Il faisait froid, dans son bureau.
Il y avait toujours ce vent frais qui restait, une température assez basse. Enfin, toujours. Disons que depuis qu’il avait Vénus, il s’appliquait à ce que l’environnement du pokémon soit agréable. Et elle vivait dans la glace en général. Alors il gardait son bureau aux alentours des 19°C pour que ce soit plus agréable pour la chenille de glace qui était présentement couché sur une pile de papier, paisiblement endormie.
Très longtemps, trop longtemps, ça faisait trop longtemps que ses rêves n’étaient plus calmes; mais un puits de cauchemars et de doutes. Des nuits qui s’éternisent sur des papiers qui n’en valent peut-être pas la peine, mais un sommeil qui se refuse à être réparateur. Il y avait cette scène qui se rejouait en boucle, ce mauvais rêve qui le tourmentait sans cesse. Il se revoyait sur le chemin du retour, celui qu’il avait connu par coeur, lui permettant de rentrer des cours jusqu’à leur maison à Windoria. Puis, il y avait la silhouette de sa soeur au lieu, et une main gantée plus grande qu’elle; beaucoup plus grande qu’elle, qui entourait tout son corps. Elle était trop loin pour qu’il puisse l’attraper, trop loin pour qu’il puisse la sauver; il n’y avait que son hurlement qui résonnait, se répercutait, jusqu’à ce que sa voix l’abandonne.
Jusqu’à ce qu’il se réveille, le coeur battant aux tempes et des sueurs froides sur le front.

Ses doigts tapotaient son bureau dans un bruit terriblement régulier alors qu’il relit les rapports déposés le matin même. Aucune trace ne résidait dans les sols. Aucune trace de l’énergie particulière qui avait été trouvé dans les échantillons provenant de ce fameux laboratoire. Il était connu que les légendaires possédaient des énergies différentes des autres pokémons. Ils étaient plus forts, plus… étranges. Tellement de mystères tournaient autour des pokémons légendaires - clairement, Cayden aimerait pouvoir tout apprendre, tout savoir. Et certainement qu’il aimerait être le premier à les trouver, les pokémons légendaires dont il avait entendu comme retour de la centrale à Voltapolis.

Mais il n’y avait pas que les pokémons légendaires qu’il l’intéressait. Il y avait… retrouver Célica. C’était le détail le plus important, c’était son unique but principal, celui qu’il allait le pourchasser, jusqu’à l’atteindre.
Mais tout comme les légendaires : Cayden n’avait pas la moindre piste pour la retrouver. Ou pour trouver ce qui lui était arrivé. Tellement d’années. Tellement d’années passées à relire des documents, des rapports, des autopsies, tellement d’années qui se sont perdues.

Soupir qui se meurt sur ses lèvres alors qu’il observe Vénus, enviant sa sérénité. Il se demandait parfois comment elle faisait, comment elle pouvait dormir ainsi, aussi sereine, sans craindre le danger autour d’elle. La nuit ne la dérangeait pas. Aussitôt qu’elle était dans son cou, tout près de lui, dans l’odeur qui les entoure depuis toujours; elle était calme. Elle pouvait dormir ou observer le monde autour de lui.
Oui, définitivement, parfois Cayden était jaloux de son propre pokémon.

Il souleva d’un doigt la première feuille du rapport pour en observant les différentes lignes des résultats.
Il avait demandé uniquement les résultats, connaissant déjà tout le côté théorique autour des recherches. Doucement, mais sûrement, il se faisait une idée de se rendre à Voltapolis. Seul. Il ne voulait mettre en danger personne de son équipe et bien qu’il se préparerait adéquatement, il ne pouvait pas risquer une telle situation. Voltapolis. C’était un triste événement. Tellement de morts. Mais au moins, les familles savaient ce qui s’était produit.
Est-ce qu’il aurait pu faire son deuil plus rapidement, s’il avait su ce qui s’était passé ? Est-ce que ça aurait été plus évident de tout mettre derrière lui, s’il y avait eu un mot final à toute cette histoire ? (Mais il n’avait jamais passé au-dessus; il n’avait jamais fait son deuil)

Son doigt glissa de la feuille pour laisser la page de présentation recouvrir le rapport lorsqu’il entendit quelqu’un cogner à sa porte. Vénus ouvrit les yeux, curieuse de la présence nouvelle d’un autre être humain quand son dresseur clama à la personne qu’elle pouvait entrer dans le bureau. Son regard se posa sur le café que l’homme avait amené, en se grattant légèrement l’arrête du nez. Son regard se posa sur le tiroir contenant tous les dossiers… pour Celica, le poussant à respirer profondément. Quand l’angoisse prenait un peu trop sa place dans son esprit, il s’allumait toujours une cigarette - et c’était clairement ce qu’il avait envie de faire présentement.
« Ilian, c’est ça ? Je ne suis plus certain. Merci beaucoup, c’est une gentille attention. » Un sourire vague sur ses lèvres - parce qu’il n’y avait plus de sourire franc. Plus depuis l’absence de cette jumelle; plus depuis que le silence était devenu son unique refuge pendant trop de jours.

Il trempa ses lèvres dans le liquide chaud en profitant de l’arôme amère du café. Douce. Efficace pour chasser la fatigue des nuits trop courtes. « Il est parfait. »Cayden n’était pas un employeur tyrannique - bien au contraire; il n’était pas non plus avare de compliments. Il avait toujours comme idée qu’il fallait encourager les travailleurs, et leur souligner ce qui était bon; tout en corrigeant et rectifiant les erreurs. Toujours dans un respect mutuel. Toujours dans une douceur polie.
Jamais plus son sourire n’a été lumineux. Mais on pouvait tout de même voir dans l’éclat de ses prunelles son intérêt pour les fossiles.
« Je serais ravi de le voir ! Est-ce que vous avez une idée de quel ancien pokémon est ce fossile ? »

Il se leva ensuite pour aller entreouvrir légèrement la fenêtre puis retourna à son bureau, sans pour autant s’asseoir. Il attrapa son paquet de cigarettes et s’en alluma une. « Oh. J’espère que la fumée ne vous dérange pas trop ? J’ai ouvert la fenêtre, mais je peux toujours attendre de sortir dehors. » Léger haussement d’épaule alors que, d’une main, il porte la tasse de café à ses lèvres pour une nouvelle gorgée. « Montrez-moi ce fossile maintenant ! Vous l’avez trouvé où ? Il a été recensé d’ailleurs dans nos archives ? »

Dans le froid de son bureau, il y trouvait presque refuge. Le froid venait insensibiliser et même si cette température était présente en premier lieu pour Vénus qui se trouvait tout près d’eux, sur son épaule même,  elle convenait également au dresseur.
Le froid parvenait parfois à calmer les angoisses, à éteindre les étincelles d’inquiétude, qui demeuraient dans son être. Le froid apaisait, effaçait quelques problèmes. Puis, il s’y était habitué, lui. Il ne tremblait plus, il ne frissonnait plus.

Même si le café devait être souvent réchauffé, parce qu’il se refroidissait rapidement. C’était pour ça qu’il y avait un micro-onde dans son bureau.
Il y restait souvent dans ce bureau. Coeur aussi froid que la température qui y résidait - murs bâtis bien trop hauts pour que quiconque les franchissent, parce qu’il ne voulait personne. Il ne voulait plus personne.
He finally understands why storms were named after people

Il avait souri à la personne qui se tenait devant lui. D’un sourire léger, d’un sourire distrait - l’esprit inévitablement ailleurs, accaparé par les envies toujours présentes de trouver enfin réponses à ce qui s’était passé. Il était difficile de se tenir éloigner de son ordinateur et des recherches, difficile de ne pas chercher à comprendre ce qui lui avait valu une adolescente ratée - ce qui l’avait obligé à grandir bien trop brusquement, bien trop rapidement. Chercher qui avait décidé que leur monde devait voler en éclats, qui avait décidé que ce pourrait être amusant de déchirer leur famille entière. De trois, ils étaient devenus solitaires - et les parents n’avaient rien pu faire.

Cayden avait oublié ce que c’était - il avait oublié ce que c’était de croire en quelqu’un, d’avoir confiance en un autre. Chaque fois qu’il voyait Callum, c’étaient des tensions qui demeuraient et parfois, éclataient. Sans jamais qu’ils ne hurlent, c’étaient pourtant des paroles glaciales qui étaient échangées et la déception, l’amertume que Cayden relâchaient toujours. C’étaient tous les reproches du scientifique et les regrets se condensant dans des flèches visant directement le coeur de celui qui avait été autrefois un frère.
Cayden avait oublié ce que c’était, de se laisser aller, de laisser la glace fondre - d’être autre chose que le scientifique, que l’employeur, celui qui était à la tête et donnait les ordres. Il avait oublié ce que c’était, d’être accompagné, d’avoir des amis - d’avoir tout simplement quelqu’un sans craindre les mensonges, sans craindre la déception. D’une vie qui aurait pu être parfaite, il lui manquait les fondements les plus importants - et l’angoisse avait pris refuge auprès de lui et de la solitude qui l’entourait.

Il avait regardé Illian en hochant la tête. Il pouvait remercier sa mémoire. Elle lui servait beaucoup, que ce soit dans son métier ou dans ses recherches. « Vous pouvez m’appeler Cayden et pas monsieur, Illian. Je ne vais pas vous transformer en glaçon pour absence de formalité. »
Il avait l’habitude des formalités, Cayden. Après tout, il était un supérieur - il était un employeur pour certains et il avait déjà renvoyé des personnes qui avaient décidé que la sécurité n’était pas importante. Qui avaient risqué leur vie et celles de leurs collègues. Mais le “monsieur” le faisait toujours autant tiqué. Il préférait encore être appelé par son prénom, ou son nom de famille. Il se souvenait parfois de l’époque où “Freylinger !” résonnait dans leur maison, appelant les trois enfants après une connerie. À l’époque, ils étaient soudés. Aujourd’hui, Callum et Cayden ne se soutiendraient aucunement.

« Un fossile dôme ? » C’était fort probable. Il s’était approché et avait pris le caillou dans sa main libre, en prenant une respiration toxique pour la relâcher dans les airs, à l’opposée d’Ilian pour ne pas que la fumée l’empeste lui. De son côté, Vénus venait de décider qu’elle glissait sur le bureau pour observer le nouveau venu dans le bureau de son dresseur - toujours aussi curieuse et sociable. Il avait haussé très légèrement les épaules, la laissant faire sans rien.
Ses yeux avaient ciblé chaque côté et coin du fossile, sa main avait estimé la pesanteur et il en avait également estimé la taille rapidement. « Je confirme l’identification.»

Au bout d’un moment, on apprenait rapidement à reconnaître certains fossiles et il avait souvent manipulé celui-ci. Il l’avait posé sur son bureau pour éteindre sa cigarette et reprendre une gorgée de café. Parfois, il ne pouvait s’empêcher de demander si c’était vraiment la vie qu’il avait choisi, puis effaçait cette pensée de son esprit rapidement, sans davantage s’y attarder. « Alors, expliquez-moi comment vous vous y êtes pris. Étape par étape. Et je pourrais vous dire si vous avez manqué des points, des détails. » Cayden n’avait jamais été enseignant et pourtant, tous les jours, il apprenait aux autres, il montrait et démontrait, il servait d’exemple et aidait les autres à s’améliorer. Alors c’était tout comme.

Il avait souri de nouveau quand Vénus avait capté l’attention d’Illian et elle, elle avait souffler un peu de neige dans le bureau - le refroidissant encore un tout petit peu. « Elle vous aime bien. » Il se garda bien de dire qu’elle n’était pas très sélective dans ses choix et qu’elle avait bien tendance à aimer… tout le monde qui pouvait se trouver dans son chemin.

Hochant la tête, il avait pris une nouvelle de gorgée de café. La présence d’Ilian était presque salvatrice pour son esprit tourmenté, un peu trop occupé. Il pouvait se concentrer sur ce travail-là et pendant quelques instants, oublier le fantôme qui le poursuivait un peu trop. « Je serais ravi qu’on puisse l’identifier ensemble. Je vous en prie, prenez place, asseyez-vous. Vous avez mangé ? » Après tout, le temps filait souvent très rapidement et lui-même oubliait de se nourrir lorsqu’il travaillait. Ce n’était que normal qu’il se demande si c’était également le cas de cette personne qui se trouvait devant lui. Vénus, sur le bureau, faisait sa belle, essayant presque de montrer qu’elle était une douce frissonille entièrement sage. Et c’était le cas, elle était très sage.
Nouveau sourire se dessinant sur ses lèvres. « Ne vous en faites pas.  Vénus est bien plus agréable que son dresseur. Et plus sociable. Ne vous gênez pas, vous pouvez même la prendre sur vous.» Les petits yeux brillant de Vénus continuaient de fixer Ilian en lançant quelques flocons autour d’eux alors que Cayden reprenait place assise, observant l’écran de son ordinateur.

Un éclat de frustration passa dans son regard, mais elle s’éteignit rapidement. Il tapait quelques trucs rapidement, semblant brièvement oublier la présence d’Ilian - il avait cru obtenir une piste sur Célica qui tombait à l’eau.
Mais rapidement, il se contenta de fermer les onglets pour se concentrer sur l’employé dans le bureau. C’était beaucoup plus simple ainsi et bien moins risqué. « Vous avez trouvé votre fossile dans quel lieu ? »