Il y avait longtemps que ton chemin ne t’avait pas mis sur Artiesta pour des raisons artistiques. Si Madelyn Lodge t’avait donné ce fameux coup de pieds pour te lancer à nouveau dans le domaine musical, c’était difficile de t’imaginer performer. Tu étais un peu nerveux, pour ne pas dire. Par chance pour toi, tu n’avais jamais cessé de toucher au piano, comme pour transmettre tes sentiments autrement que par tes mots. Tu avais besoin de t’exprimer, mais tu avais tellement de mal à le faire. Comme si les mots ne te venaient pas ?
Tu étais au milieu d’une horde de talents en Artiesta, tu allais performer dans un concours de musique. Encore une fois, tu participais sans réellement avoir l’espoir de gagner quoique ce soit, tu avais simplement envie de performer ailleurs qu’à l’Église. Oh, pas que ça te dérangeait, tu savais que ça rendait ta mère très heureuse de te voir jouer de l’orgue. Cependant, jouer les mêmes dix chansons à chaque dimanche plutôt que de jouer tes propres compositions ou tes propres écrits, ne t’intéressait pas autant. Et donc, tu te penchais vers les petits concours dans les villes comme Artiesta ou Mirawen… C’était une bonne façon de te remettre dans le bain.
Dans les loges, tu attendais patiemment que la personne en charge de vous guider en la salle de spectacle. Tu étais le numéro 19, encore une fois. Ce numéro maudit. Celui qui passait inaperçu. Devant le grand miroir encadré de lumières, tu replaçais discrètement ta chemise pour sembler le plus propre possible. Tes cheveux étaient à moitié attachés en une demi queue de cheval, et pour une fois, tu avais pris la peine de te rafraîchir plus qu’à l’habitude. Tu regardais attentivement ton reflet dans le miroir. Les fameux miroirs des loges, tu ne les avais pas vu depuis… Près d’une dizaine d’années, non ? Tu étais encore adolescent, la dernière fois. Tu souriais tristement. Tu avais vieilli. Tu avais pris du poids. Tu avais l’air fatigué. Tu avais l’air… triste. Tu avais changé, depuis la dernière fois que tu t’étais vu dans ces miroirs. Et tu ne l’avais pas vraiment remarqué jusqu’à présent; mais la dépression t’avait moulé dans ce que tu étais aujourd’hui. Et si, habituellement, ce genre de réalisation te donnait envie de sortir de ta propre peau, disons que tu étais un peu plus serein aujourd’hui. Ingrid n’était pas dans la foule, mais tu te doutais qu’elle te regardait, de quelque part. D’une façon ou d’une autre. Tu avais invitée Alex à cette représentation. Elle ne t’avait jamais vu ni entendu jouer de la musique, et tu voulais t’assurer que ce soit quelque chose de juste assez bien pour elle. Ton amie ne savait pas encore si elle pouvait y assister de la dernière fois que tu lui avais écrit, mais elle t’avait dit qu’elle ferait tout en son possible pour venir. Tu ne pourrais pas la voir au-travers de la foule; elle était si grande, et les projecteurs t’aveugleraient si fort. Qu’elle soit présente ou non, tu la portais dans ton cœur car cette mélodie lui était dédiée. Quand remontait la dernière fois que tu avais chanté…? Concentré, tu jetais un œil rapide à la feuille sur laquelle tu avais gribouillé les paroles.
The smile that you gave me Even when you felt like dying We fall apart as it gets dark I’m in your arms in Central Park There’s nothing you could do or say I can’t escape the way I love you I don’t want to, but I love you
Tu espérais seulement qu’elle comprendrait, si cela se rendait à elle. Cette étrange déclaration d’amour. Tu ne savais pas si c’était réciproque, mais pourtant, au-travers de ces lettres que vous vous échangiez… Sauf si tu ne comprenais pas le message ? Tu soupirais. La nervosité commençait à te remonter à la gorge, que tu allais t’asseoir sur la chaise où il était écrit le numéro de ton entrée. Tu fidgettais alors que tes doigts effleuraient de manière répétée la partition que tu gardais contre tes genoux. Tu avais mal au cœur. D’un coup, comme ça. Faisais-tu la bonne chose ?
À côté de toi, à ta droite, il y avait le jeune garçon qui allait passer avant toi, le numéro 18. Tu ne le connaissais, tu ne savais pas trop à quoi il ressemblait car tu n’aimais pas regarder les gens dans les yeux. Mais tu avais besoin de…
« …excuse-moi..? »
Sans même t’en rendre compte, tu venais poser ta main contre son épaule. Toujours en évitant son regard. C’était tout sauf le moment pour une crise de panique. Pas alors que le spectacle allait commencer. Tu te battais tellement fort pour éviter de perdre connaissance.
Ton domaine c'est surtout le sport et des choses... plus masculines de manière générale si tu peux te permettre cette remarque un brin sexiste.
A quoi peut bien encore jouer ton manager.
Mais, soit, tu veux bien jouer le jeu.
Pas pour lui, hein, il ne faudrait pas non plus qu'il prenne trop souvent la confiance ou ses désirs pour la réalité.
Non, si tu as accepté sa proposition c'est principalement pour ta famille.
Certes ton côté compétitif aurait sans doute suffi à lui seul de te convaincre d'accepter mais tu savais surtout que ça allait faire plaisir aux tiens de se voir inviter à une compétition d'un autre genre pour une fois.
Même s'ils n'ont pas tous voulu ou pu se libérer, ce qui était d'ailleurs à prévoir avec des personnalités et des âges si différents, tu es content qu'ils soient plusieurs à avoir accepté.
Même si tu ne l'as pas beaucoup montré, évidemment.
Ce n'est pas vraiment dans ta nature d'exprimer tes sentiments, hein Noa.
En parlant d'émotions, tu serres justement un peu ta partition de piano contre toi, beaucoup plus nerveux que ce que tu aurais cru.
Tu n'as jamais le tract avant une compétition d'habitude, pourtant !
Mais faut croire que le fait de ne pas être dans ton élément te déstabilise.
Ah, ça, tu ne l'avais pas vu venir.
Toi qui es toujours maître de toi quand ta peur du feu n'est pas impliquée.
Enfin, ce n'est que passager et pour t'aider tu fais discrètement tes exercices de respiration enseignés par Stefan ton père psychiatre.
Une main se pose sur ton épaule et tu dois te faire violence pour ne pas sursauter vu que tu ne l'as pas vu venir, tout à ta bulle.
On a dit que tu étais maître de toi, Noa, souviens toi.
Tu te retournes légèrement, un sourcil haussé et remarque un autre candidat près de toi en te demandant ce qu'il peut bien te vouloir.
- Oh. Non, désolé...
Tu es un peu gêné de devoir refuser alors que le pauvre gars semble au bout de sa vie.
Craignant qu'il ne fasse un malaise, tu regardes autour de toi pour chercher une source d'eau potentielle mais avant que tu aies eu le temps d'apercevoir par exemple une bouteille dépassant d'un sac ou une fontaine distributrice un flash de lumière sort de la poche de ton blouson favori.
- Bubble, ce n'est pas le moment...
Ton Larméléon lève ses grands yeux bleus vers toi avant de sourire avec une confiance plutôt rare chez lui.
Puis il se tourne vers ton camarade d'audition et tu comprends dans un éclair de lucidité.
- Ah... ! Est-ce que par hasard... Attends, Bubble, fais-le là-dedans.
Tu sors un verre en inox propre de ton sac que tu avais pensé à prendre même si tu as visiblement oublié le thermos censé aller avec, idiot et le tend à ton pokémon en espérant ne pas te tromper pour ne pas avoir l'air d'une cruche.
Heureusement ton Larméléon utilise bel et bien pistolet à O qu'il a visiblement appris dans ton dos.
Sauf qui dit nouvelle capacité...
Désormais trempé de la tête aux pieds par la jet d'eau envoyé avec beaucoup trop de force et surtout mal dirigé à cause du mauvais contrôle, tu essaies de garder ton calme et te contentes de soupirer.
- Bon... Merci quand même, je suppose. Tu veux bien réessayer ? Plus doucement s'il te plaît...
Les yeux larmoyants, ton Larméléon se concentre pour viser juste cette fois et envoie un mini jet qui remplit le verre uniquement cette fois.
Tu te baisses pour le prendre dans tes bras afin de le consoler pour éviter qu'il se mette à pleurer et à faire pleurer tout le monde à cause de l'effet d'oignon épluché de ses pleurs et te tournes vers ton camarade en essayant de garder ta dignité.
Ouais, même trempé de la tête aux pieds tu as de la fierté, Noa.
- Voici de l'eau du coup.
Tu esquisses quand même un sourire en coin amusé et un brin sarcastique conscient de l'ironie de ta phrase.
Tu espères juste trouver de quoi t'éponger un peu avant de monter sur scène quand même.
Ludwig E. Winter
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Ça ne va pas. Ça ne va pas du tout. Tu sens la nausée te monter à la gorge alors que tu cherches désespérément de l’eau, de l’air frais, quoique ce soit. Mais dans ces loges remplies de monde, entre les machinistes qui veillaient au bon fonctionnement du spectacle, les managers de certains artistes, les artistes maquilleurs, les coiffeurs et les costumiers… Tu te sentais étouffé, mais surtout à cause de ce sentiment oppressant d’avoir tous les yeux rivés sur toi. Qu’est-ce que les gens allaient faire ? Qu’est-ce que Béatrice allait dire…? Allait-elle à nouveau trouver moyen de te ruiner alors que tu venais à peine de te reconstruire ? Et Alex ? Elle serait présente, ce soir ? Et… Est-ce qu’elle comprendrait ce que tu essayais de lui dire ? Tu hésitais à lui envoyer un message, mais tu n’avais pas envie de la déranger.
Tu avais donc dérangé ce garçon qui n’avait rien demandé. Parce que si tu ne le faisais pas, tu allais gerber, c’était chose certaine. Ou t’évanouir, tu ne savais pas. Tu étais au bout de ta vie et ça te prenait tout pour rester debout, ne pas t’écraser ou ne pas briser sous tes émotions. Mais si le jeune homme sur qui tu n’arrivais pas à mettre un visage encore, même s’il était devant toi, parce que le focus n’y était pas, te disait qu’il n’avait pas d’eau, tu déglutis lentement. Et tu souriais.
« Oh, t-t’inquiète, je crois que ça ira. Merci quand même ! »
Non, ça n’irait pas. Tu restais immobile sur ta chaise et tu essayais de respirer pour le faire passer. Mais soudainement, le pauvre garçon avait une illumination qui l’avait pris. Et c’était son Pokémon qui avait pu te fournir de l’eau… Enfin, il avait surtout aspergé son dresseur de la tête aux pieds, et en le voyant trempé, tu ne pouvais t’empêcher de t’exclamer un peu. Mais… Il serait sur scène d’ici une trois quarts d’heure ?! Finalement, le petit Larméléon avait fait un petit jet d’eau au bon endroit, te donnant accès à de l’eau fraîche. Bon. C’était toujours un peu bizarre, mais tu l’avais déjà fait avec Puppy en cas désespéré, et là, c’était un cas désespéré. Autant pour toi.
« Merci… »
Tu venais boire le petit verre d’eau pour légèrement soupirer de soulagement. L’eau fraîche te ramenait doucement à toi, que tu inspirais pour reprendre parfaitement tes esprits. Mais c’était maintenant à ton tour de l’aider, tu te relevais (peut-être un peu trop vite, d’ailleurs, tu avais le ventre vide et il te fallait un instant pour reprendre tes esprits…).
« Allons, pardonne-moi pour ça. » Même si ce n’était pas ta faute. « Tu ne peux pas monter sur scène comme ça… Suis-moi. »
Tu connaissais les salles de spectacle çà et là par cœur, celle t’Artiesta t’était tout autant familière que les autres. Et si tu t’éclipsais à l’extérieur des loges en emportant ce garçon avec toi, tu te dirigeais dans un couloir aux lumières tamisées dans lequel faisait écho les machines à laver. La buanderie. Les salles de spectacle possédaient souvent une buanderie, surtout pour les grosses productions. Et par chance pour toi, la porte n’était pas verrouillée. Oh, même si elle l’était, quand tu étais enfant, tu te faufilais pour y entrer avec ta sœur et vous vous cachiez dans les machines à laver. Tu savais comment y entrer. … Ce souvenir venait resserrer ton cœur. Tu essayais de ne pas y penser.
Tu t’avançais dans la buanderie que tu trouvais le panier qui contenait les serviettes propres, tu en prenais une que tu la tendais à ce garçon en lui souriant doucement.
« Ce n’est pas grand-chose, mais c’est un début. Au pire, éponge-toi comme tu veux et on passera ton veston sous les séchoirs à main de la salle de bain… »
Tu regardais les alentours. Une vile nostalgie se prenait à toi, et tu venais t’asseoir sur une machine à laver alors que tu soupirais. Devrais-tu faire ça ? Monter sur scène, je veux dire. Tu te posais la question. Tu avais peur de l’après. Et c’était ce qui te poussait à ne pas vouloir remonter à la loge.
« On a du temps. Je ne sais pas pour toi, mais je n’aime pas particulièrement les espaces avec beaucoup de gens… Je pense que je vais rester ici jusqu’à ce que ce soit le moment d’entrer en scène. »
Tu t’efforçais à ricaner.
« Tu as un nom, ou est-ce que je dois t’appeler Numéro 18 toute ta vie ? »
Si ça avait été un autre pokémon – entendre par là un qui ne t'appartenait pas – tu te serais sûrement énervé.
Mais c'était un pokemon sous ta responsabilité.
Et qui plus est, c'était Bubble.
Bubble qu'on pouvait considérer comme ton meilleur allié et ami depuis que tu ne pouvais bien malgré toi plus supporter Tora.
Donc soit tu étais trempé avant de monter sur scène, mais tu n'allais pas en faire tout un plat...
Même si tu aurais quand même préféré que ça n'arrive pas dans ces circonstances et sous les yeux des autres participants, évidemment.
Ouais, tu te serais bien passé de ces regards, rires et exclamations en face et autour de toi.
Mais ce qui est fait est fait et le coupable se sent déjà assez mal pour que tu n'aies pas envie d'en rajouter.
Ce qui ne t'empêche pas de lancer un regard peu amène à ceux qui te dévisagent ou ricanent sans respect.
Tu n'es pas une bête – un pokémon – de foire, après tout.
Mais tu te retournes vite vers le jeune homme que tu as voulu aider et esquisse un sourire.
- C'est rien. J'en ai vu d'autres. Et très franchement je préfère être trempé que... autre chose. Mais si tu insistes... je ne vais pas refuser le coup de main, ce serait bête de ma part.
Sur ces paroles énigmatiques que tu ne complètes pas à dessein, tu le suis, un peu intrigué.
Une part de toi se méfie pour la forme et par instinct de survie, mais la majeure partie de ta tête et ton cœur décidé de lui faire confiance pour diverses raisons et notamment parce qu'il t'est tout simplement sympathique.
Que ce soit par logique, feeling ou alchimie, ça t’est bien égal.
Les premières bonnes impressions sont suffisamment rares dans ce monde pour que tu te laisses tenter.
Tu ne t'attendais pas à te retrouver dans la buanderie, mais après tout pourquoi pas.
Tu esquisses un sourire amusé et dépose Bubble sur une des machines à laver en lui jetant un regard entendu pour qu'il reste sage par habitude et précaution même si ce n'est pas vraiment nécessaire avec lui avant de prendre la serviette tendue.
- Merci. C'est bien aimable de ta part.
Ouais, tu ne pouvais vraiment pas t'empêcher de glisser un petit sarcasme dans la conversation même si ta sympathie pour cet inconnu le rendait plus doux que bon nombre précédents.
Tu t'éponges efficacement sans le quitter des yeux et tu remarques sans relever son air un peu maussade et son soupir.
Tu n'es pas du genre à t'immiscer dans la vie et les problèmes des autres, hein Noa.
Aussi bien parce que tu as les tiens que parce que tu détestes qu'on le fasse pour toi.
Ne pas faire aux autres ce qu’on n’aimerait pas qu'on nous fasse, tu n'es pas toujours très doué pour ce dicton, mais tu le connais bien vu qu'elle le répète tout le temps.
- Ouais. C'est pas trop mon truc non plus. Je pense que je vais rester là aussi. Ça m'évitera de l'embarras inutile post arrosage. Déjà que je vais avoir ma dose sur scène...
Tu hausses les épaules, sourire en coin et offre une caresse à ton Larméléon un peu trop triste à ton goût.
Puis tu tournes la tête vers ton nouvel ami et une lueur malicieuse se glisse dans tes yeux en même temps que tes lèvres se retroussent de nouveau en un sourire amusé.
- Numéro 18 ça semble pas trop mal pour commencer. Enchanté, numéro 19.
Tu t'adosses avec une certaine nonchalance contre une machine, une expression presque effrontée sur le visage.
- Mais vu qu'il n'a pas de numéro, lui c'est Bubble, ajoutes tu quand même en désignant ton faux starter, remplaçant du vrai en attendant que tu surmontes tes peurs, d'un signe de tête.
Ouais, c'est bien ton style de faire un peu mariner les gens sur ce qui te concerne directement mais de laisser couler le reste.
En parlant du lézardeau, il s'était justement approché pour renifler l'autre humain avec curiosité et décida visiblement qu'il était digne de confiance car il frotta sa grosse tête contre lui avec affection.
- Je crois qu'il te remercie pour ton aide dans la réparation de son erreur. Ce serait bien son genre. Du coup vu que je suis... Enfin que j'essaie du moins d'être un dresseur responsable, je te revaudrais ça a l'occase. D'une manière ou d'une autre, je trouverais bien un truc.
Un nouveau haussement d'épaules désinvolte et un nouveau sourire prouvait que tu étais particulièrement à l'aise en sa présence décidément.
Parfois le feeling ne s'explique pas, vous savez
Ludwig E. Winter
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Ce n’est pas ta faute, Ludwig. Tu es mélancolique, je dirais presque que tu es un peu à fleur de peau, petit être doux et fragile. Et quelconque souvenir susceptible de venir faire vibrer ta mélancolie savait te mettre dans cet état d’esprit poétique, le même qui te faisait pourtant souffrir autant. Tu étais assis sur une machine à laver alors que ce jeune homme s’épongeait, tu écoutais ces sons qui ne te rappelaient que trop ton enfance, de vifs souvenirs qui te prenaient de court. Au lieu de céder, tu les laissais te bercer dans un certain réconfort qui t’était impossible de revivre ou d’atteindre. Sois gentil avec toi-même. Vous aviez accepté mutuellement que la foule du haut était trop bruyante pour votre propre bien, et ainsi, vous aviez décidé tous les deux de rester à la buanderie jusqu’au début du spectacle. Ça t’allait ainsi, tu préférais les conversations un à un ou la solitude plutôt qu’une grande foule. Ton interlocuteur semblait embarrassé, et tu sentais les rougeurs mordre tes joues pâles alors que tu déviais les yeux.
« Pardonne-moi encore… Je suis reconnaissant pour ce verre d’eau, vraiment. Désolé de t’avoir mis dans un tel embarras. »
Mais allais-tu arrêter de t’excuser, à la fin ? Tu soupirais, qu’il ne se présentait pas. Un petit jeu d’anonymat qui semblait te plaire, aujourd’hui, vous seriez Numéro 18 et Numéro 19. Il te présentait également son petit Larméléon qui s’appelait Bubble. Tu souriais légèrement en venant caresser la tête du petit lézard qui venait se frotter contre toi. Il avait l’air affectueux, sans doute également attiré par ta bonne énergie ; tu venais tout juste de faire une séance de shadow work, la veille même. Numéro 18 t’expliquait le comportement de son bébé Pokémon, et tu relevais les yeux vers lui sans même retirer ce sourire doux qui caressait tes lèvres.
« C’est gentil, mais tu sais… Je ne suis pas du genre à demander des retours d’ascenseur. Je préférais vous aider, toi et Bubble, plutôt que de vous laisser dans l’embarras d’une situation que j’ai moi-même causée. »
Tu baissais légèrement ta garde alors que le garçon faisait de même. Étais-tu si rassurant que ça ? Parfois, tu te demandais pourquoi tu attirais les gens. Toi qui les avais fait fuir toute ta vie, récemment, tu rencontrais des gens qui restaient dans ta vie. Depuis que tu habitais Mirawen, ton téléphone se remplissait doucement de contacts, les gens te demandaient ce que tu faisais, comment tu allais, ils t’invitaient à sortir, à aller manger… Tu te faisais des amis, après toutes ces années que tu avais passées à t’isoler du reste du monde. Tu faisais enfin partie d’un entourage que tu appréciais. Certes, il était petit, ton cercle, mais qu’est-ce que tu étais heureux de connaître tout ce beau monde. Tu venais doucement jouer avec le rebord des manches de ta chemise que tu soufflais un peu.
« Dis-moi, Numéro 18… Tu as déjà été amoureux ? »
Comme si tu avais besoin de ventiler un peu et de trouver un support dans ce que tu allais faire. Tu voulais parler d’elle. Tu voulais parler d’Alex. Cette fille qui te rendait fou. Cette fille à qui tu pensais tout le temps. Qu’est-ce que tu l’aimais, ta Alex… Et ce soir, ta performance, tu la lui dédiais entièrement.
« Je pense que je suis un peu nerveux… Je suis un habitué de la scène et j’ai grandi sur les planches. Ma mère me vante souvent en disant que je suis un virtuose et pourtant… J’ai ce trac qui me mange de l’intérieur… Parce que… »
Tu venais jouer avec une mèche de tes cheveux, comme pour te distraire et réfléchir.
« …je déclare ma flamme à cette fille que j’aime, ce soir, au-travers de ma performance. Et je pense que j’ai peur de me faire rejeter… »
Tu soufflais lourdement. Peut-être que ton concept était un peu kitsch mais tu ne te voyais pas faire autrement, ma petite fleur bleue. Tu étais un poil trop romantique, on pouvait le dire, mais tu te mourrais à l’idée qu’Alex se sente spéciale, ou du moins, spéciale pour toi.
« Est-ce que tu penses que je devrais abandonner l’idée…? Je ne vais pas te cacher que j’ai pensé à ne jamais me pointer… Haha. »
Oui, tu étais aussi lâche que ça. C’était encore le temps pour toi de fuir mais… était-ce vraiment la bonne chose à faire ?
Le dos toujours appuyé contre une machine à laver, tu hausses les épaules quand ton camarade du jour s'excuse à nouveau, un sourire quelque peu narquois aux lèvres.
Tu ne te moques pas, mais les gens qui s'excusent autant, ça t’a toujours un peu dépassé.
Ce n'est, après tout, pas ton genre, hein Noa.
Tu es trop fier et trop sûr de toi pour ça.
Même si tu sais aussi reconnaître tes erreurs quand il le faut, il ne faut pas croire.
Ça te convient juste très bien d'éviter de le faire à voix haute et devant des gens quand c'est possible.
Tes remises en question, tu préfères te retrouver seul avec.
Et quand tu dois t'excuser, tu préfères les actes aux mots la plupart du temps.
Mais bref passons.
Un parfum entêtant de lessive - pardon, de propre - flotte dans l'air et te ferait presque tourner la tête avec la complicité de ce blanc omniprésent.
Quoi, tu n'es peut-être pas fan du multicolore, mais ce serait quand même moins angoissant que cette teinte uniforme qui te rappelle un peu trop l'hôpital.
Tu ne laisses bien évidemment rien paraître et te contentes d'observer ton pokémon aquatique faire ami-ami avec l'autre concurrent qui continue à te parler.
Ah, de toute évidence il est un type bien, mais tu n'es pas du genre sentimental alors tu te contentes de hocher la tête à son beau discours.
Ouais, pas trop ton genre de lui tomber dans les bras pour le remercier d'être un chic type qui ne s'apprête pas à te soudoyer.
... Oui, tu as raison on s'égare.
- C'est gentil de ta part, te contentes tu de dire en détournant les yeux pour regarder un tas de linge toujours aussi blanc, quelque peu embarrassé sans vraiment savoir pourquoi.
Puis la question des plus inattendues te fait presque sursauter et tu tournes la tête si vite dans sa direction que tu manques de te faire un torticolis.
Pardon, que... quoi ?
C'est limite si tu n'es pas bouche bée, mais ta fierté a pris assez de coups comme ça pour la semaine alors tu te forces à retrouver un semblant de contenance.
Même si ta toux factice ne doit pas être très convaincante mais passons.
- Ouais... Je suppose que oui... Comme quasiment tout le monde à mon âge, quoi.
Tu es embarrassé évidemment, mais également prudent pour ne pas dire méfiant car tu ne connais pas encore assez bien Numéro 19 pour être tout à fait certain de pouvoir te confier.
Même s'il n'a pas l'air du genre à juger le fait que tu sois déjà tombé amoureux aussi bien de femmes que d'hommes, tu ne baisses pas facilement ta garde.
Jamais complètement, du moins.
- Tu as de drôles de questions, Numéro 19.
Mais malgré ton sarcasme et ton sourire quelque peu railleur, tu écoutes attentivement.
Tu ne sais pas si tu es la bonne personne pour donner des conseils en amour - probablement que non - mais tu veux bien faire un effort.
Si elle était là, sans nul doute qu'elle te taquinerait sur le fait que Ludwig doit déjà être bien spécial à tes yeux pour que tu lui fasses une telle faveur.
Oui, elle serait bien capable de te sortir l'un de ses discours sur les âmes sœurs, tss.
Si tu n'as même pas le droit d'être juste un bon ami, hein.
- Écoute, je ne suis pas sûr d'être bien placé pour jouer les conseillers conjugaux et te dire de suivre ton cœur serait bien trop gnangnan... Mais en même temps, l'amour n'est-il pas la chose pour laquelle on peut se permettre de faire et dire des trucs niais ? Si tu l'aimes, cette fille, alors fonce. Après tout, on a qu'une seule vie. Il vaut mieux tenter que de regretter, mais c'est juste mon avis, tu es le seul à pouvoir décider au final.
Tu termines ta tirade avec un haussement d'épaules en regardant de nouveau ailleurs, mais par tact cette fois.
Tu sais que Bubble est en train d'accomplir son job de thérapeute pokémon avec votre nouvel camarade et tu le laisses faire, il est sans doute beaucoup mieux placé que toi pour soutenir et réconforter.
- Et donc, tu es plutôt violon ou piano ? A moins que tu caches bien ton jeu et que ce soit guitare électrique ou batterie ?
Tu te retournes quand même vers Numéro 19, le regard quelque peu taquin pour ne pas laisser un silence inconfortable s'installer.
Ouais, détendre l'atmosphère quand tu es de bonne humeur comme aujourd'hui, tu sais faire.
Ludwig E. Winter
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Messages : 115 Née le : 26/11/1997 Age : 26 Région : Lumiris Pokédollars : 1218 Stardust : 470 Stardust utilisés : 265 Equipe pokemon : Icone :
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Vos traumas, ils se ressemblent, non ? L’hôpital. C’était ce mot qui m’avait marqué, oui. Parce qu’il te rappelle des souvenirs probablement trop sombres. Tu n’as pas eu l’honneur d’être très présent pour ta sœur après son accident, et tu t’en voulais. Tu t’en voulais, tellement, tellement, tellement, Ludwig. Tu étais avec Béatrice. Où est-elle, Béatrice, maintenant ? Elle est contre toi. Oh, elle dirait sans doute que tu la remplaces avec une fade copie d’elle. Avec Alex. Mais Alex, elle, elle comprenait bien tes maux. Tes songes. Tes doutes. Ces trois tourments qui ne partent que de toi-même. La moindre des choses était de lui déclarer ta flamme, de lui dire ce que tu avais sur la conscience. Étais-tu fou ? Fou de ressentir quelque chose d’aussi fort, quelque chose que tu avais promis uniquement à Béatrice, pour une autre femme ? Tu y voyais tant ton reflet, que tu voulais la protéger de ce qui t’effrayait autant.
Numéro 18 ne semblait pas trop comprendre où tu voulais en venir – c’était surtout ta fichue anxiété qui parlait. Et ça t’agaçait de paraître aussi fragile, vulnérable, devant un parfait inconnu. Pouvait-on cependant réellement t’en vouloir, Ludwig ? Parce que tu étais tellement stressé que tu recherchais désespérément la validation et la rassurance d’autrui. Peut-être un peu pathétique comme comportement, tu savais l’avouer en temps et lieux. Mais en ce moment, tu cherchais surtout à te retrouver, répondre à tes craintes en posant de bêtes questions.
Il était un peu sarcastique, bien qu’il gardait son côté joueur. Ça t’embarrassait – mais voyons, qu’est-ce qui te prenait de poser une telle question ? À quelqu’un que tu ne connaissais pas, en plus. C’était gênant, et tu venais tout juste de t’en rendre compte. Tes joues pâles se teignaient de rouge. Mais pourtant ? Il te confirmait que tu faisais la bonne chose. Fonce, Ludwig. Dis-lui enfin que tu l’aimes, à la fin. Et au pire, le pire qu’elle te dira, c’est ‘non’.
Tu esquissais l’ombre d’un sourire alors que tes mirettes d’amazonite déviaient doucement sur ton collègue de la journée.
« Merci beaucoup. »
Ah, oui, c’était tout ce que tu trouvais à dire. Parce que la timidité prenait le meilleur de toi, et tu ne trouvais qu’à venir doucement jouer avec une de tes mèches cendrées qui cascadaient contre tes épaules. D’ailleurs, Bubble venait se poser sur tes genoux, et semblait vivre sa meilleure vie alors qu’il était lové contre ton ventre. Tu venais prendre le petit lézard dans tes bras dans une chaleureuse étreinte; il te rappelait un peu Puppy, ah, si seulement tu pouvais cajoler ton Axoloto, il serait aux anges…
« On dit que je suis un musicien qui se lit comme un livre ouvert, mais tu as tord sur toutes tes suppositions. Je me spécialise surtout avec l’orgue… Mais vois-tu, c’est difficile de condenser un orgue sur une telle scène, donc pour aujourd’hui, ce sera le piano. »
Tu ricanais tout légèrement. À vrai dire, ça te manquait assez de jouer de l’orgue à l’Église. Surtout de voir le regard beaucoup trop fier de ta maman, son regard d’émeraude larmoyant alors que tu jouais avec ton cœur. Malgré tout, tu avais toujours joué avec ton cœur et ta passion. Jusqu’à l’accident.
Tout te rappelle Ingrid, ici, n’est-ce pas ?
« Si tu me demandais de deviner, avec ton style, j’aurais dit la guitare électrique. Mais je n’ai pas tendance à me juger sur les apparences; contrairement à l’astrologie, le talent musical n’est pas toujours lié à l’énergie qu’autrui dégage. Alors je ne sais pas trop, et je ne m’avancerai pas en assomptions, mais si tu veux partager, j’en serais ravi. »
Tu ricanais légèrement.
« Si je peux faire des assomptions, par contre, c’est que tu es un signe de Terre. J’ai l’impression que tu es solide dans ton énergie, une très grande qualité recherchée pour les artistes. Je t’envie presque, j’ai tendance à avoir la tête dans les nuages… »
Tu rougissais, en faisant un petit signe de la main. Un doux ricanement rassurant éclairait la pièce, alors que tu abaissais ton regard sur Bubble.
« Pardon ! L’astrologie me passionne, j’ai tendance à analyser un peu tout et rien par moments… Et faire quelques assomptions. Sans me vanter, j’ai souvent raison, et je crois que c’est ce qui me pousse à continuer de m’y pencher. »
Malgré que vous étiez dans la buanderie, tu entendais un tonnerre d’applaudissements ainsi que la foule s’agiter. C’était ton indice comme quoi le spectacle était sur le point de commencer – si même, ce n’était pas déjà le cas. Quel dommage. Tu aurais préféré passer le reste de ton temps avec ce Numéro 18. Instinctivement, tu sautais de ton perchoir, toujours en gardant le Larméléon avec toi – visiblement, il était déterminé à ne pas te laisser partir !
« Je pense que c’est le moment, Numéro 18. On ferait mieux d’y retourner avant qu’ils ne nous disqualifient… »
Rejoins la famille !
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