs diront que c'est juste une tablette de chocolat noir au milieu de quatre cailloux sur lesquels un vieillard beugle un poème avec un Sinistrail qui fait la girouette au dessus de sa tête. Le tout au beau milieu des Bois Hurlants à minuit. Mais ils faut pas écouter les rabats-joie, fiston. Là, c'est du sérieux. J'ai besoin de voir un Absol au plus vite. Et pas un caniche domestiqué, hein ! Un vrai Absol au cœur sauvage et aux pouvoirs divinatoires vierges de toute influence humaine. Un Absol qui pourrait m'aider à prédire quand arrivera exactement la Catastrophe. Et je croise tous mes poils de barbe pour qu'il reste plus de quelques mois à ce monde, sans quoi jamais je n'aurais le temps de mener correctement ma mission à bien...

Les yeux toujours fermés, je laisse le silence reprendre ses droits alors que mon incantation s'achève. Le cœur battant, j'écoute les bruits qui reprennent tout autour de moi, guettant tout bruit de pas qui trahirait l'approche de ma cible.

...

Et à ma grande surprise, on dirait bien que quelque chose s'approche de nous au bout de quelques instants à peine. Parbleu, c'était du rapide ! Mais attention, tout se joue maintenant. Si je me montre trop pressé, l'Absol pourrait prendre ça pour un manque de respect et me planter là. Non, il faut que j'attende de voir si l'offrande lui convient, et là on pourra commencer à discuter... Du coup, pas de bruit, il faut rester silencieux jusqu'à ce que...

- "Alors grand père, on est perdu ?  C'est dangereux d'être seul dans un tel lieux, tu veux que je te raccompagne à la maison de retraite ? "

"Vindiou, j'ai dit silence ! Tu vas tout ficher en l'air ! "

...

Attends une minute... Depuis quand Dante peut parler ? Soudain méfiant, je me risque à ouvrir un œil pour voir ce qui se passe, et...

"Sacrebleu, mais c'est pas un Absol ça ! Qu'est ce que tu fabriques là en pleine nuit, fiston ? On t'a jamais dit que c'était dangereux par ici ?"

D'un bon, je me relève pour m'approcher de l'intrus, un index accusateur pointé sur lui :

"Ça va pas de faire un boucan pareil au beau milieu de mon rituel ? Ça devrait te valoir une amende, tu m'entends fiston ? Trouble à l'ordre public ! Ou un autre truc du genre, peu importe du moment que ça te calme ! Franchement les vieux de nos jours... C'est pas croyable. Non mais quel toupet ! Allez, ouste ! Du balais ! Tu vas tout faire foirer, et je n'ai pas d'autre offrande en stock. Je n'aurais pas de seconde chance, alors sois gentil et va voir à ta maison de retraite machin si j'y suis."

En parlant d'offrande, je me retourne pour vérifier que tout est encore en place, mais ce côté là semble toujours aller. Cela dit, après de telles perturbations, j'espère que ça ira quand même. Vindiou, je savais que j'aurais dû prendre du 90% cacao ! 70, ce n'est pas assez fort, pas assez de noirceur. Mais c'est trop tard pour avoir des regrets ! Ignorant complètement l'intrus, je reprends donc position, à genoux devant le cercle de cailloux, et attends avec ferveur que le pokémon Désastre apparaisse. Bon, je jette quand même un coup d’œil de temps en temps à l'intrus, histoire de vérifier qu'il ne fait pas n'importe quoi. On ne sait jamais avec les ploucs...

"Ouais, bah c'est pas étonnant qu'un pokemon t'approche, le chocolat ne les attire absolument pas et puis si tu veux tant que ça trouver un Absol, faut peut être commencer par chercher au bon endroit ... Enfin je dit ça je dit rien..."

- "Bah, voilà, ne dit rien alors ! Sapristouille, mais tu le fais exprès fiston ou quoi ?! Quand on y connaît rien en invocation rituelle, on ne la ramène pas, c'est la base ! Évidemment qu'aucun pokémon ne va venir si tu fais tout un tintamarre en faisant des commentaires ! On est pas sur Téléfoot, alors tes remarques à la noix de cajou, tu peux les garder pour toi !"

Alors certes, une personne censée dirait certainement que du bruit, j'en fais autant que lui, sinon plus. Mais tu sais quoi fiston ? Bah d'un, j'en m'en tapote l'oreille avec une babouche. Et de deux, les gens censés-bénis-oui-oui, ils peuvent aller se faire cuire un Noeunoeuf. Non parce que ce n'est pas en étant raisonnable qu'on va pouvoir faire quelque chose pour se préparer contre l'Apocalypse. Bah oui, la fin du monde, tu comprends, ce n'est pas assez sérieux pour tous ces glandus, logique. Et quand le Cataclysme montrera le bout de son nez, ce seront les premiers à aller pleurer dans les chaumières ! D'ailleurs, il n'y a qu'à voir ce que ça a donné lors du Premier Signe... Quand Windoria s'est fait raser de la carte, est ce qu'un seul s'est bougé le fondement et a réalisé que ce n'était que le commencement ? Bah non tiens. Les pauvres ont pleuré la disparition de leur bicoque sans rien faire, les riches ont pleuré car leur porte-monnaie a maigri après en avoir racheté une ailleurs, tout le monde s'est accordé à dire que c'était un terrible drame... Et absolument rien n'a été fait. Typique.

Et moi dans tout ça, j'essaye de faire le boulot pour tous ces irresponsables qui se contentent de fermer les yeux sur l'évidence. Alors crois-moi, ce n'est pas un vieux type au pifomètre qui va me faire capoter ma rencontre avec un Absol, aussi vrai que le Doyen est cocu !

"Laisse-moi te le dire une dernière fois : j'ai besoin de CALME pour qu'Absol se pointe ! Tu comprends ce que je raconte ou il te faut un dessin en couleur et un suppôt ? Si je n'arrive pas à en savoir plus sur la date du prochain Signe de l'Apocalypse, je vais prendre un retard dramatique sur le cours des évènements ! Alors sois un bon garçon, tu veux ? Et surtout, BOUCLE-LA ! Sinon, je demande à Dante ici présent de t'enchaîner façon saucisson pour que tu restes tranquille."

En entendant son nom, l'ancre spectrale arrête momentanément de tourner au dessus du cercle rituel pour se pencher vers moi. Du coup, il se fait lui aussi enguirlander quand je réalise que lui aussi est en train de tout faire capoter. Si même lui commence à n'en faire qu'à sa tête, on est pas sorti de l'auberge...

- "Désolé grand père, mais tu ne trouvera jamais ton absol ici, pour la simple et bonne raison qu'il n'y en a pas dans le bois hurlant ! "

Gros soupir frustré.

Bon, c'est officiel, je me tape le casse-noix de service. A minuit passé au fin fond d'une forêt comme celle là, je n'aurais jamais pensé qu'un truc pareil allait arriver ! Si en plus de m'occuper de tout le boulot je suis obligé de composer avec des ploucs bornés dans son genre, le schmilblick est pas près d'avancer ! Mais je vois très bien comment les types comme lui réagissent. Persuadés qu'ils ont raison sur tout et n'importe quoi, ils ne lâchent pas l'affaire jusqu'à ce que l'autre abandonne. De vrais plaies, je vous jure ! Têtu comme un Tiboudet, teigneux comme un Dardargnan et aussi fin qu'une troupe de Poichigeons.

En temps normal, je lui aurait volontiers montré qui de nous deux à la plus grosse paire, mais les circonstances jouent contre moi ce soir. Si je me met à gueuler pour de bon, je peux dire adieu à mon rituel ! Et faire chou blanc à cause de cet abruti serait un échec cuisant, et je refuse de lui faire ce plaisir. Non, vraiment, je ne peux pas laisser passer ça. Mais du coup... Comment faire pour qu'il me vire le plancher en vitesse ?

...

Ha ha ! Je sais ! Il faut que j'y aille avec finesse, c'est probablement le seul moyen. Tout en psychologie, comme au bon vieux temps avec les clients insupportables au cabinet. Tout fier de ma trouvaille, je met donc immédiatement mon plan à l'exécution :

- "Bien sûr, fiston, bien sûr. Tu as raison sur toute la ligne, je comprends parfaitement. Oui oui, pas d'Absol dans les parages, c'est bien noté."

Grand sourire affable au lèvres, je hoche la tête pour indiquer à quel point nous sommes sur la même longueur d'onde.  

"Je suis ravi d'apprendre que tu es de bonne humeur, c'est très bien, bravo. Et oui oui, je suis sûr que tu m'aurais battu à plate couture, ha ha ! "

Au dessus de ma tête, Dante se penche de nouveau pour vérifier que tout va bien, mais je lui fais signe d'ignorer le tout et il reprend son poste en silence. A force, il à l'habitude de mes simagrées, j'imagine. Ceci étant fait, je me tourne vers l'intrus et lui décoche mon sourire Vieillard gâteux n°3 et le garde vissé sur mon visage. Ah, et je le fixe aussi. Longtemps. Genre jusqu'à ce qu'il barre.

Et bordel, si avec ça il ne va pas voir ailleurs si j'y suis dans les 5 minutes, je le fais décoller moi-même à coup de pied au fondement et d'ancre spectrale dans les rotules s'il le faut...

Médusé, je regarde sans y croire le type s'avachir en plein milieu du cercle d'invocation et se mettre à mordre dans la tablette de chocolat.








...











...








...











- "MAIS BORDEL, C'EST QUOI TON PROBLÈME ??!

Le cri me sort des entrailles alors que m'y mets toutes mes tripes et mes cordes vocales. Sans le réaliser, je me suis levé d'un bond pour le regarder de haut et lui gueuler dessus à un mètre des tympans.  Alors que l'onde sonore se propage aux alentours, je fixe le gars avec un mélange d'incompréhension et de fureur tel que mes mains en tremblent. Sérieusement, pourquoi ? Pourquoi faut-il que ce dégénéré du bulbe s'interpose alors que je me ruine la santé à tenter de le sauver ? Et puis avec son sourire débile alors qu'il mâchouillait ma seule offrande au Absol... J'ai bien envie de le lui faire bouffer. Oui, voilà, lui refaire le dentier le dentier gratis à coups de mandales. Lui ruiner son ***** de visage à coups de pierre jusqu'à ce qu'il en crève.

Dans mon regard, l'incompréhension disparaît progressivement, laissant place à une étrange lueur sourde. Et alors que je fais un pas en avant, un autre détail a changé. A présent, mes mains ne tremblent plus. Lentement, je lève un bras, et...

*Cling*

Un bruit métallique se fait entendre, et quelque chose bloque mon geste. Incrédule, je tire de nouveau sur la chaîne qui s'est enroulée autour de mon bras, mais elle refuse loin de céder. Perdu, je lève les yeux pour en trouver l'origine, et tombe sur sur l’œil unique de Dante qui me regarde.


...


Je connais ce regard. Pas de jugement de valeur, pas de colère. De la peine ? Peut être, mais je n'en suis pas sûr. Ma seule certitude, c'est que je l'ai déjà vu. La dernière fois que j'ai tué quelqu'un. Et une fois de plus, je me retrouve piégé par cet œil triste. Si c'était de la fureur ou de la pitié, je pourrais réagir, me débattre, me rebeller contre son emprise. Mais là, je ne peux pas, je ne sais pas comment faire.

Alors, sans raison apparente, je me contente de fixer Dante. Sans que je puisse me l'expliquer ou les arrêter, de grosses larmes commencent à couler le long de mes joues.

Alors que les larmes me roulent toujours sur les joues, la réaction du type me met une fois de plus sur les nerfs, Dante ou pas Dante :

- "Mais j'en ai rien à fiche de ta baie à la mords-moi le nœud ! Tu détruis tout mon boulot, puis tu m'annonces que tu es là pour me piquer le pokémon que je dois voir ? C'est logique, oui, une logique de connard. Tu sais quoi fiston ? T'as gagné, je me casse pour ce soir. Et je te souhaite de tomber dans une bouche d'égout, ça fera un bon gueuleton d'ordure pour les Tadmorv locaux !"

Seulement, impossible de partir, Dante ne fait que m'entourer de toujours plus de chaînes. Le voilà qui s'ancre dans le sol, son œil unique soudain alerte et angoissé. Vindiou, il a pété une durite ou quoi ? Il est pas question que je reste dans le coin plus longtemps avec ce type ! Ça suffit les conneries !

"Dante, mais qu'est ce que tu fiches ! J'ai dit qu'on partait, pas qu'on prenait racine ! Je suis pas un ***** d'arbre, alors libère moi, je peux plus bouger sous le poids de tes chaînes là !"

Mais peine perdue, il ne m'écoute même plus et se contente de fixer un point dans mon dos. Je me re-retourne en galérant comme pas possible, mais Dante m'attire inexorablement contre lui. J'ai quand même le temps de voir un éclair de fourrure blanche passer et me jeter un regard. Sapristouille, le voilà le Absol ! Je savais bien que le chocolat marcherait, qu'est ce que j'avais dit fiston ! Vite, il ne faut pas que l'autre abruti le fasse fuir !

"Attends Absol ! Il faut qu'on parle de l'Apocaly..."

Cependant, le pokémon ne tient pas compte de mon appel, et s'enfuit aussi vite qu'il est venu. Mais ce n'est pas là le problème. Non fiston, il y a plus grave, bien plus grave. Un frisson vient de me parcourir l'échine, et c'est pas le froid qui fait ça. C'est le truc qui arrive. Qui arrive vite, très vite, immense ombre triangulaire qui surgit dans le ciel noir. Avec un gémissement spectral de mauvaise augure, Dante tire sur ses chaînes avec une force démentielle pour me mettre à terre sous lui, mais j'ai le temps de voir une dernière chose. Une espèce de dragon rouge et noir avec des yeux bleu. Et alors que le choc me fait voir trente-six chandelles et que ma vue se trouble, cette dernier regard me glace le sang alors que l'image se grave dans mon esprit au fer rouge.



...



...



...



Vindiou, ça caille ici... Et j'ai un de ces mal de crâne bordel, ça devrait être interdit par la convention de Genève ! Péniblement, je tente de me relever de mon lit en grimaçant, mais alors que les sensations comment à affluer dans mon corps, je sens que quelque chose m'empêche de bouger. Paniqué, je tente de me remuer comme je peux, mais le truc en question pèse un Tiboudet mort, et je me débats dans les chaînes sans arriver à rien. Attends fiston, des chaînes ? Qu'est ce que...

La force du souvenir manque de ma renvoyer aussi sec au tapis alors que les images me reviennent. L'Absol qui se barre de terreur. Dante qui me plaque au sol. Et cet oiseau terrifiant de noire majesté... J'ai besoin d'en avoir le cœur net. Avec une énergie renouvelée, je me débats avec tout ce qui me reste de force qui enfin émerger à l'air libre. Et le constat est aussi clair que le Doyen est cocu : j'ai pas rêvé, il était bien là. Tout autour de nous, les arbres se sont rabougris, l'herbe est morte et se désagrège en fines poussières avec la bise glaciale qui stagne encore. A mes côtés, Dante est pâle comme la mort, presque translucide par endroits. Comme si on lui avait aspiré toute sa moelle spectrale et qu'il avait du mal à se régénérer.

J'ai pas la moindre idée de ce qui vient de se passer. Mais une chose est sûre, et je la marmonne pour m'en convaincre :

"Le Second Signe... Le Second Signe de l'Apocalypse est déjà sur nous !"

Hein ? Ah oui, il était là lui aussi, j'avais zappé. Bah c'est pas important... J'aurais préféré qu'il passe à la casserole, mais après tout... C'est pas si mal d'avoir un second témoin des évènements en fait. Du genre pour éviter qu'on me prenne pour un fou solitaire, à deux ça devrait éviter ça. Vindiou, peut être même que je peux le convaincre maintenant qu'il a vu le Second Signe ! Attends, faut vraiment être le dernier des Poichigeons pour ne pas réaliser à quel point la situation est grave là.

▬"Raaah ! ferme là ! le second signe de ton apocalypse ça va être moi si tu continue  à parler de ça !  "

...


...


"Ah non mais tu vas pas recommencer ton cirque ! T'es complètement siphonné du bulbe ma parole ! Sérieusement, tu l'as pas vu ce monstre nous tomber dessus ? Pourquoi tu t'énerves contre moi après un truc pareil ? "

Une quinte de toux m'interrompt dans ma lancée, et il me faut un moment pour reprendre mon souffle. Sapristouille, j'ai vraiment dégusté, y'a du sang là. M'essuyant la bouche avec une manche, je finis par reprendre :

"D'abord, j'avais raison pour le Absol, c'est le chocolat qui l'a attiré. La preuve : il est venu me trouver pour me prévenir du danger qui allait arriver ! Et puis ensu... Oh et puis zut, j'ai pas à argumenter avec une ordure comme toi. Crois ce que tu veux, vis ta vie, tu mourras bien assez tôt avec le Cataclysme qui va débarquer. Ça fera un idiot en moins..."

Je décide donc d'ignorer le bougre pour fouiller frénétiquement mon sac à dos à la recherche de mon téléphone. Là, il est là ! D'une main fébrile, je l'attrape et mitraille les alentours pour avoir plein de photos du carnage environnant. Si avec ça j'arrive pas à convaincre les gens...

Et voilà, rebelote, l'autre bourrichon se remet à s'énervasser alors que je finis de prendre des photos.

- "Mais sérieusement, est ce que tu réalises seulement ce que tu dis ? Ou t'en croises régulièrement des pokémons de Légende qui sont capables de faire un tel carnage par leur simple présence ? Qu'est ce qu'il te faut de plus comme preuve, une pancarte avec un ***** de rébus explicatif ? Et puis qu'est ce que tu en sais pour le chocolat de toute façon, t'as des preuves ? Bah non, donc arrête de nous concasser le service trois pièces fiston !"

Cela dit, le nom qu'il me sort me fait tiquer. Ivetal ? Alors c'est un pokémon connu ? Malgré mon mal de tête naissant, je me concentre pour retenir cette information histoire de pouvoir m'y repencher plus tard. Si ça ce n'est pas une piste, je veux bien manger des épinards ! Un pokémon aussi terrifiant correspond clairement à la Folie des Bêtes, qui est un des seuls fragments de souvenir dont je suis certain. La Folie des Hommes et des Bêtes... Bon, pour les humains y'a pas besoin de casser trois pattes à un Canarticho, c'est évident. Mais si des pokémons comme Ivetal deviennent fou et s'en prennent à nous, ça va être un massacre ! Cela dit, le reste du blabla de l'autre merguez continue de me mettre en rogne :

"Et toi, tu as fichu quelque chose contre ton Ivetal là peut être ? Allô la régie, on peut avoir un replay ? Ah bah non fiston, on me dit dans l'oreillette que t'as rien fait non plus, comme par hasard. Alors ne la ramène pas, c'est la charité qui se fout de l'ambulance ! Attends, c'était ça ou pas le dicton ? "

Je réfléchis un moment en croisant les bras, mais pas moyen de retrouver le bon truc avec ma migraine, donc je finis par laisser tomber. Cela dit, je coule un regard méfiant alors que le type veut soit disant en savoir plus sur l'Apocalypse.

"Hein ? Attends, t'es pas sérieux là ? Tu me dis cash que j'ai un pet un casque et que tu crois pas pour un sous à l'Apocalypse, et deux secondes plus tard tu veux en savoir plus ? C'est pour te foutre de moi encore plus, c'est ça ? Ou alors c'est le temps que l'info monte au cerveau et qu'il y ait un éclair entre tes trois neurones ?"

- "Edgar..."

D'un coup, je me fige et deviens encore plus pâle si c'est possible. Cette voix... Je la connais... Non ? Où est ce que je l'ai déjà entendu ? Une voix de femme, il y a longtemps... Une forêt, une journée ensoleillée... Diane ? Non, Diane était une petite fille. Mais alors qui ?  Laborieusement, je me tourne vers l'endroit d'où semblait venir la voix, mais il y a juste Dante. Vindiou, ça tangue vachement par ici, et il fait sombre. J'ai du mal à réfléchir, comme si je pédalais dans un cassoulet géant. Mais je n'abandonne pas, je cherche dans mes souvenirs, je passe en revue chaque détail, chaque son, et...

Alors qu'une image floue d'une jeune femme apparaît brusquement sous mes yeux, une douleur fulgurante me transperce le crâne et tout devient noir.

Pitrouille pitrouille...: