En panique
feat. Sera Densetsu
« Theft is barely a mischief I care about. »
Atlas niv.20
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Tant pis. Elle avait dit non. Là où j’aurais normalement insisté, je m’avouai vaincu cette fois. Était-ce la fatigue ou l’absurdité de l’invitation après les montagnes russes qu’avait été notre rencontre et, plus encore, cette discussion ? Pour un commentaire, elle s’était fâchée et je m’étais soumis. Le geste se voulait miséricordieux, certes avec cette intention rusée d’améliorer mon rapport ensuite, mais toujours est-il que je souhaitais sincèrement, ou presque, qu’elle pardonne la maladresse que me fatigue avait provoqué. « Boarf, t’inquiète, j’vais m’en sortir, j’marche jusque chez moi tous les jours. » À mon tour d’être ingrat. À mon tour de refuser son invitation comme si elle avait eu une dette négative nouvellement parue. Un refus pour un refus, dans toute la léthargie de ma tête, ça me semblait logique. C’était le choix à faire. Ça allait de soi. Curieusement, un large sourire avait paru sur mes lèvres, comme un bourgeon apparaissait au printemps sur un arbre à lilas. D’un rictus habile et avec une satisfaction sonore, je lui envoyai ce sourire comme un texto qui se voulait charmeur, un appât qui, je l’espérais la subjuguerais. Si elle savait lire les signes, alors elle savait dès cet instant précis que je tentais de la draguer. Hypocritement. Très hypocritement. On dit que la meilleure façon de conquérir un tiers est de passer par son estomac.
Je posai les mains à plat sur la table comme si j’en avais eu besoin pour propulser mon élévation. Je me levais. Je m’apprêtais à la quitter. Un espoir mince qu’elle change d’idée. Je n’en avais pas assez fait. On n’en faisait jamais assez pour conquérir l’appréciation d’une personne. Jamais. Du moins, pas lorsqu’elle détenait notre avenir professionnel dans ses si petites mains. « Du coup, ce fut un plaisir, si jamais il y a un truc, j’te laisse mon numéro. » De mon portefeuille, je sortis une carte d’affaire mentionnant mon nom, mon grade, mon matricule, mon numéro de bureau et mon numéro personnel. Tout pour me rejoindre ou me retracer avec aisance. Je lui souris et déposai la carte près de son gobelet.
Un clin d’œil c’est tout ce que je fis avant de lui tourner le dos et de saluer les serveuses pour quitter l’établissement. « N’oublie pas ta déposition. » dis-je avant d’ouvrir la porte. Cette fameuse déposition. Ce fameux document anxiogène qui avait valu toute cette mascarade. En bout de ligne, c’était bien ce que ce café était. Il n’y avait aucun réel intérêt dans notre tête-à-tête autre que celui que me dictait mes valeurs et mon engagement professionnels. Si j’avais bien agi dès le début, jamais je ne l’aurais ainsi invitée. Trop tard. Le mal avait été fait. J’avais dû le réparer. Et la question à savoir si ça avait fonctionné demeurait. Malgré l’expressivité de la femme, je n’étais parvenu à quérir la réponse que je cherchais derrière tout ça. Je ne l’aurais pas non plus. Elle avait dit non à une suite et la question ne se posait pas, je resterais donc à me bercer dans le mystère jusqu’à que l’on me convoque dans le bureau du commandant… ou non.
La sonnette retentit dans le café et l’air frais m’engouffra, caressant mes cheveux. Je jetai un œil à mon téléphone, pris une gorgée de mon thé et me dirigeai vers mon domicile. Vers le Sud. Vers le bois hurlant, périphérique de ce loft que j’avais loué. Une partie de moi avait l’espoir infime que cette femme me suive. Parce que je n’en avais pas fait assez, parce qu’une partie de moi continuait de croire qu’elle salirait mon nom, qu’elle me traînerait dans la boue avec aisance comme un cadavre inerte et pour ça, je me maudissais un peu. Je me maudissais d’Avoir eu la stupidité de tenter de l’enfirouaper dans une conjoncture que je savais fausse, par expérience. Et pourtant. Pourtant j’avais eu la stupidité de m’y commettre, de m’y compromettre. Ça aurait pu coûter cher. Ça me coûterait sûrement cher… s’il était fûté, elle pourrait même faire chanter. Trop aveuglé par mes objectifs, je tomberais dans le piège. Rattrapé par mon ambition. Rattrapé par cette partie de moi qui voulait toujours être meilleur que les autres.
(c) TakeItEzy