Nul ne peut faire boire un âne, sauf quand ce dernier a soifLorsque j’avais fermé les yeux, peu après que le monde se soit mis à trembler et à devenir flou, il faisait encore jour. Du moins, je me souviens de cette lumière tordante qui m’avait aveuglé au point de me faire chavirer. Ou était-ce simplement à cause du coup qu’on m’avait infligé à l’arrière de la tête ? En ouvrant les yeux, avec une difficulté que j’aurais volontiers laissée aux adeptes de la gueule de bois, assis ou à moitié effondré dans une ruelle sale, le dos contre un mur, j’avais entendu des voix enjouées avant d’apercevoir les lueurs des néons multicolores au loin, décidant qu’il s’agissait d’un bar sans même en être certain. Cela aurait pu être une boite de nuit, une boutique douteuse ou une fête quelconque. Qu’importe, il faisait désormais nuit. J’avais lentement commencé par bouger mes bras et mes jambes, vérifiant que je n’avais rien de cassé. Il y avait du sang au sol, pas assez pour que quelqu’un en soit mort, mais assez pour que je puisse le remarquer dans mon état second. J’avais, pour tout dire, passer une sale après-midi…
On m’avait attiré dans cette ruelle sombre en mimant avoir besoin d’aide, intrigué, je m’étais avancé jusqu’à m’éloigner de la rue principale, puis par-derrière… Quel idiot… Le piège le plus fourbe qu’il soit, faire semblant d’être dans la détresse pour attirer une proie et lui tendre un guet-apens… Seulement, aucune des quatre personnes qui m’avaient tendu ce piège ne s’était attendue à la suite. Que le gamin aux yeux bleus, après avoir reçu un méchant coup à la tête, ne s’évanouit pas immédiatement comme dans les films, qu’il se retourne pour abattre son poing avec violence dans la première mâchoire venue, avant de chanceler et de finalement tomber. Ombre immense derrière les quatre agresseurs, l’impitoyable mâchoire du dragon noir s’était refermée sur le bras de l’homme tenant la barre de fer. Dans un hurlement atroce, que tous les résidents alentours avaient choisi d'ignorer, la barre avait rejoint le sol dans un bruit métallique et mon assaillant s’était fait soulever du sol par la force de cette créature capable de lui confisquer son membre sur un simple coup de tête. J’avais hésité, comme décollé de la réalité, presque fasciné par l’apparition féroce de mon Pokémon, avant de murmurer de lâcher…
Sans peine, j’imagine que les trois gars et la meuf ont ensuite filé. J’étais moins sûr de ce qu’avait ensuite fait Akuro… M’avait-il simplement abandonné ici ? Était-il caché dans les hauteurs de la ville, guettant mon réveil ? Ou avait-il suivi l’odeur du sang… Non. Jamais ce dragon ne traquerait une proie dans un bain de foule, les bas quartiers sont bien trop fréquentés, en dehors des ruelles sombres où de pauvres idiots se font agresser parfaitement au hasard... Putain... Je m’étais relevé, serrant les dents face à la douleur à mon crâne et sous le poids de ce corps subitement devenu trop lourd. Même si Akuro ne semblait revenir vers moi que lors de mes excès de colère et de violence, je lui en devais une… Ma dernière mission m'avait laissé une belle bourse, j’en aurais été malade d’avoir tant risqué ma peau pour finalement me faire dérober comme le dernier des amateurs…
Petit détour dans les WC publics. J’avais procédé à une légère toilette, allant jusqu’à passer ma tête sous l’eau du robinet, secouant ensuite ma tignasse mouillée avant de mettre de l’ordre dans mes cheveux. Un regard mauvais dans le reflet que me présentait le miroir. Mon air était malade, mais j'étais assez propre pour ne pas attirer plus l'attention que nécessaire, du moins... Avec cette entaille à peine cicatrisée à la gorge, j’avais bon porté des gants et des manches longues pour cacher l’état de mon corps, j’avais malgré tout l’air d’une racaille… Après un long soupir, j’avais quitté les toilettes, décidant qu’un autre détour, au bar le plus proche cette fois-ci, ne pouvait pas me faire de mal…:copyright:️ 2981 12289 0
Manon Dubell
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Je suis arrachée. Aujourd'hui je suis censée célébrer quelque chose avec mes collègues, sauf que j'en ai oublié le sens à partir du moment où je commence à gueuler dans la rue. Je n'aurais pas cru autant m'amuser avec les serveuses, mais ces dernières sont incroyablement fêtardes, ce qui explique pourquoi nous nous entendons aussi bien.
« Allons en boîte de nuit les filles !! Il est temps de pécho du beau mâle ! » beugle Tiphanie, la meuf qui aurait pu être mon crush sauf que mon cœur est déjà prit.
J'ai beau ricaner toutes les trois secondes, je n'ai pas envie d'aller danser. Ça pue le fauve et à chaque fois, tu te retrouves collé-serré avec un relou qui veut t'emballer. Clairement ce n'est pas pour moi, préférant de loin errer dans les rues et me faire des copains de buvette. Il me faut alors trouver un prétexte pour m'éclipser. Il est hors de question que je leur avoue que leur idée pue l'excrément de PP, la seule solution pour moi est de trouver quelqu'un qui fera office d'ami et qui peut me raccompagner chez moi. Mais qui ?
C'est au détour d'un raccourci que je dégote la personne idéale. Tapi dans l'ombre, un jeune homme aux airs patibulaires s'approche de notre petit groupe. C'est aussitôt que je l'accoste :
« HeY BOUNDJI !!! »
Je le reconnais par sa tignasse brune en bataille et ses yeux d'un bleu perçant. Mes copines ont le visage décomposé, probablement parce que le gaillard a l'air dangereux mais ma bonne humeur apaise les tensions.
« Tu m'REcoNnais !? C'est MoA, MONON ! T'sais on A fait une MissIOn ensemble là, c'était d'enfer ! »
Littéralement : on a foutu le feu dans l'arène de Yokoss. Mais tout va bien, la mission a été un franc succès. Je m'approche du garçon pour passer mon bras autour de son cou.
« Voilàà les meufs, jvous prÉsente BOUNDJI c'est un bon pote à moi alors tirez pas une tête comme ça, il est safe. »
Les trois minettes qui m'entoure saluent timidement le brun ténébreux.
« Bon les filles, jpense pas vous suivre, chui trop défoncée pour aller en boîte, allez y sans moi. - T'es suraanh ? Ça allait être trop génialaanh ! - DésolÉE Charlène, une autre fois p'têt mais là j'ai besoin d'air pour décuver. - Tu veux qu'on te raccompagne ? »
Soudain, un renoi qui sort de la boîte à proximité de la ruelle, se ramène avec une grosse bouteille.
« EH YOOO ÇA VA OU BIEN LA FAMILLE »
Il fait un checke à tout le monde, sauf au seul homme de la bande qu'il snobe totalement. L'inconnu effronté passe ses bras derrière l'épaule des filles.
« ALORS VOUS ALLEZ DANSEY ? DANSEY ! EH TENEZ BUVEZ MOI ÇA »
Trop déchirées, nous goûtons son eau de vie. Je grimace lorsque la substance passe dans ma gorge, la brûlant au passage.
« Erf mais c'est DÉ-GUEU-LASSE mec ! T'as trouvé ça où wesh ? - C'EST MON P'TIT COCKTAIL ALLEZ Y VENEZ DANSER »
Les filles ont beau être saoules, cela ne les empêchent pas de discerner le danger. Nous nous échangeons longuement des regards avant de reprendre notre dialogue.
« Tu viens pas M0non du coup ? T'es sûre tu veux pas qu'on vienne avec toi ? - Naaan tinquiete ! Jrentre avec mon pote là, on discute un peu là et on va rentrer ensemble. - Bon beh prends soin de toaannh envoie nous un message qd t'es rentréenh ! On a besoin de toi au taffanh PTDR[/b] - Tinquiete ma beautey, amusez vous bien et faites attention à vous ! »
Je tape mon meilleur câlin avec chacunes de mes collègues. En une soirée bien alcoolisée, on devient les meilleures amies du monde. Je tire le bras de Bunji, prenant la direction opposée de la troupe. Une fois à l'écart du chahut, j'allume une clope que je partage avec mon ami, si il accepte.
« Fiouu !! Heureusement que tétais là BoUNDJI javais pas DU TOUT envie d'aller en boîte de nuit ! Dis moi, qu'est-cee tu fais ici ? Faut pas zoner ici, tas des mecs bizarres qui te tendent des bouteilles chelous pfrhrhrh »
Je pouffe de rire avant de poncer ma cibiche.
« Tsais quon s'est vu quune fois mais jai envie quon fasse connaissance, pas parce que t'es bg mais aussi passque tas lair dun bon gars et jpense qu'on peut bien sentendre. »
Ne lui laissant pas encore le temps de me répondre, j'enchaîne avec enthousiasme :
« Eh dis moi !! Ca te dirais dzonner dans le coin et quon fasse cette nuit LA NOTRE ? Si tu veux bien mon ptit gars, jpeux tamener dans un coin sympa. Promis jvais pas tagresser ! Pfrfrffrh »
À force de blablater, ma cigarette n'est plus qu'un mégot bon à écraser. Je m'en allume une autre, avec une envie irrépressible d'aller picoler.
Nul ne peut faire boire un âne, sauf quand ce dernier a soifL’avantage à être personne, celui qu’on ne reconnaît jamais, ce type qu’on ne remarque pas dans la foule, celui qu’on regarde par hasard au détour d’une ruelle avant, de détourner le regard parce qu’il nous a vu et qu’on a perçu toute l’ampleur de son humeur massacrante dans ses yeux, c’est qu’on ne vient pas me casser les bijoux de familles quand je suis en retour capable de briser quelques doigts. À défaut d’avoir la paix, j’aurai au moins la satisfaction tordue d’avoir partagé quelques maux. De toute évidence, absolument personne serait assez con pour venir me...
- « HeY BOUNDJI !!! »
Putain de merde, c’est qui ça ? J’avais écarquillé les yeux, me figeant sur place, bien droit à l’image du poteau dans mon ombre. Nul doute, la meuf s'était adressé à moi.
- « Tu m'REcoNnais !? C'est MoA, MONON ! T'sais on A fait une MissIOn ensemble là, c'était d'enfer ! »
J’avais froncé les sourcils, me souvenant vaguement d’un type pataugeant dans la boue, d’une princesse nommée Khoren lovée dans mes bras et d’une fille à demi-hystérique qui hurlait de lui venir en aide. Le genre d’événement que j’aurais préféré connaître avant mon amnésie.
- « … ! Tu es la fille avec qui j’ai cramé la pension de l’autre fana d’insectes ! » M’étonnais-je, le visage marqué dans une sorte d’effroi un peu répugné. Elle puait tellement l’alcool que j’avais l’impression d’en avoir dans le nez …
Je n’étais personne, je ne connaissais pas même mon nom et pourtant, en presque une année d’errance dans cette région, j’avais rencontré des tas de personnes, plus ou moins fréquentables ou mémorables, et malgré moi... Je m’étais incrusté dans leurs souvenirs comme un fantôme apparaissant mystérieusement sur des clichés fraîchement développés… Elle s’était rapprochée, j’avais fait deux pas en arrière, mais ça ne l'avait pas découragé à poser son bras sur mes épaules, me prenant subitement pour l'un de ses copains de beuverie. Meuf, sérieusement, meuf... J’étais resté sidéré, mon regard haineux toisant ce bras que je voulais voir partout, sauf sur moi. Sous couvert de la nuit, la couleur de mes yeux approchait plus du ciel nocturne que diurne.
- « Voilàà les meufs, jvous prÉsente BOUNDJI c'est un bon pote à moi alors tirez pas une tête comme ça, il est safe. »
Safe ? J’ai malgré moi une tronche qui hurle le contraire, mais j’imagine qu’une fois alcoolisé, même les autoroutes ressemblent à la route arc-en-ciel et les voitures filantes à des objets bonus mystérieux sur lesquels il faut foncer. J’avais rapidement compris que j’étais son excuse à elle, histoire de skip une compagnie qu’elle semblait avoir suffisamment consommé pour la soirée. Je n’avais pas bougé, à l’exception de ma tête qui observait ce groupe d’individus qui de coutume, m’aurait très certainement fait changer de trottoir. Après une consommation express sortant de nulle part, des câlins ressemblants à des mélanges audacieux de vapes d’alcool, je m’étais retrouvé en solo avec la fameuse « Monon ».
- « Fiouu !! Heureusement que tétais là BoUNDJI javais pas DU TOUT envie d'aller en boîte de nuit ! Dis moi, qu'est-cee tu fais ici ? Faut pas zoner ici, tas des mecs bizarres qui te tendent des bouteilles chelous pfrhrhrh »
Bouteille cheloue dans laquelle elle avait bue avant même que je puisse m’en rendre compte… J’ai des sacrés réflexes, mais je n'avais pas anticipé qu’elle avalerait un truc aussi random sans même avoir reniflé le bouchon avant.
- « Bunji, c’est l’espèce de Colossinge amateur de bain de boue… Ce n’est pas mon nom. » Mais elle en avait un peu rien à faire, n'est-ce pas ?
- « Tsais quon s'est vu quune fois mais jai envie quon fasse connaissance, pas parce que t'es bg mais aussi passque tas lair dun bon gars et jpense qu'on peut bien sentendre. » J’ai tellement l’air d’un bon gars, que je me fais souvent contrôler par les forces de l’ordre et… J’ai pas de papiers. - « Eh dis moi !! Ca te dirais dzonner dans le coin et quon fasse cette nuit LA NOTRE ? Si tu veux bien mon ptit gars, jpeux tamener dans un coin sympa. Promis jvais pas tagresser ! Pfrfrffrh »
Bon. Admettons. Elle est totalement déchirée cette Monon et si je me casse, elle va finir dans le caniveau ou pire encore, s’il existe bien quelque chose de pire que de finir dans un caniveau, et ça sera ma faute. Pourquoi m’avait-elle reconnue, sérieusement… D’où Akari le mercenaire était quelqu'un qu'on reconnaissait dans la rue ? En dehors de la vingtaine de types pénibles et de Rangers loufoques qui veulent sa peau, bien évidemment. Et elle était où, mon aura de type craignos, quand j’en avais besoin ? Puis merde quoi, était-elle obligée de fumer comme un pompier aussi près de moi ? Inutile de m’énerver. Je ne savais pas ce qu’elle avait pris, mais elle était définitivement en orbite.
- « Tu habites loin d’ici, Monon ? » Demandais-je d’une voix volontairement lente. Je n'avais qu’à la larguer chez elle, une fois le colis livré, je n'aurais qu'à retourner déprimer et me lamenter dans un coin sombre. - « Je vais te raccompagner chez toi. » Ajoutais-je presque aussitôt.:copyright:️ 2981 12289 0
Manon Dubell
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Le bonhomme ne semble pas ravi de ma présence mais d'ici deux trois verres, il va se décoincer. J'apprends d'ailleurs – il m'arrive d'être attentive même bourrée – qu'il se nomme non pas Bunji, mais Araki. Pour des raisons pratiques, je le surnommerai « Kiki » à l'avenir.
« Tu habites loin d’ici, Monon ? »
Brusquement, je me tape un fou rire. Je peine à reprendre ma respiration mais lorsque je vais mieux, je tire un bon coup sur ma cibiche avant de lui répondre, encore hilare :
« Qui t'dis qu'j'ai une maison ? »
Il est vrai que payer l'hôtel à Voltapolis est pas assez bénéfique au niveau financier par rapport à mon job à mi-temps, je crèche alors chez les gens, parfois dans la rue, parfois dans des auberges de jeunesse.
« On verra bien où me mènera la nuit ! » je m'exclame en faisant de grands gestes avec mes bras.
Le jeune homme souhaite me raccompagner chez moi. Il est fou celui-là ? Il est dans l'une des agglomérations les plus festives de la région ! Pourquoi se rentrer aussi tôt ? Je compte bien lui faire savoir.
« Ah mais nan nan nan, on va pas déjà rentrer hein ! La soirée ne fait que commencer ! »
Je termine mon énième cigarette avant de prendre le bras de Kiki.
« J'connais des coins super sympas avec des bonnes boissons pas cher, viens, on va s'amuser.
À quelques mètres plus loin, un pub animé nous attend. Ce soir, c'est la finale de Baseball : l'équipe de Volucité contre celle de Voltapolis. Les gens, très chauvins, hurlent le nom de leur équipe favorite en pensant que cela va vraiment influencer les résultats. Personnellement, je suis avec l'équipe de ma ville de naissance, tout bonnement parce qu'ils sont les meilleurs dans la matière. Mais pour éviter les ennuis, je m'amuse à gueuler avec les supporters.
« L'équipe de Voltapolis est naze mais j'trouve ça cool de gueuler. » je me confie à Araki.
Je me faufile dans la foule en agrippant fermement le poignet du garçon. Dégotant enfin le bar, j'invite Kiki à s'asseoir à côté de moi.
« Azy, on s'fait une ligne de shooter ! C'est offert par la maison mon p'tit gars, pis tu vas voir, ce shooter-là est exceptionnel, il est trop booon. »
Passant commande au barman, celui-ci prépare devant nous la rasade. Il saisit une bouteille remplit de liquide couleur cerise ainsi qu'un peu de vodka qu'il sert généreusement dans les verres à shot.
« Amusez vous bien les jeuns. »
Trop occupé pour nous expliquer le principe, le serveur s'en va s'occuper des commandes des clients. C'est donc avec espièglerie que je propose à mon ami un défi.
« On a TROIS verres chacun ! Ça va, on commence doucement. Le premier qui les termine, paye sa tournée au bar suivant ! »
Sans même lui laisser le choix, je prends cul-sec mon premier verre.
« ALLEZ KIKI !! Si tu finis pas, va falloir me payer les prochaines conso' ! Chuis sûre qu't'veux pas dépenser ton fric dans des boissons qui seront réguritées juste après PFOUAHAHA »
Il va perdre, c'est sur. J'attaque déjà mon deuxième verre.
Nul ne peut faire boire un âne, sauf quand ce dernier a soifSans aucune putain de raison, la jeune bourrée avait été prise d’un fou rire, vivant probablement l’instant le plus hilarant de toute son ivresse de vie. Le visage dubitatif, un sourcil arqué, l’autre levé, je la regardais avec un profond découragement. J’avais déjà envie de disparaître comme je savais si bien le faire. C’était précaire, mais les gens bourrés n’ont jamais été mes favoris.
- « Qui t'dis qu'j'ai une maison ? »
- « T’as pas spécialement l’air d’une clocharde... » C’était un compliment venant d’un authentique sans domicile fixe.
- « On verra bien où me mènera la nuit ! » D’où elle sortait, cette phrase de démon…
Inévitablement, l’idée de rentrer chez elle ne l’avait pas enchanté des masses… Je n’avais pas besoin de jeter un coup d’œil à mon téléphone portable pour savoir que nous n’étions qu’en début de soirée, cependant… Il suffisait de sonder les alentours pour comprendre que l’endroit puait le mauvais plan, voir l’embrouille. Pour dire, j’estimais que la jeune femme était plus en sécurité avec moi, bel inconnu amnésique se salissant volontiers les mains contre une bonne liasse de thunasse, que seule… Ou avec ses amis consommateurs de mélanges douteux.
- « Ah mais nan nan nan, on va pas déjà rentrer hein ! La soirée ne fait que commencer ! » Meuf t’as juste besoin d’un cacheton et d’une dizaine d’heures de demi-coma dans ton lit. Je ne savais plus trop quoi esquiver en priorité avec elle, l’odeur infâme et la fumée cancérigène de sa cigarette ou cette manie qu’elle avait de m’agripper comme si j’étais son meilleur poto. Bordel, je déteste qu’on me touche... - « J'connais des coins super sympas avec des bonnes boissons pas cher, viens, on va s'amuser. » J’avais froncé le nez.
- « Ai-je vraiment une tête à aller m’amuser ? » J’avais plutôt la tronche d’un gars s’étant gratuitement mangé un camion.
Sans aucune suite logique à ma question, je m’étais retrouvé ni une, ni deux, dans une espèce de bar empestant la sueur et la bière, quoi que, les deux avaient la même odeur abominable… Il faisait chaud et l'endroit était bruyant. Personne n'avait prêté attention au gars au regard aussi froid que désespéré et à la fille bourrée qui l’accompagnait, les clients étant bien trop occupés à admirer un match de Baseball en direct sur l’un des grands écrans du pub. Puis, Monon s'était mise à hurler à plein poumons, le tout sans prévenir.
- « L'équipe de Voltapolis est naze mais j'trouve ça cool de gueuler. »
- « Ah… » Lâchais-je simplement. Je m’en fou ? Ne crie pas ?
Mon regard ne quittait pas la main de Monon la bourrée, fermement refermée sur mon pauvre poignet – bien que je ne sentais pas vraiment de pression -, espérant secrètement qu'Akuro apparaîtrait une nouvelle fois afin de croquer son deuxième bras de la soirée… Au lieu de cela, je m’étais retrouvé au bar, levant les yeux vers le plafond usé et rafistolé, me demandant ce que j’avais bien pu faire pour mériter cette interminable journée d’emmerdes.
- « Azy, on s'fait une ligne de shooter ! C'est offert par la maison mon p'tit gars, pis tu vas voir, ce shooter-là est exceptionnel, il est trop booon. »
- « Je ne bois pas d’alcool... » Soufflais-je.
Déjà que j’évite le lait trop frais à cause de son goût trop fort… Le barman nous avait servi, sans même prendre la peine de vérifier nos cartes d’identité au préalable… Bon ok, je n’avais pas de papiers, donc ça m’arrangeait un peu… Elle était majeure au moins, Monon ?
- « On a TROIS verres chacun ! Ça va, on commence doucement. Le premier qui les termine, paye sa tournée au bar suivant ! »
- « J’ai pas de thunes pour ça ! » Attaquais-je. J’ai des dragons à nourrir, moi ! Un premier verre venait d’être vidé. Bordel, cette fille était aussi efficace pour absorber les liquides que la bouche d’un évier !
- « ALLEZ KIKI !! Si tu finis pas, va falloir me payer les prochaines conso' ! Chuis sûre qu't'veux pas dépenser ton fric dans des boissons qui seront réguritées juste après PFOUAHAHA »
- « Kiki ?! » Hurlais-je, posant brutalement mes deux mains à plat sur le bar. - « Te fous pas de ma gueule Monon ! Et ne me vomis pas dessus… » Petite menace des familles. - « Puis je ne peux pas boire d’alcool… Parce que je suis mineur ! »
C’était une bonne excuse. Je ne connaissais pas réellement mon âge, ayant juste eu une estimation par le premier médecin que j’avais vu, après m’être réveillé amnésique. C’était néanmoins la toute première fois que je prétendais être mineur, d’ordinaire je me réservais le luxe de la majorité et des privilèges qu’elle accorde face aux vieux… Sauf que ce coup-ci, c’était un cas de force majeure ! Cette fille bourrée était tout simplement insane !:copyright:️ 2981 12289 0
Manon Dubell
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Le con, Akari me fait sursauter à taper du poing sur la table. Il faut vraiment qu'il se détende, j'ai l'impression que ce mec n'a jamais souri de sa vie. Voilà donc mon objectif de la soirée : faire décrocher un sourire sur ce triste minois ! Pour le moment, ma tentative est un échec. En effet, le jeune homme ne semble clairement pas motivé à picoler.
« T'es sûr ? Même pas un p'tit verre ? » dis-je le minois déconfit.
J'en ai rien à faire qu'il soit mineur. J'ai démarré ma première cuite à 14 ans donc c'est clairement pas un argument qui fait mouche chez moi. Poussant un long soupir abattu, je me résigne à descendre ces shots toute seule.
« Puisque c'est comme ça ... »
Je vide mon troisième verre. Qu'est-ce qu'il l'arrache, je ne sais pas ce qu'ils ont mit dedans mais ça flingue le cerveau. Quatrième verre, j'ai un peu chaud mais ça va, il m'en faut bien plus pour me rebuter. Cinquième verre, ma gorge est en feu et je commence à voir flou. Sixième verre, mes jambes commencent à vaciller et je pousse un cri de victoire.
« Eh voala ! Y'ai TOUT BUUU ! »
J'attends des applaudissements mais je ne les entends pas. Tant pis. Je paye le barman avant de filer avec Akari. De retour dans la rue, je titube en chantonnant, étrangement de bonne humeur.
« Dis moi Araki ! Y'a pas un endroit où t'aimerais te posey ? Genre un spot où tu peux admirer la ville ... »
Je cherche une clope mais j'en ai plus. Merde. Croisant un passant, je l'accoste sans gêne en lui quémandant une cigarette. Malheureusement, mes trois tentatives sur trois personnes différentes seront vaines. Je râle mais je reste euphorique grâce à l'alcool.
« Moi j'en ai un, de joli spot. Faut qu'j't'y amène. »
Je me retourne vers Akari, convaincue que mes yeux doux vont le convaincre. De toute façon, ce n'est pas comme si il a tellement le choix : je saisis son bras et l'embarque jusqu'au tram.
« C'est un p'tit peu loin mais ça vaut le détour. »
Je jette un oeil aux horaires : 6 minutes d'attente. Nous avons le temps de nous poser sur le banc pour papoter.
« Qu'est-ce que tu fiches ici d'ailleurs ? T'as pas peur de t'faire agresser par des gens bizarres la nuit ? Pfprpfrt »
Je pouffe de rire jusqu'à ce qu'un clochard alcoolique nous demande de quoi fumer. D'un coup, je me relève du siège pour dévisager le vieil homme.
« Est-ce que j'ai une tête à fumer des clopes MOi ? Bah NON ! Alors retourne dans ton carton, 'spèce de déchet. »
Je vous jure, je déteste les gens qui te mendient une clope dans la rue. C'est vraiment cher en plus ! Ils croient vraiment qu'un drogué de la nicotine va refourguer ses précieux gratos à un inconnu qui schlingue ? Les gens sont si mal élevés. Le vieux a de la chance de ne pas réagir à ma provoque et partir sans rien dire, sinon je l'aurais tarté.
« Nan mais t'as vu ça !?, je me tourne vers Kiki, révoltée, Les gens ils ont plus d'respect maint'nant y pense que le monde est gentil et que tout leur est dû BAH NON ! »
Je gueule, suffisamment fort pour que le sdf m'entende.
« SI LA VIE C'ÉTAIT PAS UNE CHIENNE TU S'RAIS PAS DANS LA RUE À CHERCHER DE LA DROGUE EN PERMANENCE JUSQU'À CREEUVER SOUS UN PONT COMME UNE MERDE, DANS L'IGNORANCE LA PLUS TOTALE »
Le pire, c'est que je n'ai pas été loin de cet état. Une fois j'ai fugué et vécu quelques jours dans la rue. Je vous jure, c'est une expérience qui m'a fait grandir et comprendre à quel point notre existence n'a aucune valeur. Je pousse un râle avant de me calmer sur le banc.
« Ça m'fait chier, j'ai envie d'une clope maintenant ... »
Puis, le tram arrive. Le crissement des freins résonnent dans ma tête, apaisant considérablement mon hostilité.
« Tu viens Kiki ?, dis-je au jeune homme d'une voix enfantine, contrastant complètement avec la voix rauque de tout à l'heure, on va voir les étoiles ! »
Nul ne peut faire boire un âne, sauf quand ce dernier a soifQue faire ? J’étais seul avec cette meuf depuis quoi, vingts minutes à peine ? Et déjà, la situation s’était retrouvée en miettes, étalée sur ce sol déjà crasseux malgré l’heure pas si tardive que ça, me laissant bêtement là, à regarder mes tristes mains, me demandant ce qui avait bien pu se passer… Ce qui s’était passé, c’était que cette buveuse venait d’engloutir, un à un, littéralement tous les verres d’alcool à destination de deux personnes ! C’est elle, Monon, que j'allais ramasser par terre à la fin de la soirée !
- « Eh voala ! Y'ai TOUT BUUU ! »
Ma réaction s’était faite attendre, j’avais eu besoin de rester les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte encore quelques instants. J’étais censé faire quoi, moi ? La laisser boire pour deux jusqu'à ce que mort s'ensuive ou, picoler avec elle et me réveiller à nouveau complètement défoncé dans une ruelle sombre ?!
- « Dis-moi… » Commençais-je tout bas.
- « Dis-moi Araki ! »
- « Akari. »
- « Y'a pas un endroit où t'aimerais te posey ? Genre un spot où tu peux admirer la ville ... »
Hum ? C’était peut-être là une opportunité, un moyen de s’éloigner des bars et de toute substance alcoolisée et douteuse… Néanmoins, mes seuls spots étaient assez hauts, perchés sur les rares toits accessibles, loin de convenir à la situation… Si Monon venait à tomber… Non, hors de question d’imaginer la scène d’une façon si poussée et réaliste…
- « Moi j'en ai un, de joli spot. Faut qu'j't'y amène. C'est un p'tit peu loin mais ça vaut le détour. » Avança-t-elle.
Pourquoi m’avait-elle demandé si j’avais un spot pour finalement me dire qu’elle en avait un ? Ah oui, je sais, merci… Elle m’avait attrapé le bras, mon corps s’était crispé et les traits de mon visage durcis, mais ça Monon, elle en avait absolument rien à faire. De toute façon, vu son état, si je la lâchais, elle n’avait pas la moindre chance de s’en sortir sans bobo.
- « T’es au moins capable d’y aller ? » Doute. T’es déjà pas capable de marcher sans zigzager.
Un arrêt de tram… Moi qui espérais que ce serait la porte à côté… J’avais abandonné ce qu’il restait de la jeune femme sur un banc, utilisant le distributeur à proximité pour acheter des billets. J’avais déjà une pote ivre pour m’attirer des ennuis, hors de question de ne pas avoir de titre de transport… Six minutes d’attente jusqu’à la prochaine tram… En temps normal, ce n'était pas grande chose, avec Monon c’était une demi éternité. J’espérais qu’elle n’allait pas me par-
- « Qu'est-ce que tu fiches ici d'ailleurs ? T'as pas peur de t'faire agresser par des gens bizarres la nuit ? Pfprpfrt »
- « Hahaha. » Ceci n’avait rien d’un rire. - « Qu’est-ce qui te dit que je ne suis pas un gars bizarre qui agresse les gens la nuit ? » Lançais-je, n’attendant pas la moindre répartie en retour.
Un peu nerveux, forcément avec un rôle de baby-sitter de fille bourrée, je jouais avec les deux tickets de tram lorsqu’un homme, propre sur lui, bien poli et souriant, nous avait salué de la façon la plus commune qu’il soit, nous demandant si le prochain tram était pour bientôt.
- « Oui, dans... »
- « Est-ce que j'ai une tête à fumer des clopes MOi ? Bah NON ! Alors retourne dans ton carton, 'spèce de déchet. »
Mon visage venait de perdre quelques couleurs. Oh bordel ! Je m’étais imposé devant l’homme, les deux mains levées pour l’interpeller dans un signe de paix, de peur que sa réaction soit fulgurante et un peu trop digne de celle à aborder face à de tels propos. S’il voulait se confronter à quelqu’un, avant de toucher à la fille ivre, il allait devoir passer sur le gars sobre, lequel essayait d’éviter tout conflit.
- « Désolé ! Elle n’est pas dans son état normal… Je la raccompagne... » Expliquais-je.
Le visage toujours figé dans une colère contenue, l’homme s’était éloigné sans dire un mot, lâchant simplement un soupir bruyant. Probablement, avait-il compris que cette situation ne pouvait que dégénérer…
- « Nan mais t'as vu ça !?, Les gens ils ont plus d'respect maint'nant y pense que le monde est gentil et que tout leur est dû BAH NON ! »
- « Meuf, je pense que tu devrais te-... »
- « SI LA VIE C'ÉTAIT PAS UNE CHIENNE TU S'RAIS PAS DANS LA RUE À CHERCHER DE LA DROGUE EN PERMANENCE JUSQU'À CREEUVER SOUS UN PONT COMME UNE MERDE, DANS L'IGNORANCE LA PLUS TOTALE » Je m’étais demandé, dans le plus grand des calmes, putain de merde bordel de ?! - « Ça m'fait chier, j'ai envie d'une clope maintenant ... »
- « T’es pas censé en avoir… ? Tu fumes pas genre, quatre paquets par jour... ? » Car si elle comptait sur moi pour être son fournisseur, c’était mort.
Quelques bruits de wagons gigotant sur les rails, puis dans un prodigieux grincement, le tram sauveur avait surgi devant nous. Les portes automatiques s'étaient ouvertes, libérant quelques rares passagers.
- « Tu viens Kiki ? » Sa voix, son visage, son attitude… Le triste spectacle auquel j’avais assisté s'était comme envolé.
- « Akari. » Corrigeais-je. - « Hum… Où allons-nous ? » C’était tout de même une question importante.
Aussitôt, j'attrape une clope pour tuer le temps. Ma gorge a beau brûler, je fume comme un pompier. Je ne veux pas que cette sensation de flottement me quitte. Si je reviens sur terre, je vais bader. Après avoir agressé le SDF, Kiki pointe une contradiction dans mon discours : je dis ne pas avoir de cigarettes or, je suis justement en train d'en allumer une. Mais je m'en fiche. Un ébrouement digne d'un Galopa s'échappe de mes lèvres.
« T'inquiètes, j'ai c'qui faut pour bourrer mon corps de nicotine. Juste, je refile pas mes clopes à 50 centimes pièces à un vieux crado de la rue ! »
Même pas le temps à ma cigarette de prendre feu, le tram arrive à la station. Incitant Kiki à venir contempler les étoiles, nous montons dans le transport en commun.
Le chemin se fait tranquillement. J'ai arrêté de parler à Araki pour phaser sur le paysage urbain. Le wagon est incroyablement silencieux, seul le bruit d'un drogué qui prend son shoot à l'autre bout de la voiture perturbe nos oreilles.
« On va au terminus, je brise le silence, sur un ton beaucoup plus doux, on va vers la centrale. »
Et là, nous arrivons à mon arrêt préféré. Nous traversons un pont, nous offrant une vue imprenable sur les buldings lumineux. Je jalouse les hommes d'affaires travaillant dans ces grattes-ciels : je rêve de boire mon petit café tout en haut d'une tour, pour admirer les horizons de Lumiris. C'est incroyable ce sentiment de puissance que cela peut procurer, être au dessus de tout. Puis, lorsque le décor devient plus glauque, je me tourne vers le brun ténébreux.
« T'es d'jà allé à la Centrale ? »
Je pose ma main contre la fenêtre, ma tête s'appuyant dessus.
« Moi j'y étais ... avant même qu'elle explose. J'étais avec ma copine. »
Je deviens nostalgique : l'alcool me rend complètement bipolaire, passant du rire au larme en un fragment de seconde. Je ne sais pas pourquoi, je me mets à raconter ma vie à cet inconnu qui en a probablement rien à fiche.
« On s'entraînait là-bas ... c'était calme. On était les reines du monde. »
Puis je bombe le torse, un rictus aux lèvres, lorsque je me remémore les évènements à la Centrale.
« Pis j'étais là à sa destruction. Ch'uis partie en mission avec pleins de gens dont ma copine. J'ai failli crever t'sais ! J'étais prisonnière sur un espèce de transat, avec une arme sur la tempe. »
Un rire complètement impromptu sort de ma gorge.
« Y'a une de mes coéquipières qui m'a tiré dessus ! Sauf qu'en fait c'était un prank d'un mec des Mistral qu'on a d'ailleurs combattu. Il nous a ruiné. Mais on est sorti vivant, et encore plus fort. »
Je sers du poing. Mine de rien, ce drame m'a beaucoup marqué et je n'ai pratiquement jamais eu l'occasion d'en reparler. J'aurai vraiment pu mourir. Ça veut dire que tout ce que je vis là, à l'instant, n'aurait jamais existé si cette arme n'était pas factice. Maintenant, je sors avec une fille que j'aime, je me débrouille dans ma vie de nomade, j'ai des rêves à réaliser et pourtant, je continue de traîner à Voltapolis complètement torchée, comme si je cherche la mort. Il faut que j'évince ses pensées noires de ma tête, sinon je vais me mettre à chialer. Il faut que je boive.
« Et toi alors ... tu viens d'où ? Qu'est-c'tu fous à Lumiris ? »
Alors que j'essaie de m'intéresser au garçon qui m'accompagne, nous sommes perturbés par l'arrivée d'une bande de jeune. Cachés sous leur capuche, les mains planquées dans leur pantalon, ils hurlent comme des macaques pour indiquer aux passagers leur présence.
« Akari. »
Sans me rendre compte que j'ai écorché son nom, je pose mes doigts sur son pull pour attirer son attention.
« Est-ce que t'as des pokémons ? »
Les abords de la ville sont très mal fréquentés. Régulièrement, des mecs agressent et rackettent des gens le soir dans les transports en commun. Cette nuit, ça va être le cas. J'ai déjà croisé ce genre de vermine mais j'ai toujours réussi à les fuir. Là, c'est différent : nous sommes bloqués dans le tram, obligés d'attendre la prochaine station pour s'échapper. L'arrêt suivant est dans 4 minutes, beaucoup de choses peuvent se produire dans ce laps de temps.
« On devrait s'éloigner, doucement pour pas qu'ils nous remarquent ... »
Mais avant même qu'on fasse quoique ce soit, nous sommes repérés. Merde. Il va falloir se battre.
Nul ne peut faire boire un âne, sauf quand ce dernier a soifNous avons tous une tolérance vis-à-vis des autres, de leur personnalité, de leurs tics, de leurs habitudes… Mais, la difficulté avec la tolérance, c'est qu’elle parait tout à la fois nécessaire et impossible. Et dans toute la bienveillance de ces bonnes paroles, ce que je voulais dire, c’est qu’elle me cassait les bijoux de famille avec ses putains de clopes ! Heureusement, avant que je ne recrache mes poumons, victime d’un tabagisme-homicide, le tram était arrivé, nous embarquant vers… Un spot pour admirer le ciel nocturne et ses lumières lointaines. Entre nous, avait-elle réellement besoin de se rendre à un endroit en particulier pour voir des étoiles ?
Un peu à la ramasse, je m’étais laissé tomber sur l’une des nombreuses places libres, appréciant presque le plastique dur sous mon royal fessier, m’adossant pour abandonner ma tête vers l’arrière. J’étais définitivement claqué. Non seulement, je m’étais fait défoncer dans une ruelle sombre, mais en plus, j’avais eu le malheur, juste après, de tomber sur Monon totalement torchée… Sacrée journée-nuit.
- « On va au terminus... » J’avais porté mon regard bleu vers elle. - « On va vers la centrale. »
Pourquoi se rendre dans un tel lieu ? Ce qui nous attendait là-bas, c'était la désolation et des bandes jaunes coupant la route aux curieux. J’avais plissé les sourcils. J’étais déjà revenu du néant lorsqu’un attentat avait frappé la centrale. L’incident avait causé le trouble dans la région, soulignant l’incompétence et l’inefficacité des forces de l’ordre et la faiblesse d’une région qui, tournant le dos au concept même de la triste réalité, avait envoyé des adolescents et jeunes adultes non entraînés au casse-pipe…
- « T'es d'jà allé à la Centrale ? » Elle s’était laissé aller contre la fenêtre, subitement moins enthousiaste.
- « Non, jamais... » Soufflais-je. Du moins, pas encore.
- « Moi j'y étais ... avant même qu'elle explose. J'étais avec ma copine. » Sa voix avait… Beaucoup trop changé. Je m’étais redressé dans une position moins désinvolte. - « On s'entraînait là-bas ... c'était calme. On était les reines du monde. » D’un coup d’œil discret, j’avais perçu toute l’amertume de son sourire, détournant aussitôt les yeux. Nul ne saurait être Roi ou Reines très longtemps… - « Pis j'étais là à sa destruction. Ch'uis partie en mission avec pleins de gens dont ma copine. J'ai failli crever t'sais ! J'étais prisonnière sur une espèce de transat, avec une arme sur la tempe. » J’avais fermé les yeux, coupant la vue sur mes tristes mains, abîmées de toute part, sachant parfaitement qu’elle ne délirait pas ce coup-ci. C’était quelque chose qu’elle avait gardé avec angoisse au fond d’elle. Avait-elle attendu, peut-être même longtemps, avant de pouvoir ainsi en parler à voix haute ? Ce genre de démon a besoin d’exister, d’être extériorisé, afin qu’on puisse se sentir à nouveau vivant, comprendre qu’on a survécu... - « Y'a une de mes coéquipières qui m'a tiré dessus ! Sauf qu'en fait c'était un prank d'un mec des Mistral qu'on a d'ailleurs combattu. Il nous a ruiné. Mais on est sorti vivant, et encore plus fort. »
Plus fort… Sortons-nous réellement plus fort de nos laborieuses tragédies, de ces épreuves suffocantes, celles capables de tout nous prendre en un clin d’œil ? Ce mensonge, était-il seulement vrai pour nous donner de la consistance ? Je me souvenais parfaitement de l’angoisse qui avait grignoté ma raison à grand coup de dents alors que je m’étais retrouvé dans ce trou, seul face à l’immense silhouette monstrueuse, laquelle avait alors incarné la Mort. L’odeur âcre de mon sang grimpant dans l’étouffante humidité, la peur qui ruisselait sur ma peau, mon cœur qui battait si fort que la douleur m’avait sonné… Ma force, je l’avais seulement puisé dans les profondeurs du désespoir…
- « Et toi alors ... tu viens d'où ? Qu'est-c'tu fous à Lumiris ? »
Mes prunelles colorées s’étaient à nouveau portées vers elle. Moi, je n’avais pas assez bu pour raconter mes malheurs toute la nuit...
- « C’est une longue histoire... » Commençais-je, prêt à gentiment lui expliquer, à emballer mes mots dans du papier cadeau, que je n’allais pas en dire plus.
Pas besoin d’aller au zoo pour croiser de magnifiques spécimens de Férosinges des villes. Ils parlaient fort comme pour marquer verbalement leur supposé territoire, leur dégaine transpirée l’insolence et le manque de personnes empruntant le tram à cette heure tardive les contraignaient à obligatoirement aller à notre rencontre.
- « Akari. » J’avais ouvert la bouche pour la corriger, mais je n’en avais pas eu besoin… - « Est-ce que t'as des Pokémons ? »
- « Bien sûr… » Lançais-je en chopant discrètement une Ball à ma ceinture.
Je m’étais déjà fait défoncer la gueule, hors de question de morfler à nouveau… Néanmoins, le terrain n’était pas à mon avantage. Mes Pokémons dragons étaient grands, bien trop grands pour combattre dans un si petit espace… Si un combat venait à être lancé, je n’aurais alors pas le droit à mes meilleurs atouts.
- « On devrait s'éloigner, doucement pour pas qu'ils nous remarquent... »
Sauf que les macaques étaient encore plus excités maintenant qu'ils nous voyaient nous éloigner prudemment. L’un d’entre eux avait poussé une petite gueulante dans notre direction, s’attirant aussitôt les cris du reste de sa troupe. Plus de deux millions d’années d’évolutions pour finalement fréquenter la même espèce que ces gens-là… La honte. Le groupe avait pressé le pas, conscient que le tram se rapprochait rapidement du prochain arrêt.
- « Dès qu’on le peut, on sort et on se tire... » Soufflais-je à Monon.
Je m’étais placé devant elle, faisant barrage entre la jeune femme et les crapules. Loin de me sentir chevalier en armure blanche, j’avais juste la stratégie adaptée. Du moins, je le croyais...
- « Wesh man t’prends pour qui'là ?! »
J’avais affiché une mine assez perplexe, me demandant comment il pouvait représenter une imitation aussi clichée de lui-même… Néanmoins, mon manège les avait fait hésiter. Je grattais des secondes là où je pouvais… Loin d’être dissuadés, les Férosinges des villes s’étaient mis à m’allumer verbalement, me laissant dans une demi-compréhension des plus jouissante. J’étais plutôt satisfait d’être assez évolué pour ne pas réussir à parfaitement appréhender leurs singeries...
Derrière les silhouettes menaçantes, dans l’obscurité de la nuit, les lumières du prochain arrêt venaient d’apparaître. D’une façon inattendue, le premier type s’était rué vers moi, me laissant un peu confus. C’était… Suicidaire ?! Pas le temps de libérer mon Pokémon, j’avais reculé maladroitement pour esquiver sa bousculade, poussant Monon malgré moi. D’un coup aussi suffisant que mauvais, j’avais levé ma jambe avant de jeter précipitamment mon pied contre le genou du babouin. Dans le même instant, le train avait freiné. Le singe en tête de file avait perdu l’équilibre et s’était pitoyablement ramassé. Les renforts s’étaient bougés, fonçant avec rage vers nous… Les portes automatiques s’étaient ouvertes.
Le jeune homme qui m'accompagne me suggère de s'enfuir dès que le tram arrive à la prochaine destination. Je hoche la tête en signe d'approbation, sans quitter les racailles du regard. Tandis que je recule doucement vers la sortie au fond du wagon, Akari se place devant les gaillards pour me protéger. Malgré on air ronchon, le jeune homme est plutôt gentleman.
« Wesh man t’prends pour qui'là ?! » gueule l'autre camé qui se prend pour le roi.
Je fronce les sourcils et montre les crocs. Ils sont tombés sur les mauvaises personnes : étant de nature loyale et protectrice, il est hors de question qu'il touche un cheveu de mon pote.
« Eh, touche pas à mon pote sale déchet ![/b] » J'aboie contre le sale type.Eh, touche pas à mon pote sale déchet ![/color][/b] » J'aboie contre le sale type. « C'est qui qu'tu traite de déchet sale tep* !?»
J'aurai du me taire mais l'alcool délie les langues. Le groupe commence à se chauffer à cause de ma remarque. C'est alors qu'un des gars bondit de chaise en chaise pour tenter de m'attraper et c'est au même moment qu'Akari me pousse pour se dégager du type qui lui fonce dessus. Alors qui lui donne un coup de pied au genou, je me précipite vers la sortie en l'appelant. Sauvés par le gong, le tram s'arrête à la station.
« GO ! » s'écrit Riri en me rejoignant aux portes automatiques.
Nous prenons nos jambes à nos cous. Nous grimpons à toute vitesse les escaliers menant à la surface mais nous sommes vite rattrapés par la bande de fous furieux. Akari a peut être un bon cardio mais moi qui fume une clope toutes les dix minutes, je m'essouffle rapidement. Heureusement, l'adrénaline me fait tenir le coup. Nous ne sommes toujours pas libérés une fois sortie de la station : les jeunes sont déterminés à nous mettre la misère. Nous tentons alors de les semer en prenant des ruelles introuvables jusqu'à malheureusement tomber sur un cul de sac.
« Merde, on est bloqué putain, ils vont nous retrouver ... »
Je commence à paniquer, perdant mon souffle. Cette situation me fait sérieusement bader, oubliant à quel point je suis bien entourée. C'est en balayant furtivement la rue du regard que je dégote une échelle menant sur le toit d'un bâtiment désaffecté. Je saisis le manche de mon ami en lui montrant du doigt notre issue.
« Grimpons ! Ils ne nous trouveront pas ! »
Sans plus attendre, j'attrape les bars de fer en escaladant à toute vitesse. Les escaliers grincent comme pas possible ce qui risque de trahir notre position. Je me dépêche en foutant malgré moi la pression à Akari. Puis, alors que je vais atteindre le sommet, je reconnais le bonnet rouge d'un des gars qui nous court après. Ils sont au bout de la rue, ils risquent de nous apercevoir ! Je tends alors ma main à Akari en l'alertant.
« Ils sont là !! Faut qu'on se cache ! »
Je me fais la plus petite possible, rasant le sol autant que faire ce peut. Bref, c'est une soirée ordinaire, à Voltapolis.
Nul ne peut faire boire un âne, sauf quand ce dernier a soifLa traversée de la station souterraine avait été exécuté à grandes enjambées pressées, les escaliers se faisant gravir deux par deux, me faisant un instant oublié que l’état de Monon ne m’assurait pourtant pas que la jeune femme puisse survivre à une telle allure. De nous deux, la fille bourrée était néanmoins celle qui courrait le plus vite, ayant un peu d’avance sur moi. J’étais rassuré, cela nous offrait la possibilité de battre en retraite, sauf que… Après seulement quelques minutes de course, la magie s'en était allée et la fille semblait déjà à bout de souffle… Maudite cigarette ! Les singes étaient juste derrière nous !
- « S’ils nous rattrapent, t’arrêtes la clope miss, donc bouges-toi !!! » Criais-je en lui attrapant la main, la tirant derrière moi pour l’aider à faire l’effort qui lui manquait.
L’idée de les semer dans un réseau de rues et de ruelles étroites avait été mienne, mais je m’étais rapidement rendu compte que la faible distance, qui nous séparait de nos poursuivants, leur permettait immédiatement de savoir quel tournant de rue emprunter pour nous retrouver en visuel. On s’était, malgré nous, éloignait de la zone d'habitations, là où un coup de main aurait pu être trouvé. Dans la précipitation et dans une obscurité seulement tachée par la lueur pâle des lampadaires, nous n'avions pas eus la tête assez claire pour demander de l'aide. Sans compter sur l'état d'ébriété de ma partenaire imposée...
- « Merde, on est bloqué putain, ils vont nous retrouver ... » J'avais alors réalisé que nous faisions face à un véritable cul-de-sac.
J’avais profité de la courte pause pour reprendre un semblant de souffle, me préparant mentalement à devoir ordonner à mes Pokémons d'attaquer directement des êtres humains qui, probablement, n’avaient peut-être même pas de Pokémons pour riposter… Certes, les combats déloyaux, je connaissais, mais… Dans notre malchance, le groupe d’abrutis finis à l’urine nous avait temporairement perdu de vue, assez longtemps pour que la fille bourrée puisse trouver une échappatoire à ce merdier.
- « Grimpons ! Ils ne nous trouveront pas ! » Lança-t-elle dans un surprenant éclair de lucidité.
Elle s’était aussitôt jetée sur une vielle échelle à demi rouillée, grimpant sous les railles de l’acier usé. Je l’avais suivi, conscient que la fuite restait toujours une meilleure option à la légitime défense, laquelle, souvent, se termine mal… Je venais à peine d'atteindre le sommet du bâtiment désaffecté, que déjà, les ennuis nous avaient retrouvés.
- « Ils sont là !! Faut qu'on se cache ! »
On s’était couchés au sol, espérant simplement que les macaques n’allaient pas avoir l’intelligence de repérer les hauteurs et l’échelle, comptant simplement sur le fait qu’ils étaient probablement trop débiles pour apercevoir un objet presque brillant dans la nuit tant il était évident que-… L’un des jeunes avait crié pour indiquer à ses potes qu’on était sûrement partis « par là » sans que les grincements de l’échelle ne viennent confirmer qu’ils avaient trouvé le bon « par là ». J’avais froncé les sourcils, ma foi en l’humanité ne volait déjà pas très haute… Silencieux, patient, mes yeux bleus inquiets observaient ceux marrons de la jeune femme, attendant simplement son consentement pour considérer le danger comme étant écarté. Oui, j’attendais l’accord d’une fille ivre pour m’autoriser à me sentir de nouveau en sécurité… Les minutes étaient paresseusement passées, sans qu’aucun bruit ne vienne déranger nos souffles irréguliers.
- « P’tin, heureusement qu’ils sont cons... » Lâchais-je dans un soupir, autorisant enfin mes muscles à se détendre. - « Par contre… Interdiction de fêter ça avec une petite clope… On se calme sur les excès pour le reste de la soirée ! » Au prochain, je me casse à dos de Bruyverne et je quitte le continent, histoire d'être sûr qu'elle ne retrouvera jamais, pas même sur un autre malheureux hasard !:copyright:️ 2981 12289 0
Manon Dubell
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Messages : 719 Née le : 16/05/2000 Age : 23 Région : Unys Pokédollars : 5261 Stardust : 3899 Stardust utilisés : 2291 Equipe pokemon : Icone :
Mon cœur tambourine dans la poitrine et mon souffle ne cesse d'être bruyant. Je doute que nos agresseurs ne le remarquent mais mon cerveau déglingué me fait imaginer d'horribles scénarii. Je bade. Heureusement que Kiki est là car sans lui, je serais en train de chialer en boule dans une ruelle, probablement couverte de bleus et les habits déchirés. Puis, la cacophonie des macaques semblent s'éloigner jusqu'à s'évanouir dans le silence de la nuit. Je peux enfin respirer ...
« P’tin, heureusement qu’ils sont cons ... »
Et rigoler. Toute la tension que mon corps a tenté de contenir, s'échappe par un éclat de rire. Mon ami a raison, ce n'est qu'une bande de crétin. Pas moyen que leur QI rivalise avec le nôtre, me voilà donc soulagée.
« Mais quelle bande de débile ! Ils font les gros durs mais y sont même pas foutus de garder leur cible en vue !! »
Je crache un vilain mollard dans le vide, sauf que celui-ci atterrit sur mon gilet. Malgré le filet de bave reliant ma bouche au crachat, je me contente de lever mon majeur bien haut dans le ciel noir en beuglant :
« RENTREZ CHEZ VOS MÈRES BANDE DE FILS DE P#€&E JE VOUS CH#* À LA GUEULE »
Je ferai mieux de me taire car si ils rappliquent, je ferai moins la maline. Enfin calme, je sors l'une de mes dernières cigarettes du paquet. Fait chier, il va falloir en racheter demain matin. Je la grille fissa pour avoir la dose de dopamine qui m'apaisera suffisamment.
« Par contre … Interdiction de fêter ça avec une petite clope … On se calme sur les excès pour le reste de la soirée ! » alarme Kiki alors que j'ai la clope dans la bouche.
Je regarde le jeune homme, l'air hébété. Pendant que la fumée s'expire de mes narines, j'assimile la remarque d'Akari avant d'en rire. Je m'approche du jeune homme avant de tapoter doucement sa caboche. Il est grand mais je le traite comme un enfant qui n'y connait rien.
« Ah Kiki, si seulement j'pouvais arrêter aussi facilement ... »
Je m'éloigne pour ne pas lui imposer mon parfum toxique, rejoignant une rambarde rouillée.
« T'sais la clope, c'est ma meilleure copine. Enfin non ... c'est ma seule famille. Ça fait sept ans que j'la côtoie et c'est la seule qui me réconforte et qui m'apaise. »
C'est étrange comme cet homme me donne envie de me livrer. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi taciturne et ce qui est super avec ces personnes-là, c'est que j'ai l'impression qu'on m'écoute, qu'on m'autorise à parler. Alors, je poursuis :
« J'ai vécu dans c'genre d'endroit, dans la périphérie d'une grande ville. J'peux te dire qu'on devient vite fou, surtout quand personne ne se soucis réellement de toi. »
Des fragments de mon passé hantent mon esprit. La tête appuyée sur ma main, je fixe l'air pensive ma cigarette qui se consume.
« T'sais, j'ai raconté cette histoire à la Centrale à ma famille. Ma grande sœur me croyait pas jusqu'à voir les témoignages à la télé. Mon grand frère se fout de ma gueule parce qu'il croit que j'invente des trucs. Mon p'tit frère s'en bat les couilles. Mon père, lui, il est mort, donc il peut plus le dire grand chose. Et ma mère ... »
Je me sens subitement submergée par mes émotions : de la colère mêlée à une tristesse infinie. Je lève mes yeux mouillés au ciel en espérant que la brise les séchera.
« E-elle, elle veut même pas savoir ce que j'deviens ... »
Ma voix semble plus petite, plus frêle. Un timbre que j'ai complètement oublié, celle que j'ai utilisé en étant petite pour qu'on ait pitié de moi. En vain.
« Si c'était mes frères ou même ma sœur, j'suis sûre qu'elle aurait réagit mais là ... avec moi, elle reste toujours aussi froide et distante, je pige pas ... j'ai beau faire des efforts, l'appeler, lui prendre régulièrement d'ses nouvelles mais elle, de son côté ... rien, nada. Elle aussi, elle a cru que j'lui faisais une blague en parlant de ce qu'il s'est passé à la Centrale ... après qu'ma sœur l'ait convaincu, ma mère a trouvé le moyen de m'faire des reproches. “T'es vraiment inconsciente, “Pourquoi t'as fais ça, t'es vraiment bête ”, “Au moins si tu t'étais blessée, t'aurais pas recommencé” ... »
Ses mots remplis de venins résonnent sans cesse dans ma tête. Alors qu'une larme roule sur ma joue, je frappe violemment la barrière avec mon pied, comme pour faire taire cette voix impitoyable.
« C'est tous des c#*nnards d'égoïstes qui pensent qu'à leur c*l, qu'aux apparences !! Il est où l'amour dans tout ça !? Est-ce qu'on peut vraiment appeler une famille des gens qui éprouvent aussi peu de compassion pour leur enfant !? »
Je sais bien qu'il y a un peu d'amour. J'en ai juste assez de devoir me battre pour avoir un semblant de reconnaissance de mes pairs. Y'en a marre d'essayer de recoller les morceaux d'une famille brisée par le deuil. Foutue barrière rouillée, tu mérites d'en prendre plein la gueule.
« Juste parce que chuis pas une fille modèle comme ma sœur je mérite pas d'être aimé !! Mes frangins font les pires atrocités possibles mais eux, ils ont droit à toutes l'excuse du monde ! Alors que moi, MOI !!! J'ai l'droit d'être le souffre douleur de ma mère juste parce que ch'uis différente d'elle !!! »
Pauvre Akari, obligé de subir la complainte d'une ado paumée. Derrière ces mots se cachent un besoin qui ne sera probablement jamais comblé ni par l'amour, ni par la drogue. L'affection d'une mère et d'un père sont irremplaçables.
Je doute qu'Akari puisse résoudre mes soucis personnels mais sa présence et son écoute suffit à me soulager. Enfin vidée émotionnellement, j'écrase mon mégot sur le toit crasseux. Croisant le regard azur de l'homme, je réalise ne pas être seul. Peut-être a-t-il écouté, peut-être que non mais dans tous les cas, je me sens jugée. C'est ridicule, je ne devrais pas faire porter le poids de mes sentiments à un inconnu. Mais à qui alors ? Je ne veux ni peiner ceux que j'aime, ni m'exprimer face aux personnes concernés par ma rancœur. Mon cœur en a tellement marre de tout garder pour lui que j'en viens à faire littéralement n'importe quoi. Malgré cet éclair de lucidité, je ne trouve rien de mieux que de soupirer et dire :
« J'aurai bien envie d'me siffler une bière. »
Je zieute mon crachat en me grattant la tête, blasée.
« ... t'aurais pas un mouchoir pour que j'essuie cet immondice ? »
Nul ne peut faire boire un âne, sauf quand ce dernier a soifPeut-être que les gens qui s’autorisent les dérives, qui s’abandonnent aux substances nocives, jouant aujourd’hui du fait que le pire n’arrivera que demain ou plus tard, ne vont tout simplement pas biens. Peut-être que tous ces gens, qui font la fête, mêlant la clope à l’alcool jusqu’à sombrer dans un sans issue, laissant leur corps à l’abandon au milieu d’étrangers, trompent leur raison comme leur morale dans l’espoir d’échapper à ce qu’il pense être la « triste » réalité… Seulement, c’est la condamnée à être « triste » de noyer toute sa personne, cette lucidité et cette intelligence qui font l’essence même de l’individu, dans l’addiction d’un bon moment, d’une bonne soirée pour ensuite ruminer le lendemain que tout est pire… Je ne peux pas prendre en compassion ces autres qui s’autodétruisent à petit feu, de la plus facile et de la plus pitoyable des façons, à défaut de ne pas savoir comment se construire. Aucune prétention. Je considère seulement que ce monde est bien assez impitoyable et cruel, nous ordonnant constamment de nous dépasser humainement, pour qu’on n'ait pas à volontairement s'en handicaper en bons idiots…
Seulement…
Ce n’est pas parce que j’ai sombré au fond de l’abysse, épave oubliée de tous dans l’obscurité de l’océan, que je ne me soucie pas de chaque naufrage causé par des tempêtes dont je ne peux pas même entendre l’orage. Cette jeune femme, face à moi… Je ne ressentais aucune pitié réconfortante, aucune compassion déformée, pas la moindre sensation d’observer un être rampant depuis des hauteurs trop vertigineuses pour être réelles. Non, rien de tout cela… Je l’écoutais parce que ce qu’elle disait faisait sens. Parce que je ne suis pas aveugle et sourd à la douleur et à la peine quand elles sont ainsi clairement exposées à la pâleur d’un astre. Non, j’en ressentais juste un pincement au cœur.
- « Je ne peux pas bien comprendre toutes les subtilités de vouloir briller pour les autres… » Parce que je ne brille plus. J’avais baissé la tête, regardant le sol. - « Mais ce n’est pas quelque chose qu’il m’est impossible à imaginer… Mais ne penses-tu pas être l’étoile de la mauvaise personne ? Je ne pense pas que les liens de naissances soient des chaînes si résistantes que ça… Ni que les liens tissés avec des inconnus ne peuvent pas nous retenir plus solidement que des fers... Plutôt que de tenter vainement de briller pour quelqu’un qui t’a tourné le dos et est déjà parti, pourquoi ne regardes-tu pas autour de toi ? Tu finiras bien par croiser le regard de justement, quelqu’un qui te regarde toi… » J’avais relevé le menton vers elle, mes yeux trouvant le chemin des siens. - « Vouloir donner un sens mythique aux liens familiaux, vouloir à tout prix être le bon et le juste dans l’histoire, est pour moi une erreur… Je préfère prendre les mains innocemment tendues vers moi que de tendre la mienne au dos d’un autre... » Mais étais-je réellement capable de tendre la mienne à quelqu’un dans le besoin ? Pas sans y voir un quelconque intérêt, je suppose…
- « J'aurai bien envie d'me siffler une bière. » Pardon ?
- « Si tu m’as pas écouté, je te balance du toit... » Grognais-je. J’avais tout de même l’impression d’avoir dit quelque chose d’incroyable dans toute cette maladresse de mots et de phrases.
Avant mon discours ni-sucré, ni-salée, Monon avait pesté et hurlé sur les singes, heureusement autant idiots qu’ils étaient à moitié sourds, puis s’était… Avec toute l’agonie que représente l’échec en étant concentrée en un seul geste, craché dessus… Je retire ce que j’ai dit. Elle était pitoyable et je ne pouvais pas me considérer comme sur un pied d’égalité avec quelqu’un qui allait définitivement finir par dormir sur le trottoir, pour être réveillé par des éboueurs inquiets à cinq heures du matin...
- « ... T'aurais pas un mouchoir pour que j'essuie cette immondice ? »
- « Inutile de me le rendre... » Soupirais-je avant de lui offrir, avec toute la galanterie d’un mec qui s’en fout, un super mouchoir en papier issu d’un splendide emballage plastique bleu et blanc avec toute la classe du premier prix se trouvant en bas de rayon au supermarché. - « Tu n’avais pas pour but de passer une bonne soirée ? De voir les étoiles… ? Parce que bon, on va pas se mentir… Pour le moment à part m’intoxiquer avec tes clopes et m’attribuer le rôle de psychologue de comptoir, on peut pas dire que ce soit l’éclate... » Et savoir qu’il ne me suffisait que d’un banal lancé de Pokéball pour appeler un taxi capable de me porter là où, Monon ne me retrouvera jamais… Disons que ça n’aidait en rien… Elle avait presque de la chance d’être défoncée sinon, je me serais déjà barré…:copyright:️ 2981 12289 0
Manon Dubell
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En écoutant Akari parler, je me rends compte de l'abîme qui nous sépare. Sa façon de penser diffère complètement de la mienne, probablement parce que notre éducation, notre culture et notre vécu ne sont pas similaires. Juste après sa tirade, je partage mon envie irrépressible de picoler. Le jeune homme proteste immédiatement.
« Si tu m’as pas écouté, je te balance du toit ... »
Je me tourne vers lui avec un rire nerveux coincé dans la gorge. Je gesticule mes bras dans tous les sens en espérant ainsi retirer ma remarque.
« A-ah mais si j't'ai écouté ! C'est juste que ... »
... l'ivresse me quitte et je souhaite la retrouver. En vrai, je ferai mieux d'arrêter de me justifier au risque de m'enfoncer. À la place, je saisis le mouchoir qu'Akari me tend afin d'essuyer le mollard sur mon haut.
« Tu n’avais pas pour but de passer une bonne soirée ? De voir les étoiles … ? Parce que bon, on va pas se mentir … Pour le moment à part m’intoxiquer avec tes clopes et m’attribuer le rôle de psychologue de comptoir, on peut pas dire que ce soit l’éclate ... »
Mes yeux fuient ceux du garçon pour se diriger vers les étoiles. Deux bonnes minutes s'écoulent, le temps d'apprécier le silence de la nuit.
« C'est difficile lorsqu'il s'agit de ta maman t'sais, avec qui tu t'entendais bien à une époque. J'peux pas m'empêcher d'avoir le coeur brisé et d'vouloir à tout prix le réparer. »
Malgré tout, l'intervention d'Akari m'a touché. Plutôt taciturne, voilà qu'il l'ouvre la bouche pour me réconforter à sa manière. Et puis, son discours reste important à prendre en considération car en m'éloignant des personnes qui me causent de la peine, j'ai pu goûter au bonheur. Un petit sourire au coin de la lèvre, j'ai de nouveau le courage d'affronter le regard bleu et glacial de l'inconnu.
« Mais ... c'est gentil d'ta part de t'soucier d'une folle comme moi. T'as fais en sorte que ma soirée soit moins minable. Et pis ch'uis quand même d'accord avec toi, c'est important d'aller de l'avant. Surtout qu'maint'nant j'ai une copine, et – »
À ce propos, j'ai oublié de lui envoyer un SMS ! Je lui ai promis de la contacter pour signaler que tout va pour le mieux. Elle risque d'être morte d'inquiétude si je ne donne aucun signe de vie. Alors, je chope fissa mon téléphone portable avant de tapoter sur l'écran :
Monon a écrit:
À : Astelle ma femme <3
hey astelle !! Xtkt jte jure sa va bien chui juste un peu torchée# mais sa va jme suis fais un pote genre tro gentil grace a lui la soirée c bien passé
O fait jpeux dormir chez toi ?? Il fait froid dehor ton ptit corps cho me manque ... =(
Bisous a taleure ma beaute <3
Envoyé à 3:16
Bon sang, je suis en pleine redescente. L'adrénaline commence à se dissiper pour laisser place à la mélatonine qui engourdit mon corps. Je pousse un soupir fatigué, tombant lourdement mes fesses sur le sol bétonné.
« J'commence à être crevée en vrai mais chez ma copine c'est loin ... »
Je regarde Akari, un peu timide. Je n'ose pas lui demander de me raccompagner, alors je tourne autour du pot.
« Elle habite à Kishika et j'ai zéro pokémons volants, j'vais devoir me taper la route à pied ... »
Allez Kiki, dis moi que t'as un piaf qui peut faire le taxi. J'ai vraiment trop la flemme de faire de l'auto stop jusqu'à 5h du mat pour tomber sur un vieux mec qui pue la tiz.
Nul ne peut faire boire un âne, sauf quand ce dernier a soifS’il existait plusieurs mondes dans celui-ci, alors elle et moi étions que deux paumés de la vie fasse au gouffre séparant nos deux royaumes. Je ne pouvais comprendre les liens qui la retenaient, tout simplement parce que j’avais été dépossédé des miens. Elle ne pouvait comprendre tout le vertige de la liberté, tant elle ne sera jamais capable d’en payer le prix fort. Nous étions deux êtres condamnés à êtres trop différents pour comprendre toutes les subtilités de l’autre. Nous étions de ces personnes qui n’avaient aucune raison de freiner le pas en se croisant. Pourtant, par une force que j’irais presque appeler destin tant cela échapper à ma perception des choses, nous n’en étions même pas à notre première bousculade…
- « C'est difficile lorsqu'il s'agit de ta maman t'sais, avec qui tu t'entendais bien à une époque. J'peux pas m'empêcher d'avoir le cœur brisé et d'vouloir à tout prix le réparer. »
Je n’avais rien ajouté, voulant comme noyer le poisson. Je n’avais aucun souvenir de mes parents, alors de ma relation avec eux… Je n’étais pas certain qu’ils soient encore en vie et à vrai dire, je m’en foutais tout bonnement… J’ignorais si mon amnésie me privait de sentiments ou si, justement, c’était ce néant d’affection que je ressentais envers mes géniteurs. Après tout… Ils n’ont jamais cherché à me retrouver.
- « Mais ... c'est gentil d'ta part de t'soucier d'une folle comme moi. T'as fais en sorte que ma soirée soit moins minable. Et pis ch'uis quand même d'accord avec toi, c'est important d'aller de l'avant. » Je m’en voulais toujours un peu d’être si peu amical lorsqu’une personne osait me remercier pour quelque chose que je m’étais simplement senti obligé de dire ou faire... - « Surtout qu'maint'nant j'ai une copine, et – » Ne me raconte pas ta vie non plus, j’ai pas besoin de savoir avec qui tu dors la nuit…
Pépousse, alors que j’étais à même pas deux mètres d’elle, Monon m’avait oublié le temps d’offrir le plus beau sourire à l’écran de son téléphone portable alors qu’elle tapotait un texto dont le contenu m’aurait probablement fait vomir…
- « J'commence à être crevée en vrai mais chez ma copine c'est loin ... »
- « Quel dommage... » Lâchais-je, le regard accusateur parce que j’avais anticipé la suite.
- « Elle habite à Kishika et j'ai zéro Pokémons volants, j'vais devoir me taper la route à pied ... »
- « Quel dommage... » Grognais-je, fronçant les sourcils cette fois-ci.
Puis…
- « J’ai l’air du gars gentil qui ne boit pas et qui conduit ? » Soupirais-je. La situation commençait à m’agacer un peu trop pour que je ne frôle pas l’agressivité. - « Et puis quoi encore ?! J’dois te raccompagner chez ta meuf pour que vous fassiez l’after ensemble ? J’suis un putain de Poichigeon... » Rageais-je avant d’attraper une Ball à ma ceinture et de la lancer en l’air, un peu trop violemment pour le peu d’effort que l’objet demandait pour son bon fonctionnement. La ball avait recraché une silhouette lumineuse qui s’était rapidement dissipée pour dévoiler Tetsu, mon Corvaillus a.k.a le taxis… - « Je te raccompagne parce que, de toute évidence, je ne peux pas t’abandonner à ton sort… J’ai visiblement une foutue conscience qui arrive encore vaguement à distinguer les choses à faire et à ne pas faire… » Tout en râlant, j’avais grimpé sur le dos de mon Pokémon.
Je n’avais pas mon équipement de vol avec moi, ce qui me tracassait pas mal… Je devais non seulement faire entièrement confiance à mon Pokémon, qui ne me portait pas plus que ça dans son petit cœur, mais en prime, me tapait Monon la bourrée en guise de passager… Je me demandais lequel des deux allait me précipiter vers le sol et vers ma tombe… Dans le pire des scénarios, Akaiito était assez agile et rapide pour me rattraper au vol, à condition d'avoir le temps de lancer sa Ball pour le libérer… Ça craignait.
- « Accroche-toi à moi et surtout, fais-toi petite et ne bouge pas… Tetsu est encore jeune, s’il transporte facilement nos poids, il gère très mal le fait qu’on puisse mal se positionner, glisser et tomber… »
Alors que la jeune femme, dont le nom du parfum était paquet de clopes d’été, hissait sa carcasse sur le dos de mon Pokémon aérien, je m’étais salement demandé où j’allais cacher le corps si elle venait à faire le grand saut…:copyright:️ 2981 12289 0
Manon Dubell
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Même si je manque encore de recul sur les évènements de cette soirée, je sens bien que Kiki n'est pas d'excellente humeur. Ça le fait chier de m'avoir rencontré. Ça le fait chier de devoir s'occuper d'une ado qui attise les problèmes. Ça le fait chier de devoir la ramener chez sa mère alors qu'il n'a rien demandé depuis le début. L'homme n'a pas besoin de me répondre pour savoir que ma présence l'insupporte au plus au point. Il finit par craquer.
« Et puis quoi encore ?! J’dois te raccompagner chez ta meuf pour que vous fassiez l’after ensemble ? J’suis un putain de Poichigeon ... »
Je perds mon rictus d'abruti pour fixer le jeune homme d'un air apathique.
« Oh tu sais, t'as pas à t'forcer hein. J'pourrais pourrir ici que ça changerait rien à ta vie. »
Malgré son ton grincheux et ses sourcils froncés, il s'est résigné à devoir me raccompagner chez ma copine. À ma grande surprise, il libère un volatile en acier qui va faire office de transport.
« Je te raccompagne parce que, ... » son excuse est de se donner bonne conscience mais je me demande si c'est vraiment le cas. J'ai du mal à le cerner, ce garçon.
Tandis qu'il grimpe sur son bolide, je baisse la tête pour lui répondre d'un sourire timide. En vérité, j'ai un peu honte de mon comportement de capricieuse. Durant toute la soirée, il a dû gérer mes bêtises en sacrifiant son temps et sa tranquillité. Calmée par mon embarras, je lui murmure un « merci » reconnaissant.
« Accroche-toi à moi et surtout, fais-toi petite et ne bouge pas … »
J'écoute ses recommandations en me positionnant maladroitement sur la bête. Ses plumes glacent mon popotin mais le pokémon est suffisamment large pour que je trouve les bons appuis. Une fois aggrippée à mon ami d'un soir, je plie les genoux en baissant la caboche.
« Ça y'est, ch'uis prête ... »
C'est la première fois que je vais voler. À peine le pokémon bouge que mes jambes grelottent. Le front collé contre le dos de Kiki, je ferme les yeux pour ne pas assister au décollage. L'oiseau déploie ses ailes, échauffe ses papattes avant de se jeter dans le vide.
Une fois que je daigne ouvrir les yeux, je découvre des sensations nouvelles. Flottant dans les airs, nous planons dans les étoiles. Pour le coup, nous les aurons bien vus.
« Waaah ... », un son traduisant ma contemplation s'échappe de ma bouche.
Une fois éloignée de la ville enfumée, le ciel est deux fois plus éclairé par la lune et ses étoiles. J'ai l'impression de voler dans l'espace, loin du brouhaha et du stress de la jungle urbaine que je connais tant.
En jettant un œil sous les pattes du Corvaillus, je peux admirer l'immense île qu'est Lumiris. Étonnamment, je n'ai pas le vertige ; au contraire je suis en pleine extase. Je pense à ma sœur qui doit coucher son p'tit à Mirawen, je pense à Iris dans sa pension à Windoria puis je pense à Astelle lorsque nous atteignons Kishika. Nous nous échangeons pas un mot avec Akari, préférant le silence paisible de la nuit. Sans m'en rendre compte, je m'endors contre le bonhomme, la bave aux lèvres. La dernière chose que je lui dis, c'est :
« T'es un chic type Akari. J'me suis bien amusée avec toi. »
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