Un parc ensoleillé, une pelouse impeccable, un petit vent frais et les dernières chaleurs de l’automne. Il y avait encore beaucoup de promeneurs bien que plus un seul n’arborait un simple T-shirt ou un short, mais plutôt des blousons et de rares écharpes. Mais ce n’était pas encore l’hiver et il fallait donc profiter de la douceur du temps avant que l’hiver ne fasse tout cesser.

Un petit groupe s’était formé et de la musique émanait du centre des badauds ainsi rassemblés. Une musique dynamique, rock’n roll. Ce n’était d’ailleurs pas la seule chose qui semblait sortir du groupe car parfois des étincelles, comme de petits feux d’artifice bondissaient au-dessus des têtes ainsi que des cris de surprise, des rires et des applaudissements.

L’origine de ce joyeux tumulte n’était personne d’autre que Camille et Milo, ou plutôt Fraise et Chocolat, le duo de coordinateurs magiciens. Dans sa tenue victorienne quelque peu steampunk, Camille faisait ses cambrioles avec un grand sourire, ses cheveux teints, un côté en rose l’autre en marron, étaient maintenu en place par une queue de cheval large et ses yeux bicolores comme ses cheveux regardaient la foule avec une expression taquine.

A ses côtés, dansant avec elle, Milo portait un col de chemise ainsi que qu’un petit nœud papillon noir. Il venait juste de disparaitre dans un nuage de fumée plein d’étincelle pour réapparaitre dans le cou de sa dresseuse, s’asseyant sur son épaule comme s’il s’agissait d’un plateau. Son équilibre était impeccable et aucun des deux ne tremblait malgré la position précaire de l’Evoli.

Le petit Pokémon bondit dans la foule suivit de sa dresseuse qui tourbillonne sur elle-même. Elle s’arrête net devant un garçon qu’elle salut bien bas en penchant son buste vers l’avant. En se redressant, elle lui attrape la main et l’entraine d’un rock’n roll endiablé, le faisant tourner et virevolter sans que l’inconnu ne puisse comprendre ce qui lui arrive.

Elle finit de libérer son cavalier un peu tremblant et un tonnerre d’applaudissement accueille la fin de la démonstration car non seulement Camille a su danser avec brio le rock avec un parfait inconnu, mais surtout, le t-shirt du garçon à changer de couleur pendant la démonstration. Un truc standard pour la jeune muette qui récupère la main de l’inconnu et salut la foule avant de le montrer des deux mains puis de présenter Milo qui lui saute dans les bras.

La foule se disperse pendant que Camille reste près de l’inconnu. Elle lui tend une serviette ou plutôt lui pose sur la tête pour lui obscurcir la vue. Lorsque la serviette tombe, son t-shirt est redevenu de la bonne couleur et le tissu est un peu humide. Camille fait disparaitre la bouteille d’encre magique dans sa malle avant que le garçon ne puisse le voir et le regarde maintenant en souriant.

Camille était assez satisfaite de son effet. Le public avait apprécié la prestation et avait applaudi avec une certaine ferveur le dernier tour. Il y avait deux trois trucs à revoir, comme la partie danse. Mais cela dépendait beaucoup du danseur. Aujourd’hui, le garçon n’était pas très débrouillard mais au moins il avait suivi docilement les mouvements que lui impulsait Camille. Parfois, le cobaye résistait et c’était presque impossible de danser avec lui. Dans ces cas, Camille changeait de partenaire mais c’était toujours frustrant.

Pendant la danse, Camille avait aussi raté une partie du dos du garçon. Fort heureusement, le dos ça ne se voit pas. Et le garçon avait l’air assez naïf pour ne pas se rendre compte de la manœuvre. Les magiciens adorent les gens naïfs. Pas forcément bête, mais naïf.

Le garçon enleva sa serviette au moment où la jeune fille avait fini de retirer le colorant du vêtement. Elle ramassa la serviette d’une roue, un geste inutile mais Camille aimait faire des pirouettes et le garçon avait le droit à un peu plus de spectacle.

De nouveau sur ses pieds, Camille secoua la serviette sale et une nouvelle serviette propre tomba et la jeune fille l’attrapa élégamment. Elle faisait la même taille que la sale et Camille fit mine de s’essuyer le front délicatement avant de la tendre avec grâce au garçon et une révérence.

Elle sourit à la question du jeune homme. Un magicien ne révèle jamais ses tours c’est pourtant connu. Faisant apparaitre une carte dans sa main, elle la tendit au garçon. La carte était rose avec des arabesques marrons. Deux médaillons, un représentait Camille mais dans sa tenue de spectacle, les cheveux roses et marrons, le sourire mutin, les yeux bicolores avec au-dessus marqué Fraise en grand et en-dessus en petit, Camille Gutenberg. L’autre représentait Milo, un haut de forme sur la tête et un petit nœud papillon. Au-dessus était marqué Chocolat, en dessus Milo.

Juste après votre, une autre carte apparut dans son autre main et elle la tendit tout autant au garçon. Toujours rose avec les écrits en marron d’une police liée et élégante. Merci pour votre participation. Voudriez-vous une glace ? [/color]

Le garçon semblait un peu désarçonner mais qui ne l’était pas. La jeune fille peu loquace était indulgente et souriait tendrement au jeune homme alors qu’il cherchait quelque chose dans son sac. Camille attendit, légèrement penchée vers l’avant, les mains dans le dos.

Elle fixait le jeune homme comme une mère regarde un enfant qui va lui montrer son nouvel insecte de compagnie ou la curiosité qu’il a trouvé le matin. Elle était un peu déçue car le garçon paraissait intelligent mais ne s’était pas présenté. Mais avec l’expérience, elle avait découvert que si la question n’était pas clairement posée, les gens ne pensaient pas à répondre à sa carte de visite par leur propre nom. Peut-être que c’était elle qui s’y prenait mal.

Finalement, le jeune homme sortit un carnet ce qui rendit la bicolore perplexe. Un stylo, c’est raccord, mais pourquoi faire un carnet. Il trouva une page vierge et commença à griffonner dessus. Camille lut au-dessus du carnet et à l’envers et sourit doucement avant d’être secouer d’un éclat de rire silencieux. C’était amusant qu’il décide d’écrire pour lui répondre.

Il recommença à gribouiller quelque chose. C’était un bonhomme : Leonard. Et une étoile : Esmeralda. Le visage de Camille s’illumina sincèrement. Elle montra le dessin puis le jeune pour avoir confirmation des identités. Il était adorable ce garçon. Elle signa des mains un remerciement avant de signer qu’il n’avait pas besoin d’écrire car elle pouvait l’entendre. Mais à l’expression du garçon, elle comprit que sa tentative de communication par la langue des signes était vouée à l’échec.

Elle prit délicatement le carnet dans sa main droite en interrogeant le garçon du regard et le stylo dans la main gauche. Elle écrivit sa réponse. Je t’entends quand tu parles et je te comprends aussi. Mais c’est mignon de parler par écrit. Elle mit un petit cœur à la place du point du i de mignon. Elle rendit le carnet à Leonard avec un clin d’œil.

Elle lui fit signe d’attendre un peu le temps pour elle de finir de ranger ses affaires dans son sac. Puis elle glissa sa main doucement dans celle de Leonard. A ce moment, Milo, son Evoli, apparut sur l’épaule du garçon, et bondit sur celle de sa dresseuse.

Une fois en position, Camille entraina avec énergie et une certaine impatience Leonard dans les rues de Fort des Songes. Elle le mena jusqu’à un petit café discret où il y avait encore des places de libres. En entrant, Camille fit un signe de la main au serveur derrière son comptoir qui le lui rendit avec un grand sourire. Sans attendre, elle se dirigea vers une table et s’y installa comme chez elle.

Le serveur arriva rapidement avec deux cartes et en donna une à Leonard avant de se tourner vers Camille. Comme d’habitude, j’imagine pour toi. Camille hocha la tête avec un grand sourire. J’ai pas entendu ta réponse, tu peux la répéter plus fort ? Camille tira la langue à la taquinerie du serveur qui répondit avec un éclat de rire. Je suppose que tu viens de faire une représentation vu ta tenue, bien que tu sois assez loufoque pour t’habiller comme ça tous les jours.

Pour toute réponse, Camille lui fit une grimace en louchant et tirant la langue. Je laisse ton ami choisir et je reviens vous voir tout de suite après.

De nouveau seuls, Camille ramena son attention sur Leonard. Elle refit apparaitre sa carte et designa le mot magicienne puis se montra elle. Enfin elle montre Leonard comme pour lui poser la question.

Camille écouta Leonard en le fixant intensément. Ses yeux ne quittaient pas ceux du jeune homme et bien souvent cela perturbait les gens qui ne la connaissait pas. Un sourire sur les lèvres, la tête appuyée sur ses deux mains, elle avait pris l’habitude de faire cela pour écouter les gens. De toute manière, elle ne pouvait que les écouter de toute manière. Ce qui rendait les têtes à tête toujours un peu gênant. Depuis toute petite, Camille avait toujours été dans des groupes, servant d’appuis ou d’oreilles attentives aux autres. Elle ne saurait dire si ses amis étaient vraiment des amis ou juste des personnes l’accueillant dans leurs aventures puisqu’elle ne gênait pas. Mieux encore, elle écoutait en cours et prenait d’excellentes notes.

Elle fit signe au Stari qui se manifesta comme étant la mystérieuse compagne. Elle trouvait l’idée intéressante. Puis hocha la tête pour confirmer qu’elle parlait la langue des signes. Pour accentuer le fait, elle lui expliqua en signant que lui, lui avait donné une idée pour communiquer. Une idée bête comme chou et simple mais qui ne lui était jamais vraiment venu à l’esprit.

Puis elle sortit son téléphone et tape quelque chose dessus. Je peux écrire. Et si u veux, je peux t’apprendre. Mais c’est long.

Elle montra son message à Leonard puis recommença à écrire. Je viens d’Hoenn et toi ? Je veux devenir coordinatrice, comme à la télé. Si tu as choisi, il faut appeler Philippe.

Elle montra de nouveau puis réfléchie un instant. Si tu veux apprendre, il faut qu’on se voit longtemps ou souvent. Et que tu travailles dans ton coin en mon absence. Elle sourit au jeune homme. Ce serait sympas qu’elle puisse avoir quelqu’un avec qui communiquer facilement.

Le dénommé Philippe revint prendre la commande et repartit. Quand il revint, il apporta la commande du jeune garçon et une coupe de glace avec trois boules : chocolat, vanille et fraise. Le serveur sortit une bombe de chantilly de derrière son dos. Un peu de chantilly mademoiselle la bavarde ? Camille avait déjà porté sa cuillère à la bouche et se jeta en protection autour de sa coupe ce qui fit rire le serveur. Il repartit et Camille se repris une cuillère et ferma les yeux de plaisir. C’était toujours les mêmes glaces et les mêmes parfums, mais elle l’adorait toujours autant.

Elle prit son téléphone et retapa quelque chose. C’est la meilleure association du monde. Mais il n’était pas question qu’elle fasse gouter Leonard.

Camille rougit un peu. Ce ne serait pas la première fois qu’elle apprendrait la langue des signes à quelqu’un, mais d’habitude, c’était des amis qui apprenaient petit à petit, au cours des conversations. Ou alors qui suivait un cours particulier avec un vrai professeur. Ce qui n’était pas le cas de Camille. Un vrai professeur pouvait associer le mot avec le geste, ainsi que les formulations orales des phrases. Camille devra certainement devoir taper les phrases puis les signer en montrant chaque mot. Elle n’était pas sûre d’être vraiment douée pour ça. Mais le garçon le demandait si gentiment.

Mais Leonard était charmant et gentil, donc elle pouvait essayer. Si ça ne prenait pas, au moins elle aurait passé du bon temps avec quelqu’un. Elle se mit à taper sa réponse.

Oui j’ai dû temps, de toute manière, je n’ai nulle part où allait pour l’instant. Je squatte le Centre Pkmn. Tu peux finir, il reste de la place dans les dortoirs.

Montrant son premier message, elle inspecta la coupe de glace de Leonard. Glace à la menthe. La jeune femme fit une grimace. Une boule, et à la menthe en plus. Quelle disgrâce.

Elle se remit à taper un message. Ce ne sera vraiment pas facile d’apprendre. Même avec un bon professeur, ce n’est pas aisé, mais j’ai aussi un défaut en plus. Je ne bouche pas les lèvres.

Camille pourrait faire l’effort de bouger les lèvres en signant, on le lui a souvent demandé. Mais dans ce cas, elle ne se fatiguerait pas à signer, elle parlerait directement. Si elle ne parlait pas, c’est parce que les vibrations dans sa gorge et l’effort demandé l’ennuyaient et qu’elle ne supportait pas le son de sa voix. Donc, son mutisme était autant un confort personnel que de la paresse. Bouger les lèvres entrait dans le domaine de la paresse.

Pourquoi tu prends de la menthe ? C’est pas bon. A peine montrer, elle écrivait déjà une autre réponse. C’est où Sunrya ? C’est loin ? C’est joli ? Ils font des glaces ?

Camille commença à montrer son message mais ramena son téléphone pour compléter. Ils vendent des ombrelles ?

Le sourire du jeune homme était adorable et Camille ne pouvait s’empêcher de sourire en retour. Elle avait l’impression qu’ils avaient toujours été amis et alors que Leonard répondait aux questions, c’était comme si Camille était revenue dans le passé, quand elle était avec ses amis et qu’elles allaient à une terrasse pour boire ou manger pendant qu’elles lui racontaient leur malheur, leur joie. Ce n’était jamais de vraie discussion, puisque Camille ne répondait que par geste simple ou en langue des signes quand l’autre la comprenait. Mais Camille aimait bien les histoires.

La jeune magicienne fit une grimace quand Leonard lui dit que la menthe était sa glace préférée. Non, vraiment, ce n’était pas son truc. Mais elle n’avait en réalité jamais gouté, ou en tout cas, pas depuis qu’elle avait eu le bonheur de goûter à de la Néopolitain.

Elle se pencha sur la carte tout en mangeant sa glace avec délice. Elle vit la distance entre les deux villes et put une fois de plus admirer la carte du pays.

Elle se rassit au fond de sa chaise. Alors on ira à Sunrya. Pendant le trajet en bateau jusqu’ici, j’ai fait une petite représentation et un coup de vent a emporté mon ombrelle au large. Je n’en ai pas trouvé de semblables dans le coin. Regarde.

Après avoir fait lire le message au garçon, elle lui montra des photos. Le décor était une cuisine, celle de chez elle à Hoenn. Elle était en tenue de spectacle, les cheveux et les yeux bicolores, la tenue victorienne, et une ombrelle de dentelles rose à la main. Je m’en sers pour certains de mes tours et pour des acrobaties. Mais comme je ne l’ai plus, j’ai perdu une partie de mon répertoire et je n’en trouve pas dans la ville.

Elle montra le message. Et concernant les glaces, c’est parce que j’adore ça. Elle sourit au jeune homme de toutes ses dents en lui montrant le message.

Elle commença une autre réponse lorsque son regard se perdit dans l’écran de télévision de l’autre côté de la salle. Elle resta immobile à le regarder avec des étoiles dans les yeux. C’était une annonce pour la prestation du dimanche, un gala particulier car il y aura plein de grands noms de la coordination. Quand la publicité finit, Camille repris l’écriture de son message.

Quand on aura fini, on pourra aller au centre Pokémon, déposer nos affaires et si tu veux je pourrai commencer à t’enseigner la langue des signes. Ce sera plus simple pour la suite.

Le jeune fit une proposition qui surpris Camille et lui fit froncer les sourcils de perplexité. Elle se demanda s’il n’était pas un peu simple. Ce n’était pas une remarque méchante dans son esprit, mais elle s’interrogea tout de même sur les capacités intellectuelles du jeune homme. Peut-être que lui apprendre la langue des signes allaient être plus compliqué que prévu s’il était aussi rêveur que cela.

C’est gentil, mais elle est certainement au milieu de l’océan avec plus de chance d’arriver à Hoenn qu’ici. Mais si son ombrelle la manquait, ce n’était pas si grave, car elle pouvait se remplacer.

Camille recula sa tête et son coupe en faisant la grimace et un non de la tête quand Leonard lui proposa de goûter sa glace à la menthe. La magicienne protégea jalousement sa coupe comme si le jeune homme allait essayer de lui voler ou de mettre sa glace dedans.

Après le spot publicitaire le jeune homme proposa de rester plus longtemps, mais la jeune fille ne comprit pas où et quel spectacle. Elle tenta quelque chose. C’est un spectacle qui aura lieu dimanche.

Puis la lumière se fit dans son esprit. Tu veux aller à Sunrya ? Est-ce que ce garçon voulait vraiment l’emmener avec elle ? Elle trouva ça très gentil et adorable. Elle aurait volontiers dit oui, cependant…

Par contre, je ne peux pas encore quitter Fort des Songes. J’ai des trucs ici à faire ici.

Ils finirent leur glace et payèrent. Camille commença à enseigner la langue des signes à Leonard en lui apprenant le bonjour, et autre formalité, puis des mots, comme glaces, chaussure. Elle dut lui expliquer l’alphabet et que pour les prénoms, soient on épelait le prénom, soit on en trouvait un autre. Elle épela le sienne et celui du jeune homme, puis elle lui donna son nom en signe. Camille avait décidé de s’appeler deux couleurs de cheveux. Elle proposa un signe pour appeler Leonard. Elle ne lui dit pas tout de suite que ça voulait dire tête dans les nuages.