Jeux d'argent - Jolie

83%.

    Les yeux braqués sur son téléphone, Arya fixe le petit pourcentage de batterie d'un air inquiet, son regard allant et venant entre les différentes personnes autour de lui. Son cœur battait à tout rompre et il n'arrivait pas à se calmer, réalisant difficilement ce qui venait de se passer. Il fallait toujours qu'il soit au mauvais endroit au mauvais moment... Il s'était bien dit que suivre ses collègues au casino n'était pas une bonne décision ; mais ce soir-là, il avait eu envie de sortir et il n'aurait jamais imaginé que les choses puissent dégénérer autant.
    Et pourtant...
    Il le savait, qu'il n'était pas entrain de rêver.
    L'alerte avait résonné partout dans le bâtiment alors que l'électricité s'était retrouvée subitement coupée, et que tout avait été plongé dans l'obscurité. Très vite, c'étaient le chaos et la panique qui avait succédé. Une agitation sans pareille, des murmures incessants et une foule de monde qui se bousculait pour sortir ou tenter d'évacuer les lieux, vainement. Perdu à assister à une partie de pokers entre deux de ses collègues un peu trop vaniteux, le petit blond s'était fait lui-même surprendre alors que ses yeux étaient encore rivés sur son téléphone, cherchant à passer le temps. Une... une attaque terroriste sur la centrale... Et il vivait dans la partie de Lumiris qui se retrouvait sûrement la plus affectée...
Non, ce n'était pas possible. Il aurait voulu se dire que c'était une blague, une blague de très mauvais goût ou une erreur mais ça n'en avait pas l'air et c'était bien ce qui était le plus effrayant. Blottie dans ses bras, Arabesque avait semblé tout aussi tétanisée que lui, l'agitation et l'angoisse ayant saisi le cœur de son maître suffisant à la mettre dans le même état qu'Arya.
Mais il fallait bien croire que c'était loin d'être une plaisanterie.
Tout autour, les clients du casino se bousculaient et tentaient de s'enfuir, de quitter les lieux tandis que des vigiles essayaient tant bien que mal de mettre un terme à toute cette agitation. Mais rien n'y faisait. Dans le noir complet, personne ne savait véritablement comment agir et le petit blond trouva plus judicieux de rester assis sur sa banquette en attendant que les choses se calment un peu. Ses collègues allaient forcément le rejoindre...

    Ses collègues n'allaient pas du tout le rejoindre.
Cette fois, Arya s'autorisa à céder pleinement à la panique et s'était relevé brusquement. Ils n'avaient pas le droit de le laisser tout seul ! Il fallait à tout prix qu'il les retrouve, sinon c'en était fini de lui. Il en était presque sûr. Il n'aurait jamais dû les suivre... Au moins, s'il était resté tranquillement dans son appartement, il n'aurait eu rien à craindre. Il avait l'impression de toujours prendre les mauvaises décisions et ça ne jouait pas du tout en sa faveur.
Mais plus que tout, il s'inquiétait terriblement. Est-ce qu'on avait envoyé du monde prendre en charge la centrale ? Est-ce que tout ceux qui s'y trouvaient allaient bien ? Et comment allaient les habitants des villes, au dehors ? Il espérait qu'aucune de ses connaissances ne soit touchée ou ne s'attire de soucis.
     Pourtant il n'eut pas le temps de s'attarder trop longtemps sur cette pensée ; alors qu'il avançait à tâtons dans le casino, utilisant la lumière de son téléphone pour se guider, on vint lui attraper brusquement le poignet et s'il avait pu parler, le cri qu'il aurait poussé aurait été véritablement effroyable. Or, là, ça ressemblait plus à de très légers couinements plaintifs que lui seul pouvait entendre. Derrière lui, Arabesque sautillait et peinait à le suivre mais la voix que le garçon entendit le calma d'instinct. Ça n'était pas un assaillant ni un terroriste, juste une personne très très en colère qui avait bien l'intention de rassembler le plus de personnes possibles pour l'aider.
Et c'est ainsi que le petit blond se retrouva embarqué dans une affaire à laquelle il ne comprenait pas grand chose, et à laquelle il accepta de contribuer seulement pour la jeune femme qui l'avait presque supplié de faire quelque chose.
C'était sûr que dans une telle situation, des vandales allaient profiter de la confusion totale pour tirer les choses à leur avantage et Arya ne comprenait pas comment de telles ordures pouvaient exister. Cependant, si ça n'avait tenu qu'à lui, il n'aurait pas accepté. La force ou les enquêtes, ça n'était pas son domaine du tout et c'était sans doute la personne la moins bien placée pour aider à retrouver de l'argent ou un tableau volés. Il semblait maintenant qu'il n'avait pas le choix... Et ça l'effrayait terriblement. Mais en même temps, son bon sens lui criait de faire quelque chose. De toute manière, il était coincé dans le casino et il ne voyait pas comment il pouvait agir autrement.

80%.

    Soupirant longuement, le garçon tenta de faire de son mieux pour se calmer, pour reprendre ses esprits du mieux qu'il le pouvait. Tout allait bien se passer... Non, tout n'allait pas bien se passer. Dans son esprit, toutes sortes de pensées négatives se bousculaient. Pourquoi ne pas avoir demandé l'aide de quelqu'un d'autre, hein ? Il allait sûrement se faire réduire en charpie par les vandales et on oublierait son corps au milieu du casino comme s'il n'avait jamais existé. Un type muet avec une force de mouche ne pouvait pas se défendre, n'importe qui tirerait avantage de cette faiblesse.
    Mais une présence à ses côtés fit réaliser à Arya qu'il n'était pas tout seul.
    Et mince.
    D'un côté, ça l'arrangeait puisqu'il ne se voyait pas du tout s'en sortir sans aide ; c'était une possibilité absolument impossible. Mais de l'autre... Comment est-ce qu'il allait faire pour communiquer ? La femme qui se tenait à ses côtés n'avait pas l'air très rassurante, et il ne disait pas ça parce que la pénombre lui donnait une drôle de tête... enfin, si, il pensait complètement ça à cause de ça. Pourtant n'importe qui perdrait les pédales dans une situation pareille. Ils ne pouvaient pas attendre que les choses se calment pour récupérer l'argent ? C'était ce que Arya s'était dit mais à y réfléchir, c'était sans doute la pire idée qui puisse exister. Le temps que le problème soit réglé, il pouvait s'écouler des heures et les vandales confinés dans le casino pourraient même en profiter pour s'en prendre aux innocents qui n'avaient rien fait. Il y avait beaucoup trop de clients pour que ça n'arrive pas.

    Et comme pour venir appuyer les pensées d'Arya, l'agitation ne s'arrête pas. En réalité, elle ne fait qu'empirer et l'angoisse le fait trembler petit à petit. Est-ce qu'il était vraiment obligé de faire ça... Pourquoi lui ? Il fallait qu'il se rassure en se disant qu'il n'était pas tout seul. Oui, il n'était pas tout seul, il ne craignait rien si quelqu'un était là pour le protéger... Alors, avec le peu de force qu'il possède, il attrape le poignet de la femme qui se trouve non loin de lui et qui a visiblement été choisie pour l'aider. Il braque sa lampe sur elle et lui fait signe d'attendre quelques secondes tandis qu'il dégaine son téléphone, tapotant quelques mots dessus.

-Bon... on a pas trop le choix visiblement. Je sais pas comment on va faire, c'est le bordel et ça va pas être facile du tout...

    Il tente de rester confiant mais la peur l'envahit peu à peu et il se mord les lèvres, faisant de son mieux pour rester concentré.

-Désolé, c'est comme ça que je vais devoir communiquer. J'ai pas d'autres solutions. Je m'appelle Arya. Et toi ?

[Mission Évent] Jeux d'argent | Jolie

76%-

    La batterie file à toute allure, c'est pas vraiment rassurant. Et Arya est nerveux, vraiment nerveux. Pourquoi poser ce genre de responsabilités sur ses épaules ? Si un criminel fuyait il ne pourrait même pas le rattraper en lui criant d'arrêter, en le menaçant ; sa voix était éteinte depuis trop longtemps. Mais au moins, ça aidait à la discrétion... Même s'il voulait hurler de panique il ne le pourrait pas vraiment, et c'était un avantage un peu tordu qui pouvait s'avérer utile, même si c'était pas joyeux.
    Et puis dans sa tête, tout est un peu confus ; la femme à ses côtés venait de se volatiliser, laissant sa main dans le vide, et celle qui devait être sa partenaire n'en était visiblement pas une. Il y avait une autre personne, une femme aussi, à la voix assurée et claire, d'une douceur qui surprenait Arya pour la carrure assez imposante qu'elle avait. Et tandis qu'il l'écoutait parler, il comprenait son erreur. Elle n'avait pas lu le moindre mot de ce qu'il lui avait dit, parce qu'il s'était tout simplement trompé de cible, les yeux grillés par la lumière un peu trop brillante de celle de son téléphone couplée à celle de la lampe. Les joues pourprées d'une teinte honteuse, son visage se baisse et il tourne, tourne et retour ses paroles dans son esprit sans parvenir à comprendre clairement la situation. Elle avait l'air... bien plus renseignée et douée que lui, et ça le gênait beaucoup. Bien sûr qu'un gamin n'avait pas sa place ici, c'était pas difficile de le comprendre. Se sentant l'air idiot, le garçon notait tout ça dans son esprit, confus. Et en plus, ce qu'elle relevait était tout aussi dérangeant... Il s'était trompé, pas de quoi en faire un plat. Il l'avait juste... confondue avec une passante silencieuse qui cherchait un endroit où être en sécurité, il aurait dû le comprendre avec son regard tétanisé et plein d'incompréhension. Cette fois alors, il se plante devant Jolie l'air mal assuré -Jolie, c'était curieux comme nom mais c'est vrai qu'il lui allait bien-, et voilà qu'il lui tend son téléphone, rouge de honte. À cette heure, il avait seulement envie de disparaître.

-Arya... Arya Lindford...

    Il n'avait pas pris la peine d'ajouter autre chose ; sa batterie fondait à vue d’œil et son téléphone portable lui serait plus que nécessaire à la communication. Le stress lui montait tellement à la tête que penser à ajouter qu'il était muet lui était sorti de l'esprit. Si elle lui faisait une quelconque remarque sur son attitude, au moins, il s'en rappellerait et s'empresserait de le lui préciser...
    Quoi qu'il en soit Jolie avait l'air déterminée. C'était juste une intuition, mais il le ressentait dans son attitude. Elle avait l'air d'être le genre de personne qu'on devait écouter si elle disait qu'il fallait y aller. C'était à eux deux qu'on avait confié cette tâche, s'il traînait, elle ne le verrait certainement pas d'un bon œil. Cette femme était l'adulte de la situation, la plus apte à prendre les bonnes décisions -pour Arya, qui lui était sûr que seul, il se perdrait et se mettrait en danger. Et pour commencer, rien de tel que de se rendre sur les lieux du crime, effectivement... Le garçon déglutit à cette pensée. S'ils avaient confiné les salles, ils risqueraient de se retrouver confrontés à une myriade de monde. Si le plus précieux des tableaux avait été volé, comment espérer y trouver le coupable dans la même salle ? C'était impossible. Elle allait servir de point de départ, oui ; mais le malfaiteur n'était pas là, ça serait trop facile. En tout cas, il en était certain. Cacher un tableau en plein milieu d'une foule de monde, malgré le noir complet, quelqu'un finirait par s'en apercevoir et l'aurait déjà dénoncé.

74%.

    Un rapide coup d’œil sur son téléphone et le petit blond soupire, visiblement soulagé que ce dernier tienne le coup. Près d'eux se tenait toujours leur guide alors qu'ils n'avaient pas bougé ; mais elle eut déjà d'autres choses à s'occuper et fut obligée de les abandonner. Pourtant, elle prit bien le temps de leur expliquer la disposition du casino et la pièce dans laquelle ils devaient tout deux se rendre était loin, bien loin d'ici. Blottie dans le sac d'Arya, Arabesque tremblotait et le garçon dût se tordre la main pour le tapoter légèrement, rassurant sa camarade que l'ambiance paniquait bien trop.
    Après cette humiliation qu'il venait de vivre -oui, il considérait ça comme une humiliation alors que ça n'était pas grand chose-, le danseur tint à montrer à Jolie qu'il n'était pas inutile et n'avait pas l'intention de la laisser prendre toutes les initiatives. « La salle 302 »... c'était celle-là qu'ils devaient trouver et aussitôt, il s'élança dans cette direction, sûr de lui, attendant cependant qu'il la suive. Il fallut bousculer une large foule de monde, se frayer un passage au milieu de la panique tout en restant discret, afin de ne pas éveiller le moindre soupçon. Et il fallait dire qu'avec sa grande taille ça n'était pas chose facile pour le garçon, bien que son mutisme lui donnait un avantage considérable. Et comme il l'avait pensé, ce fut sur une pièce isolée du reste qu'il déboucha. À l'écart, il n'y avait pas de monde autour. L'endroit idéal pour un cambriolage quand toute l'attention était détournée ailleurs -à noter, dans le hall.
    Comme s'il espérait que ça s'ouvre, Arya enclencha la serrure ; peut-être que c'était ouvert, par chance. Mais non. C'était verrouillé et il ne fallait pas s'attendre à quoi que ce soit d'autre. Pourtant... Là où n'importe qui aurait renoncé et cherché une autre solution, il donna un autre coup sur la poignée. Il y avait quelque chose d'étrange, comme si elle avait été bloquée volontairement, de l'intérieur sûrement. On ne l'avait ni confinée ni verrouillée de l'extérieur. Soudain pris d'une inquiétude et d'une curiosité mêlée, le garçon plaqua son oreille contre la porte et, loin des hurlements de la foule, il crut distinguer des murmures, des bruits de pas peut-être. Ou alors était-ce seulement son imagination. En un éclair, son écran s'allume et quelques mots s'y affiche ; il se tourne alors et le braque sur Jolie, s'assurant bien cette fois de l'avoir en face.

-Quelqu'un a bloqué la porte. Soit le voleur est à l'intérieur, soit il a filé et a enfermé les témoins dans la pièce. Quoi qu'il arrive, il va falloir qu'on essaie de l'ouvrir sinon ça nous avancera à rien.

71%.

    Au moins, le message était passé.