C'était une nuit de tempête comme on en voit rarement dans le sud de Lumiris. La pluie était si abondante, qu'il suffisait de sortir quelques secondes pour être trempé de la tête aux pieds. Le vent sifflait si fort qu'il parvenait même à masquer les grondements de l'orage. Un temps violent qui invitait toutes les personnes censées à rester à l'abri, chez elles. C'était le cas de la vieille Bachan, une petite dame qui vivait près du village Kishika depuis très longtemps. Dans son ancienne ferme reculée, à la lisière de la forêt, elle vivait seule et, les nuits de tempête comme celle-ci, elle n'était pas très rassurée. Ne trouvant pas le sommeil à cause du boucan, elle s'était attardée dans son salon, buvant une tasse de thé fumante pour se réconforter. Alors que l'orage semblait faire une trêve dans sa lutte contre le vent, le cœur de la grand-mère manqua un bond lorsqu'un bruit soudain et violent frappa tout près d'elle. Si la vieille femme avait aussitôt pensé à un coup de tonnerre, cette hypothèse fut rapidement écartée. L'orage était à présent si loin...

Le bruit semblait venir de la vieille grange, le bâtiment voisin de la petite maison. Durant de longues minutes, la vieille Bachan resta interdite dans son salon avant, de finalement prendre son courage à deux mains et d'attraper une lampe torche pour aller constater l'origine du bruit et les potentiels dégâts... Le bruit du vent couvrait jusqu'à ses pensées, rendant la traversée du petit chemin vers la grange des plus difficiles. Lorsqu'elle ouvrit finalement la grande porte en bois de la grange, elle surprit une multitude de petits Pokémon s'étant rassemblés dans le lieu afin de s'abriter de la tempête. Sans déranger ceux qu'elle considérait comme ses charmants voisins, la vieille dame s'avança dans le lieu avant d'illuminer de sa lampe le toit du bâtiment. Comme elle s'y attendait, un énorme trou au plafond laissait entrer la pluie... Qu'est-ce qui avait pu causer autant de dégâts ? Puis, en descendant le halo lumineux de sa torche vers le sol, la vieille dame manqua de pousser un hurlement. Elle devait immédiatement appeler de l'aide ! Au cœur de la grange, sur un tas de vieux foin oublié, reposé le corps inerte et trempé d'un jeune homme...


J'avais tenté d'ouvrir les yeux à plusieurs reprises, sans succès. L'endroit était si blanc et lumineux que j'avais l'impression que j'allais y laisser la vue... Ma tête me faisait tellement mal... J'entendais des voix. Au fur et à mesure que le temps défilé, je commençais à comprendre certains mots qu'elles prononçaient... Elles parlaient... De quelqu'un... Moi ? J'avais ouvert les yeux avec difficulté, ayant du mal à m'habituer à cette blancheur environnante. Il y avait trois personnes dans la petite pièce... Où étais-je ? Au juste... Comment... Qui... J'avais soudainement écarquillé les yeux et porté une main à ma gorge... Qu'est-ce que... Ma panique soudaine n'avait pas échappée aux personnes présentes autour du lit dans lequel j'émergeais.

- « Rassure-toi jeune homme, tu es chez le docteur du village Kishika. Tout va bien. » Confia un grand homme.

Non... Rien n'allait. Définitivement, rien... Je m'étais redressé, ce qui avait causé l'effroi d'une vieille dame à mon côté.

- « Tu as fait une sacrée chute ! Ne te lève pas aussi soudainement ! »

Je lui avais lancé un regard paniqué. Une chute ? De quoi parlait-elle... Qu'importe ! Ce n'était pas le plus important ! Celle qui ressemblait à une infirmière avait suggéré que j'étais peut-être angoissé à cause des évènements qui devaient être flous pour moi. Oui, c'est ça... Expliquez-moi !

- « C'est madame Bachan ici présente t'a trouvé, inconscient. » Commença l'homme en présentant la vielle dame. - « Cela fait plusieurs jours que tu es dans mon cabinet médical. Même si tes blessures sont traitées, tu dois y aller doucement et rester sagement au lit pour le moment. Nous allons prévenir tes proches au plus vite, ne t'inquiète pas. Bien... Maintenant que tu es réveillé, peut-être pourrais-tu commencer par nous dire comment tu t'appels ? »

C'est une blague... C'est une triste farce... ?

- « Minute... Vous voulez dire... Que vous ne savez pas qui je suis ? » Murmurais-je avec difficulté, la gorge serrée.

Pour seule réponse, les trois personnes m'avaient regardés comme si j'étais subitement devenu une bête de foire.

- « Je... Je ne sais pas qui je suis ! » Lançais-je avec terreur.

Je m'étais assis au sol dans l'herbe fraiche, profitant de l'ombre d'un grand arbre pour me préserver de la journée chaude qui s'annonçait. Cela faisait maintenant une semaine qu'on m'avait trouvé. Le visage abattu, j'observais quelques petits Pokémon jouaient joyeusement au loin. Les jours ont bons se succédaient, je n'ai toujours pas retrouvé la mémoire... Je n'ai aucun souvenir d'avant mon réveil chez le médecin. Le pire est cette abominable sensation qui m'obsède. La sensation qu'on attendait quelque chose d'important de moi... Quelque chose que je ne pourrais peut-être jamais accomplir...

- « Akari ! Tu es encore en train de bouder ?! » S'étonna la vielle.

Akari était le surnom qu'on m'avait donné le temps qu'on puisse découvrir mon véritable nom. J'avais appris que bien plus tard que c'était le nom que portait le défunt Pokémon de la grand-mère Bachan... Oui, je porte le nom d'un Pokémon... Tout va bien.

- « Je ne boude pas ! Je réfléchis ! Si à chaque fois que je réfléchis je dois bouder, je vais définitivement mourir de malheur ! » Grognais-je en me redressant.

- « Tu ne devrais pas te faire de mauvais sang ! Le docteur a dit que ta mémoire allait probablement revenir, mais si tu veux mon avis, ce n'est pas en boudant au fond du jardin qu'elle reviendra ! Si tu veux te rappeler, tu dois te bouger ! Il suffirait que tu tombes nez à nez avec l'une de tes connaissances ou que tu tombes par hasard sur un lieu famillier pour que ta mémoire se débloque ! Crois en la vieille Bachan ! »

- « C'est quand même plus facile de bouder au fond du jardin... » Soupirais-je en me laissant tombé en arrière pour m'allonger.

N'ayant aucun souvenir de mon passé, je n'ai nulle part où aller. La vieille dame avait alors proposé de m'héberger le temps que la mémoire me revienne ou, que les recherches de la police, concernant mon identité, finissent par porter leurs fruits. Je me sens affreusement redevable envers cette grand-mère... Non seulement elle m'a secouru lorsque j'étais au plus mal, mais en plus elle m'offre l'hospitalité.

- « Vous savez... Vous n'avez pas à en faire autant pour moi... Je ne le mérite pas... » Avouais-je alors que la vieille femme s'approchait.

- « Qu'est-ce que tu racontes mon garçon ? À mon âge, ce serait idiot pour refuser de la main d’œuvre gratuite ! Tu travailles si dur que c'est plutôt moi qui ne te mérite pas ! »

Ah... Maintenant j'ai l'impression de me faire exploiter... J'avais soupiré puis sourit, le moral légèrement retrouvé.

Bien que beaucoup spéculent quant à comment j'ai pu perdre la mémoire et me retrouver inconscient dans la grange de Madame Bachan, je préfère ne pas trop m'aventurer dans ce domaine par précaution. Il est vrai que je suis littéralement tombé du ciel... Cela s'est confirmé notamment suite aux dégâts importants causés à la toiture de la propriété de la vieille. S'ajoute à ça, les blessures dues à la chute... Le médecin du village avait émis l'hypothèse qu'un méchant coup à ma tête pourrait être la cause de ma perte de la mémoire... La police a même suggéré que le responsable de toute cette histoire était probablement un énorme Pokémon volant qui, pour une raison obscure, m'aurait pris comme proie avant de finalement me relâcher dans les airs... Si on assemble ces deux théories, on obtient quelque chose de relativement crédible. Un triste coup du sort. J'ignore si je suis véritablement l'homme le plus malchanceux du monde, mais une chose est certaine... Cette histoire est bizarre. Quel genre de Pokémon, portant une charge qui plus est, irait voler en pleine tempête ?


La nuit suivant, avait été secouée par une petite tempête. Loin de dormir, je m'étais assis près d'une fenêtre pour observer le déluge, espérant qu'il m'aiderait à me souvenir de quelque chose... De n'importe quoi... Je m'étais alors souvenu du conseil de la grand-mère... « Si tu veux te rappeler, tu dois te bouger ! ». Une idée stupide, comme je sais si bien en avoir, m'avait traversé l'esprit. J'avais été vérifié au pas de loup que la grand-mère dormait bel et bien avant d'enfiler un manteau à capuche et de sortir. Je m'en voulais un peu de trahir ainsi sa confiance, mais j'en avais besoin.

Loin de me soucier de la pluie, du vent et de l'obscurité, je m'étais enfoncé dans la forêt voisine sans réellement avoir une idée de ce que je faisais. Je n'avais pas peur de me perdre dans les bois, car je ne pouvais pas être plus perdu que je l'étais déjà. J'avais l'impression de parasité le corps d'un autre, tant tout m'était étranger... C'était comme si je n'étais pas à ma place, comme si je n'avais rien à faire ici. Je crois me souvenir, du moins j'en ressens de la douleur à cette idée, qu'on attendait quelque chose d'important de moi... Ai-je échoué ? La lune n'était pas très généreuse par cette nuit agitée alors, j'avançais lentement dans le noir pour éviter de glisser.

Peut-être qu'on me cherche, quelque part ? Peut-être que mes proches sont inquiets ? Tout le monde a des proches alors, je dois forcément en avoir moi-aussi... N'est-ce pas ? Pourtant, la police de Lumiris n'a reçu aucune alerte de disparition d'un jeune homme ayant mon profil. Peut-être qu'il est normal pour ma famille et mes amis de ne pas avoir de mes nouvelles un certain temps et, qu'ils ne tarderont plus à remarquer ma disparition ? Après ça, ce ne sera qu'une question de jours avant qu'on me vienne me chercher... Et qu'on me dise comment je m'appelle. Juste ça, ça serait bien... La véritable solitude. Celle où il n'existe pas même un souvenir réconfortant pour vous tenir compagnie dans les moments où... Non. Que je hurle, que je pleure, que je déteste tout ce qui m'entoure... Ne changera rien à ma situation. Pourtant, j'ai-

Des petits cris, semblables à des pleurs, avaient subitement interrompus mes pensées noires. J'avais tendu l'oreille, essayant d'entendre à travers le vent et la pluie... Je ne rêvais pas ! Un Pokémon ? J'avais hurlé un « Où es-tu ?! » à m'en faire mal à la gorge. Comme je n'entendais plus les pleurs, je m'étais mis à courir dans les bois, tendant l'oreille et progressant. Parfois, les cris reprenaient et, je m'orientais au mieux dans leur direction.

C'est dans une petite plaine que je découvris l'ampleur de ce que je pensais être les dégâts de la précédente tempête, celle avec laquelle j'étais apparu. Plusieurs grands arbres avaient été déracinés, désormais réduits à l'état de bois mort sur le sol boueux. Mes yeux étant habitués parfaitement à la pénombre, j'avais cru voir un petit Pokémon sous des branches. Mes doutes s'étaient soudainement confirmés lorsque ce dernier remua en poussant à nouveau ses petits cris de détresse. Je m'étais approché d'un pas lent et, lorsque le petit animal m'a remarqué, ses pleurs s'étaient aussitôt transformés en grognements.

- « On ne se connaît pas, certes... Mais je vais juste te dégager de là... Je n'ai pas d'autre but... » Dis-je en m'approchant.

Il ressemblait à un chiot. Son poil trempé et ses grands yeux lui donnaient un aspect pitoyable. Loin d'être rassuré, il montrait les dents et grognait. En l'observant, j'avais réalisé qu'il avait une patte enroulée dans une racine... Elle était vraiment bien enroulée autour de sa patte... Cela ne me disait rien de bon. J'avais tendu ma main pour tenter de lui retirer le lien, mais cet idiot de cabot m'avait aussitôt mordu la main avec sauvagerie. J'avais reculé dans un élan de surprise, ma pauvre main martyrisée contre mon torse... Sans blague... Il manquait plus que ça !

- « Idiot ! Je suis de ton côté ! » Grognais-je, outré.

La racine venait de... bouger ? C'était surement mon imagination mêlée à la pluie et l'obscurité. Les oreilles du petit Pokémon s'étaient rabattues davantage sur son crane alors que dans mon dos, des bruits abominables de bois brisé grinçaient et grimpaient. Ce n'était pas mon imagination, en fin de compte... Je m'étais lentement retourné. Mon regard heurta de plein fouet un énorme œil rouge plongé dans les ténèbres. Je n'avais pas eu le temps de crier qu'une poigne m'avait attrapé par la jambe et soulevé dans les airs, la tête en bas. Le bois mort avait pris vie... Un Pokémon spectre ?!

Instinctivement, face à cette menace, l'une de mes mains s'était portée vers ma ceinture, seulement elle n'y trouva pas ce qu'elle cherchait... Qu'est-ce que... Je venais de faire au juste ? Le chiot s'était mis à aboyer de nouveau, tirant avec acharnement sur la racine qui le retenait prisonnier. De mon côté, j'essayais de me libérer de l'emprise du fantôme sylvestre, tapant de mon pied libre sur le bois mort servant de bras au Pokémon hostile. Sans succès... Pourquoi m'attaquait-il, moi et ce Pokémon chiot ? Nous ne sommes pas des ennemis de cette forêt... Sans que je ne le remarque, le petit Pokémon avait profité de la diversion pour réussir à se libérer de son lien, chargeant le bois mort avec férocité.

- « C'est inutile ! C'est un Pokémon spectre ! » Soupirais-je. - « Tu ferais mieux d'en profiter pour t'enfuir ! »

Le chiot m'avait regardé droit dans les yeux un petit moment avant, de finalement s'enfuir dans les bois sombres. Au moins, j'avais réussi à l'aider... De mon côté, je cognais toujours avec ardeur mon pied contre le bois mort utilisé comme marionnette par le Pokémon de type Spectre, bien que je savais que mes coups seraient tout aussi inefficaces que les charges du jeune Pokémon... Bordel ! Aucun moyen que je crève dans cette foutue forêt ! Je m'étais débattu comme un diable, mais je n'étais pas de taille face à un tel Pokémon.

- « Hey, l'horreur ! Pourquoi t'en prend à moi ?! Je n'ai jamais été une nuisance pour ta forêt... Enfin, je crois... ! » Me défendais-je alors que le fantôme sylvestre avançait d'un pas lent dans les bois, m'emportant avec lui.

J'avais arrêté de gigoter en remarquant par hasard la petite silhouette du Pokémon de tout à l'heure... Du haut d'un grand rocher, il avait poussé un cri de guerre avant de bondir sur le bras du Pokémon Spectre et, de le mordre à pleine dent. Cette fois-ci, l'attaque était efficace et la poigne du fantôme me libéra. Sans demander mon reste, j'avais attrapé le chiot au vol et je m'étais enfuit à toutes jambes. Loin d'être une bête de course, le fantôme sylvestre ne chercha même pas à nous poursuivre, se contentant de pousser un hurlement colérique.

Sans m'arrêter pour autant, le petit Pokémon enlacé contre moi, j'avais couru dans la forêt jusqu'à apercevoir une lumière au loin. J'avais été si soulagé de réaliser qu'il s'agissait là de la maison de la vieille qui, ayant remarqué ma disparition, avait allumé toutes les lumières chez elle dans l'espoir que je puisse retrouver mon chemin dans la nuit... Une fois devant la grand-mère, j'avais baissé la tête et fait la même tête que le Pokémon chiot dans mes bras. J'étais vraiment... Désolé. Le petit Pokémon quant à lui, s'était contenté de méchamment me mordre à nouveau la main.


Finalement, l'affiche qui devait simplement comporter ma photo et « Savez-vous qui je suis ? » en guise de titre, comportait en supplément une photo du Pokémon chiot avec un nouveau titre, « Nous connaissez-vous ? ». Tout comme moi, ce Rocabot semblait être perdu. Ah oui, c'est un Rocabot. C'est la grand-mère qui l'a immédiatement identifié. Loin d'avoir sa science des Pokémon, je n'en reconnais que très peu... Peut-être que je suis originaire d'une autre région ? Cela expliquerait pourquoi je connais certains Pokémon et d'autres, absolument pas. Mamie Bachan fut d'ailleurs très surprise qu'un Desséliande sauvage s'en soit pris à moi et au chiot. D'après elle, ils ne sont féroces qu'envers les mauvaises personnes... Certes le Rocabot mord, mais tout de même... Quant à moi... Rien ne prouve que je suis une bonne personne.

Pour une raison qui m'échappait, Rocabot semblait m'apprécier... S'il préférait être dehors, il guettait toujours mes déplacements. Lorsque je quittais la maison de la vieille pour aller effectuer des petits boulots au village, le petit Pokémon me suivait. Sans qu'on s'en préoccupe plus que ça, on est rapidement devenus inséparables. Rocabot n'est pas un Pokémon facile... Il aime mordre et ne semble pas être capable d'apercevoir mes mains sans avoir envie de les croquer. J'avais à plusieurs reprises essayer de le caresser, mais mes doigts finissaient toujours dans sa gueule.

Les recherches sur mon identité se poursuivaient, mais malgré la diffusion des affiches dans le village, dans le journal régional et sur le réseau Dusk, personne ne semblait me connaître moi ou Rocabot. Plutôt que de me lamenter, je préférais passer mes journées à me rendre utile, dans l'espoir que la mémoire finisse par me revenir par le plus grand des hasards. Durant mon temps libre, je me baladais avec la vieille et le Pokémon chiot dans les bois. Si je n'avais pas de passé, la vieille Bachan en avait un des plus impressionnants. Dans sa jeunesse, elle avait été dresseuse de Pokémon un temps avant, de finalement choisir la voie de l'élevage. Aujourd'hui, elle n'était plus qu'une gentille mamie à la retraite, même si elle aimait toujours autant s'occuper des Pokémon. Souvent, elle me racontait les moments forts de sa jeunesse, parfois plusieurs fois la même histoire d'affilée...

Même si j'appréciais ma petite vie au village Kishika, je me sentais mal à l'aise face à la gentillesse de la grand-mère et de tout le monde... C'était beaucoup trop pour quelqu'un comme moi. Plus d'un mois s'était écoulé depuis que la vieille Bachan m'avait trouvé inconscient dans sa grange. Personne ne semblait savoir qui j'étais. Absolument personne ne semblait me chercher. Je n'avais probablement pas de proches. La réalité était ainsi.

Lors d'une soirée où mamie Bachan se perdait dans ses histoires, elle avait mentionné par hasard le fait qu'en cas de danger, elle avait toujours eu le réflex de porter ses mains à sa ceinture pour saisir une Pokéball. Même maintenant, cela lui arrivait encore. Cette information m'avait rappelé l'attaque du Desséliande. J'avais eu le réflex qu'aurait eu n'importe quel dresseur de Pokémon face à un Pokémon sauvage... Ma main avait cherché à attraper une Pokéball qui n'existait pas à ma ceinture. Si on m'avait trouvé sans la moindre Pokéball, sans le moindre Pokémon, j'étais convaincu qu'autrefois, j'étais moi aussi un dresseur Pokémon.

- « Tu te souviens de ce que je t'ai dit, Akari ? Si tu veux te souvenir, tu dois te bouger. Si tu restes ici, je ne m'y opposerais pas, car tu travailles beaucoup et on ne te paye même pas, mais je doute que la mémoire te revienne comme par magie... Tu es trop jeune pour prendre ta retraite ici. Tu devrais prendre la route et partir à la recherche de tes souvenirs. »

Rocabot sur mes genoux avait fini par lâcher mes doigts pour écouter attentivement la conversation.

- « J'en suis venu à la même conclusion... Tout ce temps, j'ai attendu que quelqu'un vienne me chercher... Mais ce n'est pas ainsi que fonctionne le monde. Je suis infinement reconnaissant pour tout ce que toi et le village avez fait pour moi... Mais c'est à moi seul de partir à la recherche de mon identité. » Soufflais-je.

C'était définitivement... Le moment des adieux. J'avais baissé les yeux sur le chiot, hésitant à une ultime tentative de le caresser.

- « Tu devrais prendre Rocabot avec toi. » Lança Mamie Bachan à ma grande surprise. - « Personne ne semble le connaître, et vu son comportement... C'est probablement un Pokémon sauvage. Enfin, sauvage... Il semblerait qu'il ait un dresseur désormais ! »

J'avais penché la tête sur le côté, intrigué. Rocabot m'avait aussitôt imité.

- « Je pense que si je m'en vais... Il va me suivre de toute façon. » Soupirais-je avec soulagement. - « Je vais galérer à te faire rentrer dans une Pokéball... Yukan. »

Compte tenu de la tête qu'il tirait, le Rocabot semblait totalement désapprouvé son nouveau nom. Je me sentais désormais moins seul...


Moi, qui avait déjà l'impression d'avoir abusé de tout un village et, tout particulièrement d'une pauvre grand-mère... J'avais été totalement paniqué en découvrant, le jour de mon départ, que tout le monde avait participé à un cadeau d'adieu, du matériel de voyage ainsi qu'une belle somme d'argent, censé être mon salaire pour le travail que j'avais accompli... Du grand n'importe quoi ! J'avais refusé tout cet élan d'affection avec la plus grande fermeté, mais Mamie Bachan avait encore une fois trouvé les mots justes. Même avec un Pokémon, sans argent et sans matériel, je n'irais pas bien loin...

- « Hey, Mamie... Si jamais ma mémoire ne revient pas, si jamais je ne découvre pas qui je suis... »

Pourrais-je revenir ici... ?

- « Dans ce cas savoure ta nouvelle vie, tout simplement ! Tu n'es pas mort, Akari ! Tu es jeune, tu peux explorer Lumiris et vivre d'incroyables aventures comme moi autrefois. Tu t'es lié facilement d'amitié avec un Pokémon, je suis certaine que tu rencontreras d'autres compagnons au cours de ton voyage. Même si tu n'es plus celui que tu étais autrefois, tu peux toujours être ce nouveau toi. »

Mes yeux me piquaient un peu alors, j'avais baissé la tête.

- « Ah... J'imagine que c'est quelque chose que je peux faire... Bien, sur ce... »

Je m'étais tourné, prêt à partir. Yukan, assis sur le haut de mon sac à dos, s'était subitement agité, poussant un petit aboiement. Le Pokémon chiot avait compris que quelque chose n'allait pas.

- « C'est vrai... Mamie Bachan, je reviendrais ! Et lorsque je reviendrais, je me présenterais à toi avec mon véritable nom ! Tu pourras ainsi reprendre celui de ton Pokémon ! C'est trop d'honneur pour quelqu'un comme moi... » Lançais-je, fronçant les sourcils. - « Aussi... Compte sur moi pour t'envoyer plein de Pokémon ! Tu pourras ainsi leur raconter tes histoires interminables ! Et... Ne plus être aussi seule. »

La vieille femme m'avait subitement enlacé par la taille et je m'étais immobilisé, attendant simplement que ce moment gênant passe. Je n'étais vraiment pas fait pour ça... Je vais probablement pleurer si ça continue puis, mourir de honte... Repoussant un peu le grand départ, on avait continué de papoter ainsi plusieurs heures durant. Puis, lorsque je m'étais enfin senti prêt à partir, on s'était simplement dit « À la prochaine ! » en se faisant de grands signes de la main. En guise de au revoir, Yukan avait poussé son plus beau hurlement depuis le haut de mon sac à dos.


J'ignore qui je suis et, je ne sais pas si me souvenir m'apportera un quelconque bonheur. C'est quelque chose qui me terrifie,  seulement... Il ne se passe pas un seul jour sans que ce sentiment atroce de regret ne me ronge de l'intérieur... C'est douloureux. Jamais, je me sentirais en paix si je tourne le dos à mon passé. Je le sais. Plus que tout, je dois me souvenir. Il y a quelque chose que je dois accomplir. Quelque chose d'important. Je veux me souvenir de qui je suis et réaliser ce qui ressemble à une promesse. Je n'imaginais cependant pas, que pour accomplir cette promesse, j'aurai à me trahir moi-même.