Votre carrosse, Mademoiselle ! ft.Madelyn Lodge

On n’imagine pas à quel point les choses banales du quotidien peuvent être terribles et insurmontables. C’est étrange de voir à quel point la quiétude et le silence qui règnent durant les heures les plus sombres de la nuit peuvent être oppressants.

Allongé dans son lit, Ryoma fixe le plafond blanc et légèrement décrépis. C’est une nuit où le sommeil le boude encore. Il fait calme. Bien trop calme. Après trois ans passés en prison, Ryoma n’a plus l’habitude du calme et de la sérénité. En prison, il y a toujours du bruit, du mouvement, il faut toujours être sur ses gardes. On n’imagine pas à quel point le retour à la vie normale peut être brutal.

Sauf que pour Ryoma, rien ne sera plus jamais normal.

C’est une constatation qui lui saute aux yeux alors que ses doigts se baladent tranquillement dans le pelage de Satine, installée sur son torse. Ses vieux fantômes viennent le hanter, la réalité se tord une énième fois alors que son esprit détraqué matérialise ses souvenirs, douce torture qui ne fais que lui rappeller ce qu’il a perdu, ce qu’il ne pourrait jamais retrouvé.


S’il avait su… Ryoma lui aurait laissé tout le temps qu’elle aurait voulu. Deux secondes, deux heures, l’éternité.

Sa propre alarme résonne, venant briser la quiétude de la petite chambre et sortir Ryoma de sa torpeur. Tel un glas funeste, le bruit strident vient lui rappeler que tout cela ne sont que des souvenirs, des échos lointains d’un bonheur et d’une quiétude qu’il ne connaîtra plus jamais. Le passe une main sur son visage, chasse cette larme traîtresse qui lui a échappé et se redresse, au grand damne de Satine qui partage son mécontentement d’un miaulement plaintif.

- Reste là, il est encore tôt.

Deux grands yeux verts l’observent dans la pénombre. La silhouette féline se redresse et s’étire dans un ronronnement avant de venir se planter devant l’homme. Ce dernier l’observe, soupire tandis qu’il comprend que le pokémon n’a nullement l’intention de croupir seule dans cet appartement puant la solitude et la tristesse. Ce n’est pas réellement le jour approprié pour emmener Satine au travail, Ryoma le sait mais il sait aussi que la Chacripan est capable de lui faire vivre un enfer pour arriver à ses fins.

Elle ressemble trop à sa maîtresse originelle.

Se sachant perdu d’avance, Ryoma cède donc au caprice de ce petit démon à quatre pattes, la gardant tout de même dans sa pokéball. Aucun impair ne lui sera permis aujourd’hui.


* Un casino ? *

Perplexe, Ryoma attrape son smartphone et vérifie l’adresse fournie par son employeur de la semaine. Non, pas d’erreur, c’est bien ici. Voilà qui est assez… inhabituel ! Oh… Ce n’est pas comme s’il avait énormément dans le domaine que chauffeur et garde-du corps professionnel - contrairement à ce que peut laisser croire son cv savamment falsifié - mais au vu du pédigrée qu’on lui avait servi, Ryoma s’attendait à un somptueux loft, une maison d'architecte ou un manoir sur trois étages mais certainement pas à un Casino.

Madelyn Lodge. C’est le nom de sa cliente du jour.

Ce n’est pas n’importe qui. Coordinatrice de renom, fille d'une grosse fortune, personnalité de Lumiris. le patron de Ryoma n'a pas tarit d'éloge à son sujet, ce matin. Ryoma avait, cependant, bien compris l'importance de la cliente du jour bien avant que son supérieur par intérim ne fasse le curriculum vitae de la jeune femme. Sa nervosité avait suffi pour mettre la puce à l’oreille du Yakuza. Et comment ne pas comprendre nerveux lorsqu’on laisse un tel contrat dans les mains d’un travailleur par intérim ? Le bougre avait été clair avec Ryoma, il avait obtenu ce contrat car personne d’autre d’assez qualifié n’était disponible et si la Demoiselle venait à se plaindre de quoique ce soit, sa paie serait retenue. Ryoma avait simplement hoché de la tête, rassurant humblement son supérieur.

Pour lui, ce n’est qu'une mission de routine. Des missions d’escorte, il en a mené des dizaines, peut-être même des centaines. La seule différence étant que la personne qu’il protégeait à l’époque était un parrain de la pègre et que les personnes à tenir à l’écart étaient des hommes armés et non pas des fans un peu trop insistant ou des paparazzis à la recherche du prochain ragots.

Ce n’est pas une tâche qu’il l’inquiète réellement.
Plutôt confiant, le Kantonais sort de la voiture de luxe qui lui a été confiée pour la journée et gagne le hall principal du casino. L’établissement semble encore assez bien animé malgré l’heure matinale. Depuis le hall d'entrée, Ryoma ne voit pas les salles de jeux mais un certain brouhaha lui parvient. Joueurs tardifs ou clients matinaux ? Difficile de le savoir mais l’homme a d’autres priorités pour l’instant que de faire le tour du propriétaire.

- Bonjour, je suis le voiturier de Mademoiselle Lodge.

La réceptionniste lui lance un regard inquisiteur. Toute sa personne est passée au crible. Ryoma ne dit rien. Fidèle à lui-même, il reste stoïque et calme, tendant même son badge d’employé pour montrer patte blanche. Ce n’est pas la tête qu’ils ont l’habitude de voir, il le comprend en voyant le zèle dont fait montre l'employée. Et… Il sait aussi que la sienne n’a guère rien de rassurant. Il a beau être “banal” - comme aimait si bien le dire Kaori -, Ryoma sait qu’il a un faciès peu avenant. Aussi se plie-t-il à l’inspection sans rechigner et attend-il patiemment l’arrivée de sa cliente.

Codage par Libella sur Graphiorum

Votre carrosse, Mademoiselle ! ft.Madelyn Lodge

La journée va être longue. Longue et compliquée.

Et cela n’a rien à voir avec le tempérament de feu de  sa cliente. Non, Ryoma est habitué à faire avec les princesses capricieuses. Et là est tout le problème, sans doute. L’attitude désinvolte et hautaine de sa protégée du jour lui rappelle douloureusement cet être aimé qu’il n’a pas pu sauver.

Elle a ce même dédain en posant les yeux sur Ryoma, ce même franc parler qui semble destiné à lui faire comprendre qu’il n’est nullement bienvenu ou apprécié. L’espace d’un instant, le Yakuza tressaille. C’est imperceptible mais c’est arrivé, alors qu’une cascade d'ébène se substitue à la chevelure dorée comme l’aurore en automne, que les lunettes disparaissent pour laisser place à un regard sombre, rageur mais envoûtant. Même la voix, les mots se déforment.



C’est la voix de la réceptionniste qui ramène l’homme à la réalité. La remarque se veut cinglante et sarcastique. Si seulement cette jeune femme savait à quel point elle tape dans le mile…Il répond au commentaire désobligeant avec son stoïcisme et son silence habituels et  se contente simplement de s’incliner légèrement, trahissant de ce simple geste ses origines Kantonnaise.

- Soyez certaine que j’ai votre sécurité à cœur, Mademoiselle Lodge. Mon nom est Takahashi , c’est moi qui vous servirai aujourd’hui.

Bien sûr qu’il a compris le second degré. Évidemment qu’il sait que cette remarque ne lui est pas destinée. Mais autant être professionnel, n’est-ce pas ? Et en éternel consciencieux, Ryoma invite la blonde à la suite d’un geste du bras, ignorant royalement le surnom. C’est toujours moins violent que ceux dont il a été affublé par le passé. Telle une ombre silencieuse, il se flanque aussitôt à ses côtés, la dépassant légèrement une fois arrivé devant la voiture de luxe, de sorte à lui ouvrir la portière.

Son petit manège n’échappe pas à Ryoma, bien qu’il n’en comprenne pas le sens. Il se met à son tour à chercher  à l’avant de la voiture après l’alcool qui pense être l’objet des recherches de Madelyn.

- Je n’ai rien de tel ici, navré.

Direction le Staribucks alors. Trajet qui se fera dans le plus grand des silences, du moins du côté du Nova. Il ne pipe mot. Il n’est pas très loquace de nature, mais ce qui le retient surtout c’est ce fantôme qui apparaît dans le rétroviseur à chaque fois qu’il y jette un coup d'œil…

Avec le temps, il s’est habitué à ces apparitions, fruits de son esprit qui ne tourne plus si rond que ça depuis le massacre des Imagawa. Il a appris à vivre avec ces souvenirs qui viennent parfois se superposer à la réalité mais ça ne veut pas pour autant dire que ce n’est pas dérangeant et douloureux. Et puis, ça le distrait. Ce n’est pas le jour pour être distrait. Aucune erreur ne lui sera permis aujourd’hui.

- Vais-je prendre votre commande ?

Une question qui peut paraître idiote… Mais le fait est que c’est son premier jour dans cette entreprise, son premier jour en compagnie de cette étoile montante que tous ici semblent idolatrer. Chacun à ses habitudes, Ryoma le sait. Certains aiment se faire servir, d'autres préfèrent agir d'eux-mêmes. Le Kantonnais n’a aucun avis sur la question. Il ne sait juste pas encore vers quel bord penche la jeune femme et cherche juste à s’adapter pour servir au mieux.

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Votre carrosse, Mademoiselle ! ft.Madelyn Lodge

Ryoma attend la réponse de sa cliente avec le calme d’un homme qui se sait condamner à mort. Son regard sombre et cerné est plongé dans les pupilles claires de la jolie blonde, par le biais du rétroviseur. Docile, il hoche la tête alors qu’elle lui annonce que c’est à lui d’aller chercher sa commande. Une nouvelle fois, un surnom rempli de mépris tombe faisant danser un mirage au cheveux d’ébène dans le rétroviseur, l’espace d’un instant.

Quelle que soit la somme que peut lui rapporter la mission d’aujourd’hui, Ryoma se jure de ne plus jamais postuler pour cette place. Voir le fantôme de Kaori apparaître constamment est simplement insupportable pour sa personne. Mais il encaisse avec son apathie habituelle, fait un effort considérable pour se concentrer alors que Miss Lodge passe commande. Elle ne va pas le ménager, il ne sait pas, et elle ne le ratera pas non plus s’il fait une erreur. Les menaces de la jeune femme peuvent passer pour du flan mais Ryoma sait ce que les panthères dans son genre sont capables de faire.

Elles sont impitoyables et guettent le moindre faux pas pour fondre sur leur proie et les dévorer toutes crues.

- Très bien, Mademoiselle. Je m’en charge. Lance le garde du corps alors qu’il se repasse la commande une énième fois dans sa tête pour ne pas l’oublier. Il coupe le contact, range les clés dans une poche et se penche vers la boîte à gant. Je vais vous laisser sous la bonne garde de ma partenaire, durant mon absence. Si vous avez le moindre soucis, faites appel à elle. Dans le cas contraire, évitez de la faire sortir de sa pokéball. Elle n’est pas commode avec les femmes, malgré sa petite taille. Continue-t-il alors qu’il tend un pokéball à Madelyn.

L’instant suivant, le voilà dehors. La commande continue de tourner en rond dans son esprit, telle une ritournelle. Il n’oublie rien, même lorsque le serveur lui demande de répéter une nouvelle fois tout en le toisant. Il doit croire à un canular mais l’air on ne peut plus sérieux de Ryoma et les billets - trois fois trop nombreux - arrivent à la convaincre d’accéder à la demande. Ça prend malheureusement plus de temps que prévu. L’employé s’est trompé une fois mais revoilà Ryoma avec son précieux paquetage. Personne ne semble tourner autour de l’auto, une bonne chose. Les verres fumés semblent faire leur office et cache la starlette de Lumiris aux yeux de la plèbes, ce qui est une bonne chose.

Pourtant, l’appréhension gagne le Yakuza. Il espère que Madelyn l’aura écouté et n’aura pas laisser sortir Satine de sa pokéball. Qui sait comment cette furie réagir en voyant la jeune femme. Elle ne l'attaquera pas, Ryoma le sait, mais elle n'est pas à l’apres d’un coupd e griffes ou de morsures et ce même si Ryoma lui a demandé de se tenir à carreaux.

Finalement, Satine n’est qu’une autre diva qui n’en fait qu’à sa tête et donc le plus grand plaisir dans la vie semble être de mener la vie dure au pauvre homme…

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Votre carrosse, Mademoiselle ! ft.Madelyn Lodge

L’appréhension prend Ryoma alors qu’il arrive devant la voiture de luxe et qu’il se tient juste face à l’un des portières passager arrière. Son intuition lui crie que son pokémon est sorti de sa pokéball. Vu le caractère de Miss Lodge, c’est plus que prévisible. Et les feulements qui résonnent dans la voiture alors que son reflet s'érige sur les vitres fumées ne fait que le conforter dans cette idée. L’homme soupire, déjà las d’avance en sachant qu’il va devoir batailler avec la Chacripan pour qu’elle retourne dans la pokéball.

Pourquoi les femmes - et les femelles pokémons - ne l’écoutent jamais et trouvent un malin plaisir à le torture de la sorte ?

- Satine, c’est moi. Annonce le yakuza alors qu’il ouvre la portière du côté où se trouve Madelyn. Ou du moins du côté où elle est censée se trouver…

Le Kantonais a un moment de flottement alors qu’il tombe sur deux démones recroquevillées a l’extrême opposé de sa personne.

- Ma tête fait si peur que cela ? Demande le garde du corps alors qu’il pose son regard sur les deux occupantes du véhicule dans une veine tentative de faire un peu d’humour et de les détendre. Encore faut-il savoir qu’il fait de l’humour, ce qui n’est pas pas décelable entre son air sérieux et son ton monotone.

Ryoma n’est pas un homme drôle. Il ne maîtrise pas du tout l’humour à vrai dire et, de ce fait, n’en n’use quasiment jamais. Mais… L’ambiance s’est tendue l’espace d’un instant, du moins l’a-t-il perçu ainsi. Et quoi de mieux qu’une petite boutade pour détendre l’atmosphère ?

- Voici votre commande, Mademoiselle. Pourrais-je récupérer ma pokeball ? Demande l’homme alors qu’il dépose la commande sur la banquette arrière.

Un nouveau feulement résonne. Moins agressif que les précédents. Satine cherche surtout à signifier sa désapprobation. Elle déteste la pokéball, chose compréhensible vu qu’elle y est restée enfermée durant les années qui se sont écoulées entre la mort de Kaori et la libération de Ryoma. Un soupir échappe d’ailleurs à ce dernier alors que ce qu’il craignait qu’il arrive arrive bel et bien.

Cette petite teigne refuse de rentrer dans sa pokéball et part déjà se cacher sous le siège conducteur.

Stoïque, son dresseur referme la portière arrière et passe à l’avant et recule le siège conducteur. Coincée entre Ryoma et Madelyn, la Chacripan choisit de fuir par le siège passager avant pour ensuite se réfugier à l’arrière et se poser sur les genoux de la jeune femme tout en ronronnant affectueusement, se faisant passer pour l’adorable peluche qu’elle n’est pas du tout.

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