Je ne peux m’empêcher de cogiter tout au long du trajet en bus. Je n’ai aucune envie de me rendre au bois hurlant à nouveau. Aucune de mes visite là-bas ne s’est déroulée normalement. Toujours un Pokémon spectre pour essayer de trucider. Y a pas que là bas, d’ailleurs…

Puis j’avoue que ce qui m’a poussé à y aller n’est pas réellement fait pour me rassurer. Au début je pensais que ces appels à l’aide sur le réseau Dusk étaient postés par un troll, ou un ado dark-émo à tendances suicidaires cherchant à attirer l’attention. Bref, complètement le genre de personne que j’ai tendance à ignorer jusqu’au jour où ça me tape sur les nerfs et que je décide de lui envoyer un message directement. Sauf que là, ça a commencé à devenir vraiment bizarre. Ça avait soudainement moins l’air d’être un appel à l’aide pour faire chier ou pour se faire plaindre.

Mais qui peut appeler à l’aide aussi longtemps (c’est forcément quelqu’un qui n’est pas soumis à un danger immédiat) tout en faisant autant de mystère? Quel intérêt de ne donner qu’une adresse? C’est une perte de temps pour tout le monde. C’est pas par altruisme que j’ai pris la direction du bois hurlant, mais bien par méfiance.

D’après le gps, une fois descendue du bus, il me faudra plusieurs minutes de marche pour atteindre le lieu indiqué. Dans le doute, Stahl m’accompagne, hors de sa Pokéball. Au bout de quelques instants, je percute que je ne suis pas seule. En me retournant, je découvre un mec de mon âge qui marche dans la même direction.

Ce simple bois me mettant automatiquement sur la défensive (j’y ai vu trop d’horreurs), je me montre ouvertement méfiante envers lui. Puis bon, on va pas se mentir, c’est pas commun de venir se balader comme ça au milieu d’une forêt comme celle là.

-Je peux vous aider? Lançé-je.

Contexte de mission:

Potassium. C’était dont j’étais en train de me remplir en mangeant des bananes pendant que je « surfais sur le web » comme le disait les jeunes d’une époque pas si lointaine que ça, dans le bureau de ma première et nouvelle agence, qui était aussi mon nouveau foyer. En espérant qu’elle ne partirait pas en fumée, celle-là.

Je fouillais sur le réseau dusk à la recherche de nouvelles enquêtes, avec Minisange sur ma tête. Il n’aimait pas être dans une Pokeball, celui-là. Je n’étais vraiment pas doué avec les jeunes Pokémon. Mon œuf n’avait pas éclos encore, mais je redoutais déjà son éclosion. J’espérais qu’il n’allait pas être aussi énergique que Riolu, qui avait récemment évolué en Lucario, sinon mon mental n’y survivrait pas. En parlant de Lucario, il était en train de méditer dans son coin. Mon Reptincel récemment évolué faisait la sieste avec Hexagel. Et Motisma zigzaguait au-dessus de mes épaules. Une journée tranquille, quoi. Jusqu’à ce que je remarque une activité assez particulière sur le réseau. Le même message était posté chaque semaine. Juste deux mots. « Aidez-moi ». Au début, je m’étais dit que c’était un troll, mais ça commençait à me turlupiner.

Si ce message était posté toutes les semaines, cela ne devait pas être une urgence à l’instant T. Je voulais dire par là que ce n’était pas un appel en détresse où la personne se faisait attaquer quand elle envoyait ce message. Cela devait être un appel à l’aide pour un danger quotidien. Peut-être comme Yona… Je vous préviens, je ne prendrai pas sous mon aile un autre enfant battu. Mon agence n’était pas un orphelinat non plus. Je ne faisais pas dans la sociabilité.

Et c’était ainsi que je me retrouvais aux Bois Hurlants, pas loin de Fort des songes. Et ne jugez pas mes ellipses. Seulement, la curiosité m’avait poussé à répondre à l’appel à l’aide et je n’avais droit qu’à une adresse.

Cela faisait longtemps que je n’étais pas entré dans cette forêt. Mon oncle et ma tante m’interdisaient de venir jouer ici quand j’étais petit et en visite familiale. Et évidemment, je les désobéissais souvent, jusqu’au jour où j’avais failli perdre ma sœur. Enfin, parfois, elle me tape tellement sur le système que je regrette qu’on avait seulement « failli » la perdre… Enfin bref, quand même, quelle idée de vivre dans un endroit pareil ? Bon, d’accord, je pouvais comprendre que la civilisation pouvait être souvent, même généralement, énervant tellement les gens équivalaient à de la merde d’Ecrémeuh, mais quand même… La personne ne pouvait pas au moins penser au facteur ? Ces braves gens qui distribuaient le courrier avec juste une bicyclette, même en hiver. Enfin, quand je dis « brave », ce n’est pas pour dire « ces gens assez cons pour distribuer le courrier avec juste une bicyclette ». Je ne vise personne car je n’en connais pas.

Minisange était toujours perché à mon épaule, tandis que mes autres Pokémons étaient dans leur Pokeball, attachée à ma ceinture. Bon, ce n’était pas le bon Pokémon pour me protéger du danger tellement il était faible - je ne dis pas ça pour le rabaisser, je reporte juste un fait - mais il se prenait un peu trop pour un prince. Et puis, au bout d’un moment, je tombai sur une inconnue méfiante à mon égard.

- Je peux vous aider?

Vu le ton employé, j’étais tenté de lui répondre « Non je ne t’ai pas sonné connasse ». Enfin, à une époque, je lui aurais répondu ça, je ne vais pas vous le cacher. D’un côté, je pouvais comprendre que cette femme se mettait sur ses gardes comme ça, qui serait assez inconscient pour se promener dans une forêt ? A part moi quand j’étais gosse ?

- Du calme, je ne suis pas un fantôme, je cherche juste une adresse. Tiens, regarde.

Je lui montrai l’adresse indiqué sur le GPS de mon portable - Quoi ? Vous croyez que je marchais à l’aveuglette dans les bois comme ça ? - de loin. Je n’allais pas lui donner mon téléphone non plus, je n’étais pas taré non plus. Peut-être que cette personne pouvait m’aider, d’un côté. Parce que si elle était venue faire de la randonnée, fallait qu’elle changeait d’endroit. En même temps, déjà rien que le principe de marcher des kilomètres dans la nature juste pour le plaisir était le sport le plus fatiguant et le plus insignifiant qui existait.

- Par hasard, tu ne connaitrais pas la personne qui habiterait là ?

Il y avait une chance que oui, car sinon, pourquoi cette personne serait ici ? A part pour la même raison que moi ? Ou pour capturer des Pokémons ? Ou par envie morbide ? Ou pour trouver de l’inspiration pour écrire une complainte ?

Ainsi donc, l’inconnue était venue pour les mêmes raisons que moi. Du moins, c’était ce qu’elle prétendait. Qui était assez fou pour répondre à un message qui avait tout l’air d’être un troll sur internet ? … Non, ne répondait pas. Enfin, au moins, j’assume d’en être un. En tout cas, elle n’a pas l’air d’être une idiote à la recherche de sensation forte et attirée par le mystère. Elle aussi, elle trouvait que toute cette histoire était aussi douteuse que cette forêt.

- Non, je sais rien sur la personne qui vit là. J’ai vu que ses appels à l’aide sans indications, et un message qui m’a fourni cette adresse. On verra bien sur quoi on tombe. Je m’appelle Lauriane, et toi?

- Vincent, je suis détective privée. Bon, ben, on ne sera pas trop de deux pour régler cette histoire… S’il y a quelque chose à régler.

Il était vrai qu’avoir l’aide de quelqu’un n’était pas une mauvaise idée. Et puis, quelque chose me disait que même si je lui disais de rentrer chez elle, elle m’aurait ignoré. En même temps, je n’étais pas son père. Qui étais-je pour lui ordonner quoi que ce soit ? Je la suivais, ainsi que son Galekid, en m’enfonçant dans cette sombre forêt, jusqu’à trouver une sorte de cabane en bois ressemblant fortement à une maison. Le genre de maison où pouvait vivre n’importe quel vieux qui connait tout sur tout, mais qui ne disait rien pour accentuer son côté mystérieux.

- On se croirait dans Hansel et Gretel…

- Au moins, la maison n’est pas en pain d’épice, c’est déjà ça.

Laurianne toqua à la porte et… Elle nous avait porté la poisse. Voilà qu’une vieille nous accueilli avec un grand sourire.

- Ooooooh, cela fait longtemps que je n’ai pas reçu de visiteur. Entrez, entrez, mes chers enfants.

« Entrez mes chers enfants »… Bon, ce n’était pas comme si l’endroit était assez glauque comme ça… Avant qu’on ait pu dire quoi que ce soit, elle s’éloignait de sa porte d’entrée. Elle n’avait peur de rien, pour laisser entrer deux jeunes inconnus à bras ouverts dans sa demeure. Bon, vu qu’elle nous l’avait gentiment demandé… Je rentrai dans son salon où il y avait beaucoup de Pokémon félins et canins… Wow, elle était bien entourée. Des Miaouss, Ponchiots, Caninos… Bref, des chiens et des chats quoi. Le vrai cliché de la grand-mère seule dont ses enfants et même petits enfants avaient délaissés. Voir oubliés.

- Asseyez-vous, asseyez-vous. Tenez, prenez donc du thé avec des gâteaux. C’est moi qui les ais fait.

Comment pouvait-elle en avoir fait en vivant dans un coin perdu d’une forêt ? Est-ce que c’étaient ses Pokémons qui allaient faire les courses à sa place ? Si c’était le cas, elle devait les avoir bien dressés. Je m’assis sur le canapé, Minisange toujours sur mon épaule. Cependant, je ne me servis pas. Je n’étais pas là pour ça. Surtout le thé n’était pas ma tasse de café préférée… surtout que ce n’était pas du café.

- Donc, c’est vous qui envoyez des appels à l’aide dans les réseaux ?

Autant entrer dans le vif du sujet. Je n’étais pas là pour boire du thé comme si j’étais une poupée d’une petite fille en manque d’imagination. A vrai dire, j’avais un mauvais pressentiment. D’un côté, n’importe qui en aurait eu un s’il se retrouvait dans une cabane avec une vieille solitaire et ses dizaines de Pokémons endormis dans les Bois Hurlants.

Je commençais à me demander si ce n’était pas une vaste plaisanterie. Elle nous aurait appelé à l’aide juste pour faire des tâches ménagères à sa place à cause de son vieil âge ? Je me serai déplacé juste pour ça ? A moins qu’il y avait quelque chose qu’elle ne nous disait pas.

- Vos Pokémon ne peuvent pas aller se balader seuls ? Avec cette immense forêt autour de vous, ils n’ont pas grand chose à craindre.

- A part de terrifiants Pokémons sauvages.

Peut-être que c’était ça, le vrai appel à l’aide. Un puissant Pokémon sauvage qui terrorisait la vieille dame. Alors pourquoi ne pas nous le dire ? Elle avait peur que l’on s’enfuisse ? Non, ça serait trop tiré par les cheveux et trop facile. Ou alors, c’était juste une vieille qui voulait juste de l’aide à ses tâches ménagères. Lauriane proposa de déplacer les meubles avec un de ses Pokémon. Lucario aurait pu faire l’affaire, mais soit.

- Non, ça ira. Je vais aller couper le bois et promener les animaux. Mais, avant ça…

Je me tournai vers la vieille avant de me lever.

- Vous savez, on ne va pas vivre ici pour faire tous vos tâches ménagères à votre place jusqu’à la fin de vos jours. D’ailleurs, pourquoi vous vivez dans un endroit aussi isolé ? Fort de Songe ne manque pas de samaritain pour vous aider dans votre quotidien.

Elle avait l’air heureuse de voir des personnes pour venir l’aider. Elle n’était donc pas misanthrope. Pourtant, elle vivait toute seule, dans un des endroits les plus flippants de la région et seulement avec ses Pokémons. Suis-je le seul à trouver cela bizarre ?