La grande ville bruissait d’activité. La circulation, les passants, les boutiques et même les lampadaires, tout semblait faire du bruit. Parfois agréable quand une radio diffusait une musique à la mode, parfois désagréable quand il s’agissait de personnes se disputant violement. Tout donnait à la ville sa signature. Toutes les grandes villes étaient bruyantes, mais chacune l’était à sa manière. Et puis, il y avait les odeurs. En plus de l’odeur unique de la ville, chaque quartier avait la sienne propre. Le quartier résidentiel sentait le confort, et le centre-ville la nourriture, les vêtements propres et la sueur des gens. Le seul point commun : la vie. C’était vivant, tout le temps.

Camille était arrivée depuis peu à Nemerya pour récupérer son violon. Ce violon était un vieil instrument qu’elle avait eu pour une bouchée de pain chez un antiquaire. L’homme n’avait pas voulu lui vendre au début, car il s’en servait de décoration et ne voulait pas s’en séparer. Aucun sentimentalisme là-dedans, juste de l’honnêteté. Il estimait l’instrument dans un trop mauvais état pour lui mettre un prix. Mais les silences insistants de Camille étaient venus à bout de sa réticence. Car oui, il est difficile de négocier quand on ne parle pas, mais peu de gens savent résister à un regard sévère et au silence. C’est trop étrange, trop nouveau, trop malaisant. Dire une phrase et avoir pour toute réponse un texte écrit, ce n’est jamais une bonne chose.

Finalement, Camille était devenu propriétaire de l’instrument, et avait cherché un luthier pour le réparer. Melody, qui était avec elle au moment de l’achat, l’avait aidé. Son manager plus exactement. Il avait trouvé un expert pas trop cher et vivant à Nemerya. Hélas, l’homme refusant que Camille soit présente pour les réparations. Il ne prenait que des apprentis, pas de touristes et il ne voulait pas d’une jeune fille dans les pattes. La magicienne avait alors attendu qu’il finisse son instrument.

Elle ne fut pas démunie pour autant. Elle en avait profité pour visiter la ville mais comme rien ne l’intéressait, elle avait repris les entrainements avec ses Pokémons, comme à ses débuts, dans un parc. Elle avait aussi joué de la vielle à roue, attirant les passants dans ses concerts improvisés. Le goût du spectacle de rue lui revint, alors elle s’improvisa un espace et ressortit ses vieilles astuces, ses anciens tours. Des tours qu’elle ne pouvait plus faire sur scène, car trop petits, bien que toujours impressionnants.

Elle était en train de faire un de ses petits spectacles, devant des gens qui allaient et venaient. Ses Pokémons virevoltaient avec elle. A ses débuts, il n’y avait que Milo, un Evoli qu’on lui avait offert il y a plusieurs années. Puis Enya, une autre Evoli avait rejoint leur petit duo. Pour la suite, il y eu Rico, aujourd’hui un Voltali, Nami, l’Aquali, Furo, sorti de l’œuf devenant un Pyroli, Rita, la Givrali, Lyra la Phylali et les deux derniers, Dano et Talo encore des Evolis.

Camille avait beaucoup évolué en tant que magicienne. Au début de son duo, elle s’était faite connaitre comme Fraise et Chocolat, à cause de ses cheveux rose et marron et parce que ça correspondait bien à un nom de duo. Mais maintenant, elle avait une grosse équipe et si Fraise et Chocolat était toujours joli comme nom, il ne fonctionnait plus. Elle avait alors choisi de changer pour Neopolitan, du nom de la glace, fraise, vanille, chocolat, que Camille adorait. Adorer n’était pas tellement le terme puisqu’elle ne pouvait imaginer sa vie sans ce dessert. Aussi loin que remonte la mémoire collective, Camille avait toujours mangé de la glace vanille, fraise et chocolat, en toute saison. Elle n’avait jamais manqué un spectacle de coordination le dimanche à la télévision.

Si on devait la définir, on dirait d’elle, qu’elle est muette, magicienne, fan de coordination et de glace vanille, fraise et chocolat. Et ce serait tout. Rien de plus.

Aujourd’hui, Neopolitan se donnait en spectacle. Camille avait teint ses cheveux noirs de jais en rose et marron et ses yeux habituellement verts émeraudes étaient dissimulés derrière des lentilles, une marron et une rose. Méconnaissable, Camille faisait un petit spectacle dans un parc. Ses Pokémons bondissaient, apparaissant et disparaissant derrière son ombrelle, sans laisser de trace. Ils disparaissaient pour revenir en fendant la petite foule rassemblait. L’ensemble du spectacle se faisait sur une succession de musique, plus ou moins entrainante et Neopolitan comme ses Pokémons, virevoltaient et dansaient en rythme. Ils faisaient montre d’une grande souplesse et coordination en plus d’un talent pour la magie.

Entre autres tours, Camille avait sorti un expérimental. Elle tenait du matériel pour faire des bulles. Soufflant, elle formant une boule qui, au lieu de s’envoler, se solidifia et tomba dans sa main gantée. Elle joua avec un moment, avant de faire apparaitre un foulard. Posant délicatement le foulard sur la boule, il s’affaissa comme si la boule fondait à son contact. Quand elle retira le foulard, il ne restait rien de la boule. C’était simple et peu impressionnant, mais fit son effet tout de même.

Elle allait passer à son dernier tour. Dans la foule, elle choisit une jeune femme et lui prit la main, sans lui demander son avis. Sur une musique rock’n roll, la magicienne dansa un instant avec cette personne, assistante malgré elle. Elle tourna autour, et si elle se laissait faire, elle faisait tourner l’inconnu dans tous les sens avec un grand sourire.

Finalement, elle s’arrêta et montra la jeune femme. Le public applaudit poliment. On était loin des ovations de spectacles, mais le tour n’était pas suffisamment méritant non plus. Mais il était bien fait. En effet, les vêtements de la jeune femme avaient changé de couleurs et ce, de façon homogène. Camille salua pour signaler la fin de spectacle.

Elle sortit un mouchoir nulle part et pendant que les gens s’en allait entrepris de le passer sur l’inconnue. Au passage du tissu, la couleur disparaissait.

La jeune femme se laissa faire, même si la magicienne sentit une certaine réticence au début, mais rien d'inhabituel. Il était rare que des gens se joignent volontairement à la magicienne, pour se donner en spectacle. Il y avait toujours cette gêne, cette peur du ridicule, de l'inconnu ou que les choses tournent mal. Et puis certains comédiens tournaient en ridicules leurs cobayes pour faire rire le public.

Ce n'était pourtant pas du tout le genre de Camille. D'abord parce qu'elle ne parlait pas. Ensuite parce qu'elle ne faisait pas dans le burlesque. Elle faisait parfois des mise en scène légèrement humoristique, mais en générale, elle était dans le dynamisme et le merveilleux, rien de bien dangereux pour l'estime de soi.

De toute manière c'était la fin du spectacle et le tour n'était pas très méchant. Un simple colorant, qui disparaissait à l'eau. Camille avait travaillé dur pour trouver un moyen de le mettre sur son assistant du moment, sans s'en mettre partout, pour ne rater aucun espace et pour être discrète. Mais elle y était parvenue et n'en était pas peu fière.

Les gens commençaient déjà à se disperser, peu après les applaudissements. Il n'y avait pas eu grand monde, mais ce n'était qu'un spectacle de rue, fait pour s'amuser. Camille aimait se donner en spectacle quand elle était grimée de rose et marron. La Camille normale était du genre réservé, timide, et muette. Mais quand elle devenait Neopolitan, elle était plus extravertie, dynamique et folle. Elle était libérée.

Sa cobaye la regarda droit dans les yeux et Camille se sentit mal à l'aise. Elle n'avait pas l'habitude d'un tel regard et avait envie de se frotter les yeux à cause de ça. Et elle ne pouvait pas à cause de ses lentilles. Alors elle se mit à papillonner des yeux de manière bizarre.

Elle prit un air désolé à la remarque de la jeune femme. Elle fouilla dans sa poche et surtout quelque cartons et en présenta un.

Désolé. y était inscrit.

Elle avait un carton pour plusieurs choses simples mais aucun n'était jamais autant utilisé que celui-ci. Ne parlant pas, Camille se considérait comme un fardeau social pour tout le monde et passait son temps à s'excuser, au pont où ça devenait agaçant.

Demander l'avis des gens n'était pas possible hélas, sans perdre le rythme du spectacle. Elle ne pouvait pas faire comme les autres, demander à la volée et prendre un spectateur au hasard. Cela n'était pas dans le rythme qu'elle imposait, ni dans ses capacités. Alors, elle devait imposer sa volonté. Et parfois, ça ne plaisait pas aux gens.

Rougissant de gêne, elle montra un carton, avec Merci écrit dessus.

Elle regarda Dalia avec un sourire gêné. Cette fois-ci, elle ne prit pas de carton de sa pile, mais elle fit apparaître une carte de nul part, comme par magie. C'était un tour vient comme le monde qu'on apprenait très tôt, mais ça restait un tour de magie. Le carton disait.

Bonjour, je m'appelle Neopolitan. Je suis magicienne.

Camille réfléchit un moment et se rendit compte qu'elle était arrivée à la fin de tout ce qu'elle pouvait dire avec ses cartons. Ou presque.

Elle chercha dans ses fiches. Tu habites dans le coin ? puis Tu veux aller manger une glace ? furent montrer avec un grand sourire.

La jeune inconnue qui répondait au nom de Dahlia ne parut pas surprise par le carton ni la manière de communiquer de la magicienne. Peut-être était-elle une originale qui s'attendait à tout de tout le monde, ou elle connaissait Neopolitan et savait à quoi s'attendre pour avoir une discussion avec elle. Camille ne saurait dire, bien que la remarque de Dahlia laisse à penser que la jeune femme ne connaissait pas du tout la magicienne. Un dur retour à la réalité que celui-là : tout le monde n'était pas fan de magie, et la magie restait un monde très petit.

La validation de l'idée par Dahlia ramena un grand sourire de joie sur le visage de Camille. Il n'était pas difficile d'avoir sa confiance ou sa bonne humeur : une glace et la magicienne retrouvait sa joie de vivre. Son amour pour la glace était sur le point de devenir légendaire chez tous les glaciers de Lumiris. Il n'était pas faux de dire qu'elle les avait presque tous essayés.

Elle hocha donc énergiquement la tête. Bien sûr qu'elle connaissait un endroit, même plusieurs. Elle allait devoir en éviter un, à cause d'une mésaventure avec un client qu'elle ne voulait plus revoir. Elle fit donc un signe pour que l'autre femme la suive.

Puis, pour lui répondre, elle saisit son téléphone.

Pas vraiment. Je vis dans la région depuis trois ans, mais je viens d'Hoenn.

C'était beaucoup d'information pour une identité secrète. Mais Camille ne faisait pas vraiment attention à ce genre de détail. Elle avait déjà révélé son vrai nom en portant sa tenue de magicienne, à de nombreuses reprises. Elle se déguisait pour éviter que des gens dans la rues ne l'accostent en permanence si elle devenait célèbre, mais d'un autre côté, elle n'était pas capable de garder un secret.

Elle guida la jeune femme à travers la ville et après quelques minutes de marche, elles arrivèrent à un café, dont une partie de la vitrine était ouverte pour placer un bar à glace. Sur la route, Camille se sentait mal à l'aise. Iris avait appris la langue des signes et la magicienne avait pris goût à leur discussion silencieuse. Revenir à la communication écrite était frustrante.

Tu fais quoi dans la vie ?

Camille fit la queue et lorsque leur tour arriva, elle n'eut même pas besoin de commander. Le serveur lui fit un clin d'oeil et commença déjà à lui préparer un pot vanille, fraise et chocolat. Elle se tourna vers Dahlia pour voir ce qu'elle prenait.

Renvoyer la politesse sur l'origine de Dalia n'avait pas vraiment frôler l'esprit de Camille. Faire la discussion n'était pas son fort et en réalité, ça n'avait pas vraiment d'importance. Si elle lui avait dit qu'elle venait d'Hoenn, peut-être aurait-elle reçu plus d'intérêt, ou bien si elle avait grandi Unyss, mais simplement parce que la magicienne aurait pu s'intéresser à la culture de coordination de la région. Ce n'était pas de la méchanceté, mais un désintéressement total.

En revanche, l'activité de Dalia pouvait être intéressante. Savoir ce que faisait les gens amener toujours des histoires sur leurs aventures, les personnes bizarres ou extraordinaires. Et puis les gens aimaient bien parler de ce qu'ils faisaient et ça éviter à Camille le difficile exercice de répondre ou de faire des phrases. Elle pouvait se contenter d'expression faciale. Mais l'autre femme ne semblait pas vouloir s'entendre sur la question. Pourtant, Camille s'interrogea. Elle avait dû travailler longtemps au PokéMart pour avoir assez d'argent pour venir ici et voyager.

Tu as travaillé longtemps là-bas ?

Son voyage à elle n'avait pas été donné et sans la récompense d'un concours de magie, jamais elle n'aurait pu venir à Lumiris avant plusieurs années. Et elle ne serait certainement jamais venu d'ailleurs puisqu'elle se serait probablement fait un nom à Hoenn, difficilement, mais elle l'aurait fait.

En un tour de main, une glace vanille fraise et chocolat finit dans celle de Camille qui remercia le serveur d'un sourire avant de lui tendre un billet.

La cuillère déjà dans la bouche, Camille hocha la tête vigoureusement. Elle était une habituée dans beaucoup de café et glacier. Quand on mange autant de glace qu'elle, on se fait connaître. Heureusement qu'elle faisait énormément d'activité, sinon, elle ne donnerait pas cher de son poids et de sa forme.

Elle hocha aussi la tête concernant la langue des signes mais son mouvement ralentit et s'arrêta. L'enseigner ? Non, jamais. Corriger parfois, mais jamais, elle ne l'avait enseigné à personne. Pas même à Iris qui l'avait appris par elle-même. La magicienne ne savait pas si elle était capable d'enseigner sa langue à quelqu'un. Par où commencer ? Comment on apprend un langage ? Elle avait appris le sien il y a si longtemps, quand un médecin s'était enfin aperçu qu'elle n'était stupide, mais simplement qu'elle ne parlait pas. Et pour être honnête, elle n'avait pas été une élève attentive en cours de langue étrangère.

Son hochement positif se tourna en hochement négatif alors qu'elle enfournait une nouvelle cuillère de glace. Elle fronça les sourcils alors qu'un gel de cerveau lui fit atrocement mal. Non, elle n'apprendrait jamais à manger sa glace moins vite.

La cuillère dans la bouche, la glace dans la main droite, elle écrivit sa réponse.

Non, je ne l'ai jamais enseignée. Je peux essayer de te l'apprendre si tu veux.

Mais elle avait beau réfléchir à une façon de faire, elle ne voyait qu'un long procédé fastidieu alternant écrit et signe. Et ça ne lui plaisait pas trop.

Iris parle et sait signer. Elle pourrait t'apprendre. C'est une fille incroayble. Elle sait tout faire et n'a peur de rien. Je pourrais te la présenter, elle pourra t'aider.

Et puis, comme ça, Camille aura une bonne excuse d'aller voir son amie. Bien qu'elle n'en ait pas besoin. Iris l'accueillait toujours à bras ouvert. Mais peut-être qu'Iris se mettra à préférer Dalia à Camille et ne voudra plus voir Camille. La jalousie et la peur vinrent s'installer confortablement dans l'esprit peu serein de la magicienne. Elle regretta son idée et chercha un moyen de détourner la conversation.

Elle habite un peu loin cependant. On ne devrait pas la déranger pour ça. Tu fais quoi dans la vie ?

Elle avait déjà posé la question, mais elle avait à la fois oublié la réponse, oublié qu'elle avait posé la question et ne s'intéressait toujours pas à la réponse. Mais elle avait besoin d'une diversion pour que Dalia ne s'intéresse plus à Iris.

Cinq années de travail. Ce chiffre surprit Camille. Elle n’avait pas travaillé autant où que ce soit. Elle n’avait jamais été salariée non plus, il fallait bien l’avouer. Mais en recalculant, cinq ans de travail ça faisait beaucoup. La magicienne se demanda quel âge avait Dalia.

Le voyage vers Lumiris n’est pas si cher que ça, mais si on voulait pouvoir profiter de l’île sans avoir à travailler, il fallait tout de même un bon pécule. Camille avait rapidement dû se mettre à faire des spectacles pour toucher des cachets et subvenir à ses besoins. Heureusement pour elle, son travail de magicienne était la raison de sa présence à Lumiris.

Cinq années d’économie, certainement en vivant chez ses parents, ça devait tout de même faire une bonne dose d’argent. Jamais Camille n’aurait pu endurer ça. Subir son petit frère et ses blagues non renouvelés auraient été un cauchemar. Elle ne regretta absolument pas les dimanches à lui courir après pour récupérer la télécommande de la télévision pour regarder les concours de coordination, ou à le chasser de devant la télévision. Il avait déployé de nombreuses astuces pour l’énerver, mais toujours au même moment : le seul moment qui comptait pour elle, les diffusions de coordination.

Elle l’aurait tué un moment ou l’autre, si elle n’avait pas la certitude que ses parents la priveraient de concours pendant plusieurs semaines. Le pire dans ces moments était qu’il faisait mine de ne pas comprendre et passer son temps à dire « je ne comprends ce que tu veux dire, parle plus fort ». Insupportable gamin.

Mais tout ça, c’était du passé. Maintenant, elle était libre, magicienne reconnue, et elle pouvait voir les concours de coordination tous les dimanches sans problème.

La conversation accentua la jalousie de Camille. Dalia semblait prête à rencontrer Iris, mais Camille n’était plus très sûre de vouloir le lui présenter. Evidemment, Iris était une personne extraordinaire et Camille la trouvait géniale. La magicienne n’imaginait plus sa vie sans savoir qu’Iris était quelque part. De plus en plus, elle pensait changer de ville pour habiter à Windoria, près de son amie. Elles pourraient se voir plus souvent alors. Peut-être même s’entrainer ensemble, bien que Camille ne soit toujours pas prête à faire de vrais combats.

Heureusement, Dalia abandonne l’idée. La distance l’a découragée. Jamais elle ne remplacera Camille dans le cœur d’Iris et ça soulage Camille. Elle dissimule un sourire dans une nouvelle bouchée avant de répondre.

Je ne suis pas très douée pour faire la conversation. C’était parfaitement vrai, puisque Camille ne parlait pas. Donc en général, c’était les gens qui racontaient leur vie et Camille qui se contentait de hocher la tête.

Heureusement, Dalia reprenait la conversation à sa charge.

Oui, c’est mon nouveau nom de scène. Neopolitan. Je suis magicienne professionnelle. J’ai déjà fait trois spectacles différents. Je suis tête d’affiche à fort des Songes et Sunira. Et bientôt à Nemerya. Je fais de la disparition, du changement de vêtements et de masques, et de l’illusion. Mais mes Pokémons veulent se battre, alors je m’entraine peu à peu au combat. Même si j’aime pas ça. Tu aimes les combats ? et la coordination ?

C’était un très long message qu’elle montra à Dalia.

Camille n'était pas vraiment plus douée pour répondre aux questions que pour les formuler, mais elle était tout de même plus à l'aise dans ce sens que dans l'autre. En revanche, elle était d'une efficacité redoutable pour faire disparaître les desserts sucrés glacés à trois parfums. D'une telle efficacité que sa glace avait complètement disparu lorsque Dalia finit ses questions. Elle prit le temps de faire passer son mal de crâne en fronçant les sourcils et en se traitant d'idiote intérieurement avant de répondre à l'écrit.

Je suis Fraise et Chocolat à l'origine. Le changement de nom a été un peu compliqué mais les gens commencent à s'y faire. Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. Mais avait c'était pour désigner Milo et moi. J'étais Fraise et lui Chocolat.

La suite ne souffrait pas vraiment d'explication. Camille avait maintenant une dizaine de Pokémons, tous impliqués dans les spectacles. Elle ne pouvait pas utiliser ce pseudonyme sans exclure son équipe, ce qui n'était pas très juste. Alors elle avait cherché jusqu'à ce qu'elle tombe par hasard sur le nom : Neopolitan, en commandant sa glace fétiche. Cela ne pouvait que lui correspondre et elle avait entamé une campagne de pub pour changer son nom de scène.

Je suis magicienne depuis 3 ans. C'est grâce à ça que je suis à Lumiris.

Elle repensait souvent au spectacle qui lui avait permis de gagner assez d'argent pour venir ici. Les tours étaient simples, efficaces, mais finalement bien moins impressionnant que ceux d'aujourd'hui. De l'escamotage, de la substitution et de l'illusion. Aujourd'hui, cela formait encore le cœur de ses spectacles mais les tours était bien plus élaborées, faisant appel à de la chimie et des effets son et lumière, ainsi qu'à de diversion bien plus imposantes que par le passé. Même ses tours dans les parcs avaient gagné en complexité.

Je ne sais pas pour Nemerya. Je suis en vacances en ce moment. Je prends une pause pour essayer de nouveau tour. Mais ils sont bien plus compliqués et j'ai des difficultés à les faire toute seule. Mais je n'ose pas prendre quelqu'un avec moi.

Camille ne pouvait imaginer sa vie sans coordination. C'est la seule chose qui ait jamais bercé sa vie. Le seul point fixe de son existence et le centre gravitationnel de son univers. Vivre à Kanto lui parut être un enfer, une punition.

Ce ne doit pas être facile à gérer. Les miens courent partout, et j'ai du mal à les contrôler. Parfois, ils font des bêtises et je ne peux rien faire pour les en empêcher. S'ils ne regardent pas vers moi, je ne peux rien leur dire.

Le drame de ne pas vouloir émettre le moindre son. Elle pourrait bien se servir d'une cloche, mais cela revenait à émettre un con et l'idée lui faisait des frissons dans le dos.

L'avantage avec les gens qui mènent les discussions est qu'ils parlent longtemps. L'inconvénient avec les gens qui mènent les discussions et qui posent des questions est qu'il faut leur répondre. La magicienne avait déjà écrit de gros pavé sur son téléphone et sa patience commençait diminuer fortement. Elle était pourtant très patiente, mais pas quand il s'agissait de discuter avec plusieurs minutes entre la fin de la phrase d'un interlocuteur et une nouvelle phrase de ce même interlocuteur. Camille aurait largement préféré que Dalia lui raconte sa vie une ou deux dans les deux sens plutôt qu'elle s'intéresse à sa vie.

D'un autre côté, c'était tout de même intéressant d'être le centre de l'attention. N'est-ce pas pour ça qu'elle était devenue magicienne ? Non. C'était un moyen de devenir une grande coordinatrice grâce à un talent unique qui aurait... attirait tout l'attention sur elle. En se faisant cette réflexion, Camille découvrit que sa personnalité de scène avait beaucoup déteinte sur elle au point qu'elle voulait être le centre de l'attention de plus en plus souvent. Et après avoir posé les pour et les contre, elle estimait que ce n'était pas une mauvaise chose.

Elle hocha la tête pour répondre aux questions successives. Oui, Milo était son Evoli. Oui ils étaient choyés, même si parfois ce n'était pas facile et qu'ils lui menaient la vie dure. Oui, elle aimait son métier et ce qu'elle faisait. Puis vint le moment, où elle dû reprendre son téléphone pour faire une réponse plus riche.

Ils leur manquent quelque chose d'important. Posant son téléphone sur la table, elle attendit que Dalia lise avant de lui montrer de quoi elle parlait. Elle montra ses pouces. Pour certains tours, Camille avait besoin de personne équipée de pouces opposables. Certains tours nécessitent des mains et une certaine intelligence que n'ont pas les Evolis.

Ses Pokémons étaient intelligents mais pas au point de savoir parfaitement faire des nœuds avec leurs bouches.

C'est beaucoup d'entraînement et de travail par l'exemple. J'ai la chance d'avoir Milo près de moi depuis longtemps. Il montre aux autres comment faire et sert un peu de policier. Mais ça reste compliqué. Parfois ils réagissent quand je tape des mains ou claque des doigts. Ils ne peuvent pas lire sur mes lèvres, parce que je suis une mauvaise élève qui ne bouge pas les lèvres. Comme on ne fait pas de combat, ça ne pose pas de problème, mais si on doit se battre, ils font comme ils veulent. Avec des résultats parfois catastrophiques pour tout le monde. Pour les concours, on répète énormément de choses que j'associe à un signe, ou un goût de bonbons, parfois une couleur. Du coup, ils apprennent à reconnaître les signes et ce qui est attendu d'eux.

Et c'était très long et pas très simple à faire. Ils avaient beaucoup d'informations et besoin de beaucoup de mémoire. De plus, Camille avait besoin de symboles suffisamment différents pour que son équipe ne les confonde pas.

Mais en magie, en dehors de spectacle sur scène, je fais beaucoup de tout seule ou avec le public. Mes Pokémons servent juste pour l'ambiance. C'est plus simple.

Pour distraire les gens, détourner leur regard le temps de changer une carte ou de faire une poche. Ce dernier point arrivait rarement pendant les spectacles mais assez souvent dans la rue. Camille trouvait ça amusant de tirer et remettre les objets des poches des gens.