Halte là chers lecteurs & lectrices ! Avant de lire cette histoire, je préfère vous prévenir que certains passages risquent sûrement de choquer un public sensible car ci-dessous seront explicitement décrits des situations de
maltraitance infantile ainsi que de
meurtres ! Lisez donc à vos risques et périls, ne dites pas que je ne vous ai pas prévenu ! Bonne lecture si vous choisissez de poursuivre ~
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« Le noir complet.
Le néant.
Il était normal d’avoir peur quand qu’on se retrouve dans ce genre de situation. Ce genre de situation dans laquelle on a l’impression d’avoir perdu la vue, l’ouïe. Aucune odeur ou objet pour se repérer dans cette pièce noire encre. On ne touche rien, on ne sent rien, on ne ressent rien.
Tout cela jusqu’à ce que la pression vous oppresse, vous étouffe.
Tout cela jusqu’à ce que le souffle vous manque, vous échappe.
Néanmoins, des bruits commençaient à se faire entendre. Des choses bougeaient, se mettaient en place. Vous vous rendez bien vite compte, que depuis tout ce temps, vous étiez siégés sur une simple chaise en bois, grinçant sous votre poids, à chacun de vos mouvements. Des silhouettes imperceptibles semblaient effleurer vos membres telles des brises légères, des paroles insipides murmurer au creux de vos oreilles jusqu’à ce qu’un silence de mort s’installe.
Était-ce un songe ? Déjà beaucoup trop à penser, à appréhender, à hypothétiser, à comprendre.
Tout ce que vous deviez savoir se trouvait d’ores et déjà devant ou autour de vous.
Soudain, un froissement de rideau se fit ouïr. »
“Ladies and Gentlemen ! Merci d’avoir attendu pour voir ce spectacle inédit !”
« une première voix aiguë annonça. »
“On vous promet que vous n’allez pas le regretter !”
« cette deuxième voix ridiculement stridente ajouta. »
« Ce son de tissu, qui faisait son ascension, révéla ce qui paraissait être un mini théâtre de marionnettes posé sur une table en bois. De petites bougies l’éclairaient de leur chaude luminosité orangée.
D'où provenaient ces voix ?
Pourrait être le genre de question que vous pourriez vous poser en constatant l’absence d’une quelconque présence humaine à cet instant. C’est alors que deux lapins assemblés en patchwork, de différents types de tissus, se mouvant grâce aux mains qui les animaient, firent leur apparition. »
“Installez-vous bien et profitez !”
« continua le premier. »
“Oui, oui, profitez bien ! Pleurez, riez, énervez-vous !”
« ricana le deuxième. »
« Une plaisanterie de mauvais goût ? Que faisiez-vous là ? Peut-être était-il temps d’y mettre fin et de partir. Cependant, pour une raison qui vous échappait, vous étiez comme...incapable de vous lever. Une force invisible vous empêchait de vous défaire de ces liens tout aussi imaginaires. Vous n'aviez pas d’autre choix que d’écouter ce qu’ils avaient à dire. »
“Ah bah ! J’ai bien cru que vous vouliez nous quitter...même si c’est impossible !”
« rit l'aîné. »
“Ahaha ! On vous a bien eu ! Mais...pourquoi est-ce que vous voulez partir ? Qu’est-ce que vous avez de mieux à faire ?”
« se demanda le cadet. »
« En effet, pourquoi le souhaitiez-vous ? Encore une raison qui vous était inconnue. Il semblait que vos souvenirs en étaient flous, vagues au point d’en être quelque peu déboussolés. Aucun autre endroit où aller. Alors pourquoi partir ? C’est ainsi que vous décidiez de rester assis sans faire de scène.
Simulant un raclement de gorge à l’aide des doigts qui se trouvaient à l’intérieur de la matière, le lapin rapiécé de coloris principalement vermillon prit de nouveau la parole. »
“Maintenant que nous sommes prêts… Ah, mais ! Nous avons oublié de nous présenter ! Je suis Ruta ! ~”
« commença le rouge. »
“Je me disais bien qu’on avait zappé une étape ! On va passer un certain temps ensemble alors autant faire connaissance ! Moi, c’est Anemone ! Enchanté !”
« termina le noirot. »
“Eh bien, on dirait qu’il est temps de commencer notre petite histoire !”
« se rendit compte le lapin faisant comme si celui-ci avait une montre à son poignet inexistant. »
“On est en retard ! En retard ! En retard !”
« s’agita l’autre en gigotant nerveusement dans tous les sens. »
“Sans plus attendre, commençons !” « finissaient-ils par dire à l’unisson en prenant tous deux des planchettes de papier cartonné entre leurs petites pattes. »
« C’est ainsi que l’histoire allait enfin prendre vie sous forme de dessins enfantins sur le papier. La première planchette tomba. Le début d’un conte allait être narré. Les deux marionnettes en étaient d’autant plus impatientes de vous la raconter. Alors elles commencèrent. »
“Il était une fois, deux fillettes qui se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, chacune la réflexion de l’autre.”
“Des gamines sans nom, sans maison, ni famille ! C’est triste... !”
« Vous voyez sur le papier cartonné, comme esquissé par la main d’un enfant, deux silhouettes assises sur le sol, l’une contre l’autre, l’une dans les bras de l’autre. Le mélange des différentes couleurs sombres donnait un effet assez sordide et maussade au tableau. Cette planchette finit par tomber comme la précédente, montrant la prochaine. »
“Personne ne les connaissait, elles ne connaissaient personne. Elles étaient seules contre tous. Qui allaient bien les sauver ?”
“Moi, je sais ! Moi, je sais ! Un couple qui passa miraculeusement par là et leur proposa de leur donner un toit ! Qu’il avait l’air gentil !”
« Ricana ce dernier, faisant trembler le côté que celui-ci tenait. La scène semblait identique à la première mais quelque chose se démarquait par rapport à celle-ci. La moitié droite du dessin montrant les deux nouveaux personnages était plus lumineuse et chaleureuse que l’autre moitié exposant les fillettes. »
“Que pensez-vous qu’elles firent ? Est-ce qu’elles ont accepté ? Est-ce qu’elles ont refusé ?”
“Bien sûr qu’elles ont accepté ! Qui serait assez fou pour refuser une offre pareille ?”
“Qui pourrait se méfier d’un couple aussi aimant et radieux que celui-ci ?”
“Pas moi en tout cas !”
« Bavardèrent-ils en vous dévisageant brièvement, même si ces êtres sans vie véritable n’avaient pas de yeux à proprement parlé, avant de passer à la scène suivante représentant une maison assez champêtre qui paraissait isolée de la civilisation sans aucune autre aux alentours. Différente d’une maison en sucreries et en pain d’épices, aussi fleurie et accueillante que dans un conte de fée. Une autre planchette prit sa place, montrant une famille attablée dans la joie et la bonne humeur. Les couleurs pastels, se trouvant dessus, en étaient plus que joyeuses. »
“Formant à eux quatre un heureux ménage, les jumelles pensaient qu’elles avaient trouvé leur nouvelle famille, nouvelle maison, nouvelle vie ! Elles étaient sûres de pouvoir vivre ensemble pour toujours !”
“Bah, c’était le cas ! Elles vécurent une vie paisible jusqu’à ce que l’une des sœurs disparaisse sans laisser de trace ! Où avait-elle bien pu passer ? Ses parents adoptifs ne souhaitaient rien lui dire à ce sujet ! N’est-ce pas étrange ?”
“Eh bien, tu n’as pas tort ! Parce qu’ils étaient méchants ! Ce sont eux qui ont fait disparaître la gamine !”
“L’aînée les avait entendus parler tandis qu’ils pensaient qu’elle dormait ! Heureusement qu’elle était là à ce moment-là !”
“Mais malheureusement, elle essaya de partir discrètement sans faire de bruit mais le plancher grinça sous son poids ! On dirait bien qu’elle était dans le pétrin car ils ont su qu’elle était là et réussirent à la jeter dans la cave pour l’empêcher de s’enfuir.”
« Décidément, ces pantins en tissus ne manquaient pas de morceaux de bois, présentant planchette après planchette à une vitesse inouïe tandis qu’ils contaient l’histoire comme s’ils tapaient la discussion sous forme de questions-réponses. »
“Oh non ! La pauvre ! Que s’est-il passé après ?”
“Pleins de pokémons spectre et ténèbres effrayants hantaient la cave ! Désemparée et effrayée, la fillette chercha un moyen de se sortir de ce mauvais pas ! C’est alors qu’elle fit une incroyable et étonnante découverte !”
“Ah ? Qu’est-ce qu’elle avait découvert ?”
“La gamine retrouva… Roulements de tambours ! Tadam ! Sa sœur disparue ! Ces méchantes personnes l'avaient sans doute aussi jeté ici-bas ! Quelle heureuse nouvelle, n’est-ce pas ?”
« Encore un rictus qui n’en fut guère dissimulé. Il était évident que ces animaux factices vous cachaient quelque chose d’assez sinistre mais bon, leur apparence seule en était déjà assez terrifiante comme cela. »
“Une très bonne nouvelle ! Elles devaient vraiment être contentes et rassurées d’être réunies à nouveau ! Du coup, elles ont fait quoi après ces touchantes retrouvailles ?”
“Bien entendu, elles s’échappèrent en faisant évacuer tous les pokémons de la maison par la porte donnant sur l’extérieur de la cave ! Et elles mirent le feu à la maisonnette avec les méchants à l’intérieur !”
“Ahaha ! Bien fait pour eux ! Ils ont cherché les mauvaises fillettes ! Tout est bien qui finit bien !”
“C’est ainsi qu’elles vécurent ensemble jusqu’à la fin des temps ! Les deux sœurs, main dans la main ! Heureuses et en bonne santé !”
« La fin ? Était-il enfin temps de mettre fin à cette mascarade et de rentrer chez vous ? Étrangement, vous n’aviez pas l’impression de pouvoir vous mouvoir pour autant alors que vous entendiez comme une foule se lever autour de vous, divers rires d’enfants divergeant vers une sortie que vous ne pouviez voir. Le rideau se ferma. Les bougies s’éteignirent, perdant leur flamme comme soufflée par un violent zéphyr. »
“Avez-vous aimé cette petite histoire ? Est-ce que les enfants ont tous bien quitté la salle ? Are you ready for part two ?”
« Tiens, tiens, on dirait que vous êtes restés. Même si vous n’aviez pas vraiment le choix de toute manière. C’est ainsi que vous vous demandiez d’où provenait cette nouvelle voix qui semblait vous avoir interpellé, vous seul. Vous aviez beau essayer d’en trouver le propriétaire en regardant dans toutes les directions possibles mais rien n’y fait, il est introuvable.
Un rire capricieux dans l’obscurité.
Le grincement du plancher sous une paire de pas.
Ce tapotement répétitif s’arrêtant devant vous.
La lumière d’une bougie éclairant votre champ de vision. »
“Vous êtes-vous bien amusé ?” « Fut la question que vous posa la jeune fille qui venait d’apparaître devant vous, la bougie qui vous éclairait à la main. C’est en souriant malicieusement que celle-ci posa sa clarté sur vos genoux avant de disparaître pour se retrouver dans votre angle mort dorsal, ses deux mimines sur le dossier de la chaise que l’on vous avait attribué.
Pendant une seconde, vous auriez juré que cette paire s’était logée autour de votre cou. Une sensation d’étranglement qui vous revint à cet instant. Mais, il ne s'agissait que de simples mains fantômes. Un souffle qui vous effleurait la nuque. Plus rien. »
“Ne me dites pas que...vous êtes nerveux ?” « Cette voix qui semblait résonner dans votre tête, dans la pièce, dans cet endroit. De nouvelles poignes vinrent prendre en otage vos poignets endormis. Un faciès faisant son apparition pour une énième fois. Son sourire narquois. Ses orbes vermillons vous fixant, vous déstabilisant. Tous illuminés par la faible lueur de la bougie qui reposait sur vos jambes. »
“Vous pensez sûrement que je vais vous faire du mal ou même...vous tuer ? Impossible...ou pas ? Songe ou réalité ? J’opterais pour la première option ~”« La silhouette s’éloigna à pas de loup, laissant vos poignets tranquille. Disparaissant dans les ténèbres. Tapie dans l’ombre, cherchant l’occasion parfaite pour refaire surface.
La lumière d’une bougie limitant votre champ de vision.
Ce tapotement répétitif retentissant loin de vous.
Le grincement du plancher sous une paire de pas.
Un rire capricieux dans l’obscurité. »
“Vous pouvez m’appeler la narratrice. Dans ce rêve, nous n’avons pas de réelle identité alors je vais me permettre de vous nommer spectateur. Mais alors…qui est l’acteur ?”Votre seul espoir. Votre seule clarté. Elle vous l’a volé.
Un simple claquement de doigts pour que tout s’éteigne, s’efface, cesse d’exister.
Mais, c’est alors qu’elle vous la rendit, pour l’instant.
Toutes les bougies s'allumèrent, une par une.
Derrière la scène sur laquelle ses temporaires intermittents se tenaient.
Ces deux petits lapins faits main.
Elle s’y tenait, elle vous observait, elle attendait d’avoir votre entière attention.
“Ready for the last act ?”Elle n’avait pas besoin de réponse car de toute manière,
Ici bas, c’était elle l’anecdotière.
Un dernier claquement brusque et brefs de ses planchettes,
Elle tint à ce que cette histoire soit complète. »
"Bon, on commence ? J’ai l’impression que je pourrais m’enraciner…" « fit-elle mouvoir l’un des rapiécés. »
"Je pense qu’on a toute la journée, même éternité, mais bon, on a aussi des choses à faire nous ! ~" « fit-elle ajouter par l’intermédiaire de cette marionnette aussi bavarde que malpolie. »
« Tic tac, tic tac. Le temps s’écoulait.
Il n’avait jamais cessé de le faire.
Peut-être était-ce votre imagination depuis le début ?
Il ne s’était jamais arrêté.
Mais, une certaine personne aurait aimé que cela se passe ainsi.
Cependant, le temps ne peut être manipulé à notre guise.
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Le son de la pluie.
La pluie sur la peau.
Cette peau froide et tremblante par le passage,
D’un frais vent d’automne.
Contrainte de sortir de sa torpeur, les lourdes paupières d’un être fébrile durent s’ouvrir pour apercevoir un paysage plus que familier, répétitif, morose. Une épaule venant percuter doucement une autre. Son regard vint rencontrer celui de sa réflexion, de son sosie. Une paume tendue, sa jumelle épousant la sienne.
Deux silhouettes enfantines luttant contre les éléments, assises dans une ruelle à l’abri des regards. L’une sourit innocemment à l’autre le lui rendant avec tendresse et sincérité, tandis que celle-ci tremblait sous l’assaut du froid. Toutes deux, sous une pluie battante, essayaient désespérément de se faire une place dans ce monde, de survivre avec le peu de moyens qu’elles détenaient entre leurs petites mains. C’était l’une contre l’autre, couverture souillée et abimée autour de leurs petits corps, que ces jumelles inconnues de tous “vivaient”.
Leurs longs et bruns cheveux furent emmêlés de partout, leur peau entachée par toute sorte de saletés et souillures, leurs frusques semblables à des haillons. Se réchauffant vainement à l’aide de leur corps laissant paraître leur ossature infantile. Il était évident que ces fillettes ne mangeaient guère à leur faim. Elles se disputaient souvent pour savoir qui allait céder à l’autre la dernière trouvaille alimentaire. Parfois, l’une se sacrifiait. Quelquefois, une part en fut dédoublée pour les satisfaire. Rarement, chacune avait sa part pour se substanter. C’était le devoir de l'aînée de cette fratrie, même si la cadette n’en était point contente que cela se passe de cette manière.
Depuis quand étaient-elles ici-bas ? Pendant combien de temps allaient-elles rester là ? Aucune ne le savait. L’aînée serra la frêle silhouette de sa jumelle contre la sienne, s’accrochant désespérément à cette petite étincelle de vie qu’elle fut pour celle-ci à cet instant. Elle lui caressa le dessus de sa tête tout en lui murmurant des mots rassurants au creux de son oreille, espérant par la même occasion pouvoir apaiser ses craintes et inquiétudes qui semblaient se mêler à ses frissons.
Soudainement, la pluie cessa de tomber.
Étrangement, le ciel paraissait comme s’ouvrir en deux, les nuages se dispersaient peu à peu.
Surprenamment, le soleil montra le bout de son nez, laissant sa luminescence recouvrir leurs timides doigts de pieds dépassant d’en dessous du tissu qui les emmitouflaient.
C’était comme si tout cela avait été prévu, écrit par une tierce personne. Les deux gamines n’en croyaient pas leurs yeux. Alors éblouies par les rayons lumineux leur agressant la vue, elles mirent leurs mimines en synchronie devant leur visage respectif pour s’abriter de cet assaut visuel.
Des bruits de pas.
Ces bruits se rapprochant d’elles.
Faisant écho dans cette étroite ruelle.
Le soleil semblait disparaître à nouveau, diminuant en intensité, au fur et à mesure que les fillettes l’observaient en train de décliner d’entre leurs phalanges. Elles n’avaient guère l’habitude d’être témoins d’une telle météo, habituée jusque-là à la froideur et à la pluie. Enlevant leur temporaire abri épidermique de devant leurs orbes vermillon, les sœurs furent surprises de voir face à elles deux personnes, apparues de nulle part, comme par magie. Se mouvant sous l’emprise de la peur, celles-ci se blottirent l’une contre l’autre, recroquevillées contre le mur que leurs deux frêles corps touchaient. La cadette colla sa tête contre la poitrine de l’aînée qui, quant à elle, maintint son regard écarlate sur les inconnus. Les observant sous toutes les coutures, la courageuse intensifia la pression qu’elle exerçait dans son étreinte sans se détourner d’eux tel une mère protégeant son petit. Le duo leur sourit, placé devant le soleil, à contre jour. L’aînée serra une fois de plus sa jumelle dans ses bras.
Un bras tendu, la paume d’une main ouverte.
Des paupières qui se fermèrent fortement.
Un corps entrelacé contre un autre.
Une main se posant sur sa tête.
La fillette rouvrit spontanément ses orbes au contact des doigts de l’homme qui lui touchait les cheveux. De nature sauvage et imprévisible, la gamine aurait dû dégager son bras dominant et l’ôter de son crâne d’un seul coup mais à la place, celle-ci sentit de l’eau perler le long de ses joues. Était-ce de l’eau de pluie ? La récente météo n’en fut en fait qu’une averse ? L’enfant tourna son regard vers une flaque d’eau à quelques mètres d’eux et s’y regarda quelques secondes durant. La brunette était en train de pleurer, laissant d'innombrables larmes couler sur le long de ses joues, son menton, son cou pour se poser sur ses frusques.
Le geste de cet inconnu l’aurait-elle ému ?
Elle qui n’avait jamais rien laissé paraître devant son sosie.
Celle qui voulait rester un modèle pour sa jumelle.
La fillette ne comprenait pas cette réaction face à ce genre d’action.
Mais, elle continua de pleurer en gardant son précieux contre son cœur.
C’est alors que la femme prit la parole. »
“Venez donc vivre avec nous.”
« avait-elle dit d’une voix mielleuse, sans aucune once de sournoiserie ou de malveillance dans sa vocalisation. »
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"Qu’auriez-vous fait ou dit à ce moment-là si vous étiez à sa place, cher spectateur ?”« Posa-t-elle comme question en vous offrant un sourire tandis qu’elle tapota sur la vieille table en bois avec ses petites planchettes sur leur tranche, comme pour remettre un tas de feuilles en place. La table trembla sous ses nombreux assauts. »
“Je ne sais pas pourquoi je vous demande ça...puisque votre réponse ne changera rien à l’histoire. Peut-être parce que les monologues sont un peu tristes… ou pas ? ~”« Ricana-t-elle en claquant une dernière fois ce qu’elle tenait en main sur le meuble ancien. »
“C’est ainsi que je vous adresse un ultime regard, un ultime sourire avant de raconter la suite de l’histoire ! Je ne vous attends pas ! ~”« Dit-elle, enfin, reprenant son récit là où s’était arrêtée. »
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« Quand était-ce la dernière fois que la gamine eût ressenti une telle chaleur dans sa poitrine ?
Était-ce...ce qu'on appelait...de la joie ? Une émotion n’avait pas su exprimer depuis...depuis quand…? Pour une raison inconnue, elle n’en sut rien, elle ne put s’en souvenir. »
“Quelqu’un...nous...a...trouvé… -----”
« Chuchota-t-elle à sa jumelle en mettant sa tête sur la sienne, ses larmes alors inarrêtables.
C’est alors que la cadette, ayant toujours été de nature timide avec les inconnus, finit par sortir de sa cachette et dévisagea le couple pendant quelques secondes.
Pour la première fois, la fillette se détourna de sa sœur, la poussant de peu sur le côté pour se jeter dans leurs bras. Dans leurs bras à eux.
Pour la première fois, la gamine la délaissa pour de parfaits inconnus. De parfaits inconnus.
Pour quelle raison ? »
“Ces gens...me...font...penser...à….------”
« Avait-elle déclaré en pleurant à son tour, dans leur récente étreinte.
Que disait-elle ? Ils lui faisaient penser à qui ? Les derniers mots que prononça la cadette avaient été comme remplacés par un bruit sourd pour l’aînée. Sa sœur savait-elle quelque chose que celle-ci ne savait point ? Une question silencieuse qui resta sans réponse, à jamais. La brunette sécha ses larmes en frottant ses mains sur son visage, ses joues, ses yeux. Elle ne pouvait pas s’empêcher de se méfier d’eux. Sa réflexion, aussi gentille que naïve, ne se doutait de rien.
S’aidant de ses deux bras pour se lever, la gamine d’une décennie environ se contenta de s’avancer vers eux menaçant de chanceler à chacun de ses pas. Celle-ci ne pouvait pas se résoudre à laisser sa moitié toute seule. Toute seule avec eux. »
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“...”« La narratrice s’arrêta dans son allure, serrant son emprise sur les planchettes qu’elle tenait entre ses mains. Celle-ci regardait sur le côté, pour aucune réelle raison, tapotant cette fois du pied. Puis finit par cligner des yeux pour détourner son regard sur vous, lâchant un soupir. »
“Vous ne trouvez pas que c’était frustrant, énervant, humiliant ? La façon dont la sœur l'a repoussé, délaissé, abandonné pour le couple ? La personne avec laquelle vous avez toujours vécu, survécu…” « Commenta-t-elle sans vraiment attendre de réponse, continuant son monologue. Quelque part, vous n’aviez pas grand chose à répondre et même si vous aviez quelque chose à dire, votre bouche semblait en être cousue. Aucun mot ne pouvait en sortir. Seulement de vains gémissements étouffés. »
“...bon, je reprends ! ~”« Finit-elle par dire en affichant un nouveau sourire. »
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« Les deux sœurs furent alors recueillies par le couple qui leur offrit un toit, de la nourriture, des vêtements et des lits chauds. Il leur inculqua les bonnes manières, de l’éducation, les tâches ménagères. Enfin, si tout se passait bien.
Mais, ici, il n’était pas question de “bonheur”.
Une maison assez isolée, assez printanière, peut-être chaleureuse. Une grotte et une forêt l’avoisinaient. Entourée de champs de fleurs à portée de vue, elle disposait d’un rez-de-chaussée, d’un seul étage et d’un sous-sol. Ce sous-sol dont l’entrée ainsi que la sortie pouvaient se faire par une lourde porte en fer sous la cage d’escaliers et par une double trappe en bois menant à l’extérieur. Personne n’allait vraiment ici-bas, sauf quand quelque chose était vraiment nécessaire. Cela faisait de nombreuses générations que la famille du couple avait pris possession des lieux. Une famille assez sophistiquée et à cheval sur l’étiquette. »
“Pourquoi est-ce que tu ne comprends pas ce que tu te dis ?!”
« S’écria une voix féminine d’un ton furieux et irrité.
Cette exclamation fut accompagnée par un bruit de chaise tombant lourdement sur le sol. Un corps la rejoignit dans sa chute. La voix appartenait à la femme qui se tenait debout face à la silhouette qui fut à terre. Deux autres personnes étaient encore attablées. Un homme qui continuait de siroter son thé dans une tasse des plus raffinées et une jeune fille se tenant immobile sur sa chaise, les jambes parallèles l’une à l’autre sous la table. Son sosie était celle qui épousait le tapis de la pièce et qui se faisait crier dessus à ce moment-là. »
“En quoi est-ce que c’est compliqué ?!
Il faut croire que tu es bête ! Prends donc exemple sur ---- !”
« Continua-t-elle en illustrant son propos, la jeune fille attablée dans sa ligne de mire. La même qui n’osait pas croiser son regard, de peur qu’elle ne s’énerve contre elle.
La sœur toisa sa copie conforme en suivant le regard de la marâtre. Était-elle en train de la mépriser ou bien essayait-elle de montrer sa détresse face à la situation de la plus silencieuse des façons. Sentant son intention, la jeune fille ne put faire autrement que de baisser les yeux sur ses mains posées sur ses jambes.
Qui aurait pu le savoir ? Peut-être qu’à cet instant, la malheureuse eut le cœur brisé de voir que sa jumelle l’avait laissé en pâture à cette furie. Elle continua de l’implorer sans faire aucun bruit, mutique mais rien n’y fait jusqu’à ce que celle-ci soit emmenée hors de la pièce, alors empoignée et tirée par la femme.
Le silence se fit donc. L’homme finit par poser sa tasse sur la coupelle prévue à cet effet tandis que la brune semblait se maudire intérieurement, serrant ses poings, enfonçant ses ongles dans la chair de ses paumes. Le liquide rouge qui s’en découlait se fondit parfaitement avec le coloris de la robe qu’elle portait ce jour-là.
Ici, il n’était pas question de “bonheur”.
Plusieurs années s’étaient écoulées depuis qu’elles ont été recueillies au sein de cette famille. Au début, l’euphorie était présente.
Les jeux, les courses dans les champs fleuris, les rires, les beaux vêtements, la bonne nourriture, un bon lit douillet.
Puis vinrent les cris et les larmes.
Le fallacieux prologue passa au prochain chapitre.
Ces réprimandes journalières récidives.
Ces appels à l’aide trop familiers.
Ces claquements d’un fluide et souple instrument contre une surface.
Ces brefs silences inquiétants.
Souvent accroupie devant la porte de sa chambrette ou sur son lit, enroulée dans une couverture, l’aînée faisait mine de ne rien entendre. Ses mains couvrant ses oreilles. Une chansonnette excessivement forte pour ignorer, feindre, oublier.
“... -----....----- ! …. !...”
Ces cris à glacer le sang passant au travers d’un filtre.
Ces complaintes enragées, voire souvent sadiques.
Ces supplications incessantes tombant dans l’oreille d’une sourde.
Ces claquements d’un fluide et souple instrument contre une surface.
Ces brefs silences inquiétants.
Une seule faute, une seule maladresse et cela recommençait. En boucle. Chaque jour. Chaque nuit. Sans signe de s’arrêter. Des larmes coulèrent. Des flaques, des torrents. Des coups volèrent, transpercèrent, marquèrent. Plusieurs raisons de vouloir revenir dans le temps, pour reprendre à zéro. Effacer la souffrance et la tristesse engendrées…
Éventuellement, certains jours, les repas de “famille” se passait sans la présence de sa moitié. Rien que tous les trois. Un silence pesant. Le moindre tremblement ou tapotement faisait tressaillir la jeune fille. Cette impression de se sentir en permanence sur un territoire hostile, un champ de mines. Chacune de ses actions était minutieusement observée et analysée. Quand allait-elle devenir le prochain martyr ? Plusieurs coups d'œil furtifs en direction de la grande horloge située près de la porte de la pièce à vivre. Il lui arrivait de compter les secondes, puis les minutes pour pouvoir sortir de table et retrouver son seul havre de paix dans cette demeure.
Les deux sœurs ne partageaient pas la même chambre. L’aînée avait l’habitude des visites régulières de sa jumelle, souvent après la “punition” pour trouver un peu de réconfort dans son calvaire quotidien. Sinon, celle-ci venait pour ne pas avoir à dormir seule étant assez couarde de nature.
Mais, un jour, tout changea. La cadette disparut sans laisser de trace. La jeune fille avait beau la chercher partout, elle n’était plus là. Elle s’était volatilisée comme si celle-ci n’avait jamais existé auparavant. Comme si tous les moments partagés n’étaient qu’illusion. Tout avait disparu. »
“Elle ne s’est pas enfuie ? C’est souvent ce que les lâches font pour fuir leurs responsabilités.”
« Lui raconta sa marâtre sans vraiment prêter grande attention, le regard fuyant. »
Malaise.
“Mais bon, je ne m’inquiète pas...puisque tu es encore là...ma jolie poupée en porcelaine…”
« Ajouta-t-elle en se tournant vers la brune et posant une main sur sa joue droite, un sourire en coin ornant son faciès. »
Peur.
“Je ne voudrais pas avoir à te briser toi aussi...donc écoutes bien ce que je te dis….d’accord ?”
« Lui chuchota-t-elle sans décrocher son dérangeant sourire de son visage, caressant désormais celui de son précieux. »
Effroi.
Auparavant, il n’était pas question de “bonheur” ou de “malheur”. Mais, tout avait changé. La jeune fille repensa aux conversations avec son sosie. Avec l’intention de l’avertir, l’une faisait part de ses craintes et de ses frayeurs mais l’autre n’en fut pas moins sceptique.
“...j’ai peur…----”
“....qu’est-ce que tu racontes ----- ?...tu réfléchis trop....”
“...coutes...écoutes-moi...écoutes-moi !....”
L’impression de recevoir un choc électrique.
L’impression de sortir d’un songe.
L’impression de revenir à la réalité.
Cette impulsion, seule, incita la future captive à agir.
C’est alors qu’elle fit ce qu’elle aurait dû faire depuis d’ores et déjà bien longtemps. Depuis le moment où l’homme avait posé sa main sur la tête de cette gamine qui avait fondu en larmes. Un geste bien trop en retard dans le temps. Elle avait choisi la route de la rébellion, de la révolte. C’est alors que la brune frappa la main reposant sur sa joue avec une des siennes pour la dégager de son faciès, avant de se précipiter en direction de la porte de la pièce et de s’élancer dans le couloir une fois celle-ci ouverte.
Ce couloir avait-il toujours été aussi long ?
Peut-être était-ce la peur qui déformait son champ de vision ?
Tant de questions sans réponses se bousculèrent dans son esprit.
Elle devait fuir, c’est tout ce qui comptait à cet instant.
Mais, tout n’était que fantasque désillusion. »
“Téraclope utilise Gravité.”
« Ordonna cette voix féminine plus que familière.
Le temps lui manquait. Il lui a en toujours manqué. le sol devint plafond, le plafond devint sol. Sa vue vira au flou au moment où sa tête percuta la surface dure qu’elle eût foulé précédemment dans l’espoir de trouver une échappatoire dans ce futur enfer. Les dernières choses dont la jeune fille se souvint furent le son de talons arrivant près de son corps ainsi inerte et des murmures. »
“Je ne voulais pas te faire du mal...les méchantes filles doivent être punies…”
« Puis le néant. »
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“Qu’en pensez-vous ? Ça fait moins conte de fée que l’autre, n’est-ce pas ? On est parti dans le quasi thriller même horreur ! Personnellement, j’adore !” « Déclara-t-elle avec enthousiasme avant de mettre une de ses mains dans la marionnette vermillon qu’elle fit mouvoir à l’aide de ses doigts. »
“Qu’est-ce qu’on s’amuse ! Je dis pas pour vous mais nous, on s’en fend la poire ! Ahaha--”
« Ricana le mammifère en tissu, retombant lourdement sur la surface en bois avant même qu’il n’ait pu finir. La narratrice en retira sa main ayant pris une teinte rougeâtre une fois sortie de l’intérieur de la marionnette. La substance était semblable à de la peinture.»
“Le rouge est vraiment une belle couleur…” « Ajouta-t-elle en retournant sa main de manière magistrale et en bougeant ses doigts devant elle pour faire apparaître une fleur écarlate aux pétales écartées. Faisant penser à une araignée recroquevillée, sur le dos. »
“Hum ? Cette histoire est tellement détaillée et précise qu’on a du mal à croire à une fiction ? Ahaha...et si je vous disais que ce n’est pas une fiction…? Me croirez-vous…?”« Finit-elle en affichant un sourire énigmatique, la fleur tournant entre ses doigts. »
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« Comme la marâtre l’avait promis, la jeune fille passa d’interminables journées dans la pièce de la “punition”. Il ne serait pas exagéré de dire que la femme eut utilisé un peu près tous les instruments qu’elle avait à sa disposition. La ténacité de son cobaye était au-delà de ses espérances. Peut-être avait-elle trouvé la perle rare, sa poupée grandeur nature ou encore un nouvel “objet” pour libérer sa frustration.
Tantôt la punition,
Tantôt la dinette.
Tantôt le bâton.
Tantôt la carotte.
Constamment dans le brouillard comme si un pokémon en avait lancé la capacité, la captive était déboussolée, ne sachant guère où celle-ci se trouvait, comme droguée en permanence. Le bruit des chaînes s’entrechoquant contre un mur. La sensation de son crâne percutant la même surface. L’odeur d’un parfum fort l’intoxiquant à chaque inspiration, toussant à chaque expiration. »
“On dirait que je t’ai pas raté, ma pauvre…”
« Dit-elle en effleurant du bout des doigts la peau du dos de la jeune fille, parsemée de traces de fouets et de diverses brûlures. »
“Mais maintenant, j’espère que tu as compris qu’il ne faut pas me désobéir. Je vais prendre le temps de te marquer physiquement et...mentalement. J’ai toujours rêvé d’avoir une poupée taille humaine...”
« Continua-t-elle en mettant le bout de sa cravache en dessous du menton de la brune pour lever son visage. »
“J’espère que nous passerons de très bons moments ensemble, ma chère -----...”
« Finit-elle en souriant d’une douceur mensongère.
A tout moment, la jeune fille voulut s’enfuir, se libérer de ses entraves malgré son évidente confusion. Un nouvel espoir, une étincelle dès qu’elle sentait l’absence de sa tortionnaire. Temps que cette étincelle ne cessait de crépiter, la brune ne manqua pas de se débattre, de tenter de s’échapper.
Qui sait combien de tentatives d’évasion celle-ci intenta pour être soit ramenée par les cheveux, soit projetée par une force psychique inhumaine contre la dureté de la réalité. Revenant à la case départ. Le pion sans arrêt envoyé en case prison. Une boucle sans fin. »
“Pourquoi est-ce que tu persistes à vouloir me fuir ?! Tu ne comprends pas comment ta vie serait paisible si tu faisais ce que tu dis !” « Fulmina la femme, agrippant la chevelure de la jeune fille, au bord de la crise de nerf.
La gorge sèche, aucun mot ne put sortir de sa bouche. Cette impression d’avoir la langue sectionnée. Les cordes vocales écrasées. Elle ne trouvait nullement la force d’exprimer une quelconque forme d’émotion juste pour faire plaisir à cette femme. Les larmes avaient séché depuis bien longtemps laissant des marques bien visibles de leur passage le long de ses joues. L’enfant a commencé à grandir. Ses paupières finalement devenues lourdes, ignorant un certain monologue, sa conscience sombra dans ce familier néant. »
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“Je crois qu’il est finalement temps de raconter la fin de cette “histoire”. Il semblerait que nous commencions tous deux à nous en lasser. Qu’en pensez-vous ?” « Posa-t-elle comme question n’attendant point de véritable réponse, ce même sourire dont les commissures paraissaient être cousues à son faciès. »
“Je suis sûre que vous avez aussi hâte que moi parce que ce dernier acte, voyez-vous, se révèle être le plus divertissant et captivant comparé aux précédents…” « Avoua-t-elle en faisant vaciller son regard vermillon entre votre personne et sa fleur carmin qu’elle continuait de faire virevolter entre ses doigts porcelaines. »
“Shall we ?”
« Invita-t-elle à poursuivre en esquissant un nouveau sourire narquois, et tapotant de manière récidivante le bout de ses phalanges sur la table. »
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Avait-elle la tête dans le coton, ou bien dans l’eau ? La jeune fille n’arrivait guère à se situer. Cling, Cling, faisaient les chaînes autour de ses poignets. Ses pieds ne touchaient point le sol. Ses doigts de pieds cherchant le contact avec le sol. Diverses douleurs qui se réveillaient progressivement, à différents endroits de son corps, provoquant de légers spasmes chez la captive. Où était partie sa tortionnaire ? Son pokémon ? Aucune indication ne vint lui fournir une quelconque réponse.
“...est-ce que...doit...faire…?”
“...ettes-la...ans...sol…”
C’est ainsi que la brune entendit des voix à quelques mètres d’elle. Son état actuel ne put lui permettre de bien écouter cette conversation. Son incapacité à penser l’empêchant de raisonner correctement, son anesthésie corporelle partielle l’entravant dans ses mouvements, la lourdeur de ses paupières la rendant temporairement aveugle.
“...uis...pas...ûr...bien...faire...ça…”
“...fléchis….as….ais...le…!”
La jeune femme ne comprit que de peu leurs dires. Le souffle lui sembla court. Sa respiration irrégulière. Le fait de se sentir incapable de pouvoir faire quoi que ce soit. Cette impuissance face à sa situation. Les deux adultes continuaient de discuter à l’heure qui était, sans que la jeune fille ne comprenne un traître mot de leur conversion. Un pouffement féminin passa son filtre auditif jusqu’ici obstrué par les effets de la médication. Des paroles qui s’en suivirent alors plus distinctes. »
“...Ah ! Fais attention de ne pas l’abîmer plus que davantage ! Je voudrais que sa beauté reste éternelle… même dans ce long sommeil qu’est la mort.” « Ajouta la femme dans de dernières paroles avant que l’homme ne s’éloigne d’un pas lourd, accompagné d’un bruit persistant de tissu se frottant contre un autre.
Sa torpeur n’en fut que plus brève à l’entente de ces mots, lui inspirant peur et colère. Ses liens métalliques cliquetèrent sous la gesticulation de ses membres. Ses poignets semblèrent pouvoir se déboiter à cause de la violence de la force qu’elle exerçait pour se débattre. Néanmoins, rien n’y fait. Elle se fatiguait plus qu’autre chose. C’est alors qu’elle revint. »
“Ah ? On dirait que tu t’es enfin réveillée, ma chère ----. Tu essaies encore vainement de t’enfuir ? Regardes donc tes poignets… Ne t’inquiètes pas...Tu seras bientôt “libre”...il semblerait que tu commences aussi à te briser donc je vais devoir te remplacer, toi aussi…” « Lui murmura-t-elle en prenant son faciès entre ses longs et fins doigts crochus, un sourire malicieux aux lèvres.
La prisonnière trembla, tressaillit. Elle pesta, maudit son propre sort...jusqu’au moment où l’autre main de la marâtre lui agrippa le cuir chevelu, l’envoyant violemment dans les bras de Morphée pour la dernière fois.
“Fais de beaux et éternels rêves.”
…
….
…..
Un corps qui se heurta contre une surface dure.
Une odeur insipide qui effleura une paire de narines.
Une brise fraîche qui caressa une peau porcelaine.
La jeune femme émergea de son sommeil mais fut soudainement assaillit par une douleur crânienne. Une de ses mains vint rencontrer son front, qui devint rouge à son retour. Le tour de ses poignets, ses bras marqués de toutes parts. Les vêtements qu’elle portait ressemblant assez à ses anciens haillons lui servant auparavant de frusques. Essayant de se redresser sur ses jambes aussi fines que des brindilles, la brune se tint debout tel un faon qui se tenait pour la première fois sur ses pattes. Obligée de s’adosser contre un meuble voisin, la convalescente inspecta ses alentours, visiblement assez sonnée. Tâtonnant ce qui l’aidait à tenir sur ses gambettes, la jeune fille comprit qu’elle touchait une étagère où étaient disposés divers objets différents. Elle n’était pas seule dans cet endroit, des pokémons étaient cachés dans tous les coins. Soit la brune n’était guère consciente de leur présence, soit elle faisait mine de ne pas les voir. Sûrement occupée à comprendre sa situation actuelle. C’est ainsi qu’elle continua d’explorer la pièce à l’aveuglette jusqu’à ce que celle-ci se retrouva de nouveau à terre, son pied attrapé dans quelque chose à cet instant.
Éclairée par une faible lueur blanche semblant passer par une petite ouverture dans le plafond, ses mains devinrent d’abord visibles avant de montrer ce qui s'ensuivit ensuite. Ce qui se révéla à ses orbes vermillons la réveilla complètement de sa transe. Son visage se déforma, ses mains couvrèrent sa bouche, ses membres se raidirent. Sa respiration saccadée, un cri d’épouvante furent étouffés dans ses doigts fermement clipsés contre la peau de son faciès. Des larmes perlèrent sur ses joues jusqu’à présent sèches, ne montrant aucun signe de s’arrêter. Regardant sa réflexion après plusieurs années d’absence, l’aînée posa une main sur le visage glacé de sa jumelle qui était enveloppée de façon négligée dans une couverture souillée de son propre sang. Son faciès baignant dans la lumière du plafond. La sœur savait pertinemment qu’elle ne verrait plus jamais ses pupilles se refléter dans les siennes. Sachant cela lui brisa le cœur. Celle-ci prit le corps inerte de sa moitié dans une douce mais raide étreinte. »
“Je...je suis vraiment désolée...je n’ai rien pu faire pour toi...j’aimerais tellement me racheter…” « Susurra-t-elle au corps sans vie qu’elle tint dans ses bras avant de le poser délicatement sur le sol comme si celle-ci avait affaire à une chose fragile et précieuse.
Comme décidée et déterminée à faire quelque chose pour sa défunte cadette, l’aînée se leva, ignorant les cris de détresse que lui transmettaient ses membres endoloris et recouverts d'ecchymoses. Serrant les poings comme pour supporter la douleur, celle-ci finit par diriger son regard vers la lueur qui semblait scinder en deux l’endroit de sa clarté. Avançant jusqu’à la lumière, la jeune fille heurta de son pied gauche ce qui paraissait être une marche d’escalier. Un escalier qui permettait l’ascension vers l’origine de la lueur blanchâtre. Elle grimpa jusqu’à la dernière marche avant de se trouver face à un nouvel obstacle boisé. Ses faibles tentatives de passer outre celui-ci se révélèrent être un prévisible échec. La brune avait besoin de quelque chose pour l’enfoncer. Ce nouvel objectif la fit descendre pour chercher ce dont celle-ci avait besoin. Quelque chose de lourd et de rigide. Peut-être était-ce de la pure chance ou bien le fruit du hasard mais la jeune femme trouva la chose qui correspondait à la description. Elle prit la pelle à ses deux mains avant de forcer le passage. Ne cédant pas sous son premier assaut, la jeune femme n’abandonna pas pour autant sans allant pour préparer un second. Un troisième. Un quatrième. Jusqu’à ce que le bois se déforme et laisse passer l’outil dans le trou que celui-ci avait créé.
Une nostalgique sensation l’enveloppa alors.
Le mistral faisant frissonner son épiderme.
La flore interceptant sa chute.
Étonnamment, l’obstacle fut une double porte en bois donnant sur l’extérieur. Elle ne s’attendait à tout sauf à cela. La lueur blanche était en fait la clarté de la lune qui illuminait la zone. Les fleurs effleuraient ses membres, lui rappelant les factices jours heureux qu’elle coulait avec sa sœur.
Elle voulait leur faire payer.
Ils n’avaient qu’à brûler en enfer.
Elle ferma son poing aussi fort qu’elle le put, jusqu’à ce que ses ongles en deviennent écarlates de son sang. Comme pour attester de l’abandon de son âme à un certain démon, la jeune fille laissa quelques gouttes carmines perlaient le long de sa paume pour colorer le pastel du parterre floral à ses pieds. Ici-gît, les dernières larmes.
Cette maison sera leur tombeau.
Un crématorium fait spécialement pour eux.
La jeune fille retourna du côté du manoir, prenant une pierre qui se trouvait près de l’entrée. Serrant son emprise sur le minerai, la brune prit son élan en mettant son bras derrière sa tête pour préparer son tir avant de le lancer par la fenêtre qu’elle visait. Le verre se brisa au contact de la pierre. Cela fut la première et dernière fois que l’aînée passait par la fenêtre de la demeure... qu’elle s’apprêtait à brûler. Sans aucun regret, la brune fut déterminée à mettre son plan à exécution. Cette prison a été sa “maison” pendant plusieurs années. Elle avait eu le temps de mémoriser ses moindres recoins. Celle-ci avait assez réfléchi et elle était convaincue. Convaincue qu’elle n’était pas tort. Qu’elle allait le faire. Pour -----. La jeune femme allait ouvrir toutes les sources de gaz de la bâtisse. Les cuisinières, la chaudière, les anciennes lampes à gaz entreposées au grenier et au sous-sol. Il ne manquait plus que la touche finale. La brune avait tiré un des tiroirs de la cuisine pour se saisir de la petite boîte qui était posée à l’intérieur avant de sortir en trombe sans vraiment faire attention où celle-ci marchait. De nouveau dehors, l’ancienne captive se tourna en direction du futur crématorium et recula de quelques pas en arrière. Suspendant une montre à gousset devant ses orbes vermillons, celle-ci comptait les minutes grâce à ce bien subtilisé. De précieuses minutes. Quelques minutes avant le moment crucial.
Tic Tac.
Tic Tac.
Elle espérait que cet acte ferait un bon hommage à sa jumelle. Elle était sûre que c’est ce qu’elle aurait aimé qu’elle fasse. Ou était-ce un désir personnel ? Cela n’avait aucune importance.
Tic Tac.
Tic Tac.
La montre tomba à terre. La jeune femme ouvrit la petite boîte qu’elle avait emporté avec elle pour en sortir une allumette. Frottant l’extrémité contre le côté du récipient cartonné, le fin morceau de bois réussit à produire une flamme en son sommet. »
“Allez brûler en enfer, démons.”
« Dit-elle en tenant l’allumette devant ses yeux. Elle la fixa brièvement avant de se décider de la lancer par la fenêtre du manoir.
A peine eut-elle le temps de s’éloigner qu’elle se fit souffler par l’explosion de la bâtisse. Le champ de fleurs amortit encore une de ses chutes malgré le fait que celle-ci pouvait sentir quelques brûlures au niveau de ses membres. De la chance ou du pur hasard ? Cela n’avait pas suffit à assouvir sa vengeance. Il y avait encore beaucoup de personnes comme ces deux-là…
Claquant sa langue comme signe de déception, la jeune fille se retourna pour courir en direction des montagnes. Elle courut, courut, courut. Sans vraiment s’en rendre compte, la brune avait pris la fuite dans une grotte. Sombre, humide. Où se trouvait-elle exactement ? Pendant combien de temps la brune courait ? Celle-ci finit par trébucher dans un obstacle la forçant à rencontrer le sol rocheux et froid de la grotte. N’ayant aucune lumière pour l’éclairer, la jeune fille alluma une nouvelle allumette. Plusieurs essais pour plusieurs échecs. Et enfin, elle y arriva. La lueur orangée de cette source de lumière révéla un champ de fleurs rouges qui entourait l’orpheline. »
“E-Est-ce que c’est…?” « Se questionna la brunette en changeant l’allumette de main pour toucher une des fleurs de sa main droite. »
Un mal de tête lui vint au moment où celle-ci caressa du bout de ses doigts un de ses pétales. Elle savait qu’elle avait déjà vu cette fleur quelque part. Sa sœur et elle avaient par chance trouvé un jour un ouvrage sur la faune et la flore. Cette fleur y figurait. Cette fleur qui s’appelait Lycoris Radiata dont la signification était… »
“Séparation définitive.”
« Murmura-t-elle en prenant la fleur par la tige entre ses doigts, la fixant d’un air absent. »
La jeune fille la mit dans ses cheveux et finit par se mettre accroupie dans un coin rassemblant des pierres pour former un tas. Elle se leva encore une fois pour s’engouffrer dans les ténèbres de la grotte. La brune revint avec une petite fleur blanche au coeur jaune qu’elle essaya de planter tant de bien que de mal mais en vain. Donc, elle décida à la place de la poser devant la pile de pierres. L’orpheline joignit ses deux paumes pour que chacune de ses paumes épouse l’autre, dans une espèce de prière. »
“...à plus tard.”
« Prononça-t-elle comme derniers mots avant de se lever et de disparaître par l’autre sortie de la grotte. »
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“The end.”« Dit-elle avant de faire tomber lourdement les planchettes sur la table boisée. La narratrice prit une des bougies qui décoraient la pièce noire encre pour mettre le feu aux planches en bois. Elle les regarda partir en cendres d’un air assez concentré et absent avant de se retourner vers vous en affichant son sourire narquois habituel. »
“Alors, vous avez aimé cette petite histoire ? Ah, ça ? C’est une petite impro’ réservée à un public averti ! Il ne faut pas faire ça chez vous ~”« Ajouta-t-elle en claquant des doigts. Ce qui a pour effet d’éteindre toutes les bougies en une fois. Un autre claquement de doigts se fit entendre. La jeune femme apparut devant vous avec une seule bougie dans une main. »
“Hein ? Vous voulez savoir ce qui lui est arrivé ensuite ? Vous êtes vraiment curieux, ma parole ! Mais bon, c’est souvent le genre de questions que l’on se pose à la base. Eh bien… on va dire qu’elle a adopté les pires et plus mauvaises méthodes pour survivre dans ce monde cruel et impitoyable constamment entourée par des ennemis...blabla et blablabla… C’est tout ce que vous vouliez savoir ? Parce qu’il est temps de remballer ! ~”« Narra-t-elle en disparaître de nouveau dans l’obscurité après avoir soufflé sa bougie. Des sons familiers purent se faire ouïr dont le son d’un rideau qui se baisse. »
“Vous pouvez partir maintenant ! Cela a été un plaisir...ou pas ! Bonne continuation ~”
« Annonça-t-elle en partant de son côté dans des bruits de pas résonnants dans les ténèbres. Vous pouviez sentir que vos poignets ne subissent plus aucune pression qui les empêchaient jusque-là de se mouvoir. Il était temps de partir pour vous aussi et d'émerger de vos songes. »