Le Velvet Café de Mirawen. Un endroit chic et relaxant. Un espace de détente où la crème de la crème avait l’habitude de venir savourer le café le plus coté de tout Lumiris Sud. Torréfié avec soin, il s'accompagnait de pâtisseries artisanales d’exception, qu'on dégustait en discourant "avec sagesse" sur les derniers ragots de la région.
Astelle se sentait pousser des ailes. Elle avait toujours espéré y aller. Une lubie qui lui aurait été difficile à réaliser : les tarifs étaient drôlement élevés pour son petit salaire de stagiaire à la Dracoposte. Pourtant, par gourmandise, elle avait tenu bon ! Économisant petit à petit. Se contentant de salades légères, le midi, quand Manon dévorait juste sous son nez d’énormes Berryburgers ruisselants de graisse dorée !
La petite postière avait accumulé un timide pécule de 762 pokédollars.
…et aujourd’hui, après avoir voté assidûment, semaine après semaine, elle atteignait finalement son objectif.
Savourer un café noir dans une ambiance adulte. Rien que l’idée la faisait rêver ! En écoutant un morceau de jazz relaxant. C’était bien de la musique d’adulte branché ? Oui, hein ? Peut-être même faire la rencontre d’un charmant monsieur au chapeau melon, qui lui adresserait un compliment sur son élégance et sa maturité ? Quelque chose du style…
« Vous êtes comme une fleur fraîchement éclose, maaaademoiselle*, et le seul parfum de votre nectar** suffit à combler de mille plaisirs mon cœur de vieux Charmillon harassé... »
*à prononcer avec un accent Kalosien à couper au couteau pour coller à la représentation que se fait la jeune fille de la scène.
**distraitement, Astelle réalisait qu’elle ferait bien de contacter l’Inspecteur Callaghan tout de suite si quelqu’un lui disait vraiment ça un jour...
Le regard rêveur, la petite postière vérifia sa tenue, puis recoiffa attentivement les boucles qui rebiquaient sous sa casquette. Mini-senpai était fidèle au poste, en train de roupiller sous son couvre-chef ! ...mais sûrement qu’il se réveillerait pour tremper le museau dans sa tasse de café. — A-allez… s’encouragea nerveusement la jeune fille. Aujourd’hui, Astelle… tu deviens une vraie femme*** !
***encore une déclaration inquiétante… allez comprendre pourquoi elle espérait qu’un petit moment chic et adulte dans un café provoquerait soudain chez elle une Explosion de Féminité digne d’une Méga-Evolution. C’est qu’elle devait vraiment être désespérée…
Se composant une expression qu’elle espérait mature, mais qui plissait surtout sa bouche à la manière d’un petit bec de Couaneton, la jeune fille poussa la porte du Velvet Café. …sans même prendre la peine de lire l’écriteau spécial à l’entrée :
« Journée Spéciale : Double-Trouble ! » Combats à la Carte, amenez vos pokémons !
L’ambiance du café était… un petit peu curieuse. Les gens s’installaient par paires… et beaucoup portaient la casquette. (Est-ce que c’était redevenu à la mode ? Astelle se sentit soudain en confiance, affublée de son couvre-chef de petite postière !)
Désireuse de ne pas se faire remarquer, la jeune fille trouva une table, occupée par une jeune femme qui n’était pas beaucoup plus âgée qu’elle, et lui demanda poliment si elle pouvait s’installer à ses côtés.
Lyanora M. Caelum
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« Oui ! Grand bien vous fasse. » dis-je en souriant à cette fille qui m’adressait la parole. Une inconnue. J’aurais presque pu croire à une quelconque admiratrice tant la demande avait été polie. Peu de gens étaient aussi polis. Pendant un moment, je restai là, les bras ballants à la regarder, à examiner si elle m’avait choisie parce qu’elle m’avait déjà vue. Rien ne me venait. J’acceptai tout bonnement qu’il s’agissait d’une étrangère. Une étrangère extravertie qui avait l’approche facile, mais une étrangère tout de même. Je lui fis un petit sourire en portant à nouveau mon regard, évasif, sur cette tasse que je caressais du bout des doigts. Qu’avais-je donc ? Qu’est-ce que cette Lyanora souriante et insouciante pouvait donc connaître comme tracas ruminer le parfum de son délicieux latté au caramel duquel une douce vapeur s’évadait toujours. En vérité, il n’y avait pas bien longtemps que j’étais arrivée et que j’avais pris place. À peine une dizaine de minutes avait séparé mon arrivée de celle de cette jeune fille. Une dizaine de minutes à broyer du noir. Pourquoi cette fois ? « Vous saviez que le lait de barbe à papa n’était qu’un mythe ? » dis-je d’un ton boudeur. Si elle ne le savait pas, j’avais le plaisir de le lui apprendre d’une façon bien plus gracieuse que ce serveur ne l’avait fait pour moi. D’où me venait ce folklore ? Qui en était responsable ? Mon père. Mon père qui versait du lait de barbe à papa dans mes céréales pour que je mange tout. Un lait plus sucré, plus doux pour mon palet qui ne raffolait pas du lait d’Écremeuh.
J’étais bien piteuse, assise à cette table et nul doute n’existait que j’avais un besoin éhonté de passer à autre chose, de discuter, de rencontrer, de juste passer à la serviette et d’oublier cette nostalgie qui avait attaqué mon cerveau dès l’instant où j’avais mis les pieds à Mirawen. J’imagine que d’une façon, cette ville me rappelait Jadielle, ma ville d’origine et que les effluves de café m’avaient bordée jusqu’à ce doux lit somptueux qu’était mes souvenirs d’enfance. Je pris un grand souffle et portai la tasse à mes lèvres pour la première fois. C’était bon, ce n’était pas le problème. Ça manquait de fantaisie. Ça manquait de tous ces éclats de rire et ce bonheur qu’il y avait dans mes mémoires. Je relevai les yeux vers cette visiteuse inconnue, lui montrant un coin de sourire. « Pardonnez-moi, ça ne vous intéresse probablement. Je suis simplement un peu frustrée. Je découvre que mon père m’a possiblement menti et je ne parviens pas à apprécier le moment… et ça me frustre. » C’était probablement la frustration la plus mignonne qui soit, et de loin devant chacune de celles que j’avais pu voir ou expérimenté.
Je raffermis la poigne que j’avais autour de la tasse, mes doigts tournèrent au blanc. Je serrais trop fort, mais j’étouffais simplement mon caprice. Même si ce qui me fâchait était davantage la désillusion que la non-satisfaction de ma demande. Il aurait simplement pu dire « Non, on n’a pas ça ici. » plutôt que de se moquer de moi avec sa condescendance « Bah oui, laissez-moi le temps de traite ce truc hyper sec et j’vous fais ça sans soucis. » Je l’aurais mordu. J’aurais aimé le mordre. Vraiment. Fermement, mais ça ne se faisait pas. « Navrée, vraiment. J’en ai oublié les bonnes manières, je suis Lyanora. » Du coin de l’œil, je vis ce serveur arrogant se pointer le bout du nez, se diriger vers nous. Il allait demander son choix de menu à ma nouvelle « amie », si tant était qu’elle en était une. Je souris. « Laissez-moi vous l’offrir pour pardonner mon attitude. » Un léger silence s’ensuit. Je pouvais entendre sa nervosité soudaine, comme s’il sentait que j’allais lui passer la pire commande qui soit. J’allais le faire. Dès qu’il ouvrit la bouche. « Je vois que vous êtes deux maintenant, vous savez qu’aujourd’hui cette notre spécial d… » Il ne put finir. Ça ne m’intéressait pas. Mon regard se figea dans ses yeux. « Elle prendra un macchiato fouetté à la vanille et à la cerise avec une dose d’espresso et demi-cuillère à table d’extrait de cacao. Un soupçon de crème fouetté avec cerise, ananas, menthe et cannelle comme décoration. Le tout en décaféiné et, surtout, n’oubliez pas d’ajouter un peu de lait de coco. Merci. »
Confiante, je ramenai mes yeux vers l’étrangère, m’excusant du regard d’avoir ainsi décidé pour elle. Je pestais quand on le faisait pour moi. « Bien… donc comme je disais, c’est le spécial double-trouble. Dès lors que vous consommez toutes les deux, il faut affronter notre équipe de serveur en combat double. Il y a de belles récompenses à la clé. » Si j’avais été un cheval, j’aurais piaffé. Je pestais intérieurement. Il avait encore gagné et il le savait. Son clin d’œil voulait tout dire. Il m’avait enlevé l’envie de parler, je ne savais plus quoi dire. Je ne savais plus quoi faire. Devais-je m’avouer vaincue ? Sauf s’il faisait partie de cette équipe ? Sauf si je pouvais le battre moi aussi ? « Ça vous inclut ? » Il sourit. Ça veut tout dire. Je pourrai l’humilier à mon tour. « Comptez sur nous ! » dis-je sans consulter l’inconnue. Elle ne pouvait plus dire non. Malgré elle. Je me tournai vers elle et je lui fis le plus doux des sourires, espérant qu’elle comprenne et qu’elle me suive sans hésiter. On ne se connaissait pas, notre synergie serait forcément nulle… ça ne me dérangeait pas. Tant que cet homme morflait sans que j’aie à lui infliger des blessures physiques. C’est son orgueil que je visais. Son caractère pédant et provocateur n’en serait qu’impacté.
Je ne connaissais pas les « battle cafés », mais apparemment, j’en avais rejoint un.
Astelle Dumas
Dresseur·euse Pulsar
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Youpi, la jeune dame acceptait sa compagnie ! Ceci dit, maintenant, il lui faudrait faire bien attention à rester chic. Astelle posa délicatement ses mains contre le dossier de son siège. C’était du bel acajou précieux, un bois un peu lourd, dont il fallait prendre soin. Elle tira la chaise afin de s’installer et scrrrrrrouiiiiiiiiiiiiiiic… en fit grincer le pied contre le parquet. Silence. Tous les regards se tournèrent vers elle. Pétrifiée. Morte de honte. La petite postière termina de prendre place à toute vitesse, si vite qu’on aurait dit que de petites ailes lui avaient poussées sur le popotin.
Pendant ce temps, sa voisine de table, qui l’avait si gracieusement invitée à la rejoindre… faisait la moue. Ouuups, sûrement regrettait-elle déjà de l’avoir autorisée à s’asseoir... Le visage d’Astelle se décomposa. C'était normal que cette jeune dame très distinguée préfère l’ignorer et se perdre dans ses pensées… La petite postière n’était vraiment pas à sa place ici ! Sa paysannerie devait se sentir jusqu’à l’autre bout du café !Est-ce que les gens fronçaient les narines ? Est-ce qu’elle embaumait la campagne profonde !? Confuse et éperdue, la jeune fille releva brusquement la tête quand sa voisine fit mine de s’adresser à elle. Pour être tout à fait honnête, Astelle s’attendait à ce qu’on l’invite à retourner dans son patelin, et d’y boire du lait Meumeuh à même le pis : que c’était bien assez bon pour elle !
— Vous saviez que le lait de barbe à papa n’était qu’un mythe ? — Le Lait de Barbe à Papa…? répéta soigneusement la petite postière en clignant des yeux. Elle n'avait rien compris à la question, mais était tout de même bien soulagée qu'on ne lui demande pas de fiche le camp ! Pas tout de suite, en tout cas... Néanmoins, sa curiosité était piquée. La jeune fille resta songeuse un moment… — Pardonnez-moi, ça ne vous intéresse probablement. Je suis simplement un peu frustrée. Je découvre que mon père m’a possiblement menti et je ne parviens pas à apprécier le moment… et ça me frustre. …attentive au visage de son interlocutrice, à sa gestuelle et à ses mimiques, Astelle tâchait de recoller les morceaux de l’histoire. Manifestement, le papa de cette jeune dame lui avait fait croire qu’il existait une boisson appelée le Lait de Barbe à Papa.(Astelle trouvait ce nom super-mignon.) Et puisqu’elles se trouvaient dans le café le plus huppé de Lumiris Sud : la petite postière déduisit qu’on venait d'annoncer à sa voisine de table que le Lait de Barbe à Papa… ça n’existait pas vraiment.
Oooooh… Un sourire de tendre Doudouvet vint fleurir sur les lèvres d’Astelle.
Même si elle n’en possédait encore que quelques pièces, c’était déjà un puzzle adorable. Un papa qui préparait spécialement le lait du petit-déjeuner pour sa fille qui faisait un peu la difficile ? En donnant à cette boisson un sobriquet hyper-trop-chou ? Et voilà que découvrant cette petite tricherie, la jeune dame manifestait sa déconvenue en boudant d'une façonfollement attendrissante ? La petite postière couvait sa voisine de table d’un regard ému. — Navrée, vraiment. J’en ai oublié les bonnes manières, je suis Lyanora. — Je m’appelle Astelle Dumas, répondit-elle avec un sourire timide. C’est ma première fois, ici…
La jeune fille guetta la réaction de son interlocutrice, et n’y trouva pas la grimace de dégoût à laquelle elle s’attendait. Bien… !On dirait que la dénommée Lyanora ne rechignait pas à côtoyer la plèbe ! Astelle poussa un petit soupir de soulagement. Au contraire, même : au moment où le serveur lui apporta le menu, la jeune dame se rapprocha avec des airs de conspiratrice, ainsi qu'une proposition qui mit Astelle un petit peu mal à l’aise. — Laissez-moi vous l’offrir pour pardonner mon attitude. — N-non, je…
Astelle avait l’intention de refuser, gentiment, mais avec fermeté ! Elle avait économisé dur pour venir ici, pour se payer son petit moment de luxe et de caféine. Et elle n’aimait pas du tout cette manie qu’avaient les gens de vouloir lui faire des petits cadeaux. Imaginez si elle avait été un vieux motard barbu avec du poil au torse, est-ce qu’on aurait été si prompt à lui offrir sa consommation ? La plupart du temps, la réponse à cette question était : bien sûr que non ! Elle allait donc décliner cette proposition, néanmoins, lorsque son regard se posa pour la première fois sur le menu : Astelle fut bien trop choquée pour interrompre sa voisine de table.
La carte du Velvet Café lui paraissait venir tout droit d'une autre dimension. Astelle eut l'impression de se retrouver devant un de ces grands films de science-fiction qui vous conseillaient tout de suite de balancer votre sens commun à la poubelle, car le récit se déroulait : « il y a fort longtemps, dans une galaxie très, très lointaine ». Le menu lui faisait exactement cet effet-là ; le sens commun de la jeune fille plia bagage sans demander son reste. « A l’aide ! » s’exclamèrent silencieusement les yeux d’Astelle. Elle ne comprenait même pas la moitié de ce qui était inscrit à la carte ! Qu’est-ce que c’était que ces noms en charabia stylé !? Pourquoi est-ce que sous la catégorie Espresso, on retrouvait un « Makankosappo : Cannone Demoniaco della Luce Omicida Trapassante » !? Pourquoi on aurait dit le nom d’une attaque super-mortelle quand il s’agissait d’une simple tasse de café !
Tic, tac. Le regard aux expectations chafouines du serveur tomba sur la petite paysanne. Celle-ci déglutit. Elle n’était pas là depuis cinq minutes qu’elle allait déjà se rendre ridicule ! A tous les coups, elle allait bredouiller n’importe comment sa commande, et avec un sourire condescendant, le serveur lui ramènerait un lait à la baie frago ou un jus d’pomme, à boire à la paille, tandis que tout le monde autour d’elle dégusterait du café de luxe en affectant une élégance nonchalante ! Aaaaah ! Elle serait humiliée à vie ! Heureusement…
— Elle prendra un macchiato fouetté à la vanille et à la cerise avec une dose d’espresso et demi-cuillère à table d’extrait de cacao. Un soupçon de crème fouetté avec cerise, ananas, menthe et cannelle comme décoration. Le tout en décaféiné et, surtout, n’oubliez pas d’ajouter un peu de lait de coco. Merci.
Prince Charmant inopiné : Lyanora vint aussitôt à sa rescousse ! Les yeux d’Astelle s’emplirent instantanément d’étoiles. Véritable Magirêve de la commande en café, sa voisine de table prononça une incantation mystérieuse qui lui donna l’impression qu’on allait lui ramener toute une cargaison de fruits frais, avec des danseuses à gogo surnageant dans une crème dessert vanille-coco-chocolat. Elle n’était pas très sûre d’avoir envie de manger ça… mais elle était là pour l’expérience !
Honnêtement, à ce stade, Astelle avait accepté qu’un café chic, c’était bel et bien un Autre Monde. Et la suite des événements lui donna raison. L’employé leur annonça d’un petit air suffisant qu’il leur faudrait se battre pour mériter leur boisson. Rien que ça, oui.
La jeune fille regarda le serveur avec la fraîcheur d’un Poissirène échoué sur la plage depuis près de six jours.
Le monde des adultes chicos était vraiment sans pitié !
Astelle cligna des yeux en entendant qu’on l’inscrivait d’office, mais… Lyanora avait l’air très remontée contre cet employé. Aussi, lorsque sa voisine de table se tourna vers elle pour s’excuser d’un sourire, la petite postière le lui rendit très timidement. Elle ne comprenait pas tout à fait dans quoi elle s’embarquait, mais… ce monsieur n’était pas très poli, et c’était plutôt deux fois qu’une qu’elle acceptait d’aider la jeune dame à vider sa querelle !
Le serveur retourna au comptoir pour passer leurs commandes au barista, mais lorsqu’ils reviendraient… ce serait pour les défier les deux jeunes femmes en match duo pokémons ! Astelle décida de mettre ce temps à profit.
Elle commença par éplucher la carte, jusqu’à retrouver le petit encart publicitaire qui parlait de cet événement particulier. Apparemment, il y aurait jusqu’à trois combats en duo. On ne pouvait pas utiliser deux fois le même pokémon (qui se verrait offrir un délicieux dessert pour le récompenser de sa participation). Et en cas de défaite… …le visage d’Astelle perdit toute couleur.
— Je …en cas de défaite, il est écrit qu’on va devoir tester et noter les dernières innovations du cuisinier-stagiaire, parmi lesquelles : le clafoutis gingembre-bergamote, la crème-brûlée-pistache-brocolis et le mille-feuilles-au-durian-odorant, récitait la jeune fille d’une voix blanche, les yeux écarquillés sous l’effet de la terreur. Non-non-non… je me suis privée pendant des semaines pour venir ici, ce n’est pas pour manger du brocoli brûlé à la pistache… !
A la perspective d’être contrainte d’avaler une de ces horreurs, la petite postière inclina sombrement sa casquette sur son visage. Il était temps de passer aux choses sérieuses, son café de luxe et ses viennoiseries chics en dépendaient ! — Hors de question de perdre… maugréa-t-elle en dégainant son pokématos d’un geste sec, avant de lancer une recherche rapide sur le Réseau Dusk
Ses petits doigts agiles pianotèrent sur les touches de son appareil. Une moue concentrée sur les lèvres, Astelle partait à la pêche aux renseignements ! Si seulement elles pouvaient en savoir un peu plus sur le Velvet Café et sur l’événement, elles pourraient mieux préparer leur combat… L’information, c’était le pouvoir !
— Café de Combats, marmonna-t-elle, lisant à mi-voix le fruit de ses recherches. Nous y voilà… régulations sanitaires pokémons… « tout service de restauration doit proscrire la présence des pokémons du Type Poison et Insecte parmi leurs employés ». Que pouvait-on en déduire ? Comment exploiter cette information ? Ces deux Types étaient efficaces contre le Type Plante. Pouvait-on déployer des pokémons de ce Type avec moins de risques de rencontrer leurs faiblesses ? Mais Astelle n’aurait pas été surprise de rencontrer un cuisinier accompagné d’un pokémon Feu, ou un barista accompagné d’un pokémon Glace. La petite postière grimaça. Ce n’était pas suffisant pour faire des déductions efficaces. — Aaaah, si seulement j’avais le temps de creuser davantage… ! Il y a sûrement d’autres informations qui pourraient nous aider.
La commande d’Astelle fut déposée sur un plateau, et voilà que le serveur discourtois – en compagnie d’un barista patibulaire – s’en revenait déjà du comptoir ! Le début du match en duo était imminent. Lyanora aurait même l’occasion d’affronter sa Némésis dès le premier combat ! Se relevant, en faisant bien attention à ne pas faire grincer sa chaise cette fois, la petite postière s’empara d’une pokéball dans sa besace. En aparté, elle informa discrètement sa voisine de table du pokémon qu'elle choisirait pour ce premier combat.
En observant les dresseurs du Velvet Casé se rapprocher (ils avaient l'air déterminés et prêts à vendre chèrement leur espresso ! Sûrement qu'on leur avait promis un bonus en cas de victoire !), Astelle s’adressa à son alliée. — Après ce combat… je voudrais que vous m’en disiez plus, commença-t-elle en tournant un petit sourire de connivence à la jeune dame. Vous avez parlé d’un « mythe », n’est-ce pas ?
Sur le moment, elle avait été trop surprise pour réagir, mais… — Moi… je pense qu’un « mythe », c’est quelque chose de fabuleux. C’est l’opportunité de voyager. D’élucider d’antiques mystères. De faire de nouvelles rencontres ! Alors… si vous choisissez d’appeler la trouvaille de votre papa, « un mythe », ce qu’il vous a laissé, en vérité, plutôt que de la frustration et des regrets : c’est la promesse d’une grande aventure !
Il y avait comme une chaleur dans sa voix. Une passion à même de réaliser les rêves les plus fous. Peu importe si les gens se moquaient. Pour peu que vous choisissiez de la regarder ainsi : la vie elle-même était une aventure ! Romantique dans l'âme, on ne changerait pas Astelle Dumas. C'était une sacrée pipelette aussi, mais là non plus, on ne la changerait pas...
— Et puis, vous savez : les histoires, les contes et les légendes sont souvent basées sur un fond de vérité… Faites-moi confiance, en fouinant un petit peu, on devrait pouvoir retrouver s’il n’existe pas certaines recettes régionales qui correspondent à la boisson de votre souvenir, alors…
Elle adopta sa posture de combat, prête à lancer sa pokéball comme le ferait une petite joueuse de baseball sur le monticule. — Et si nous allions en chercher ? Du Lait de Barbe à Papa.
La jeune fille timide d’il y a quelques instants arborait un sourire intrépide. Qu’elle se passe « il y a fort longtemps, dans une galaxie très, très lointaine » ou ailleurs… Astelle Dumas serait toujours prête à partir à l’aventure !Et à chercher n'importe quel prétexte pour vivre sa vie à fond ! — Mais pour ça, il nous faut défaire les ennemis qui se dressent sur notre chemin ! ronchonna-t-elle avec une œillade farouche, destinée à ce serveur qui s’amusait manifestement aux dépends de sa gentille cliente. Pour qui se prend-t-il, ce butor ? Que le Lait de Barbe à Papa existe ou pas : ce n’est pas à lui d’en décider !
L’employé eut un sourire goguenard en sélectionnant sa pokéball. C'était là une attitude qui ne plaisait pas beaucoup à la petite postière.
— Voyons si vous vous amuserez toujours autant d’ici quelques minutes...
***
Astelle envoie Nigosier-sama au combat !
Barista & Serveur du Velvet Café veulent se battre ! (Je te laisse lancer 2d6 pour sélectionner les pokémons qu'ils envoient au combat !)
Lyanora M. Caelum
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Était-elle une espèce de sorcière comme l’on voyait dans les jeux vidéo ? Ces bardes futés qui trouvaient toujours les bons mots et les bonnes paroles pour motiver un autre personnage ? Cette moue déconfite que je tirais plutôt se laissait lentement baladée par ces paroles qu’elle disait. Crédules, mais excitantes. Intérieurement, je me projetais déjà à des milles. Loin devant ces employés scabreux qui nous dévisageaient avec affront. Sans m’en apercevoir, je m’étais levée, dominée par le pouvoir des mots qui avaient atteint ma tête comme s’ils avaient été des ordres. C’est vrai ! avais-je envie d’hurler. Si je voulais croire, si je voulais espérer. C’était ma besogne et il n’appartenait pas à un faible salarié de me dire que je n’étais qu’une idiote. Je laissai souffler une approbation sonore, un bruit buccal plein d’enthousiasme et de force. Je me surprenais, moi-même, à me croire aussi crédible. Ça ne m’arrivait jamais. Jamais je n’étais aussi sûre de moi, littéralement jamais. Une part de moi était possédée par la motivation et l’assurance de cette fille. Était-ce ça, le charisme ? Était-ce comme ça que tous ceux autour de moi y arrivaient alors que moi, je ne parvenais qu’à patauger entre ma bêtise et ma spontanéité irréfléchie ?
Je dévisageai les deux hommes un bref instant, perdue dans mes pensées, tentant de m’expliquer cette soudaine droiture. Pourtant j’observais la moindre nouveauté sur le sol du café. D’abord cet oiseau bleu au regard perturbé… et perturbant… puis ceux qui nous feraient face. Écremeuh et Capumain. En voyant ces trois Pokémons, j’eus une pensée pour ces pauvres concierges qui s’efforçaient de garder l’endroit bien rangé alors qu’il devait être saccagé à tout va. J’eus un bref sourire avant d’imiter mon binôme. Replaçant mon béret, je me saisis d’une balle et lancer avant que n’en sorte Pervane, ma Pomdrapi. Ün immense sourire sur le visage. Ce sentiment de puissance, de me sentir à ma place, de me sentir comprise me faisait un bien fou et plutôt que des moqueries du serveur, je continuais de me répéter ces paroles qu’elle avait dites. Il était qui pour décider de ce qui existait ou non. Je savais que ça existait. Mon père m’y avait fait goûter. Il ne m’aurait jamais menti. Pour m’avoir protégée toute sa vie si, à la fin de la journée, il me mentait allégrement. Je n’imaginais pas ce défaut à mon père. Il était honnête. Il était noble. Il était droit. Il était un gentilhomme. Un héros froid, par sa célébrité, mais ô combien chaleureux envers ses deux filles.
Un dernier regard vers ma partenaire et je souris. Bombant le torse. Pleine d’une confiance naïve que je lui remerciais de m’avoir conférée. « Vous verrez monsieur le serveur ! Vous avez pété plus haut que le trou. » Quelle provocation étrange. Tout le monde en Lumiris devait avoir une phrase de provocation bien à lui qui le faisait à toutes les sauces. Je n’en avais pas. J’avais simplement trouvé cette vulgaire insulte sur l’impulsion du moment. Une bien faible provocation par rapport à la haine que j’avais à l’endroit de l’homme. Bien faible, en termes de colère, mais emplie d’une vulgarité que je ne me connaissais pas. Je n’avais rien dit de bien hargneux, mais ces mots n’étaient pas partie intégrante de mon usuel lexique. « Pardonnez ma véhémence mademoiselle Astelle-Dumas. » lui chuchotai-je à l’oreille, comme si je devais m’excuser d’un immense manque de manières. Un bref clin d’œil et je me concentre sur les quatre Pokémons qui se dévisagent. Portant une attention particulière sur Pervane. De tous les Pokémons que je possédais, j’avais choisi la plus insubordonnée. De tous ces amis que je m’étais fait en route, mon dévolu s’était jeté sur l’espiègle dragon qui s’amusait davantage à me fuir qu’à se faire cajoler.
Un instant, je regrettai ma décision.
« Chère Pervane… sauriez-vous les clouer au sol ? » minaudai-je finalement à mon Pokémon avec cet espoir qu’elle daigne bien m’écouter. Je fermai les yeux brièvement, attendant son usuel grognement désapprobateur.
Il ne vint pas.
Comme si le fait de transpirer une certaine confiance lui imposait, soudainement, le respect. Comme si elle avait grandi, soudainement, dans le courant de la nuit. J’ouvris les yeux. Elle n’était plus là. Je sentis mon cœur se serrer. Avait-elle quitté les lieux ? Je commençai à chercher à gauche puis à droite. Je ne parvenais à la voir nulle part. Ma gorge se noua, empreinte d’une angoisse montante.
Toc.
Une pomme tomba sur la tête de l’Écremeuh.
Toc.
Une autre sur celle du Capumain. Je fichai mon regard vers le plafond où je découvris ma Pomdrapi, suspendue au lustre, se moquant. De moi ? Des hématomes qui se formeraient sur le crâne des deux bêtes ? Mon angoisse trépassa et laissa sa place à un immense sentiment de fierté. Si j’avais pu l’atteindre, je l’aurais serrée contre moi. Elle m’avait obéi. Pour son premier combat à vie, elle avait daigné m’écouter et je ne pouvais que l’admirer, pleine de joie et prise de cette fierté qu’une mère pouvait ressentir lorsque son enfant obtenait un bon résultat. Du moins, c’était avant que la joie ne laisse sa place à une peur. Dès l’instant où le Capumain s’envola pour bondir sur ma précieuse pomme. J’échappai un gloussement digne de films d’épouvante. Une stupeur me traversa. Une sueur froide gagna mon dos. La confiance était là, l’assurance aussi, mais je craignais que ma petite protégée ne se blesse. Je grimpai sur notre table, renversant, au passage, ce café que je m’étais commandé. Tentant de me donner de la hauteur pour la réceptionner si elle devait tomber. En vain. Évidemment. Je n’étais pas assez grande. « Faites attention Pervane ! » hurlai-je comme si nous étions seules au monde. J’avais oublié ces autres clients, ces employés espiègles, cette motivatrice presque inconnue. J’avais oublié les risques du combat Pokémon. J’avais oublié tout ce savoir vivre duquel je faisais normalement preuve. Debout sur une table, mes bottes toujours enchaussées, une jupe courte pour cacher mes cuisses et une voix puissante, perçante pour m’assurer que tous me regardaient bien.
Je ne rougis pourtant pas. Je ne m’en rendais pas compte.
Astelle Dumas
Dresseur·euse Pulsar
Messages : 1040 Née le : 29/11/2003 Age : 20 Région : Lumiris (Kishika) Pokédollars : 3639 Stardust : 4161 Stardust utilisés : 2291 Equipe pokemon : Icone :
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— Vous verrez, monsieur le serveur ! Vous avez pété plus haut que le trou. — Et ça explique votre tête de fion ! Voilà qui n’était pas très gentil, mais fréquenter une certaine Manon Dubell lui avait appris comment traiter avec les butors. C’était toujours pareil : les gens interprétaient la politesse et la timidité comme une autorisation pour vous brutaliser.
A ces mufles, il fallait donner une bonne leçon de savoir-vivre ! — Pardonnez ma véhémence mademoiselle Astelle Dumas. — Pas de chichi entre aventurières, Astelle suffira ! chuchota la jeune fille avec un sourire de connivence.
Le serveur et le barista libérèrent leurs pokémons. Le combat pouvait commencer !
Double-Trouble au Velvet Café. ~ Premier Match Duo ~
La Pénalité en cas de défaite : — Manger le Tiramisu fromager du mois dernier, affiné en cave
Nigosier-sama et Pervane (Pomdrapi) affrontent Capumain et Ecremeuh
VS
L’affrontement débuta sur les chapeaux de roue ! En deux battements de ses ailes fruitées, cette étonnante créature, mi-pomme mi-dragon s’empara du ciel ! Dessinant un cercle dans les airs, c’est au moyen d’une délicieuse attaque Force G que Pomdrapi fit tomber deux pommes sur la tête de leurs adversaires ! La petite postière pouffa de rire. Lorsque c’était arrivé à Newton, ce dernier avait découvert les premières lois de la gravité. Pouvait-on espérer de ces butors qu’ils apprennent les premières lois du service client ?
Néanmoins, l’équipe du Velvet Café ne comptait pas prendre cette petite leçon de physique appliquée sans broncher. Et le Pomdrapi n’était pas hors de portée d’attaques. Pas lorsqu’un de leurs adversaires était un petit pokésinge doué pour les acrobaties. — Capumain, riposte avec Acrobatie ! Qu’est-ce que je disais…?
La jeune dame ne devait pas être une grande habituée des combats pokémons. Oubliant toute pudeur, elle grimpait déjà sur la table et renversait son café, tendant les mains vers le Pomdrapi. Comme pour qu’il vienne se réfugier dans ses bras, plutôt que de rester au combat et d’encaisser l’attaque du pokésinge. Lyanora ne pourrait pas combattre dans cet état : il faudrait d’abord la tranquilliser. Et faire oublier aux gens leurs soucis… c’était justement la spécialité d’Astelle Dumas. En deux petits sauts agiles, Astelle rejoignit sa partenaire sur la table. — Tout va bien se passer, lui dit-elle d’une voix rassurante, tout en passant son bras autour de la taille de la jeune femme. Nigosier-sama, hissez-hauuuut ! ~ De l’autre main, Astelle levait fièrement le doigt au ciel. Dans un geste plein d’une autorité nonchalante, que son pokécanard parut associer à une attaque.
Nigosier-sama se dégorgea. Comme un ballon d’eau chaude crevé. Son plumage bleuté libéra des flots sur le parquet ciré, puis des vagues qui emportèrent les chaises, dont le niveau continuait de monter. — Kwaaaaah !? émit stupidement le canard, qui nageait maintenant en dos-crawlé au sommet d’une immense vague aux couleurs bleutées de l’océan.
Son regard bête suivit la direction qu’Astelle lui désignait, et en bon timonier, le pokécanard lança sa vague sur le cap que lui indiquait son petit capitaine. L’attaque Surf fusa vers la table où les deux jeunes femmes se tenaient debout, et la souleva de terre ! Juchées sur cette embarcation de fortune, Astelle resserra son étreinte autour de la taille de sa partenaire de combat. Pour l’empêcher de perdre l’équilibre et de tomber. — Capumain à tribord ! annonça la petite postière avec un sourire canaille. Lyanora eut à peine le temps de regarder dans la direction qu’on lui indiquait que le pauvre pokésinge, en pleine Acrobatie, fut percuté de plein fouet par le rebord de la table ! Contrecarré en pleine attaque !
— La capacité Coud’Table est un succès retentissant ! s’exclama Astelle en entendant le Capumain s’écraser de l’autre côté du comptoir, dans un fracas de vaisselle brisée. Maintenant, récupérez notre vigie (c'est la Pomdrapi), et montrons à ces marins d’eau douce de quel bois on se chauffe !
La table passa à portée de la pomme-dragon, puis, sur un mouvement de navigation du Nigosier, fit demi-tour pour se confronter à leurs adversaires. Astelle, Lyanora et leurs pokémons dominaient l’équipe du café de toute leur hauteur. Le pokécanard positionné à l’avant de l’embarcation, comme s’il s’agissait de la proue du navire, et le Pomdrapi juché sur le béret de sa dresseuse, comme s’il s’agissait d’un nid-de-pie.
— M… mais qu’est-ce que vous fichez !? s’écria le serveur qui observait son Capumain se relever, une cafetière sur la tête.
— Ben quoi ? interrogea la petite postière d’une voix mielleuse. Vous ne connaissez pas l’attaque Coud’Table ?
— Vous avez mis de l’eau part… — Oui, eh bien : il fallait y penser avant d’organiser des combats dans le café ! Bande de gros malins ! …mais ne vous inquiétez pas, vous aurez tout le temps d’y passer la serpillère tout à l’heure. En ruminant votre défaite ECRASANTE !
***
Pomdrapi lance Force G. Capumain tente une attaque Acrobatie. Nigosier contre cette dernière avec un Surfpas piqué des vers. C’est au tour d’Ecremeuh d’attaquer.
Situation : Astelle, Lyanora et leurs pokémons sont debout sur la table, laquelle est juchée au sommet de la vague produite par l’attaque Surf. Ensemble, elles prennent de haut leurs adversaires !
Lyanora M. Caelum
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Un simplement hochement de tête, c’est tout ce que j’eus comme réaction lorsqu’elle me demanda de laisser de côté les bonnes manières. Appelez-moi Astelle qu’elle avait dit. Retirez le Dumas et appelez moi mademoiselle Astelle que j’eus compris. Un hochement de tête pour ainsi dire vide de sens. Je n’adhèrerais pas à cette requête pour la bête raison que ce n’était pas naturel pour moi. Je lui avais adressé un bref sourire puis était advenu ce qui était advenu. J’avais grimpé sur les tables par frousse pour mon Pokémon. Je m’étais emballée et voilà qu’elle m’avait rejointe. Je roulai mon bras autour de son épaule comme si nous avions été de vieilles amies qui s’étaient toujours connues. Ma crainte était devenue un sourire. Était-ce elle qui me rendait aussi lumineuse ? Si ce n’était pas le cas, alors, au moins, elle contribuait à sortir de moi cette énergie positive, ce côté espiègle presque mystifiant pour les deux salariés. J’étais passée de bougon à une caricature idiote d’une princesse des films d’animation, envoûtée par la magie de je-ne-sais-quelle énergie, de je-ne-sais-quelle malédiction du bonheur éternel.
L’eau monta que ça ne suffit pas à me déstabiliser. À chacune des répliques de ma partenaire, je marquais la ponctuation d’un « et toc. » confiant et persistant, probablement irritant pour ces hommes devant nous. Pour ce que j’en avais à faire de les narguer, ils l’avaient bien fait. J’étais devenue vindicative d’un seul coup et ils étaient ceux que j’avais décidé de détester jusqu’à la tombe. Malgré eux, malgré moi, j’avais envie de leur pourrir l’existence jusqu’à la tombe. Drastique comme changement, certes. Et pourtant, il était ô combien réfléchi. « Trop fort l’attaque coup-d’table ! Je l’ai vu une fois en combat de ligue à Kanto. Vous connaissez des attaques pour les élites mademoiselle Astelle ! » hurlais-je pour crédibiliser encore plus ses propos. Quel duo improbable et agaçant nous étions. Et pourtant je me complaisais à jouer ce rôle, ce rôle qui, soudainement, me donnait confiance en ma propre personne. Magie.
Écremeuh, sous les commandes de son dresseur s’avança et commença à rouler vers nous. Si nous nous étions légèrement écartées Astelle et moi, les baristas n’avaient pas oublié cet affrontement, de leur côté. Je souris, amusée par la situation. Un sourire franc, presque arrogant, comme si je n’avais rien pris au sérieux. Je m’amusais plutôt de ce Pokémon que j’avais rarement vu faire autre chose que l’attaque roulade. « Bien ! C’est mon tour de vous aider mademoiselle ! » criai-je, toujours en force. Ne connaissais-je donc qu’un seul volume ? Oui. La vache roulait droit vers la table sur laquelle s’étaient perchés nos Pokémons et dans un élan de confiance, tentant même de tournoyer sur place pour donner un effet « sérieux » à ma commande, je repris d’une voix encore plus forte. « Madame la Pervane ! C’est l’heure de jouer aux auto-tamponneuses ! Empêchez la d’atteindre monsieur Nigosier-sama ! » Ma Pomdrapi poussa un léger rugissement et je titubai sur place, faisant chambranler la table sous nos deux poids. S’il avait resté du café dans nos verres, alors c’était une époque bien révolue. Les verres avaient maintenant plané jusqu’au sol dans un fracas qui avait fait soupirer nos rivaux. Tant pis. Il y avait plus important et ce n’est pas l’argent qui me manquait.
Ma Pomdrapi, dans une grande vivacité, s’envola pour mieux se propulser vers l’Écremeuh qui avait presque atteint sa cible. Le choc fut soudain, rapide. Dans l’excitation, je n’avais même pas eu peur pour mon Pokémon. J’avais plutôt souri quand, sous la puissance de l’impact l’opposant avait perdu sa vélocité et qu’elle s’était arrêtée nette, les yeux trahissant son interrogation. Joueuse, Pervane ne fit que pousser un petit cri d’amusement. Comme si elle avait dit « encore, encore. » J’en avais ri. Elle se posa sur l’épaule du serveur qui avait eu le culot de me faire déchanter de cet univers fabuleux que mon père avait créé pour moi. « Écrasante ! » répétais-je de façon insupportable, secondant Astelle, les poings levés bien haut devant mon visage. Sans remarquer ces tuiles qui avaient craqué sous l’énergie cinétique accumulée des deux attaques. Sans remarquer le décontenancement dans le visage du serveur qui pestait contre notre manque de considération pour le commerce. Et pourtant, je continuais de m’emballer. Sautant de la table pour me poser directement sur ces tuiles et pousser du pied les débris qui firent monter le rouge aux joues. « Vous vous rendez compte qu… » pesta le barista avant que je ne le coupe. « Que vous êtes deux horribles mauvais perdants qui n’acceptez pas la défaite ? » avais-je rétorqué sur un ton mielleux, singeant mon équipière. « Ou que vous regrettez de nous avoir défier… » ajoutai-je en imitant une poule sur place. « Sans vouloir vous offenser monsieur Nigosier-sama ! » sifflai-je en sa direction pour terminer ma phrase.
Réalisais-je qu’il nous accusait plutôt de vandalisme ? Aucunement. Le réaliserais-je ? Probablement pas. Et c’était bien ainsi.
Astelle Dumas
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Astelle rejoignit sa partenaire au sol, et dans son dos, la vague soulevée par l’attaque Surf termina de s’effondrer sur le comptoir ! La table juchée au sommet de la déferlante se brisa tout net en deux. Plusieurs bouteilles de liqueur furent emportées par le courant, et une eau striée de couleurs et de crème diverses s’écoula sur le parquet. — Ca-capumain… lance Coup-Double… ? ordonna le serveur, sans guère plus de conviction. Les dégâts dépassaient de beaucoup ce qu’il avait escompté en organisant cet événement. Et comme c’était son idée… la direction lui ferait certainement porter le chapeau. Devenu livide en s’imaginant qu’il se ferait licencier dès la fin de la journée, il avait beaucoup perdu de sa superbe et de son arrogance !
En attendant, le petit singe – coiffé de sa cafetière comme d’un heaume – s’élança en direction de Nigosier-sama. Il atteignit d’abord le volatile en plein dans l’estomac, d’un coup de tête retentissant, avant de tourbillonner sur lui-même pour le gifler de sa queue ! Le pokécanard tourna presque de l’œil. Pire encore, il ouvrit démesurément son grand bec, comme s’il se sentait malade : et sans attendre qu’on lui demande d’attaquer, il éructa ! BEURP ! Un régime de bananes non-épluchées(qu’il avait avalé par inadvertance en faisant du Surf la bouche ouverte) jaillit de son estomac dans un terrifiant rototo !
Capumain se prit les fruits en pleine figure cafetière et décolla du sol ! Il glissa sur le parquet humide, mais ne semblait pas vraiment se plaindre de son sort. Au contraire, il commença à éplucher ses bananes de la main qu’il avait au bout de la queue, avant de les insérer dans le mécanisme de la machine à café. Voilà une attaque qui avait fait un heureux !
— Nigosier-sama, je voudrais un sorbet ! Vous pouvez me préparer ça ? commanda Astelle en désignant cette fois l’Ecremeuh du bout de son petit index impérieux. Le pokécanard tira à nouveau, et le rayon d’énergie froide fit mouche ! La pauvre pokévache qui pataugeait dans le sirop commença instantanément à geler. Le bloc de glace était effectivement d’une belle couleur fruitée et paraissait délicieux. Du sorbet d’Ecremeuh. Miam-miam.
Le dénouement du combat avait été vif comme l’éclair. Entre le Capumain qui se délectait de ses bananes, et l’Ecremeuh qui semblait tout droit sortir du congélateur, les pokémons adverses ne montraient plus aucune volonté de se battre. Le barista et le serveur, également décontenancés, contemplaient les deux jeunes femmes. Tous deux avaient les bras ballants et la lèvre pendante. Ils se demandaient, après un pareil fiasco, ce qu’il allait bien pouvoir leur arriver !
— BRAVO !
Étonnamment, plusieurs des clients poussèrent des vivats ! Lyanora n’avait pas été la seule victime du serveur butor, aujourd’hui, et le voir remis à sa place déclencha un élan de joie parmi les spectateurs !
Un pareil spectacle, ça valait bien le coût du pressing (oui, ils avaient tous le pantalon trempé par l’attaque Surf et les bouteilles renversées).
Cibles de toutes les attention, pataugeant dans la liqueur de baie jusqu’aux genoux, Astelle se retourna vers sa complice et lui tendit la main. Vu que la jeune dame ne semblait pas tout de suite comprendre où elle voulait en venir… la petite postière lui expliqua patiemment les secrets de cet acte magique de célébration que l’on appelait…
…le HIGH-FIVE ! o/
Au loin, le dresseur d’un Tropius s’interrogea tout haut: — Euh… qui lui a chouré ses bananes ? C’est mon fond de commerce, vous savez ! …entendant le monsieur se plaindre, c’est avec une grosse goutte de sueur lui coulant sur la tempe, qu’Astelle désigna innocemment le Capumain du serveur.
Lyanora M. Caelum
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Messages : 1322 Née le : 02/12/1998 Age : 25 Région : Kanto Pokédollars : 3965 Stardust : 2996 Stardust utilisés : 2789 Equipe pokemon :
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Je la regardai un instant, remplie de questions, prête à lui serrer la main avant qu’elle ne la tape. J’étais restée ébaubie un instant, stupéfaite, figée sur place. Vacillant entre la fierté et l’insulte. Je connaissais le geste, évidemment, j’avais pu l’observer, mais jamais je ne l’avais posé. Une dame ne tapait pas dans la main d’un tiers. Au plus, elle embrassait sa main, jamais elle ne tombait à si bas niveau. Je m’étais pourtant laissée prendre au jeu. J’avais tapé dans sa main doucement, hésitante, avec une certaine peur de la blesser. Ce geste me semblait rude, dénaturé, pourtant je m’y pliais. Incertaine de savoir pourquoi. Était-ce le manifeste d’une certaine confiance à l’endroit d’Astelle. J’haussai les épaules, incertaine du sentiment qui me gagnait. Un mélange de fierté, d’enthousiasme et de confiance. Une énergie que j’avais du mal à m’expliquer. « C’est doux. » commentai-je simplement, comme si j’avais examiné le contact de sa main plutôt que l’impact. Un bref sourire et je me retourne vers ma Pomdrapi qui a vite de foncer sur moi et de me faire perdre l’équilibre.
Si j’avais tenu à mes vêtements, j’aurais pleuré. Si j’avais été fragile, je me serais blessée. Au lieu de ça, j’étais tombé dans la liqueur, ne laissant que ma tête dépasser et j’avais ri en voyant que j’avais aspergé par le fait même mon alliée du moment. Un rire m’échappa quand je vis sa robe tâchée. Un rire sincère, presque tonitruant, malgré la faible résonnance de mon hilarité. Un rire qui cessa vite quand dans son mouvement, Pervane m’envoya une bourrasque de liqueur dans la bouche. Le goût de baie envahit mes papilles et ma gorge se noua, repoussant le liquide du mieux qu’elle le pouvait. Un léger toussotement qui s’effaça bien vite. Je souris et soulevai mon Pokémon pomme pour la serrer contre moi avant de la déposer sur les débris de la table qui flottait non loin. Dans un geste rapide je me mis à quatre pattes et envoyer une déferlante de liquide vers les deux employés que nous venions de vaincre. « Ça vous apprendra à gâcher mon enfance. » sifflai-je avec mépris à leur endroit avant de me tourner vers Astelle, tout sourire. Comme si ce venin que je venais de cracher n’avait jamais existé. Comme si l’altercation présente n’avait qu’une brève fabulation de mon esprit. J’étais passée à autre chose, déjà. La rancune, ça ne me connaissait pas.
Je regardai les deux hommes détaler vers la cuisine et j’envoyai un sourire à tous ces autres clients qui nous remerciaient dans un soulagement que j’aurais pu croire exagéré si je n’avais pas, moi-même, été victime de la véhémence de l’employé. Et enfin, je fais face à mon binôme. Excitée, traversée par un immense frisson d’agitation. « Madame Astelle, on peut le refaire ? » dis-je en lui montrant la paume de ma main. Pourquoi diable désirais-je ainsi refaire un geste qui m’avait satisfaite sans réelle conviction ? Pour être certaine. Pour savoir pourquoi tout le monde voulait à tout prix poser ce geste constamment, pour comprendre l’excitation de ces gens qui tapaient dans la main à tout va. Pour moi, c’était symbolique. Un geste purement symbolique qui me liait de confiance à cette fille qui avait couvert mes arrières et que j’avais, moi aussi, couverte. Une victoire qu’elle avait scellé par ce geste que je lui associais maintenant. Astelle serait ma duchesse des tapes dans la main. La seule à qui je permettrais de pauser sa paume contre la mienne dans un élan purement amical. Ce clac devenait, aussi spontanément qu’irréversiblement, le son que je lui associais. Si j’avais été du genre à donner des surnoms, je l’aurais appelée ainsi : Clac.
La main toujours tendue vers elle, parée à l’impact je lui souriais en repensant les instants qui venaient de s’écouler. Le combat, sa conclusion, l’attaque de son Nigosier. « Vous sauriez me montrer comment monsieur Nigosier-sama a fait pour régurgiter sa nourriture de façon offensive j’aimerais savoir faire pareil. Vous imaginez Byaaaarg dans le visage du serveur arrogant. Je ne me ferais plus embêter. Jamais. » ajoutai-je avec un sourire. Le plus sérieusement du monde. Sans même suggérer que j’étais en train de faire une blague, sans même qu’il soit possible d’imaginer que ce soit le cas. Aussi princesse et distinguée que je pouvais l’être, voilà que je voulais apprendre à dégobiller sur commande pour « me défendre. » Alaric aurait ri. Valencia se serait esclaffé. Tous deux m’auraient crue incapable d’une telle disgrâce et pourtant, ce regard que je posais sur Astelle, ce regard insistant, presque piteux qui voulait dire à la fois « je vous serai éternellement reconnaissante » et « j’en ai vraiment besoin, si seulement vous pouviez imaginer combien de parfaits imbéciles je rencontre chaque jour. » Un mélange parfait montrant ma nécessité d’en apprendre plus. Un regard presque mignon… quoique trop intrusif. Et plus les secondes défilaient, plus il se faisait insistant.
Un moyen de défense peu commun. Certes. Mais dont le pouvoir n’était pas à sous-estimer. Un réflexe duquel on ne s’attendrait pas d’une femme comme moi. Régurgiter des bananes dans le visage des mes démons. Quel merveilleux rêve, que jamais je n’aurais caressé avant aujourd’hui, jamais. Parce que j’étais trop douce. Parce que j’étais constamment concerné par les apparences et les jugements. Parce que j’étais cette fille de bonne famille, bien élevée et empathique qui n’inspirait que l’adorable et la joie. Pas une succube, pullulante et hargneuse, de seconde zone qui se faisait un plaisir à vomir son repas à la tronche de ceux qui ne lui revenaient pas. Une faible minorité, certes, mais il en existait tout de même.
Astelle Dumas
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Surnageant dans le jus de fruits, Astelle écoutait les sollicitations de sa nouvelle amie avec un petit air incrédule.
Vous sauriez me montrer comment monsieur Nigosier-sama a fait pour régurgiter sa nourriture de façon offensive j’aimerais savoir faire pareil. Vous imaginez Byaaaarg dans le visage du serveur arrogant. Je ne me ferais plus embêter. Jamais. C’était… euh… la première fois qu’on lui demandait ça…
La petite postière méditait encore sa réponse quand un grand monsieur barbu fit irruption dans le café. Aussitôt, le serveur et le barrista poussèrent une exclamation effarée. — Patron…! Découvrant les outrages qu’on avait fait subir à son précieux établissement, les yeux du susnommé patron étaient en train de sortir de leurs orbites. — Mais qu’est-ce que c’est que ce… Le propriétaire se tut. Les clients l’observaient. Il s’agissait de faire bonne impression.
— Chers clients, poursuivit-il en ravalant sa colère. Veuillez accepter nos excuses pour ces désagréments. Le Velvet Café s’engage à prendre en charge vos frais de pressing, et à remplacer le matériel endommagé par ces combats d’intérieur. Les mesures de sécurité prises par notre établissement étaient très largement insuffisantes. Sur ces derniers mots, l’homme se lissa pensivement la moustache tout en observant le serveur butor, qui se recroquevilla encore davantage.
— Si vous désirez poursuivre votre collation, nous vous invitons à vous rendre sur la terrasse du premier étage. Les consommations vous seront offertes, et nous veillerons à mettre à votre disposition tout ce dont vous pourriez avoir besoin pour vous sécher ou vous installer plus confortablement. Sur un sourire d’un impeccable professionnalisme, le propriétaire du Velvet Café pataugea dignement dans la mare arc-en-ciel de liqueurs renversées, puis dirigea ses clients vers les escaliers. — Pour les dresseurs qui le désirent, les combats reprendront d'ici une quinzaine de minutes.
Interrompues par l’intervention soudaine du propriétaire, Astelle et Lyanora montèrent sagement les marches, puis s’installèrent à une table en hauteur qui donnait sur le bord de mer. Afin de se sécher un peu plus vite, la jeune fille referma le parasol fixé au centre de la table blanche, et pour prendre le soleil, elle étendit paresseusement ses jambes. Son pantalon d’uniforme était barbouillé d’un jeu de couleurs presqu’artistique. Le serveur de toute à l’heure, qui travaillait désormais dans le silence et dans la plus grande hâte, amena deux chaises hautes afin que le Nigosier et la Pomdrapi puissent s’installer à leurs côtés. Selon les règles du Double-Trouble, le duo de pokémon avait mérité un délicieux dessert pour les récompenser de leur combat !
Maintenant que les deux jeunes femmes étaient confortablement assises, il était temps de reprendre la conversation là où elle s’était brusquement arrêtée. A savoir, répondre aux deux curieuses requêtes que dame Lyanora avaient formulées. Refaire un high-five, et… euh… nous parlerons de l’autre requête plus tard…
— Mmmmh, on pourrait le refaire, lâcha pensivement Astelle. …mais ce serait un petit peu dommage ! Tout le plaisir du high-five, c’est de le faire pour se féliciter d’avoir géré comme des patronnes ! Si on commence à s'y mettre sans vraie raison de se réjouir, les prochains risquent d’être moins satisfaisant. "Pour toute chose, de la modération", comme on dit ! Après quoi, elle se pencha vers Lyanora, et murmura avec des airs de petite conspiratrice. — …mais si vous voulez quand même le refaire, là, tout de suite… on peut passer sous la table, discrètement.
Voilà, c'était déjà une bonne chose de faite ! Toutefois, la deuxième requête de la jeune dame n’était pas aussi simple à exaucer. Sans en démordre, Lyanora lui expliqua à nouveau à quel point il lui était nécessaire de… — Haha… vous voulez… recracher des bananes. Peu importait le nombre de fois qu’elle l’entendait dire ça, Astelle en restait comme deux ronds de flan. La jeune fille eut une pensée nostalgique pour sa Kishika natale : "Maman… j’ai rencontré plus loufoque que moi. Tu n’en croirais pas tes oreilles."
Sans se laisser démonter, la petite postière improvisa une réponse. — Euh… Nigosier-sama, c’est un super champion du dégobage, c’est vrai. Mais derrière ces performances sans pareilles, se cache en vérité beaucoup d’entraînement !
Entre vous et moi, au cas où ce n’était pas évident : Astelle était en train de noyer le Magicarpe. Ben oui, elle n’allait quand même pas laisser cette dame, si adorable et élégante, gober un régime de bananes entier comme un vulgaire Capumain ! Ah ça non, alors ! Elle lui racontait donc des salades. Une autre de ses grandes spécialités de petite végétarienne.
— Même lui, il a commencé par des fruits et des graines plus simples et digestes !
Astelle leva la main pour commander de la pastèque. Lorsqu’elle fut servie, elle attaqua sa tranche avec appétit, se mit du bon jus sucré plein les babines, puis recracha les petits grains de l’autre côté de la rambarde, vers l’horizon. Elle faisait ça chaque été, à Kishika. Avec le temps, Astelle était devenue une vraie petite mitraillette à pépins de pastèque !
— Faisons les choses dans l’ordre ! Commençons par des pépins. Si vous parvenez à en tirer dix au-delà de la rambarde, on pourra passer au niveau deux.
Se sentant un peu coupable, Astelle eut un petit sourire palot.
…qu’est-ce qu’elle était en train d’apprendre à cette fille de bonne famille… ? …qu’allait-il se passer si en rentrant chez elle ce soir, elle montrait à ses proches très distingués comment on lui avait appris à cracher des pépins de pastèque jusqu’à six mètres de distance, aujourd’hui ?
Elle préférait ne pas y penser.
— Pendant que vous vous entraînez, que diriez-vous que nous lancions nos premières recherches sur le Lait de Barbapapa ? Est-ce que vous pouvez me décrire sa saveur, son aspect ? Je peux peut-être commencer par isoler les différents ingrédients qui le composent !
Lyanora M. Caelum
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C’eut été un réflexe, dès qu’elle l’eut dit, je portai ma main sous la table pour taper dans sa main en retenant mon hilarité et mon amusement. Comme s’il avait été tabou de dévoiler ce petit geste complice que nous avions eu sous la table. Comme s’il avait fallu dissimuler à nos consciences, pourtant proactives, cet encouragement physique. Elle l’avait dit. Les prochains seraient moins satisfaisants… et je la croyais. Je la croyais d’une force. Elle aurait pu me dire n’importe quoi que je l’aurais cru. Elle aurait pu me dire que les Pokémons étaient des fabulations imaginaires que j’aurais consenti sans même questionner la chose. Cette fille, ce charisme… avait-elle seulement déjà considéré des carrières où elle pourrait faire bon usage de ces qualités d’oratrice ? Gourou, politicienne, conférencière, vendeuse ? J’étais hypnotisée. Si bien que je crus même à cette histoire de pastèque. Si bien que je la suivis, que je commandai aussi une part de pastèque, me dépêchant de manger la chair du fruit pour remplir ma bouche de pépins.
Sans un mot, sans un regard, je commençai à cracher ces noyaux au-delà de la rambarde. Espérant chaque fois qu’ils la traversent, qu’ils tombent dans la rue. Chaque jet, j’ouvrais les yeux comme une enfant, je m’assurais qu’Astelle me regarde, je m’assurais qu’elle ne rate pas mon exploit.
Échec. Échec. Échec.
Chaque fois, je traversais à peine la place voisine. Parce qu’évidemment, pour compliquer les choses, je ne m’étais pas assise directement à côté de la garde. Visiblement, j’aimais les défis, peut-être un peu trop. Ç’aurait été bien si à chaque échec, je ne m’étais pas flagellée intellectuellement. Ç’aurait été bien si je n’avais pas été aussi sensible et assujettie à mes sauts d’humeur. Ç’aurait été facile. Sauf que rien n’était jamais si simple avec moi. Maintenant boudeuse, je posai mes coudes sur la table et appuyai ma tête dans la paume de ma main. Maudissant les pépins qui refusaient de coopérer. « Je ne veux pas planter un jardin, je veux cracher des bananes. » dis-je, les sourcils froncés en repoussant la petite assiette dans laquelle j’avais déposé l’écorce dénudée de la tranche de pastèque. Je repoussais chaque article de mon champ de vision comme si j’avais besoin d’appuyer mon mécontentement de gamineries.
Ou de poser ma tête sur la table, à nouveau démoralisée. Il était vrai qu’il m’en fallait peu. On me l’avait souvent dit. Pourtant, je m’entêtais à le nier. Chaque instant qui passait, je tentais de prouver à quel point je n’étais pas boudeuse… Chaque instant qui passait, je prouvais pourtant le contraire. Une enfant gâtée, une petite princesse obéissante qui avait toujours tout eu pour elle, une enfant-roi. C’est ce que j’étais, je pouvais me l’avouer à moi-même. Jamais à un tiers. Encore moins Astelle qui semblait travailler si fort pour me faire plaisir… par pur altruisme.
Le nez contre la table, je maugréai, malgré tout, la réponse qu’elle attendait si patiemment. « Ça goûtait le ciel. C’était laiteux. » Sauf que j’aurais pu aussi bien ne pas répondre. Mon incapacité à cracher comme elle m’avait ravagée. Ce que je ne disais n’aidait pas, ça n’apportait rien de plus comme information que ce qu’elle avait déjà. J’avais beau tenter de me convaincre que je répondais bien à sa question, je n’y arrivais pas. Je savais au fond de moi que j’étais d’une bien désagréable compagnie à l’heure actuelle. Aussi exécrable que ces crapules avares en réponse que je prenais toujours le temps de sermonner.
Et intérieurement, je le faisais. Je me disputais. Je me punissais. Une semaine sans sortie. Puis deux.
Et je me faisais pleurer.
Des larmes coulaient de mes joues parce que je me trouvais bien cruelle à mon propre égard. J’avais l’habitude… et pourtant. « Il y avait un côté exotique… quelque chose qui picotait un peu la langue, une forme d’acidité… et une le lait était très très liquide. Peu de gras. Sucré. Loin d’être sirupeux. Il me rappelait la noix de coco, mais il était multicolore. Il sentait l’ananas. Il respirait le bonheur. Il était aqua, magenta et citron. C’était comme une explosion de saveur. Fruité. Juteux. Ça remplissait mes pupilles de bonheur. » Il y avait au moins une forme de progrès. Un engouement que je m’étais trouvé graduellement en répondant ces mots. Fermant les yeux, espérant me souvenir davantage de cette substance que j’avais tellement bu. « Quand père trayait la barbe à papa, il y avait toujours un vrombissement sourd. Le même que pour les smoothies de mère. Combien de fois me suis-je méprise ? Sauf qu’il y avait un arôme qui enveloppait la cuisine. Une arôme de bonbon… de gomme baloune. » ajoutai-je.
Ç’aurait été utile si j’avais pris le temps de goûter, de découvrir les saveurs, mais chaque fois j’engloutissais mon verre comme si c’eut été mon premier verre d’eau après une semaine de marche dans le désert. Chaque fois, je ne prenais pas le temps de goûter la chose. Ça n’existait pas « prendre son temps. » Je devais avoir tout bu dans l’instant pour demander un nouveau verre qui venait rarement. On contrôlait le sucre que j’ingérais. J’avais droit à une quantité bien précise par jour et deux verres de lait de barbe à papa, ça outrepassait cette quantité.
Dans une lamentation, je commençai à taper mon front contre la table, comme je chérissais l’espoir que la mémoire me revienne. « Désolée. Je ne sers à rien. » déclarai-je dans un sanglot que je ravalai. Ç’aurait été vide de sens sans ce sanglot d’ailleurs. J’étais passé de la nostalgie heureuse à cette colère contre ma personne de façon tellement subite. Nul n’aurait pu expliquer la provenance de ma tristesse. Pas pour des motifs aussi absurdes que mon manque de talent à cracher des pépins.
Mais je ne servais à rien. C’est comme ça que je l’expliquais.
Astelle Dumas
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La jeune dame s’effondra doucement sur la table. Aux tressaillements imperceptibles de ses épaules, aux sanglots qu’elle entendait dans sa voix… Astelle devina sans peine que sa nouvelle amie s’était mise à pleurer. Et ce spectacle lui brisait le cœur.
La petite postière voulut tendre la main, glisser ses doigts dans les cheveux de Lyanora, lui murmurer que tout allait bien, mais… elle se ravisa. Cette histoire de Lait de Barbapapa la troublait. Ce n’était pas normal que Lyanora réagisse aussi vivement à ce sujet.
Pour sa nouvelle amie. Ce n’était pas qu’une boisson. Ce n’était pas trivial. C’était un souvenir précieux qu’elle partageait avec son papa. Un souvenir que la parole médisante d’un serveur avait transformé en mensonge. Et si Lyanora n’avait à aucun moment parlé de contacter son père pour exiger une explication, c’était… c’était sûrement parce qu’il ne lui était plus possible de parler à ce papa...
Les yeux d’Astelle se voilèrent d’un mélange de chagrin et de douleur. ...de détermination, aussi.
Sans perdre une miette de ce que Lyanora lui disait de la boisson, la petite postière prit des notes sur le clavier tactile de son pokématos, puis lança ses premières recherches. Est-ce le Lait de Barbaba était en vérité un cocktail sans alcool à base de lait de coco et de jus d’ananas ? Cet assortiment de couleurs qu’elle décrivait rappelait les boissons préparées à la méthode pousse-café. Les petits doigts d’Astelle dansèrent à la surface de l’écran, conjurant des hypothèses et réduisant le champ des possibles pour synthétiser une première liste d’ingrédients.
Ce n’était pas son domaine, et elle n’y connaissait rien du tout en matière de cocktails. Pire, elle n’était même pas fichue de lire correctement le menu du Velvet Café. Mais tout ceci n’avait plus aucune importance.
Elle allait trouver. Elle allait comprendre. Jamais elle n’accepterait de laisser cette jeune femme pleurer ainsi, juste sous ses yeux. Pour alléger le fardeau de ses tourments... Astelle allait tout tenter.
Puisque Lyanora était toujours effondrée sur la table, la jeune fille se leva très discrètement. Elle commença ses préparatifs pour lui rendre le sourire en allant passer une commande mystérieuse auprès du serveur. Cela ne lui prit que quelques instants, et lorsqu’elle revint, ce fut pour… …passer soudainement un bras autour de la taille de la jeune dame, et la relever d’une traite !
— Je vous connais depuis un petit peu moins d’une heure, Lyanora, et vous m’avez déjà été utile à trois reprises. Rappelez-vous, vous m'avez : ...soutenue dans notre combat en duo pour botter le fondement de ce grossier personnage. ...évitée de passer pour une cruche en avouant au serveur que je ne savais même pas commander une tasse d'espresso. ...et mise à l'aise en m'acceptant à votre table. En me parlant comme à une amie. En me permettant de me sentir à ma place, alors que j'entrais pour la toute première fois dans un café qui affiche des prix qui sont très nettement au-dessus de mes moyens.
Alors je n'ai pas l'intention de vous laisser vous dévaloriser. Pas même une seconde, déclara-t-elle, avec un sourire presqu’agressif. Personne n’a la science infuse. Si vous ne savez pas faire, c’est simplement parce qu’on a pas pris la peine de vous enseigner correctement. Sans lâcher Lyanora, elle fit deux pour contourner la table et se rapprocher de la rambarde. Là, elle préleva un pépin de pastèque du bout de l’index, et vint le coller sur les lèvres de la jeune dame. — Vous le mettez sur le bout de la langue, relevez le menton, et poussez d’un petit coup sec. Allez ! s’exclama-t-elle pour encourager son amie à cracher !
Et si Lyanora échouait à nouveau à lancer son pépin au-delà de la rambarde, alors Astelle lui en déposerait un nouveau sur les lèvres. Puis un autre ! Puis un autre encore ! Cette fois-ci, l’échec n’était plus une option.
— Je sais que vous pouvez y arriver. Parce que vous n’êtes pas une incapable. Parce qu’à partir de tout-de-suite-maintenant, vous êtes mon amie. Et que de la même façon dont nous avons botté les fesses du serveur-butor : nous allons surmonter cet obstacle-là aussi. Puis le suivant. Puis le suivant encore !
Je ne vous laisse pas le choix. Vous allez réussir.
Et avant que vous me le demandiez : non. Pour les bananes, c'est encore un peu trop tôt.
***
L’obstacle de la rambarde passé, les deux jeunes femmes se réinstallèrent pour découvrir qu’on leur avait apporté à chacune un verre. La petite postière eut un petit sourire discret.
premier verre:
— C’est un cocktail sans alcool à base de lait, le Blue Alola (version Junior), expliqua Astelle, qui répétait plus ou moins tout ce qu'elle venait d'apprendre au cours de ses recherches sur le réseau. Il contient du jus de Baie Oran et Nanana, et du Lait de Noadkoko d’Alola, servi à la méthode pousse-café (chaque ingrédient a sa propre strate, ce qui donne une succession de bandes de couleur).
Etudiant les réactions de Lyanora, elle se prépara à prendre des notes.
— Buvez et dites-moi ce que vous en pensez. Si le jus de Baie Oran correspond à la couleur aqua de votre souvenir, nous chercherons ensuite quels ingrédients ont pu servir à donner des couleurs magenta et citron, ainsi qu’un parfum de bonbon sucré au Lait de Barbapapa.
Cela risque de nous prendre quelques tentatives, et nous allons faire tout plein d’erreurs en cours de route, mais…
…je vous garantis que nous allons y arriver !
Lyanora M. Caelum
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Je semblais idiote, debout près de la rambarde, les yeux bouffis par les quelques larmes que j’avais pleuré, un pépin sur la langue… le regard perplexe. Que faisait-elle ? Pourquoi était-elle si gentille ? À quel moment avais-je mérité cette attention si bienveillante ? Elle fit la liste des événements et pourtant je restai aussi perplexe, la surprise figée et imprégnée sur mon visage. La langue tirée effleurant le pépin, juste assez pour qu’il ne tombe pas. Juste assez pour éviter de dévoiler que cette déclaration que j’avais faite était synonyme d’abandon. Je n’étais pas Nigosier-sama, je n’étais pas douée comme lui. Je n’étais douée comme personne de toute façon. Pourtant, je ne me sentais pas d’ainsi le dire à cette jeune fille, je ne me sentais pas de gâcher ses efforts. Je portai les mains à mes yeux espérant essuyer la sensation de larmes séchées sur mes joues, espérant camoufler ma détresse intellectuelle qui avait bien peu de raisons d’exister. L’histoire de ce breuvage n’avait rien de dramatique, c’était un caprice. Tout ici n’était qu’un immense caprice de ma part que je ne faisais qu’amplifier par mes réactions mélodramatiques.
Dans ce geste, je fis tomber le pépin et comme si c’eut été la pire erreur que je pus commettre, je me couvris la bouche, emplie de honte, emplie de gêne. Même sans le vouloir, je lui nuisais. Même sans le vouloir, je l’empêchais d’atteindre son but. Je la ralentissais. « Pardonnez-moi madame Astelle ! » Lâchai-je en panique si je lui avais cracher dessus, comme si soudainement je venais de pourfendre un pacte non-écrit entre nous. Il n’en était rien, elle n’aurait peut-être même pas remarqué cette erreur, elle n’aurait peut-être même pas remarqué la chute mortelle de la semence. Si c’eut été le cas, j’aurais tôt fait de briser cette ignorance en révélant mon méfait. « J’ai fait tomber le pépin, il est mort. » geignais-je un sanglot étranglant ma voix à nouveau. Mes yeux ne s’immergèrent pas, mais la tristesse était là, je venais de trahir cette femme qui m’était si sympathique et plutôt que d’en prendre un autre, je me tournai vers cette table qui était la nôtre, incapable de soutenir le regard de cette amie plus longtemps.
Et je découvris la boisson colorée.
Prise d’un sursaut, je crus d’abord à une erreur. Je n’avais pas commandé ça. Je n’avais rien commandé. Astelle m’expliqua et aussitôt mon chagrin disparut. Dans toute ma confusion, dans cette absence de détail, elle avait trouvé le moyen d’essayer de retrouver cette recette qui m’était chère. Je la regardais, les yeux chargés par l’admiration et le plaisir de la savoir si attentionné. « C’est pour moi ? » parvins-je à articuler, le souffle court, le ton qualifié par une forte candeur. Elle l’avait dit, c’était bien pour moi… et je ne le comprenais pas. Habituée à ma propre richesse, on m’offrait rarement des cadeaux aussi petits et futiles pouvaient-ils sembler. Celui-là était personnel. C’était un gage d’amitié, d’écoute, d’altruisme. Rien à voir à ces cadeaux luxueux que l’on peut s’offrir à l’occasion.
Refusant d’être impolie plus longtemps, je portai le verre à portée de ma bouche, agitant la paille pour mélanger les différentes couches, m’assurant que les jus se mélangent bien au lait, gâchant cette technique de laquelle elle avait parlé. Je voulais mélanger. Je voulais tout goûter en même temps. J’espérais que ce serait la recette exacte du premier coup. Optimiste enfant que je suis. La mixture tourna au vert pâle et je souris. Pour être gentille. Une part de ce sourire était hypocrite… ce n’était pas la bonne couleur. Ça n’avait rien avoir avec le lait de barbe à papa et le sourire saluait l’effort plus qu’il ne montrait ma joie. Je portai la paille à ma bouche et prit une gorgée, curieuse de découvrir les serveurs, de tenter de les décortiquer comme elle l’avait recommandé. L’acidité de l’agrume chauffa ma langue avant que je ne goûte le sucre plus qu’appréciable du lait de Noadkoko et de la baie Nanana.« Le côté tropical y est. Ça goûte cette touche estivale dont je parlais… mais il n’avait pas d’agrumes comme ça… » soupirai-je en commentant le breuvage qu’elle m’avait offert. « Mais, vous savez, madame Astelle, je pourrais simplement… » Je m’arrêtai net. Je figeai.
Non.
Je refusais cette solution qui m’avait effleuré l’esprit. Je pourrais appeler mon père. Ce serait plus simple. Pas question. Je m’étais promis de ne l’appeler que le jour où j’aurais réellement réussi à égaler sa célébrité… à lui et à Mère. Il y avait bien des choses pour lesquelles je flanchais, mais pas celle-là. C’était un principe important, quelque chose qui me poussait tous les jours à atteindre mon objectif. « Accepter la vérité. » dis-je une intensité tragique dans la voix. Je pouvais jeter l’éponge, je pourrais, ç’aurait été normal. N’était-ce pas mature de lâcher-prise ? N’était-il pas avisé et sage de renoncer à des histoires fabulées comme celle-ci ? « Je trouverai de quoi substituer le breuvage, ce n’est pas la mort. » ajoutai-je en tentant de paraître forte, en tentant d’illustrer un immense sourire, avec l’espoir qu’elle accepte et qu’elle croit à ce masque que j’improvisais.
J’abandonnai vite, pinçant entre mes doigts un nouveau pépin de la pastèque pour faire exactement comme elle avait fait. Le porter à mes lèvres et souffler fort. Le pépin détala comme il aurait dû le faire… Mais doutant de ma capacité à réussir l’exercice, il avait plutôt atterri sur le crâne dénudé de cet homme assis à notre côté.
Mes yeux s’agrandirent. Le rouge me monta aux joues. Je portai ma main devant ma bouche, observant l’homme qui avait clairement senti le faible impact. « Oups. » soufflai-je avant de pouffer d’un rire sincère que je tentai de réprimer en prenant une gorgée de Blue Alola.
Astelle Dumas
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Ce défaitisme. Cette dévalorisation constante. Ce n’était pas un travers qu’on pouvait corriger d’un coup de baguette de Magirêve. La confiance en soi se construisait sur la durée. Ce qu’il fallait faire, c’était… ne pas exiger de résultats immédiats. Faire preuve de patience. Simplement accompagner, et devenir une présence rassurante, sur laquelle on pouvait compter. Astelle commençait à se faire une image concrète de l’attitude qu’elle voulait adopter face à sa nouvelle amie.
— Mais, vous savez, madame Astelle, je pourrais simplement… accepter la vérité. Je trouverai de quoi substituer le breuvage, ce n’est pas la mort.
— Non, répondit tranquillement Astelle.
Ses yeux clairs pétillaient d’assurance... et sa voix coulait avec la fraîcheur sereine d’une petite rivière. — Je vais vous retrouver la recette du Lait de Barbapapa, il n’y a aucun doute là-dessus.
Tandis que Lyanora recommençait à faire mumuse avec les pépins de pastèque, la jeune fille profita de l’occasion pour compiler ces nouvelles informations sur son appareil. Pas d’agrumes. La baie Nanana était potentiellement un ingrédient du mélange, et la douceur du lait de coco semblait bien s’y intégrer. Ses petits doigts agiles dansèrent sur l’écran tactile de son pokématos ; Astelle écuma le Réseau Dusk en vraie petite surfeuse du web.
Ayant décidé d’un nouveau cocktail à tenter, la petite postière s’apprêtait à repasser commande, lorsque le patron fit son entrée sur la terrasse. L’homme grisonnant était accompagné d’un Monsieur Mime, dont le Mur Lumière serait utilisé pour délimiter l’aire de combat, et de deux employés. Un nettoyeur à l’air revêche et une toute jeune serveuse, qui semblait très heureuse d’être là.
— …mais avant de passer commande, il nous faut d’abord relever le défi suivant, déclara la jeune fille avec un petit sourire confiant. Leurs adversaires du deuxième tour s’emparèrent chacun de leur pokéball, et soulevant sa casquette de petite postière du bout de l’index, Astelle révéla le Minidraco rose qui nichait sur le dessus de sa tête.
— Mini-Senpai, c'est à toi de jouer !
***
(Le nettoyeur possède un Castorno.
Je te laisse décider quel pokémon la serveuse envoie-t-elle au combat !)
Lyanora M. Caelum
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Étrangement, j’y croyais. Je croyais à cette promesse qui aurait pu en être une comme l’on en fait souvent ; jetée en l’air sans réelle sincérité. Pourtant j’y croyais comme si j’avais connu cette jeune femme depuis toujours, comme si elle avait été moi. Elle m’inspirait confiance ou était-ce la détermination qu’elle me partageait qui me conquérait ainsi. Je ne pus qu’hocher la tête. J’avais baissé les bras, mais pas elle. Et j’écouterais chacune des propositions qu’elle me partagerait. Je goûterais chacun des verres qu’elle me tendrait. Du moins, si l’on résistait à ce défi du jour, à ces combats qui bientôt s’accumuleraient à notre curriculum comme les menants s’agenouillaient aux pieds d’un souverain.
Quand elle se fût levée pour le second affrontement, je fis de même, recrachant les quelques pépins qui pouvaient me rester en bouche. Un immense sourire sur les lèvres, comme si mes tourments de l’instant précédent avaient cessé de me tarauder, je m’avançai à la même hauteur qu’elle, appuyant sur l’une de mes balles, de laquelle surgit ma Roserade qui poussa un petit cri, similaire à un ronronnement plus qu’à une réelle menace. « Princesse, je crois que vous êtes toutes désignée pour cette épreuve. » lui dis-je avec douceur, emplie, à mon tour, d’une certaine confiance, aussi fragile soit-elle. Je regardai brièvement nos adversaires, les pieds visiblement trempés par nos bêtises, un sourire plus ou moins sincère et un désir de vengeance dans le fond de l’iris. Mon sourire grandit, comme si je n’avais pas compris qu’ils nous en voulaient un peu, que l’on était ces clientes inconscientes qu’ils cherchaient à chasser par ce combat. Et, comme si ce n’eut été suffisant, la Némélios de la serveuse semblait particulièrement rancunière. Rugissant dès qu’elle posait un œil sur l’un de nos pokémons, s’amusant à promener son regard perçant de la Minidraco d’Astelle à ma Roserade. Polluant l’ambiance de ses innombrables cris qui allaient jusque faire trembler mon Pokémon. « Si vous permettez. Ma Princesse, j’aimerais que vous agitiez suffisamment vos pétales pour qu’elle ne puisse plus vous voir. J’ai mal aux oreilles. »
Je commençais. J’avais décidé que je commencerais. Princesse s’exécuta rapidement, dansant jusqu’à ce que se libère d’elle suffisamment de pétales pour se dissimuler à la vue de ses adversaires. J’hochai la tête avant qu’elle ne se cache dans le torrent de pétales qui soufflait. Et ç’aurait été une merveilleuse position, stratégie, si je n’avais pas vu certains pétales fondre et prendre feu. « Sortez de là très chère ! Madame Astelle exaucera mon souhait au pire, mais vous êtes en danger. » J’entendis son cri déchirer mon cœur dès que les flammes atteignirent le sol. « Faites quelque chose. » sommai-je à qui de droit. Astelle ? Princesse ? Un arbitre ? Arceus ? Même moi j’ignorais la réponse, mais ma complainte ne pouvait qu’être entendue, même de cet homme que j’avais accidentellement atteint d’un pépin plus tôt, qu’il soit loin ou non. Mirawen tout entière devait avoir entendu mon cri.
C’était toujours comme ça. Je jouais avec le feu jusqu’à ce que je me blesse et que je ne puisse endurer la douleur. Le feu s’était simplement propagé bien plus vite que je ne l’eus cru.
Astelle Dumas
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Il avait suffit d’une seconde. D’un instant pour que la tempête florale soit la proie des flammes. De douleur, d’effroi, Roserade poussa un cri. La tornade brûlante se refermait sur elle. L’espace d’un moment de flottement, Astelle se pétrifia. La scène avait ceci d’incroyable qu’un véritable pilier de feu s’était érigé sur la terrasse du café. Les yeux écarquillés et la bouche sèche... en dépit de l’urgence qui lui taraudait la poitrine, la jeune fille s'était pétrifiée. Incapable de passer à l'action. — M-... mini-Senpai, Surf ! lança-t-elle enfin dans la panique, en réponse aux appels suppliants de Lyanora.
Toute sa belle assurance s’était envolée. Heureusement, Minidraco ne l’avait pas attendu. Ses écailles voilés d’un nimbe aquatique, qui enflait davantage chaque seconde, le petit dragon fusa comme une vraie torpille en direction du brasier ! L’air se condensa sur sa trajectoire, et une vague se précipita dans son sillage. Le rideau de feu, éventré par l’impact, se désagrégea dans une explosion de vapeur noire. Roserade, Némélios, Castorno... les flots frappèrent tous-azimuts, balayant les pokémons ou les projetant contre les parois du Mur Lumière ! Sa vague brisée sur les remparts de protection psychique, le Minidraco retomba mollement sur les pavés. Telle une petite saucisse bleutée, épuisée par l’effort soudain qu’il avait dû produire pour éteindre les flammes. Le Mur Lumière contenant les eaux, tous les pokémons pataugeaient désormais. Situation inconfortable pour le pokémon Feu de leurs adversaires… mais qui présentait un avantage significatif pour Castorno.
— Coup d’boule ! s’écria le vieux monsieur affublé d’un balais-brosse. Les yeux de l’agent de nettoyage jetaient des éclairs. Sa moustache frétillait d’indignation. Entre la cendre des pétales brûlés et l’eau sale qui ruisselait sur les pavés...voilà encore un combat qui lui ferait faire des heures supplémentaires ! Réceptif à la colère de son dresseur, Castorno se projeta d’un puissant coup de queue ! Navigant sans peine à l’intérieur de la pataugeoire, et accumulant force et élan, il percuta brutalement le pauvre Minidraco et l’envoya rebondir contre les parois invisibles de leur arène.
— Waah…! Ils sont drôlement remontés ! se lamenta la petite postière. Et quelle violence… votre patron vous a menacé de vous refuser vos congés ou quoi ? La serveuse et le vieux employé de ménage lui répondirent d’un hochement de tête sec.
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