Spoiler:

Kishika, 9h20.
Maison de campagne de la famille Dumas.

— Doryaaaaaah !
Un objet volant non-identifié fuse par la fenêtre ouverte du premier étage.
De forme vaguement humanoïde. Et rose.
Mesdames, messieurs, je crois que nous venons d’être témoins d’un meurtre.

En recoupant les témoignages de la famille, nous pouvons supposer que l’OVNI est une peluche Mélofée (prix tarifaire de 300p$), molestée dans son sommeil, qui percute le gazon à haute-vélocité. Impossible de confirmer cette théorie. Perdue dans la cambrousse, la pièce à conviction est rapidement accaparée par un réseau clandestin de Rattata-des-champs. Le gang de rongeurs démantèlera soigneusement les preuves avant d’enterrer la vérité dans leur repaire souterrain.
C’est la dernière fois que l’on vit Mélofée.
Et c’est une affaire de plus qu’on ne classera jamais.

Portrait-robot de la victime.
D’une certaine façon, ce Mélofée a rejoint les étoiles.

La criminelle s’appelle Astelle Dumas. 18 ans.
Pas (encore) de casier judiciaire, mais une mise-à-pied inexpliquée vient clôturer sa première expérience de six mois à la Dracoposte. Bien qu’on ignore tout du fin mot de l’histoire, il se murmure de vagues racontars d’échauffourées sur les quais de Port-Corail, entre autres rumeurs de voie de fait.

Une photographie de notre suspecte au moment des faits, qui, je cite : clame haut et fort ne rien regretter de ses actes. Quel avenir pour cette jeunesse décadente ?

Elle est notre suspecte principale dans l’Affaire Mélofée.
Dans une tentative de faire la lumière sur cette affaire sordide, nous suivrons ses déplacements toute la journée. Mal réveillée et grognonne comme un Ursaring en pleine crise d’hypoglycémie, elle descend prendre le petit-déjeuner, et une fois gavée de céréales au miel, elle prend le temps de faire le thé pour ses proches. Ce petit moment de tranquillité est une sorte de rituel familial, qui trahit les origines métissées de la criminelle. Il est à craindre qu’elle entretienne de solides relations avec les réseaux de distribution (d’épices et de peluches) du Hoenn oriental.  

Un bisou à son papa, une gracieuse révérence à sa maman, et la voilà partie. Elle sera de retour avant 18h, dernier délai du couvre-feu qui lui est imposé. Ses rollers remisés dans son sac-à-dos, elle remonte la piste cyclable dans un petit trot sautillant. Forte de ses prétentions au statut de Ranger Pokémon, notre suspecte se maintient en forme et ne néglige pas sa condition physique.
Sa destination ? Sunyra.

Elle profite d’une pause dans ses études pour sortir prendre l’air et essayer la toute nouvelle attraction du Parc Safari… ou du moins est-ce l’alibi dont elle a prévu de maquiller son prochain forfait. La suspecte a déjà manifesté un intérêt particulier pour la photographie, notamment en prenant des clichés (non-autorisés) de sa meilleure amie en train de dormir. La base de données de son pokématos est pleine à craquer de ces images compromettantes.

Après un copieux déjeuner végétarien au bistrot « Nos meilleures Baies Tiz », établissement dont elle est une habituée, notre suspecte se rend finalement au Parc Safari. Ses contacts avec la population de Sunyra sont trop nombreux pour être tous vérifiés, et le fait qu’elle connaisse chaque habitant par son prénom nous fait craindre la présence d’une organisation (de molestation de peluches) à grande échelle.  
Astelle fait la queue, sans se faire remarquer.
Mais sa bonne humeur est suspecte. Nous poursuivons la surveillance.

Aujourd’hui, une autre victime innocente s’apprête à se faire aspirer dans ce petit tourbillon de violences que l’on nomme Astelle Dumas. Je demande, s’il-vous-plaît, une minute de silence pour Reika Watanabe.

Fin du rapport.
Beladonis, Forces de Police Internationales.

***

La jeune fille prit place dans le module de transport autonome, et commença par attacher sa ceinture de sécurité. A l’idée de cette promenade scénique improvisée, elle battait des jambes avec un entrain à peine contenu !
— Enchantée, Reika !

Avec un hochement de tête poli, elle retourna son sourire à sa voisine de siège, puis se remit à tripatouiller son appareil photo.
Manifestement, elle était très à l’aise avec ce genre de gadgets. En un tournemain, elle avait paramétré les filtres et le flash afin d’adapter la capture d’images à la luminosité du parcours. L’œil sur le bosquet verdoyant qui était la première étape du voyage, ses petits doigts déliés gratouillaient méthodiquement les gros boutons et les interrupteurs de l’appareil.

Le zoom télescopique de la caméra émit un petit bruit mécanique.
Guère différent du ronronnement d'aise d’un pokémon bien soigné.
— Je suis Astelle Dumas, termina-t’elle de se présenter en regardant la rouquine à travers l’objectif de son appareil.

Astelle Dumas.
Petit cliché ambulant.

Modération:

Spoiler:

L’appareil photo était réglé. Le module de transport lancé sur ses rails.
Etonnée par la progression — bien trop silencieuse — de l’appareil, la petite postière se pencha à l’extérieur du véhicule afin d’observer son mécanisme.
Les roues bien entretenues ne produisaient pas le moindre bruit. Le module roulait comme sur du velours. Ce n’était pas le top du top en matière de technologie (avec un budget suffisant, les ingénieurs auraient sûrement pu opter pour un système anti-grav !), mais c’était du bel ouvrage.
Le compromis qualité/coût semblait adéquat pour du matériel mis à disposition du grand public.

Se remémorant ses dernières lectures du webzine de la Sylphe Sarl, les yeux d’Astelle brillaient d’un intérêt non feint.

Module de déplacement autonome : Neo.
Equipé des dernières technologies de transport.

C’est alors... qu’interrompant ses rêveries, sa voisine de banquette voulut lancer la conversation.
— Dites-moi, Astelle Dumas… Vous vous y connaissez en photographie ?
— Mmmh, un peu ? répondit pensivement la jeune fille, toujours à demi-penchée à l’extérieur du wagon (c’était bien la peine de boucler sa ceinture… elle était si menue qu’elle parvenait sans peine à se faufiler entre les lanières).
— Si cela ne vous dérange pas… Il se peut que je sois parfois un peu trop bavarde...
— Oooooh ? Tu sais… il se pourrait bien que tu aies trouvée ton maître ! En dix-huit ans à Lumiris je n’ai jamais rencontré plus bavarde que moi !

Profitant de cet angle en contreplongée, Astelle prit quelques clichés du véhicule.
Le logo se découplait en petites lettres dorées et brillantes sur la carrosserie : une fois rentrée à la maison, elle prendrait le temps de faire des recherches au sujet du fabriquant. Son postérieur soulevé étant la seule chose que Reika pouvait voir d’ici, la jeune fille élabora sur sa réponse sans se soucier de rectifier sa position.
Comme s’il était parfaitement naturel de répondre à son interlocuteur en lui présentant ses joues de fesse.

— Je bidouille, mais principalement mon pokématos. Le mien est équipé d’un module photographique, donc je ne suis pas complètement en territoire inconnu avec un véritable appareil photo.

Une pause. Un cliché. ...et un petit commentaire marmonné à propos du matériau utilisé pour garantir la souplesse des essieux plus tard...

— …jusqu’il y a peu, reprit-elle, je travaillais de concert avec des experts dans les technologies de géolocalisation. Les mises à jour matérielles étaient fréquentes et les échanges avec le pôle scientifique très stimulants, mais comme le centre de développement se trouvait à Voltapolis… c’est fini tout ça.
En accord avec cette note de désappointement qui perçait dans sa voix, le postérieur d’Astelle remua tristement. Ben oui, car c’était toujours tout ce que Reika pouvait voir de son interlocutrice.
— J’essaie de me débrouiller toute seule maintenant, même si je suis loin d’être une grande bricoleuse. De manière générale, je tâche juste de me tenir informée, et j’utilise autant que possible — et au maximum de leurs capacités — les gadgets qui sont mis à disposition des dresseurs.

La luminosité diminua sensiblement, signe que le wagon s’engageait dans un passage souterrain. Reprenant finalement place sur son siège, Astelle se tourna vers sa voisine de banquette.  

— J’ai commencé ma carrière avec un peu de retard, et on ne peut pas vraiment dire que j’ai des facilités, alors j’ai besoin de tous les avantages que je peux mettre de mon côté !

Avec ce gabarit frêle et cet air de petite chose fragile : les grandes expéditions en pleine nature semblaient hors de question pour Astelle Dumas. On l’imaginait difficilement arpenter le Désert Brûlant ou gravir le Mont Eneka, camper à la dure et voyager à la recherche de pokémons.

Mais il y avait quelque chose. Dans sa voix, dans son allant.
Un geyser d’énergie positive. Une détermination tranchante et enjouée.

— Mais tu es une dresseuse toi aussi, non ?
Reika Watanabe ne tarderait pas à se rendre compte…
...que ce physique de petite poupée était probablement le plus gros mensonge que la nature ait jamais tenté.

Modération:

— J’ai eu mon premier pokémon l’année dernière. Et avant, nous n’en avions jamais eu à la maison.
Le sourire d’Astelle s’était ourlé d’une petite touche de douceur. Le tempo même de sa voix, si pétulant jusqu’alors, s’était apaisé. Au contraire de son babil précédent, il y avait dans ces mots un petit quelque chose qui venait du cœur. Qui donnait du poids à ses paroles.

— Pourtant...

La jeune fille plongea la main dans son sac, et présenta l’objet qu’elle y avait récupéré sur la paume de sa main.

Sous le soleil de midi, le Badge Ruche y étincelait d’une lueur discrète.

— Quand on commence tout au fond du trou, on ne peut que s’améliorer ! Et le mien, de trou, était très très profond… Je suis sûre que toi aussi, tu peux y arriver. Et qui sait ? Peut-être qu’on se retrouvera en tournoi dans quelques années !

Dans une autre bouche que la sienne, ç’aurait été des paroles en l’air. Une simple politesse.
…mais, les yeux plongés dans le regard flamboyant de sa cadette, Astelle avait l’impression de pouvoir aisément se représenter la scène.
Retrouver cette personne dans le cadre d’une compétition officielle de la ligue pokémon.
La jeune fille dodelina de la tête avec un petit sourire malicieux.
Sa maman répétait toujours qu’en dépit d'une petite cervelle de poichigeon et de sa naïveté apparente, Astelle était un bon juge des personnalités.

— Ah oui, et… bienvenue à Lumiris, Reika ! Avec un mois de retard !

Clic ! Clic !
Et, sans transition : se retournant avec la célérité d’un duelliste pistoléro, la petite postière appuya à deux reprises sur la détente de son appareil - tchak-tchak ! - pour capturer de précieuses images du germignon qui accompagnait joyeusement la progression du wagon !

« Trop mimi ! »

 
Ses petits yeux brillants d’excitation, Astelle releva le zoom de son appareil à la recherche d’autres merveilles à photographier.  

Modération:

 
Sans lui demander d’aide, sa camarade commença à tripatouiller les paramètres de son appareil. Astelle esquissa un petit sourire : elle aurait été ravie de rendre ce service à Reika et de s’occuper des réglages pour elle, mais elle appréciait également que sa cadette fasse preuve d’autonomie.
Néanmoins, la photographie n’était pas un domaine très accessible. Sans pour autant faire tout le travail à sa place, il serait de bon ton de lui donner quelques conseils.
— Tu sais, la configuration de base n’est pas mauvaise, mais pour les cibles mouvantes, il va falloir augmenter la sensibilité à la lumière. Dans le jargon, c’est ce qu’on appelle l’ISO. Tu peux le passer entre 400 et 800 quand il fait beau comme aujourd’hui, mais si on commence à s’aventurer sous le couvert des arbres... il faut viser entre 1600 et 3200. Sacrée fourchette, hein ? Côté filtres, tu peux ignorer le ND, c’est pour la photo sur trépied. Le polarisant, lui, est passe-partout. Et le GND, euh... c’est pour les couchers de soleil, je crois...

Astelle toussota dans son poing, l’air un peu gênée. Forcément, elle n’avait pas tout retenu de ses lectures, et restait une simple amatrice. Plus dégourdie que la moyenne, certes.  

— Voilà pour la théorie. J’en suis encore à faire des essais, moi aussi, et c’est le genre de réglage qu’on ne maîtrise vraiment qu’à force d’expérience, conclut-elle d’une petite voix humble. A titre informatif, je suis en ISO 650 en ce moment, et j’augmente progressivement le score à mesure qu’on se rapproche du bosquet.

La jeune fille laissa quelques instants de paix à Reika, le temps qu'elle avance dans ses réglages. Et puis... faisant honneur à sa réputation de petite bavarde, Astelle prit une courte inspiration, juste de quoi refaire le plein de munitions. Et oui, vous devinez juste : elle se préparait à ouvrir le feu à nouveau ! Car en effet, elle n’avait toujours pas fini de parler.  

— Après, c’est également une question de posture et de technique, continua d’expliquer la petite postière. Se préparer et attendre, plutôt que réagir. Positionner l’objectif à un endroit où il peut se passer quelque chose, parce que si tu fais la maligne comme moi et que tu te retournes la vitesse de l’éclair pour prendre ta photo... ben, tu te retrouves avec un germignon flouuuuu.

Avec un petit sourire comique, Astelle lui montra la prévisualisation de son dernier cliché. Qu’elle puisse témoigner de l’ampleur du désastre.



Il est quand même tout mimi !

— Ce n’est pas un mauvais entraînement, tu ne trouves pas ? Imagine que tu explores le bosquet en tant que dresseuse. Quels sont les coins qui te paraissent les plus prometteurs ? Quel type de pokémon cherches-tu ? S’intéressent-ils au nectar des fleurs et à la sève des arbres ? Préfèrent-ils la fraîcheur de l’ombre ? Est-ce qu’ils rechargent leurs batteries au soleil ? Parce que si tu sursautes à chaque Rattata qui passe, tu vas t'épuiser !

Plus doucement, et fermant enfin son clapet : Astelle reprit un cliché du germignon de passage. Celui-ci, sa promenade terminée, était en train de s’allonger bien tranquillement sur un gros rocher moussu - bien réchauffé par le soleil - afin d’entamer une petite sieste.  

Modération:

— Mmmh, effectivement.  
Astelle acquiesça. Les bosquets verdoyants où murmuraient de petits ruisseaux n’étaient pas vraiment le territoire de prédilection des pokémons Feu et Electrik. Encore qu’il puisse y avoir des exceptions. L’objectif de la petite postière remonta soigneusement le long de grands arbres fruitiers. Après tout, ne se disait-il pas que les pokérongeurs comme Pikachu, Pachirisu ou Emolga aimaient à vivre dans les régions boisées ? Il n’était peut-être pas impossible de surprendre l’un d’eux en plein goûter !  

Captant un mouvement, la jeune photographe-en-herbe retint sa respiration, tandis que ses petits doigts agiles affinaient les réglages. L’espace d’un instant, elle crut bien toucher le gros lot, mais non !

Ce n’étaient pas du tout des rongeurs.  
Même si le tableau valait tout de même bien une petite photo.
Cet arbre-à-baies était chargé de bien curieux fruits !

N’ayant pas obtenu le succès escompté dans sa chasse à l'électrico-souris, Astelle retourna à ses premiers amours. Elle braqua donc son appareil photo en direction du ciel. A proximité de la forêt, l’angle de vue n’était pas idéal, et les cieux se résumaient à de petites lucarnes d’azur, ouvertes sur la canopée.  

Dans ces conditions, difficile d’attraper un pokémon Vol en flagrant délit de fuite. Le jeu de mot était très très mauvais. Heureusement, Astelle n’était pas bien difficile sur la question. Le sourire aux lèvres, et testant différents filtres et différentes configurations, la jeune fille était en train d'essayer de débusquer un nid d'oiseau... lorsqu'une première goutte d’eau s’écrasa sur son petit nez.  

— Ho-oh ? s'étonna-t'elle en frémissant des narines. Pas le pokémon, hein ? Avec moi, ce ne sont jamais que les ennuis qui sont légendaires ! Ce serait curieux, tout de même, qu’ils n’aient pas prévu le coup...
L’air pensive, Astelle déposa son appareil sur la boîte à gant, et se contorsionna sur les côtés du module de transport. Elle était à la recherche de cette petite manivelle qui permettrait de dresser un paravent au-dessus de leurs têtes. Scrouic-scrouic-scrouic. Et en un tournemain, une fine toiture de toile grise vint empêcher ce début de pluie timide de venir ruiner le brushing de nos deux héroïnes !

La promenade se poursuivit, ponctuée de la mélodie discrète de ces quelques gouttes aventureuses, venues leur jouer la sérénade.

Modération:

Son appareil en main, et concentrée sur le paysage, c’est avec le sourire qu’Astelle écoutait les explications de sa cadette.
Elle-même se spécialisait dans les pokémons Vol (encore que se prétendre “spécialiste” lui aurait paru très pompeux : elle aimait simplement beaucoup le ciel et les oiseaux), mais il était toujours intéressant d’entendre les autres dresseurs parler des pokémons qu’ils aimaient. ...Manon, elle, ne jurait que par les pokémons Roche !
— Astelle… La Fouinette va se faire attaquer…
— Oh ?

Alertée par le ton craintif de la rouquine, Astelle se contorsionna sur la banquette. Aussitôt, elle força sur le zoom de son appareil photo, avant de se rendre compte que l’Elecsprint n’était pas si éloigné !
Cependant, il fallait agir vite.
— NAMEHO ! C'est pas encore l'heure du goûter ! cria-t’elle sans hésiter, faisant détaler le pauvre Fouinette prompto.

Se tortillant à la manière d’un Anchwatt (un autre pokémon qui se plaisait bien sous la pluie), la petite postière se dégagea du garde-fou qui l’empêchait de tomber du véhicule.
L’instant d’après, elle piochait un objet rond dans son sac, et posait crânement le soulier sur le capot du module de transport ! Ainsi dressée, elle leva très haut les bras, en position windup. Sa posture avait quelque chose de familier pour quiconque avait déjà vu un match de baseball à la télé... et pivotant comme une vraie petite championne, elle lança son projectile en direction du fauve !

Projectile qui était une moitié de “Dusk BerryBurger”, qu’elle n’avait pas pu finir ce midi. Faute d’appétit.
Le délicieux petit sandwich aux baies fusa à travers le sous-bois ! Astelle avait confiance en son contrôle. Lors d’un match officiel, la distance qui séparait le lanceur du receveur était de pas loin de 18 mètres. Et elle jouait en club depuis le collège.
Petite étoile filante : le demi-burger emballé dans un torchon, s’écrasa aux pieds de l’Elecprint ! Où il répandit son contenu fruité sur le sol, tandis que d’un index impérieux, la petite joueuse de baseball asséna au pokéfauve une réprimande farouche !

— Non mais franchement, Elecsprint ! Il existe au moins 64 variétés de baies différentes et TOUTES sont compatibles avec le régime alimentaire des pokémons ! D’ailleurs, nombreuses sont celles qui remplacent avantageusement la viande pour tout ce qui est apports en fer et n protéines ! Essaie plutôt mon sandwich, pour voir !

Non, elle n’avait pas fini de râler.
— ...tu n'as pas honte ? Passe encore dans un environnement pauvre en ressources, mais quand les gardiens du Parc Safari viennent te nourrir tous les matins, vouloir s’enfiler discrètement un croque-Fouinette, c’est de la gourmandise pure et simple !

— Ou alors quoi, hein ? Tu n’as pas mangé ce matin ? Tu as raté la distribution de croquettes ? Tu vas prendre du poids si tu manges entre les repas ! lança-t’elle encore au pokémon, qui regardait le wagon défiler avec des yeux ronds.
Sans doute était-ce la première fois de sa vie qu’on lui recommandait un régime végétarien.

Quand il ne fut plus en vue, Astelle cessa enfin de le gourmander.
Elle reprit place avec un air boudeur.
— Ce n’est pas normal, marmonna-t’elle.

...en effet. Et c’était là un problème qu’elle avait bien l’intention de rapporter au gardien.
Ce genre d'incidents avait le don de l'agacer. Qui prendrait un ticket pour cette promenade scénique dans l'espoir de voir un pauvre Fouinette se faire boulotter par un prédateur ?
Il y avait même des enfants (mais pas elle !) qui attendaient leur tour dans la file d’attente !

L’attitude de cet Elecsprint était le signe que quelque chose clochait.
Est-ce que le pokémon n’avait pas été entraîné avant d’être remis en liberté dans le Parc ? C’était possible, dans le but de restituer un comportement plus authentique. ...mais du point de vue marketing, c’était une décision particulièrement nulle ! Qu’allait faire le Parc Safari si l’un des visiteurs, après sa séance photo, uploadait sur le Réseau des images sanglantes de Fouinette en petits morceaux !? Bonjour la publicité !
...l’autre possibilité était que les pokémons n’avaient pas été correctement nourris aujourd'hui. Qu’il s’agissait d’une erreur quelconque.  

Dans un cas comme dans l’autre, Astelle irait se plaindre dès qu’elle serait descendue du wagon.
D’ailleurs, ce ne serait pas la première fois ! Rien que l’an dernier, la petite postière avait fait une pétition (et un scandale !) afin que le Parc Safari soit équipé d’un accès handicapé, et d’au moins un parcours que l’on puisse emprunter en fauteuil-roulant.

Et elle avait obtenu gain de cause.



Parce que c’était Astelle.

Modération:

Spoiler:

Les Cornèbres volaient bas.
L’humeur devenait maussade à l’intérieur du petit module de transport.

— Peut-être que parfois les Pokémons agissent mal, qu’ils ont leurs motivations et leurs raisons…
— Peut-être, oui. Les conditions étaient bonnes pour chasser, la présence d’une proie potentielle a pu le stimuler…

...peut-être même que l’Elecsprint n’allait pas réellement le manger. Qu’il s’était simplement emporté.
Astelle acquiesça aux paroles suivantes de sa voisine de banquette. Oui, elle avait hurlé si fort que tous les pokémons à la ronde devaient souffrir d’une migraine carabinée...

La jeune fille afficha un petit sourire embarrassé.

...dans des situations telles que celle-ci, il arrivait que la moutarde lui monte au nez.
La violence gratuite lui faisait horreur.

C’était peut-être pour cette raison que son cerveau continuait à tourner en rond.
Incapable de simplement accepter ce qui venait de passer, elle avait besoin d’y trouver du sens.
— ...c’est juste que je croyais qu’on leur dispensait un minimum de dressage, avant de les enfermer tous ensemble dans un huis clos, reprit la jeune fille, avec plus de confusion que de colère cette fois-ci. Tu imagines, si tu confies ton Fouinette au professeur Baobab, via la boîte du pc, et qu’il t’apprend tranquillement le lendemain qu’il s’est fait boulotter par un autre de tes pokémons carnivores ?
...je pensais qu’on avait le bon sens de leur inculquer un minimum de “vivre-ensemble”. Une situation de ce genre, ça ne devrait pas être normal. Même par hasard, même par accident, un des enfants dans la file d’attente dernière-nous ne devrait pas pouvoir tomber sur pareil spectacle…

Astelle poussa un faible soupir. S’étant réinstallée, son appareil sur les genoux, elle n’était plus d’humeur à profiter de la balade, ou à prendre d’autres photos.
— J’irai en parler au gardien dès la fin du circuit.

Modération:

Spoiler:

— Nous ne sommes pas certaines de ce que l’Elecsprint allait faire… Peut-être aurait-il bondi avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’un autre Pokémon du parc, peut-être que devant son expression surprit, Fouinette aurait eu tout le loisir de s’enfuir. Nous ne savons pas ce qui aurait pu se passer, car tu es intervenue, ce qui a suffi à écarter toutes les possibilités que les choses tournent au drame ! Tout va bien, Astelle, j’ai vu la Fouinette nous faire signe avant que la voiture ne s'éloigne !

Astelle esquissa un sourire.
— Voui, peut-être qu’il allait se mettre la Fouinette sous la dent... et puis la recracher d’un : “BWERK ! Mais c'était quoi ce spécimen de baie toute poilue ? J’en ai plein sur la langue ! Est-ce que c’était propre au moins ? Urg, qui sait où ça a été traîner ? Vite, il me faut un bain de bouche.”

— Puis, tu as vu la tête de l’Elecsprint ? Fort à parier qu’il va se contenter de manger des baies jusqu'à la fin de ses jours !

— Yup ! Et puis, c’est très bon les baies de toute façon ! Je devrais revenir pour lui apprendre quelques recettes. La baie Kiwan, cuite au barbecue, est naturellement croustillante et poivrée ! La baie Jouca est juteuse et fondante, et cuite avec des tomates et des petits oignons, elle accompagne très bien le riz en garniture ! La baie Touga est très riche, huileuse et épicée, elle agrémente à merveille un bol de ramen ! Sans compter que beaucoup d’entre elles ont des vertus médicinales ! Les pokémons pourraient tout à fait s’en contenter…
Oups. Elle commençait à revenir sur le sujet. Secouant la tête, comme pour chasser ces idées noires, la jeune fille se renfonça contre le siège du module.

La pluie pianotait sur la voile fine qui leur servait de toiture. La navette quittait désormais le sous-bois pour un vaste paysage de plaine. Le ciel à découvert y était gris et monotone. La végétation ocre y ployait sous le vent.

Après avoir observé un instant les nuages, Astelle abandonna définitivement son appareil photo sur ses genoux.
Avec un temps pareil, difficile de prendre de belles photos. L’ouverture de cette nouvelle attraction n’aurait probablement pas le succès escompté pour les gérants du Parc Safari.
Avec une petite grimace, la jeune fille marmonna.
— ...elle est bien leur navette, mais il y manque quand même le chauffage.

Elle regrettait un petit peu de ne pas avoir amené Draco-senpai… (meilleure bouillotte du monde !) mais qui aurait pu prévoir que le mois de juin serait aussi capricieux ?

Modération: