Il s’appelait Gaston de Forte-Palissade.
Et… Il avait autant de suite dans les idées que d’imagination.
C’était la deuxième fois que Mana’arii tentait le diable. Ce pauvre diable qui n’avait rien demandé d’autre qu’un pauvre week-end de plaisance que l’insulaire rechignait à lui offrir. Il s’acharnait, Mana.
Toujours le même scénario, la même manière de faire les choses : les déguisements bon marché, les mimiques exacerbées… Il s’était demandé si un jour viendrait où son visage quitterait le babillard à l’entrée et si on cesserait tôt ou tard de l’importuner.
Après tout, Vai’ata avait payé sa dette. (Les quelques milliers de pokédollars que Mana devait verser au parc afin de réparer les dommages qu’il avait causé en y déclenchant un incendie, c’était elle qui les avait assumé.) (Même pas honte.)
Alors pourquoi continuaient-ils de s’acharner? D’accord, l’insulaire n’était pas le plus malin des hommes et rien n’excluait la probabilité d’un autre fâcheux accident… Mais, la dernière fois, tout s’était bien déroulé! Eux ne le sauraient jamais, mais Henry n’avait rien fait de condamnable. Rien du tout.

(Henry, c’était son alter égo fermier bigleux.)
(Problem?)

Excepté du détournement mineur.
…
Mais ça allait trop loin comme réflexion. (Il n’avait pas de défense à présenter.)
(Hormis que Damien ne l’avait jamais rappelé.)

Habillé d’un manteau en fausse fourrure (Au moins, il n’aurait pas froid) et d’un haute forme ridicule au look pas du tout adapté, Mana’arii franchit l’entrée du safari sous le regard mi-intrigué, mi-moqueur du personnel.
Devant le poids du jugement, il enfonce doucement sa tête entre ses épaules et tente de se faire une raison : Halloween touchait tout juste à sa fin, il était encore dans le thème. Armé de sa fausse assurance et de son désir de franchir l’entrée, il relève alors doucement la tête en faisant bruyamment claquer ses doigts. Kane? Venez, il est temps pour nous de rentrer. Et si le fulgudog ne semble pas partager les habitudes soudain maniérées de son dresseur, il ne s’oppose toutefois pas à un retour en terre sainte.

Parce que Kane adorait le safari.
Il adorait la sensation de l’herbe fraîche sous ses coussinets plutôt que celle du bitume brûlant des étés caniculaires. La liberté, le grand air… Ça lui rappelait un peu plus Alola, un peu moins Sunyra. Le Pokémon avait vécu toute sa vie dans la liberté totale, sans clôture pour le brider.
Il avait toujours été à sa place au cœur de l’archipel… Et à chaque jour passant, Mana’arii s’en voulait de l’y avoir arraché. D’avoir crû qu’il ne survivrait pas à Lumiris en l’absence de son meilleur ami.
Son égoïsme avait de nouveau frappé, avait heurté de nouvelles sensibilités. Que pouvait-il faire pour gagner son pardon? C’était sans doute un peu vain, mais l’insulaire redoublait d’originalité pour reproduire à Lumiris les conditions de vie dont Kane jouissait à Alola… C’était un travail de longue haleine, mais il aimait croire que c’était pour la bonne cause.

Une fois bien enfoncé dans le parc, le brun sent peu à peu la pression quitter ses épaules. Soulagé de ne pas avoir été reconnu, qu’aucune alarme n’ait été sonnée, il rejette légèrement la tête vers l’arrière puis prend une grande inspiration.
Il était désormais libre de sa progression : libre d’agir comme bon lui semblait… À condition que ses envies n’incluent aucun briquet ou lance-flamme. (Il n’avait pas vraiment envie de remettre le couvert.)
Peut-être qu’un jour viendrait où le kamar lui ferait regretter toutes ces fois où il avait décidé de transcender les autorisations et la légalité… Mais tout portait à croire que ce ne serait pas aujourd’hui qu’il expierait ses crimes. Ça pouvait attendre demain. Pas de soucis. Essaie de ne pas trop t’éloigner, d’accord? Indique-t-il au chien électrique dont il peine déjà à garder la trace. C’est à cause de ta hâte que l’on s’est  retrouvé entre de beaux draps la dernière fois, ne l’oublie pas. C’est un reproche inutile puisque Kane ne l’écoute déjà plus.

En quête d’un nouveau territoire à s’approprier, le pokémon n’accorde désormais plus la moindre attention à son dresseur.
Au cœur du centre safari, Mana’arii s’est rarement senti aussi seul et abandonné. (Et dramaqueen*)

Ce n’est pas très grave, il reviendra... parvient-il à se convaincre.
Profitant de cette solitude forcée, le brun retire alors son chapeau d’un mouvement habitué en glissant une main entre ses boucles rebelles et désordonnées. On lui avait dit un jour que les bouclettes sur sa tête lui donnaient un air attendrissant… Mais il ne savait plus s’il devait les croire.
C’était surtout encombrant. Et reconnaissable.
Heureusement qu’il n’y avait per-…

… Heureusement qu’il était censé n’y avoir personne *
Croisant le regard d’un autre individu non loin de lui, l’Ehu-kai sent son cœur faire la grève d’un battement. Paniqué, il cherche à lire sur son visage si l’autre l’a reconnu, s’il a tiré une conclusion logique entre le dérangé qui se tient non-loin de lui et le dangereux bonhomme sur le babillard à l’entrée.
Mais Mana’arii ne lit pas dans le regard des gens. Les âmes ne sont pas des cartes : il ne suffit pas de les retourner pour en lire toutes les subtilités.

Ne me dénonce pas. S’il-te-plait. … Si l’autre avait un doute, l’insulaire venait de lui offrir la confirmation qu’il attendait. Brillant. J’suis prêt à te donner tout c’que tu veux en échange de ton silence. Voilà qu’il achetait les gens.

(Glorieux!)