Le soleil meurtrier tape sur ma casquette. Malgré les lunettes de soleil, je suis contrainte de plisser les yeux et de baisser la tête pour affronter la sable volant. Quel temps pourri.

En arrivant sur les lieux, je n'ai pu m'empêcher d'allumer ma cigarette, la main dans la poche de mon jogging. Une demi-douzaine de dresseurs sont postés autour des puits, certains les protégeant et d'autres chassant les pokémons sauvages environnant. Je dévale avec élégance la dune pour rejoindre les deux collègues se précipitant vers l'un des trous d'eau.

Un Caninos affolé aboie à s'en déchirer les cordes vocales pour rameuter un max de monde : un marmot est tombé dans le puisard, il faut l’aider !

« What Ze Fuck comment qu't'es trouvé là gamin ? »

Alors que je jette un œil au dessus de la cavité, une jeune fille délivre son ponyta pastel pour secourir le bambin. Malheureusement, ce n'est pas comme ça que le gosse va s'en sortir.

Il n’y a plus une seconde à perdre : il faut trouver un moyen de simplifier le sauvetage. Tandis que mes camarades se débrouillent, une idée vient éclairer mon esprit. Je balance ma pokéball en l’air en interpellant Ophélia. C’est dans un éclat de lumière rouge que la diva pingouine fait son apparition.

« Pfff. » soupire la Prinplouf alors qu’elle lit tranquillement son magasine poképeople.

M’accroupissant pour me mettre à son niveau, je lui explique la situation avant d’exposer mon plan.

« Voilà c’que tu vas faire : tu vas utiliser ton attaque Surf mais tout doux hein … Il faut que tu augmentes la quantité d’eau qu’y’a dans l’puit comme ça il sera plus facile pour nous d’atteindre l’gamin ! »

Avec beaucoup de gestuels et d’insistance, Ophélia semble avoir capté la nature de sa corvée. Après avoir roulé des yeux et soufflé comme un ado, le pingouin ferme les yeux pour concentrer toute son énergie sur la flotte. Au lieu d’invoquer elle-même les vagues, Ophélia utilise le liquide présent pour augmenter sa quantité permettant ainsi de créer sa houle. Évidemment, le but n’est pas d’expulser le pauvre chenapan en transformant la source en jeyser : l’objectif de la manœuvre est de rapprocher la victime de l’ouverture pour faciliter le travail de mes acolytes.

Laissant travailler mon pokémon, j’interpelle la demoiselle et le garçon.

« Eh les gars ! »

Prenant malgré moi mon accent du bled, je les avertis de mon stratagème.

« J’ai d’mandé à mon pokémon d’augmenter la quantité d’eau, comme ça, ça s’ra plus simple de l’attraper ! J’pense qu’c’est une bonne idée d’utiliser ton pokémon psy’. »

J’azimute une nouvelle fois le trou pour constater l’avancée. Le flot monte et s’agite comme prévu mais il va falloir faire gaffe à maintenir la tête du petit hors de l’eau. Je pose mon flanc sur la muraille en pierre avant de me pencher au dessus du précipice.

« T’INQUIÈTES PAS PETIOT C’EST NORMAL SI L’EAU ELLE MONTE, ESSAIE DE MAINTENIR AU MAXIMUM TA TÊTE HORS DE L’EAU, ON VA T’AIDER ÇA VA ALLER »

Avec la réverbère, j’aurai dû me douter qu’en parlant normalement il m’entendrait bien. Même si j'ai probablement percé ses tympans, le message est bien reçu.

« Si v’z’avez besoin d’aide, j’suis là ! En attendant, mon Prinplouf continue à faire l’taff. » dis-je en me retournant vers la fille aux couleurs chatoyantes.

Ophélia semble galérer à maîtriser la puissance de son attaque : elle doit gérer les flots sans provoquer leurs jaillissements. Le pingouin ne va pas pouvoir tenir longtemps, ce qui fait que nous avons peu de temps pour réagir. Je tire une longue barre sur ma cigarette pour répondre à ce suspense insoutenable.

En expirant ma fumée sans déranger mes partenaires, j'écoute le garçon proposant une idée plutôt audacieuse : il va falloir faire l'échelle humaine. Je me propose avec beaucoup de volonté pour être celle qui tiendra la jeune inconnue.

Après avoir écrasé mon mégot dans mon cendar portable, nous nous mettons en position : le jeune homme saisit mes chevilles tandis que j’agrippe celle de la nana. Sans mouvement brusque, nous glissons contre la parois afin d’atteindre le marmot sans risquer de perdre l’équilibre. Toute mon énergie se concentre dans mes bras et mes doigts frôlent la crampe. Pour trouver un certain réconfort dans cet effort pénible, je lorgne d’un œil discret les dessous de la demoiselle en oubliant totalement la tempête qui se lève à la surface. Soudain, je me retrouve complètement déstabilisée et mes doigts moites galère à tenir l'inconnue. J’ai beau la serrer autant que possible, le gaillard qui me tient est à deux doigts de me lâcher. C’est alors quand deux trois secondes, nous nous retrouvons tous les trois à la flotte.

SPLAF

Ma casquette s’envole vers la sortie, récupérée in extremis par Ophélia qui nous matte. Se posant au bord du puits, elle savoure le spectacle avec sadisme.

« Ophéé’ vient nous aider !! »

Le niveau de l'eau se stabilise. Le gamin qui est à deux doigts de se noyer est au moins récupéré sain et sauf. Malgré la fraîcheur revigorante du liquide, rester au fond du trou est loin d’être apaisant. Harcelant mon pokémon qui fait la sourde oreille, je fouille dans ma besace inondée pour le renfermer.

« Tu l’auras voulu ! Tu veux faire ta maline à nous mater de haut ? Bah c’est mort, tu r’tournes à la maison ! »

SPLOUF

Sans crier gare, Ophélia plonge de plus belle en nous éclaboussant sans vergogne. Honteuse et agacée, je la chope pour l’immobiliser et m’en servir comme d’une bouée.

« Dé-désolée les gars, elle est assez récalcitrante et imprévisible ... »

Le pingouin tourne la tête en faisant mine de nous snober. Ses petits yeux clignent pour enlever le sable qui lui parasite la vue. Il n’empêche qu’elle nous a rejoint alors qu’elle aurait pu profiter de sa liberté malgré les bourrasques sablonneuses pour faire n’importe quoi. Une petite caresse sur sa tête la surprend de façon adorable.

« Bon ben au moins on aura récupéré le gosse mais … Comment on fait pour r’monter ? Est-ce que je demande à mon Prinplouf d’refaire son attaque ? »

Retrouvant mon couvre-chef au bord de la noyade, je le saisis juste à temps pour la replacer sur mon crâne. Trempée de chez trempée, je n'aurai plus à me plaindre de la chaleur au moins.

Malheureusement, ma tactique avec l'attaque Surf ne fonctionne pas. Le puit se vide tel l'eau des wcs et pire encore : des amas de sable chutent de plus en plus violemment dans notre direction et ce à cause d'un énorme serpent à peine visible. La peur commence soudainement à m'envahir mais la bravoure de mes coéquipiers me convainc de réagir.

Je n'ai que très peu de temps pour appréhender mon environnement car plus nous attendons et plus nous nous engouffrons dans le trou. Ceci dit, si la flotte diminue à ce point c'est qu'il doit y avoir une fuite et qui dit fuite dit porte de sortie. À cette révélation, je m'approche d'Ophélia pour lui expliquer le topo. N'ayant pas les mêmes habiletés qu'elle en plongée, c'est elle qui se charge d'aller explorer le fond afin de dégoter l'écoulement. Quant à moi, je vais le faire avec mes capacités d'humaines.

« Ok. »

Bien déterminée, je me tourne vers mes coéquipiers pour les avertir de mon départ.

« Je reviens ! Je vais voir d'où vient la fuite, qui sait, on trouvera p'têt' une issue ! »

Après leur avoir souhaité bon courage, je prends une grande inspiration avant de rejoindre Ophélia ayant déjà piqué.

Inutile d'ouvrir les yeux dans un tel cadre puisque je remarque la lumière me quitter et ma vision dans l'eau est misérable. Tout doucement, je m'enfonce dans les ténèbres en me focalisant uniquement sur ma proprioception et mon ouïe. Qui sait si j'entends quelque chose de suspect ou que je trouve l'embrasure qui liquide le puit ? Malheureusement, je n'ai qu'une minute pour pouvoir agir et ce en évitant le sable boueux risquant de m'emporter au fond de l'abysse.

Quant à ma Prinplouf, elle est descendue bien plus bas. L'eau c'est son élément, elle peut y rester des heures sans se noyer et peut se déplacer avec une agilité remarquable. Le pokémon reste alerte sur la moindre anomalie présente tout en surveillant sa maîtresse : il serait ballot que celle qui la nourrit crève comme un déchet jeté dans les chiottes.

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