Master Poké et Elysion
J’ai beaucoup aimé le contraste entre vos deux personnages et leurs perceptions si différentes. La détresse de Lottie m’a profondément touchée, ce mantra qui ne fonctionne pas mais qu’elle continue de répéter inlassablement, le fait qu’elle s’enferme en elle-même, c’était très bien décrit, d’une manière très rationnelle mais dans laquelle on perçoit aussi beaucoup d’émotions. Et à l’inverse Cathleen qui vit un moment de gloire, qui vient totalement s’opposer à la profonde angoisse de Lottie. On sent aussi ce mélange entre l’euphorie de la chanson et le côté presque blasé qui ressort un peu dans la dernière phrase « une fois de plus » comme si c’était tout à fait banal, pendant que la pauvre Lottie est en train de faire une crise de plus à côté. Merci à vous deux pour ce texte.

Night of the Dragon et Shingeki No Kyojin Rebirth
Il y a cette rage qui résonne dans vos deux textes, cette compréhension mutuelle sans un mot, sans même venir du même monde. C’est comme deux perceptions différentes mais qui se rejoignent : entre l’intérieur et l’extérieur on ouvre une faille. J’ai vraiment adoré lire l’indignation de ces deux-là et la connexion qui se crée entre eux, leur coopération face à la foule. J’ai envie de lire une suite, de les voir se révolter contre les injustices du monde entier ensemble, faire des doigts d’honneur à tout ce qui passe, bref donnez moi plus ! C’est vraiment un bel échange que vous avez fait naître dans une situation qui ne s’y prêtait pourtant pas forcément, alors bravo à vous deux pour ça !

Ilukaan et Sword Art Online RPG
Là aussi une jolie interaction entre les deux personnages, on voit bien les deux perceptions, entre celui qui se fait son avocat et qui fait face aux suspicions des autres, et celle qui ne comprend pas tout et attend simplement. J’ai bien aimé la manière dont vous avez réuni vos deux univers, c’est très cohérent et on voit que vous avez réfléchi pour que les explications au tribunal paraissent plausibles, que vous avez cherché des équivalents dans chacun des mondes. C’était chouette de lire cette défense parfois un peu mise à mal et bancale mais efficace, et le petit sourire de la fin m’a fait sourire aussi.

Esquisse et Ezylone
Ah là aussi on a un procès, mais cette fois-ci c’est un affrontement plutôt qu’une coopération. J’ai beaucoup aimé cet échange, l’opposition de leurs opinions, la construction de leurs tirades, ce que chacun pense de l’autre, ce mépris mutuel. C’est intéressant aussi de voir la perception de Zei qui se sent constamment menacé tout au long du texte, ce truc qui cloche amène un certain suspense, et j’aurais aimé savoir ce qu’il se passe après le verdict, que décide le juge et quelles sont les conséquences : Zei sera-t-il puni ? J’ai bien aimé le fait que vous ayez joué sur un personnage qui refuse son apparence animale et un autre personnage qui ne voit son adversaire que comme un félin, c’est habilement construit avec les deux contextes.

Damned Town et Open World
J’ai bien aimé lire vos deux points de vue sur les villageois, d’un côté la perception de celle qui est acculée et dont on peut lire toutes les émotions, de l’autre celle de celui qui regarde un peu la situation de l’extérieur et qui a des clefs pour comprendre ce qu’il se passe. Il y a un peu le côté émotionnel puis le côté rationnel. J’ai beaucoup aimé les « Je suis » suivis des émotions en majuscule, c’est joliment écrit et bien développé, ça suit tout le texte comme un fil rouge et ça donne l’impression que le personnage s’élève au-dessus de ses émotions (comme si elle avait des ailes hehe).  

Kobe High School et Just Married
Alors déjà, c’est fabuleux d’avoir pris le parti de présenter la perception d’un mort de son propre enterrement. J’aime beaucoup la manière dont vous avez lié vos deux personnages, qu’ils soient de la même famille et pas des parfaits inconnus, ça passe super bien au niveau de ce qu’on sait de vos persos. J’aime aussi le fait qu’on assiste au discours de Ashton seulement dans le post de Zacharie, il y a une belle continuité. J’adore aussi toutes les remarques qui se glissent au milieu de la narration dans le post de Ashton et qui viennent agacer le lecteur encore plus, ce qui permet de se mettre à la place du personnage, on se sent un peu oppressé. J’adore les réactions de Zach au discours, ce rire qui ne sortira plus jamais, c’est touchant vraiment. Merci à vous deux.

Dusk Lumiris et Wammy’s House
J’ai bien aimé lire la manière dont vos deux personnages réagissent à la pression de la foule autour. D’un côté Zygote qui refuse de se laisser abattre, très fier, de l’autre Mana’arii révolté mais englouti par une foule toute aussi indignée, qui lutte pour pouvoir enfin poser sa question. J’ai bien aimé le fait que l’on ait d’abord la réponse puis la question, ça produit vraiment cet effet d’écho entre les deux perceptions. L’interaction est brève et presque anecdotique, juste une personne dans la foule parmi d’autres, mais elle a quelque chose d’intense qui m’a plu.

Terrae et Contraste
Je suis bluffée par la manière dont vous avez pris le thème. J’adore ce parti pris d’imaginer ce que penseraient nos personnages en découvrant qu’ils n’ont en réalité aucun libre arbitre. C’est horrible de penser de cette manière à l’abandon d’un personnage ou encore de voir l’écriture de leurs histoires comme une exposition non consentie de leurs vies, wow c’est terrifiant en fait, nous sommes des monstres. Heureusement que ces personnages n’existent pas et ne sont que fictifs hein ? Haha. J’espère. Un grand bravo à vous deux pour l’originalité de votre participation, j’ai adoré la lire !

Esquisse et Dammed Town

Waouh, vous avez vraiment fait un énorme effort pour réunir vos deux univers, chapeau ! J’ai bien aimé le fait que chacun se fasse passer pour une dirigeante, ça donne à cette correspondance des enjeux et des conséquences bien plus importants, j’ai trouvé ça très prenant. Et puis la fin, fiouh la fin ! Vous avez bien réussi à donner une conclusion à cet échange épistolaire et en même temps ça reste un peu ouvert, on a ce côté cataclysmique avec la phrase de la vraie Marie mais on a envie de savoir ce qu’il arrive ensuite aaaah. Bravo à vous deux pour vos écrits et vos dessins, vous vous êtes donnés à fond c’est cool !


Ilukaan et Ezylone

Je suis fan du choix de la méthode d’interaction. Le coup de l’oubli de la baguette, de ce message chanté qui passe dans sa magie, on aurait tendance à penser direct à l’écriture pour des relations épistolaires mais vous avez pris le parti de le faire à l’oral et je trouve ça formidable. J’ai beaucoup aimé cette connexion entre vos personnages et la poésie de vos mots, les métaphores avec la glace, l’aspect très conté de cette correspondance. Merci à vous deux pour cette très jolie symphonie à deux voix !


Dusk Lumiris et Just Married

J’aime beaucoup la situation proposée, cette arnaqueuse qui se fait prendre à son propre jeu, chacun qui essaie d’abuser l’autre en faisant appel à une empathie qu’aucun des deux n’a. J’ai vraiment aimé le contraste entre la formalité des échanges, le côté très mielleux et en même temps très méfiant, et les pensées des personnages de chaque côté, cet espoir de tromper l’autre sans pour autant y croire tant que ça. J’ai beaucoup aimé vous lire en tout cas, c’était très fluide, et puis bonus love pour la plume de Maât au début du premier post de Han.


Shingeki No Rebirth et Kobe High School

Vos personnages font du rp ! C’est vraiment l’impression que m’a donné ce texte et cette pensée m’a fait beaucoup sourire. J’ai vraiment beaucoup aimé cette confrontation de points de vue sous forme d’une métaphore contée. Ce qui est intéressant c’est que chacun sait que l’autre joue un rôle, chacun sait qu’il ne s’agit que d’une histoire et pourtant on devine certaines facettes des personnages sous les mots qu’ils prêtent à leurs dragons : la mamie un peu insouciante et la jeune femme désabusée. J’ai trouvé votre échange très chouette à lire, merci à vous deux !


Contraste et Master Poké

C’est super adorable leur relation ! J’adore le fait que Haeshle ait répondu sous l’identité d’un petit garçon, puis leur honnêteté à la fin, vraiment ces lettres m’ont fait beaucoup sourire, c’était très touchant à lire. J’aime aussi beaucoup tous les points communs sur lesquels vous avez joué, les refuges pokémon et le café pour chiens, les prénoms qui se ressemblent. C’est très bien résumé par la fin du dernier post de Ashley, le toi d’un autre univers. J’ai aussi beaucoup aimé la manière dont vous avez joué sur les différences et les difficultés de compréhension d’un monde à l’autre et en même temps que vous ayez fait sauter ces barrières en instaurant quand même une relation de confiance et complicité. Et leurs réactions quand ils reçoivent les lettres sont adorables aussi, bref bravo à vous deux !


Sword Art Online RPG et Wammy’s House

Alors déjà, je suis très fan de ce contexte, cette rencontre via un jeu vidéo, avec d’un côté le joueur derrière son écran, et de l’autre le personnage directement plongé dans l’univers. J’ai aussi énormément aimé le décalage entre le message très dramatique et poétique de Rienthal et celui beaucoup plus pragmatique et brut de Hammer, c’est une interaction super intéressante à lire vraiment j’ai adoré autant le contraste entre les deux que cette connexion dans la réalisation qu’ils ne sont pas seuls, qu’il y a toujours quelqu’un. C’est un très joli texte et la fin un peu ouverte donne envie d’en savoir plus et d’assister peut-être un jour à leur rencontre…


Elysion et Open World

Ah, la manipulation. C’est fascinant de lire ces échanges, on a vraiment le décalage entre le rôle pris par chacun des personnages dans leurs lettres et les réelles intentions de leurs auteurs. Il y a comme un affrontement silencieux dans les enjeux derrière leurs mots, chacun poursuit son propre but en croyant avoir l’ascendant. J’ai vraiment beaucoup aimé ce dialogue où l’une joue la fanatique dévouée quand l’autre joue la divinité disparue, c’est vraiment très bien écrit dans les lettres avec toutes les hyperboles utilisées. J’aurais aimé savoir ce qui se passe ensuite, ah c’est si frustrant. Bravo à vous deux pour cette épreuve !


Valoran’s Battlefront et Joueur Amical

Sublime. D’abord, jouer le rôle, non pas d’une personne, mais d’un Archipel, c’est juste fantastique comme idée. Ensuite, la poésie de vos mots m’a terriblement touchée, je me suis laissée emporter dans vos univers, tant dans les passages en prose que dans les passages en vers. J’ai adoré que la dernière lettre soit composée, non de mots, mais de musique, c’est vraiment très original là aussi et ça transmet beaucoup d’émotions. Il y a une grande nostalgie qui ressort de vos textes et c’est vraiment un échange émouvant à lire, merci à vous deux, sincèrement.


Night of the Dragon et Nano RP

Bon je ne vais pas commenter ma propre participation quand même. Mais je tiens à dire quelques mots sur celle de ma partenaire, même si j’ai donné quelque peu mes impressions au fur et à mesure du RP. J’ai beaucoup aimé lire ta Moïra, ses réactions devant la première lettre, sa réponse si touchante, j’avais envie que quelqu’un me donne ces mots, j’avais envie que ces mots parviennent à London plus tôt, bien plus tôt, car qui sait à quel point ils auraient pu l’aider. J’ai adoré ta conclusion, le fait qu’elle ne baisse pas les bras malgré tout, qu’elle voie au-delà du sarcasme et de la colère. Merci encore une fois pour cette super aventure rpgique, j’ai adoré écrire avec toi.

Damned Town
« je galopais sur la plage dans des nuages de sable » J’ai adoré comme tu as mêlé le champ lexical du ciel à celui de la mer, le thème restant très présent. Les images que tu convoques sont très belles et poétiques et tous les mots autour du ciel mettent aussi en valeur la peine immense de Samaël. C’est un texte très contemplatif et nostalgique qui m’a beaucoup émue, tu manies joliment les mots de ton champ lexical et l’histoire de ton personnage est très touchante, le contraste entre le lien à son père et celui à sa mère accentue la peine qu’on ressent pour lui, bref merci à toi pour ce texte.

Dusk Lumiris
« les fondations de tout ce que nous étions seraient oubliées, enfouies sous d'autres humanités, sous d'autres récits qui ne nous concerneraient plus. » Tu as utilisé les mots de ton champ lexical de manière parfois très littérale et parfois métaphorique et j’ai beaucoup apprécié le mélange des deux, ce voyage vers les ruines qui est aussi un voyage vers les morts. Il y a de très jolies phrases et expressions dans ton texte, tu as une jolie plume qui transmet beaucoup d’images et d’émotions, merci pour ce récit que j’ai beaucoup aimé lire.

Elysion
« Efferias avait fleuri à l’air libre. » J’aime beaucoup la métaphore filée de la ville souterraine qui éclot à la surface. Le thème du voyage vers un trésor mythique est là aussi bien présent avec ce nouveau monde inconnu à explorer et à comparer avec ce que ton personnage a toujours connu. J’ai adoré aussi imaginer cette ville où tout est contrôlé et artificiel mais où les plantes tiennent tout de même un rôle crucial.

Esquisse
« marcher à l’unisson sur les voies interdites de l’Esquisse, avec des encyclopédies pour étendards et des dissertations pour calicots. » Tu n’avais pas un champ lexical facile pourtant tu as relevé le défi haut la main. J’aime comme l’histoire de cette lutte est entrecoupée des appels de ses anciens collègues qui tentent de l’atteindre alors qu’elle s’en va vers d’autres horizons après avoir poursuivi une chimère. J’aime beaucoup le dernier paragraphe qui fait écho au premier aussi avec les répétitions.

Ezylone
« L’orchestre du désert s’acharne dans sa cacophonie. » La musique pour une sirène, pouvait-on rêver meilleure association ? J’ai beaucoup aimé cette traversée du désert, le bateau comme un instrument, les sons du vent et de la coque comme des mélodies, l’harmonie qui se change en chaos quand la tempête gronde. C’était comme écouter une musique avec des variations d’intensité, c’était très beau de lire ce voyage au rythme des éléments.

Ilukaan
« Tout son être se retrouverait consumé par ces langues de feu qui mettraient à néant sa félonie par le même biais. » L’utilisation littérale du champ lexical rend le texte très dramatique. J’ai beaucoup aimé les nombreuses images auxquelles tu fais appel, le soleil qui s’oppose à la boue dans laquelle il se traîne désormais, le feu autrefois purifiant et désormais punitif. Ta plume transmet beaucoup d’émotions, c’est agréable à lire.

Just Married
« Involontairement, tu as, de part cette histoire que tu as choisi de raconter, rallumé le feu douloureux d’un souvenir toxique. » J’aime beaucoup la manière dont tu as pris le thème, avec cette légende racontée pour redonner espoir. L’utilisation du champ lexical est très discrète et se fond bien dans ton récit, c’est une interaction intéressante, avec le protagoniste qui doute mais essaie malgré tout de s’attacher à cette croyance, de croire en cette légende malgré le poison que peut être l’amour.

Kobe High School
« Où le battement d’un cœur se désynchronise de celui du métronome. » Il y a quelque chose de sublime dans la manière dont tu as lié la danse et l’horloge, c’est très logique car la danse est une question de temps et de rythme et en même temps tu joues aussi sur le contraste avec l’horloge, le fait que ton personnage se libère à travers cet art, qu’elle sort de sa vie si réglée. On a vraiment les deux aspects de la danse et cette idée de trésor inatteignable pour elle, celui de retrouver le vrai plaisir de danser. Merci pour ce texte et pour les émotions.

Master Poké
« Un agnostique qui en vient à fouiller des textes religieux, guettant la trace de toute légende pouvant lui permettre de dire adieu à sa mère, quitte à se perdre dans des recueils apocryphes. » Tu as lié avec brio le thème et ton champ lexical dans ce voyage vers le deuil. J’ai beaucoup aimé lire les questionnements de ton personnage sur sa dignité, sa valeur, sa foi, les raisons qui le poussent à entreprendre ce pèlerinage. Ton champ lexical est très présent et il se mêle bien à cette quête personnelle.

Night of the Dragon
« Dans le no man’s land émotif qu’elle avait pris soin d’arranger résonnait désormais le bruit de mille combats contre un souvenir. » Il m’a été bien difficile de trouver une seule phrase marquante à citer, tant tes mots m’ont poignardée. Tu n’avais pas un champ lexical facile et pourtant tu as relevé ce défi avec une maîtrise incroyable de la métaphore. Tout se lie et se lit avec une grande fluidité dans ce voyage entrepris à contre-cœur vers les souvenirs, une quête qui devient une bataille. Tu as mêlé la mer à la guerre dans une poésie qui transmet des émotions brutes, et je tiens à te dire encore bravo pour ça.

Open World
« La rencontre qui va changer sa vie devenait une obsession » J’ai aimé la manière dont tu as pris le thème pour ton vampire, cette légende et cette recherche de la bonne personne alors que lui-même n’y croit pas et s’est d’ailleurs toujours refusé à boire le sang de ses compagnes. C’est comme un fantasme qu’il ne s’autorise à vivre qu’en rêve et en même temps on ne sait plus trop ce qui relève du rêve ou pas car à la fin il est avec une femme. Alors, réel ou hallucination de plus ?

Shingeki No Kyojin Rebirth
« Son frère, avec qui elle se délectait de courir lorsque la route déclivait, se retournait de moins en moins pour l’attendre. » J’ai vraiment beaucoup aimé la manière dont tu as exploité ton champ lexical, avec cette métaphore filée tout au long du texte associée au temps qui passe. Le chemin se fait de plus en plus escarpé pour ton personnage et cette évolution est vraiment fascinante à observer, avec le mantra de la mer qui revient puis qui change en même temps que le personnage évolue. Au-delà des mots, ton texte tout entier est un chemin, celui de la fillette devenue adulte et qui a perdu ses rêves à force de trop marcher, comme si elle les avait semés comme des cailloux hehe.

Sword Art Online RPG
« La femme difforme s’évanouit dans l’écume, et d’un coup le capitaine apparut. Son visage n’avait pas de lacunes, il savait que le monstre n’était plus. » J’aime beaucoup le parti pris très littéral du thème qui se prête bien au champ lexical du monstre, lui aussi pris très littéralement. On suit la quête de ton personnage vers cette légende, sous une forme qui rappelle aussi ce thème du mythe, une sorte de prophétie en vers avec une refrain comme une litanie. Le texte en lui-même a des allures d’épopée, j’imagine bien un barde raconter cette histoire comme ça.

Terrae
« Terrae ne va pas gommer ta douleur petit bonhomme… Elle va te donner les outils pour devenir ce que tu veux devenir, t’apprendre à grandir, être l’artiste de ton existence. » Je suis fan de la manière dont tu t’es approprié le champ lexical, à la fois littéralement avec le côté artistique des éclairs dans ses mains, et métaphoriquement avec l’esquisse de cette relation. J’ai beaucoup aimé aussi la comparaison graffeurs/enfants sur le côté illimité, les associations émotions/couleur, les ébauches et brouillons de la vie qu’il ne faut pas jeter. Ton texte est un joli voyage vers l’autre, tout en couleurs pastelles et très doux à lire.

Wammy’s House
« Parfois elle-même auréolée par la danse de leurs satellites ou de quelques astéroïdes venus se perdre là dans leur course vagabonde. » Ton récit sous forme de conte est très fluide et agréable à lire. C’est une jolie idée d’avoir directement associé ton champ lexical à cette légende sur la formation de l’univers et on a à la fin cette transition entre le mythe et la réalité, alors que ton personnage poursuit sa véritable quête en essayant de comprendre les rouages de l’univers pour mieux comprendre celui qu’elle aime.

« Je me suis senti délaissé, comme si quelqu’un là-haut s’était dit que je n’étais pas suffisamment important pour adresser un dernier mot à ma mère »

Ce texte-là, ceux qui suivent un peu le Discord m’ont vu dire que je l’ai beaucoup aimé, et c’est l’occasion de détailler un peu pourquoi. En fait, ce que je trouve vraiment réussi, c’est l’évolution de l’état d’esprit du personnage à mesure qu’il trouve la foi, puis la perd de nouveau. À la base, on a un agnostique – c’est mentionné dans les premières lignes – qui est tellement éprouvé par son deuil qu’il commence à chercher du réconfort dans des légendes auxquelles il n’aurait sans doute pas cherché à croire dans d’autres circonstances. Il garde même initialement une certaine distance avec ça, il dit lui-même au début du texte : « N’est-ce pas ridicule, de ne se rattacher à ces croyances que par désespoir ? Ne suis-je pas ridicule, à me lancer dans cette quête vide de tout réalisme ? », et même la toute première phrase, « J’ai préféré ne pas justifier mon voyage en mer. » (que j’ai hésité à choisir comme citation à décortiquer, soit dit en passant, parce que je trouve que ça marche super bien comme introduction), on ressent déjà une certaine gêne, un sentiment qu’il ne sera pas compris par ceux qui le connaissent, et qu’il a du mal à justifier lui-même ce qu’il est en train de faire.

Cette façon de présenter les choses a l’avantage de maintenir une certaine cohérence dans le personnage, il ne se remet pas en question du jour au lendemain, il commence seulement à s’autoriser quelques petits écarts avec ce que lui dicterait sa raison, et on arrive encore à le suivre. Mais insidieusement, c’est une sorte de ferveur qui est en train de le gagner, et qui va progressivement l’envahir au fil du texte. Le personnage ne se fait pas convaincre de la véracité de ces croyances – ce qui n’arrive jamais soit dit en passant, c’est rarement sur la base d’arguments logiques qu’on peut convertir un agnostique –, mais il s’enfonce lentement dans son envie d’y croire ; c’est un sentiment très humain qui s’en dégage, ça aide à l’identification et ça suscite une certaine empathie.

Maintenant, on en arrive à la phrase que j’ai sélectionnée, qui est un peu le parangon de tout ça : Nessa arrive au lieu de sa quête, tente de faire son offrande, et ne reçoit aucune réponse en retour. Et là, il ne se dit pas en bon agnostique « Bon, bah c’était du flan, cette légende » ; non, en lieu de ça, la façon dont il perd la foi est aussi fervente que la façon dont il l’a développée : il n’abandonne pas l’idée qu’il existe une entité suprême qui pourra l’aider à porter son deuil, mais se met plutôt à la dépeindre comme un être méprisant l’ayant laissé à son sort. On note quand même le « comme si » dans la phrase, qui permet de garder une trace de son esprit rationnel et ne lui donne pas l’air de s’être subitement transformé en fanatique complet, mais il reste que la connotation de cette phrase laisse ressentir cet accès de ferveur qui l’a pris à son insu.

Pour terminer sur la citation, je veux juste souligner comme elle est construite, et comme je trouve qu’elle fait bien ressortir l’offense que ressent le personnage. On a d’abord « Je me suis senti délaissé », simple description de l’offense en question, puis « comme si quelqu’un là-haut s’était dit que je n’étais pas assez important », qui ajoute une dimension plus personnelle à celle-ci à travers le jugement méprisant de cet être supérieur, et enfin « pour adresser un dernier mot à ma mère », qui ajoute en prime le fait que Nessa ne demande vraiment pas grand-chose. On a l’acte, l’insulte, et un redoublement de l’insulte, qui chacun viennent planter le clou plus profond, et même si la phrase est tournée de façon assez indirecte pour ne pas trahir une véritable plainte de la part de Nessa, je ressens quand même une profonde rancœur au fond de lui en en ressortant.

« C’est impossible. »

Bon, là, en voyant la phrase, vous vous doutez que je vais avoir besoin du contexte pour en parler (parce que s’il suffisait d’écrire « C’est impossible » pour faire un puissant effet de style, j’aurais pas eu une si mauvaise note à mon bac de français).

À ce moment du texte, la petite Ino est en train de découvrir le monde en compagnie de nomades expérimentés, et elle aperçoit au loin une tempête qui semble se diriger vers eux. La panique commence doucement à s’installer, un nomade attache Ino au char pour qu’elle ne s’envole pas pendant que la tempête les frappe, Ino lui demande « On ne peut pas l’éviter ? », et la narration – je dis bien la narration, c’est important – lui répond « C’est impossible. »

La grande force de ce passage, c’est d’utiliser la narration pour répondre, et ce pour un certain nombre de raisons. La première, elle est bien sûr picturale : quand on se figure la scène, au lieu d’avoir simplement le nomade qui répond à Ino, le fait qu’on n’ait aucune forme de réponse orale laisse planer comme un instant de silence sur la scène, et c’est totalement de circonstances ; si vous vous l’imaginez dans un film, c’est comme ce moment où le héros demande « Il n’y a rien à faire ? », et le vieux personnage ridé qui a déjà tout vu le regarde avec un air grave pour lui faire comprendre que non parce qu’il sait pas trop comment lui dire autrement – d’autant que là, c’est d’une petite fille encore innocente qu’il est question, donc ça doit être particulièrement dur de lui expliquer.

À côté de ça, le fait que ce soit la narration qui réponde donne un côté beaucoup plus fataliste à la phrase : quand la narration parle comme ça, au présent de vérité générale, on ne songe pas à la remettre en question. Si elle dit que c’est impossible d’éviter la tempête, c’est que c’est impossible, alors que si l’affirmation venait d’un personnage, on pourrait encore entretenir le sentiment qu’il est pessimiste ; là encore, pour comparer à ces scènes de film qu’on a tous vues, ce serait ce moment où les personnages ont perdu la foi, et si le personnage principal décide de tenter le tout pour le tout malgré tout, on y croit encore. Mais ici, pas d’ambiguïté, et pas de débat non plus vu que le silence semble être la seule réponse à la question d’Ino. On a juste une sentence froide et irrévocable.

Et puis il y a encore une troisième raison, plus subtile, pour laquelle je trouve que le fait de faire répondre la narration pour le personnage vraiment efficace : ça crée une profonde rupture dans le point de vue narratif. Jusqu’ici, bien que la narration soit à la troisième personne et s’avère relativement distante – comme en témoigne par exemple la première phrase « C’est un murmure à peine audible qui s’échappe des lèvres de la voyageuse … », qui ressemble à un constat extérieur –, elle demeure focalisée sur les impressions et les sentiments d’Ino. Pour le dire en un mot, on est dans son monde, on ressent les choses à travers son point de vue à elle, et ce sont ses constats et ses pensées qui nous guident dans notre découverte de l’histoire. Mais quand la narration se met à répondre à Ino quelque chose qui ne relève clairement pas de son point de vue, à travers ce « C’est impossible » bien éloigné des rêveries dont elle a fait preuve jusqu’ici, on a un changement brutal d’ambiance. Désormais, on est dans le monde des nomades, dans le point de vue des réalités cruelles du désert, et c’est Ino qui y est étrangère – d’ailleurs, tout le paragraphe suivant se concentre sur les actions et les pensées des nomades. Et pour moi, c’est vraiment à cet instant-là qu’est le mieux illustré ce qui sera le fil rouge du texte : l’idée qu’Ino n’est plus chez elle.

« Il savait que le monstre n’était plus. »

Celle-ci est dans une idée un peu similaire à la précédente : on a un constat très factuel, très neutre, qui vient traduire indirectement les pensées et les réactions d’un personnage, et qui en dit plus que ne l’auraient sans doute fait des strophes qui tenteraient de les décrire directement. Cet effet particulier, c’est celui que les académiciens appellent par le joli nom de « métalepse » (oui, il fallait que je finisse par me la ramener avec des figures de style). L’idée, pour ceux qui l’ont jamais vue ou ne s’en souviennent pas, c’est d’évoquer la cause d’un fait – ou sa conséquence, mais ici c’est la cause – pour exprimer implicitement le fait en question.

En l’occurrence, on est dans une situation où un vieux capitaine a donné à Ayura la quête d’affronter sa femme qui s’est transformée en créature monstrueuse, comme un bon PNJ de The Witcher, et aussitôt qu’Ayura l’a emporté, le capitaine apparaît, avec pour seule réaction de sa part la narration qui nous dit : « Il savait que le monstre n’était plus », qui suggère sans le dire – par métalepse – tout ce qu’il ressent en conséquence.

Comme avec la citation précédente, ça permet de traduire proprement toute la complexité des sentiments qui doivent prendre le personnage à ce moment-là. Si vous y réfléchissez, c’est pas simple de décrire l’état d’esprit d’un personnage qui est à la fois endolori par le sort qu’a connu celle qui était son épouse et soulagé par le fait qu’elle repose désormais en paix, c’est le genre de situation où vous sauriez sans doute pas trop quoi dire à sa place ; mais là, du coup, comme il ne dit rien et ne montre rien de précis, ça passe crème, on se dit juste « il se sent comme quelqu’un qui constate que le monstre n’est plus » et notre inconscient fait le reste. Cumulé au fait que le texte suit purement le point de vue d’Ayura, on se figure quand même que l’état d’esprit du capitaine est perceptible de l’extérieur, et ça traduit donc aussi une réaction assez manifeste, et là encore, c’est notre imagination qui fait le travail pour concrétiser ce qui doit ressembler à une expression entre le soulagement, la honte et le désespoir, mais qu’il est difficile de cerner précisément.

Mais je ne vais pas simplement m’arrêter là. Une autre chose qui marche bien avec cette phrase, c’est l’effet rythmique. Il ne vous aura pas échappé que le texte est en vers (sauf si vous lisez mes commentaires avant le texte, mais ça m’étonnerait vu que je vous ai explicitement mentionné de ne pas le faire dans l’introduction, bande de galopins), et dans un tel cadre, le rythme des phrases a souvent beaucoup d’impact sur le sentiment qu’on a à la lecture. Et ici, ça ne manque pas. Ce vers est censé marquer une fin, la fin de tourments qui ont habité le capitaine pendant sans doute des années, et sa métrique ainsi que sa position se prêtent bien à la chose. Déjà, bien sûr, il est en fin de strophe, ce qui lui donne un côté conclusion. Aussi, la strophe est à rimes croisées, une structure qui crée une forme suspension par rapport aux rimes suivies, vu que la rime de chaque vers annonce non pas celle du suivant, mais celle de celui d’après, donc on "attend" la dernière rime depuis deux vers au lieu d’un seul, et le côté conclusion s’en trouve renforcé – et ça marche encore mieux avec les rimes embrassées, pour la même raison. Et enfin, il y a la métrique du vers : comme on est dans une structure en vers libres depuis le début du texte, on lit les vers comme ils nous viennent et notre cerveau adapte la rythmique au fur et à mesure qu’il les découvre ; en l’occurrence, quand on lit un vers qui commence par  « Il savait que le monstre », comme ce début ne nous donne pas de raisons de faire une pause, on lit ces six pieds d’une traite, et c’est l’enchaînement de lettres "str" à la fin du mot "monstre", qui est assez lourd, qui va inciter à ralentir la lecture à ce moment-là – d’autant que ça tombe après le sixième pied, un endroit où notre cerveau est habitué à faire des pauses parce que c’est là que se trouve la césure dans un alexandrin. Du coup, ce vers se lit comme un décasyllabe séparé en deux parties de respectivement six et quatre pieds, et c’est quelque chose qui se prête bien à une conclusion – généralement, quand on commence par un morceau court et qu’on le fait suivre par un morceau long, ça va sonner comme une structure en « introduction - développement », et quand on met d’abord le morceau long puis le morceau court, ça sonne plutôt comme une structure en « développement – conclusion ».

Voilà, ça fait beaucoup de blabla, mais c’est trop rare que j’aie l’occasion de disserter sur des vers dans mes commentaires d’interfo’, alors j’en ai un peu profité.

« Il voulait sortir de cet onirisme. »

Sur celle-là, c’est l’utilisation du mot "onirisme" qui fonctionne remarquablement bien dans le contexte, parce que toutes les connotations qu’on peut imaginer à ce mot trouvent bel et bien un reflet dans l’histoire et l’ambiance qu’on essaie de nous décrire.

D’abord, il y a les connotations positives : l’onirisme, c’est l’ouverture d’un monde où tout est possible, les rêves qui prennent le dessus sur la réalité, c’est le genre de chose qui fait rêver – littéralement. Ici, ça va décrire les mille possibilités qui s’ouvrent à la vie d’un vampire, immortel, donc ayant tout le temps du monde devant soi, et pouvant se risquer à toutes les fantaisies. Du coup, même si on sait déjà à ce stade du texte que ça va s’avérer être une malédiction plutôt qu’une bénédiction pour Prijan, ça fait écho à ce que celui-ci a dû ressentir au début, aux grandes perspectives que le destin avait dû lui promettre quand il a commencé sa vie de vampire, et ça permet d’accentuer le côté "déception" – là où une phrase comme « Il voulait sortir de ce cauchemar », par exemple, aurait été beaucoup moins efficace pour rendre cet aspect-là.

Ensuite, donc, viennent les connotations négatives : l’onirisme, c’est ce qui n’existe pas vraiment, ce qui n’arrive pas vraiment, et en l’occurrence, ce qu’on ne ressent pas vraiment. C’est ce lot d’artifices qui se substituent aux véritables sentiments, et c’est précisément ce qui va tourmenter Prijan. À vivre en immortel, il perd le goût de tout, il ne croit plus en l’amour ; ou plutôt, il y croit sans jamais vraiment le trouver, comme le mentionne le deuxième paragraphe, il cultive l’espoir de s’éprendre d’une autre âme, mais à toutes les fois qu’il s’y essaie, il demeure hanté par le sentiment qu’il verra voir – et a vu – toutes ses aimées lui mourir. En somme, il n’a plus de sentiments que dans ses rêves qui demeurent inassouvis, il vit constamment dans cet "onirisme" au mauvais sens du terme.

Et enfin, la petite touche qui vient sacrer le pompon sur le gâteau, quoi que ça veuille dire, ce sont les connotations neutres : plutôt que dire « Il voulait sortir de ce rêve », qui aurait pu fonctionner aussi pour les raisons que j’ai mentionnées, le choix du mot "onirisme", moins spontané, plus technique, plus froid en quelque sorte, qui semble décrire un concept abstrait plutôt qu’un véritable état d’esprit, ça crée encore une distanciation supplémentaire. C’est comme essayer d’éprouver un sentiment en lisant sa définition dans une encyclopédie, c’est profondément neutre, et ça contribue à faire ressentir la morosité qui s’est installée dans l’esprit de Prijan.

« Ce monde où le jour et la nuit se relayaient sans l’intervention de personne. »

Vous le savez tous très bien, dans une épreuve d’interforum, la limite de temps et de mots est une contrainte sévère qui force à introduire les éléments de son histoire aussi rapidement que possible pour avoir la place de développer l’histoire en question derrière. Du coup, plutôt que de poser des paragraphes de contexte, on se retrouve presque tous à commencer notre texte directement dans l’action – "in medias res", comme on dit dans l’jargon – en se disant qu’on étoffera tout ça au fur et à mesure. C’est loin d’être une mauvaise chose, c’est moi-même un procédé que j’aime beaucoup, ça donne généralement des textes plus dynamiques ; mais c’est pas simple à maîtriser, ça demande de trouver un équilibre constant entre narration, description et introspection. Typiquement, quand on a lancé l’action, une trop longue phase de description ou d’introspection peut en casser le rythme, mais quand on en met trop peu au contraire, on a du mal à cerner le personnage qu’on suit.

Si je raconte tout ça, c’est parce que la citation que j’ai sélectionnée, et à vrai dire tout le passage dans lequel elle s’inscrit, je trouve que c’est justement une petite prouesse d’équilibre.

Formellement, si on devait donner une catégorie à cette phrase, ce serait une phrase de description, et effectivement, elle aide à poser l’ambiance de ce monde dans lequel se rend Luther, en décrivant l’une de ses propriétés qu’est le cycle jour-nuit. Mais en fait, elle fait plus que ça. D’abord, par son placement dans le paragraphe, elle aide à faire avancer l’action : dans l’introduction, on nous laisse comprendre que Luther quitte son monde souterrain pour rejoindre la surface, et après une brève évocation de sa ville natale et de ce qu’il y faisait, les descriptions commencent à se concentrer sur le monde extérieur ; du coup, dans l’ordre où on les lit, on passe nous-mêmes d’une ambiance à une autre, et ça fortifie l’impression de suivre le personnage pendant qu’il se rend d’un monde à l’autre – alors que concrètement, on a juste lu de la description et de l’introspection.

Mais aussi, si je sélectionne cette phrase plutôt qu’une autre du même paragraphe, c’est parce qu’elle réussit en plus à introduire énormément de contexte : en fait, en la lisant, on en apprend moins sur le monde extérieur que sur le monde souterrain. L’existence d’un cycle jour-nuit naturel, elle nous paraît évidente, et l’information la plus importante, c’est plutôt qu’il n’en existe pas dans le monde d’où vient Luther. Ça permet de décrire d’où il vient et ce à quoi il est mentalement habitué sans faire de retour en arrière, juste dans la continuité de la description. Et puis j’aime bien le fait qu’il suggère indirectement que dans son monde souterrain, le jour et la nuit s’enchaînent effectivement, mais par l’intervention de quelqu’un ; ça contribue vraiment à poser le contraste entre le monde artificiel dont vient Luther et le monde naturel vers lequel il se rend, et ça aide à comprendre toute la fascination qu’il doit ressentir pour ce nouvel univers, notamment parce que c’est quelque chose de nous – un monde sans jour et sans nuit, on ne connaît pas, mais un monde où  l’artificiel remplace le naturel et qui laisse rêver à quelque chose de plus idyllique, c’est quelque chose qui parle plus facilement (j’avais pas prévu de finir ce commentaire en mode Nicolas Hulot, mais vous voyez le principe).

Du coup, voilà, je trouve que toute l’introduction, et particulièrement cette phrase, marie de façon très concise et élégante toutes les informations qu’elle est censée nous apporter à la lecture, en les introduisant dans le bon ordre et de la bonne manière pour qu’on arrive à osciller entre deux ambiances et deux temporalités sans avoir l’impression de quitter la continuité de la ligne temporelle qu’on suit. En deux mots, c’est hyper propre.

« Le voilà dans sa chute, éteint, couvert de sang. »

Ce qui est beau, c’est que c’est censé être un texte en prose, mais je suis sorti de cette phrase en me disant que c’était une utilisation remarquable du rythme de l’alexandrin. Je rigole pas, vous auriez pu me présenter ça en me disant que ça venait d’un poème de Baudelaire. Si, si, regardez :

« Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.
Nos couteaux lui restaient au flanc jusqu’à la garde,
Nos fusils l’entouraient en sinistre croissant ;
Le voilà dans sa chute, éteint, couvert de sang. »

Vous me concéderez que ça s’incruste bien, non ?
Comment ça, c’est du Vigny ? Ah, vous connaissez ? Et vous faites quoi, ce soir ?

Pour parler de cette phrase, déjà, j’aime bien la façon dont elle reflète la précédente : « Lui qui s'était présenté pendant tant d'années si grand et noble, un Soleil, rayonnant, éblouissant, ses commissures relevées en un grand sourire qui lui était caractéristique et le regard droit vers le lointain. » On était dans la grandeur, les descriptions à rallonge, avec des adjectifs qui s’accumulaient et qui se développaient ; et ça enchaîne avec quelque chose qui est techniquement sur le même plan, dans le sens où c’est aussi une énumération de qualificatifs, mais en beaucoup plus bref, plus froid. Toute la splendeur du soleil décrit dans la phrase précédente est simplement annihilée par le mot "éteint" – très bien choisi par ailleurs, les connotations se prêtent bien à la situation.

Ensuite, comme je le disais, il y a le rythme : on a d’abord « Le voilà dans sa chute », qui fonctionne comme une sorte de sommaire de ce qui arrive au personnage, une mise en situation, et qui constitue le cœur de la phrase ; ensuite, on a un envoi de deux syllabes avec le mot « éteint », qui va apporter une conclusion abrupte – comme je l’ai mentionné à propos de la citation d’Ayura un peu plus haut, faire suivre un morceau long par un morceau court, ça provoque un effet de chute –, et enfin, on a les dernières syllabes, « couvert de sang », qui viennent prolonger plus lentement cette conclusion comme une sorte d’épilogue. Pour l’expliquer avec des images, dans ma tête, en lisant ça, je vois le personnage qui s’abat, puis qui rend son dernier souffle, et puis le sang qui coule doucement sur son corps pendant que je suis en train de contempler son cadavre (je sais qu’il est pas techniquement mort dans le texte, mais vous voyez ce que je veux dire). Et je trouve que ce rythme s’accorde vraiment bien au fait que le personnage chute, achève sa chute, et médite sur sa chute. D’autant que le fait d’avoir ce dernier segment de la phrase, « couvert de sang », qui revient ralentir le rythme après la conclusion abrupte que suggère le mot « éteint », ça "ré-ouvre" la phrase, en quelque sorte, et ça aide bien à introduire la phrase suivante dans laquelle Kyojuro va faire le constat de sa décadence – alors que si ça s’était terminé sur le mot « éteint », j’aurais été perturbé de voir le développement se prolonger derrière.

Et pour la petite digression, si vous vous amusez à mettre ça dans un vrai rythme en alexandrins, le léger temps de pause induit par la virgule entre « éteint » et « couvert de sang », qui va retarder la fin du vers, ça va même aider à la rapprocher du vers suivant, ça va fonctionner comme une passerelle introduisant la suite. Si je vous dis ça, c’est parce que je ne résiste pas à l’envie de terminer ma parodie de Vigny pour l’illustrer :

« Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.
Nos couteaux lui restaient au flanc jusqu’à la garde,
Nos fusils l’entouraient en sinistre croissant ;
Le voilà dans sa chute, éteint, couvert de sang.
Il nous regarde encore, ensuite, il se recouche,
Tout en léchant le sang répandu dans sa bouche,
Et, sans daigner savoir comment il a péri,
Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri. »

Voilà, je suis un peu parti en freestyle sur ce commentaire, mais en bref, je trouve que la phrase sonne, et surtout résonne super bien. Walà.

« J'étais restée muette – forcée au silence par la solennité d'un lieu où plus personne ne venait chercher pardon ou rédemption. »

Pour ce texte, j’aime autant vous le dire, j’aurais pu prendre à peu près n’importe quelle phrase. À vrai dire, parmi mes citations candidates, il y en a même une qui vient non pas du texte, mais du cartel d’introduction (« ils n'ont jamais posé de mots sur ce qu'ils sont, mais avec lui elle est une version d'elle-même qu'elle apprend à aimer avec presque autant de tendresse qu'elle l'aime lui »). En fait, j’ai juste adoré la plume tout du long. Mais comme il faut bien faire un choix, je prends celle-ci, qui illustre pas mal ce que j’aurais eu à dire sur la majorité des phrases.

L’ambiance du texte est purement à la contemplation, avec pour fil rouge qu’Audrey vient contempler les ruines de ce que d’autres avant elle – notamment sa sœur défunte – avaient contemplé jadis. Tout le long, on a cette dichotomie entre la vision d’Audrey et celle des autres, jusqu’à la fin où elle se met à sourire quand le ciel se met à "pleurer". Et en même temps, on a de nombreux rapprochements qui sont faits entre les deux ; Audrey, qu’on sait pourtant hostile à toute forme de religion, se comporte dans les ruines de la cathédrale comme les fervents se comportent dans une cathédrale. Elle admire l’endroit « auquel le temps et la destruction n'avait rien ôté à la beauté », elle y apaise temporairement sa colère dans « une tendre – et sans doute éphémère – accalmie », et, pour en revenir à la citation principale plutôt que de continuer à essayer de caser toutes celles dont j’ai pas pu parler, elle s’y sent « forcée au silence ». Toute cette phrase, comme tout le passage dans lequel elle s’incruste, respire un souci quasi-religieux de ne pas profaner l’endroit – elle le mentionne même explicitement à plusieurs passages du texte. Ce qui me plaît beaucoup dans cette approche, c’est que la relation entre Audrey et le reste du monde, et par extension sa relation avec sa sœur, se rapproche plus d’une forme d’incompréhension que d’un pur rejet. On arrive très naturellement à ressentir la complicité qui a dû exister entre les deux malgré les différences manifestes de leurs tempéraments, notamment dans le passage où Audrey adresse à l’attention de sa sœur : « À qui est-ce que tu parlais, toi ? », qui d’une part a un côté assez rituel – vu qu’elle s’adresse à une morte – et d’autre part, suggère indirectement qu’Audrey vient elle-même ici pour parler à quelqu’un comme le faisait sa sœur – en l’occurrence, aux « murmures des décombres » qu’elle évoque juste avant. Du coup, ça en devient assez naturel d’éprouver de l’empathie ou de la sympathie pour Audrey, vu qu’elle semble plus s’opposer au concept de religion qu’à ceux qui la pratiquent, s’adonnant elle-même au même genre de rituels sous une autre forme.

Et puis, si j’ai pris cette phrase en particulier, c’est aussi pour sa deuxième partie, et la façon élégante dont elle décrit ce qui fait office de lieu sacré pour Audrey : « un lieu où plus personne ne venait chercher pardon ou rédemption. » D’un côté, on peut y ressentir une autre allusion à sa sœur, l’endroit étant décrit comme celui où elle ne se rendra plus, et portant sans doute des souvenirs d’elle pour Audrey – tel un Victor Hugo faisant le deuil de sa fille à travers l’énumération de tous les endroits où elle ne se rendra plus « Demain, dès l’aube ». Et de l’autre, on a tout le caractère désolé et silencieux de ce lieu où plus personne ne se rend, qui lui paraît plus familier, plus réel, elle qui semble avoir principalement vécu en marge ; elle refaçonne ses symboles sacrés, grandioses et colorés, à travers ce qu’elle connaît : le deuil, la froideur et le silence – tel un Théophile Gautier faisant l’éloge de la peinture religieuse austère de Dürer face à celle colorée des maîtres italiens dans son Melancholia. Ouais, je suis d’humeur à étaler mes références, aujourd’hui.

Au final, outre le fait que ça aide à apprécier Audrey en lui donnant un côté très humain – c’est pas juste une rebelle qui se rebelle pour se rebeller –, ça aide aussi à cerner sa vision des choses, parce que les références religieuses qu’elle utilise et auxquelles elle compare les siennes, elles sont beaucoup plus convenues ; chaque symbole qu’elle évoque dans la cathédrale en ruines s’avère être un reflet de ce en quoi sa vision diffère de celle des autres. On a par exemple les dorures et les peintures colorées, qui s’avèrent beaucoup plus ternes ici. De même, les vitraux et les statues, qui sont censés immortaliser des figures saintes, sont brisés dans son monde à elle, où les gens meurent et sont rapidement oubliés – comme elle le mentionne notamment dans la phrase « Un jour, plus personne ne se rappellerait d'Elvire – fait divers qui bouleverse l'école et le quartier mais qu'on a tôt fait remplacer par d'autres drames insensés et pas moins dérisoires. » (bon, ok, ça va finir par se voir, que j’essaie de caler toutes les phrases du texte à un moment ou un autre).

En bref, tout le long du texte, il y a une harmonie qui fonctionne selon moi super bien entre les deux visions du monde qui s’opposent et se rapprochent en même temps, qui donne pas mal de profondeur au personnage d’Audrey à travers les sentiments mitigés qu’elle en retire, et c’est juste un régal à lire (et à relire pour le commentaire).

« Des graffeurs sans limite qui viennent bomber le monde gris de la ville avec des couleurs, hors la loi, parfois éphémères, toujours grandioses. »

Ce que j’aime sur celle-là, je vais étonner personne, ça vient principalement du mot "bomber". C’est clairement celui qui vous explose à la face (tiens, c’est marrant, ça), et celui qui donne toute sa connotation au reste de la phrase. Cette image de couleurs qui éclatent dans tous les sens, sans distinction ni retenue, telle une averse de bombes colorées larguées sur la ville – oui, c’est à ce genre de bombes que je pense en premier, ça aide peut-être à ma lecture de la phrase, mais ça marche aussi avec l’autre sens du mot –, tout ça, outre le fait que c’est une représentation qui marche bien pour décrire une fantaisie enfantine, tout dans la démesure et la spontanéité, ça a aussi l’avantage de poser une atmosphère. En fait, c’est couplé avec toutes les autres références picturales du texte – vu que c’était son champ lexical –, et ça contribue à plonger le lecteur dans un autre univers à travers cette image d’un paysage aspergé de couleurs. Du coup, outre le fait que c’est toujours sympa de se plonger dans des ambiances exotiques, ici, ça aide surtout à démarquer Nicolas et l’enfant auquel il parle du reste du monde, et à suggérer qu’ils sont vraiment dans le leur. De fait, on arrive plus naturellement à éprouver la confiance qui s’installe entre les deux.

Mais si l’image de la bombe est selon moi ce qui porte le cœur de la phrase, j’ai aussi envie de saluer la façon harmonieuse dont le reste s’y rallie. Déjà, petite mention au mot "graffeurs", qui a lui-même une sonorité un peu enfantine et une connotation qui suggère vraiment la spontanéité – on n’est pas dans le dessin, on est dans le graffiti, le genre balancé vivement sur un mur. Et puis il y a le rythme de la phrase qui respire lui aussi l’impulsivité : on a d’abord un long énoncé d’une quinzaine de mots, qui détaille l’idée principale, et puis après, trois petits segments averbaux de deux ou trois mots, balancés les uns à la suite des autres, comme avec une idée d’en rajouter une touche, puis une autre touche, et puis encore une. Même ça, ça sonne explosif, en fait. Et enfin, il y a les mots choisis dans ces trois segments, qui traduisent une vraie sympathie de Nicolas : d’abord "hors-la-loi" et "éphémères", qui donnent à ces actes enfantins un côté à la fois un peu vain et inopportun, et puis "grandioses", qui leur voue malgré tout une admiration certaine. Là encore, on est dans cette idée que les deux sont dans leur monde et leur fantaisie. Et c’est très mignon. T’façon, tout le texte est très mignon, c’est pas juste ce passage.

« Vous savez qu’on peut mourir de chagrin ? »

Le texte de Just Married, c’est une une opposition de deux points de vue qui ne sont pas faits pour s’entendre ; on a l’optimisme de Chae-Rok d’un côté, et le pessimisme de la vieille Okamoto, avec l’amour pour fil rouge du "débat". Je mets le mot entre guillemets, parce que c’en est pas vraiment un, et c’est d’ailleurs ce point qui me fait le plus apprécier cette participation – et qui m’a donné envie de parler de cette phrase, qui le traduit assez bien.

En fait, tout au long de leur conversation, chacun des deux personnages a ses raisons de penser qu’il est dans le vrai ; du point de vue de la vieille dame, Chae-Rok n’a pas encore connu la vie, il n’a pas autant d’années d’expérience qu’elle sur ce genre de grande question, et de son point de vue à lui, la vieille dame n’a plus toute sa raison, elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer et/ou d’autres troubles psychologiques. Mais d’un autre côté, on ne sent pas vraiment de mépris pour le personnage d’en face ; Chae-Rok s’est donné pour vocation de porter assistance à ces personnes âgées et diminuées, et du côté d’Okamoto, elle-même semble vouloir porter assistance à Chae-Rok en l’incitant à ne pas se bercer des illusions qui semblent lui avoir ruiné sa vie à elle. On lit même, quand elle s’adresse à lui pour la première fois : « Elle darde sur toi un regard noir. Et pourtant, au fond de ses pupilles, tu décèles une émotion plus virulente : celle de la tristesse. »

Du coup, on a comme un débat de sourds qui ne vire pas au combat de coqs – même si la vieille semble faire preuve d’un peu plus d’orgueil –, et qui donne une drôle d’ambiance où chacun défend obstinément dans sa vision des choses sans qu’on sache vraiment auquel des deux partis accorder le plus de légitimité. Et la phrase que j’ai choisie illustre pas mal cet effet. « Vous savez qu’on peut mourir de chagrin ? », c’est une question qui, d’un côté, sonne comme une élucubration un peu démente à laquelle on n’aurait pas envie de donner de vrai crédit – le genre auquel on répond « Mais bien sûr... », en se disant par exemple que la personne qui la prononce a l’air bien vive pour quelqu’un qui parle d’avoir connu la mort –, et de l’autre, comme une phrase que vous sortirait un ancien qui perçoit mieux le monde par le prisme de son âge avancé, celui qui parle d’une expérience que vous n’avez pas. En fait, cette réplique, elle n’a aucune chance de faire avancer le débat ; selon le côté duquel on la regarde, elle peut soit souligner que l’un des deux partis parle sans savoir, soit que l’autre manque de la raison la plus élémentaire. Et ça rend la situation à la fois touchante et très humaine – ce qui va souvent de pair –, parce qu’on peut totalement comprendre l’un et l’autre des personnages et se rendre compte que quoi qu’ils fassent, ils n’arriveront pas à se délivrer de leur point de vue, et notamment, la vieille Okamoto n’arrivera pas à se délivrer de son pessimisme. Du moins, pas de cette façon, puisque Chae-Rok va quand même finir par faire avancer les choses en affirmant qu’il est conscient de se bercer d’illusions, laissant comprendre que les deux parlent de la même chose depuis le début, mais qu’il la prend autrement – sans doute en partie pour ne pas mourir lui-même de chagrin.

Enfin voilà, je trouve le ton du texte assez parlant, et il se marie d’ailleurs bien avec le thème du poison qui lui était imposé, avec par exemple l’idée que le pessimisme de la vieille dame ne vient pas d’elle, mais de quelque chose d’insidieux qui la gangrène.

« - Tu crois que là où il est, Papa peut voir la mer ?
- Non. »

Là encore, on est dans de la citation qui dit énormément de choses en très peu de mots ; le genre qui, en début de texte, ou en début de scène comme dans le cas présent, suffit à poser l’ambiance, la situation, et le début de l’action, sans se perdre des longues explications. Je dis pas que c’est pas bien, les longues explications, hein. Mais à consommer avec modération, et seulement quand vous pensez que l’attention des lecteurs est déjà fermement saisie.

D’abord, on apprend indirectement, par la phrase d’Erika à son frère, que leur père est mort ou disparu. Outre le fait que la tournure fonctionne bien pour définir un caractère enfantin, le genre qui parle de mort sans y référer directement parce qu’on lui a présenté la chose sous des tournures édulcorées, ça donne aussi l’effet d’un bout d’espoir qui est resté, après la fin de la fantaisie qui nous a été présentée dans le paragraphe précédent. Et ensuite, on a la réponse du frère, un simple « Non. », qui dit encore plus de choses : d’un côté, évidemment, le frère ne partage pas le semblant d’optimisme resté chez Erika, et il la rappelle – avec le lecteur – à une réalité plus froide. Mais surtout, il ne cherche même pas à peser ses mots ou à développer sa pensée, il veut juste clore la conversation immédiatement. Et si ça peut simplement suggérer qu’il n’a pas envie de ressasser ce genre de question, ça sonne aussi comme une sorte de ras-le-bol qui se serait développé après avoir répondu cent fois aux interrogations naïves d’Erika. Et ça, ça en dit beaucoup sur la situation et sur Erika ; ça donne le sentiment qu’elle persiste depuis des jours, sinon des années, à s’accrocher à ce point de vue euphémisé, ce semblant d’espoir d’on-ne-sait-trop-quoi.

Et à vrai dire, non seulement ça aide à bien se figurer la scène qui commence, mais je pense que c’est aussi essentiel pour bien appréhender Erika le long du texte. Le récit se découpe en plusieurs scènes séparées les unes des autres par ce qui s’apparente à des années, cinq scènes dans lesquelles on encaisse très rapidement l’évolution du caractère d’Erika, puisqu’on n’a pas vraiment le temps de s’habituer à ce qu’elle est devenue dans une période de sa vie qu’on nous en sert déjà une autre. Et si ça marche malgré tout – en tout cas de mon point de vue –, c’est en partie grâce à des phrases comme celle-là, qui prolongent naturellement cette évolution à travers les ellipses. Et puis il y a cette idée de voir la mer, qui revient encore et encore, et qui aide à présenter les personnalités différentes qu’adopte Erika comme des variations du même caractère. Typiquement, quand on la voit s’obstiner à vivre de quelque façon – quand elle dit notamment que « Vivre était devenu sa raison d’exister » –, ça donne un écho de la même persistance qu’on a ressentie plus tôt dans le texte, à travers les deux phrases de la citation, mais sous une facette beaucoup plus sombre.

Au final, il y a tout un équilibre entre ce qui est dit et ce qui est suggéré, qui aide à présenter constamment Erika sous le jour sous lequel on veut la présenter, et que je trouve vraiment efficace. Et c’est vraiment pas quelque chose d’anodin ; moi, on me dit de décrire une évolution si radicale d’un personnage sur des dizaines d’années et en mille cinq cent mots, je réponds "Ouais, t’as qu’à croire, mais je vais tenter quand même parce que j’aime bien les défis". Mais là, traité comme c’est, je trouve juste ça hyper propre.

« Peut-être alors comprendrait-elle mieux l’engouement passionné dont Kismet faisait preuve pour les systèmes stellaires, la stellogénèse, la spectroscopie et certaines disciplines dérivées de l’astrophysique. »

Bon, là, je vais être embêté pour me limiter à une citation, parce que ce dont j’ai envie de parler, c’est de la chute du texte. Et ce qui fait que je trouve cette chute super réussie, c’est justement ce qui fait une bonne chute d’une manière générale : elle ne dépend pas seulement de la phrase qui la présente, mais aussi de toutes celles qui l’ont annoncée à travers le texte. Elle sort pas de nulle part, elle ne vient pas "créer" une nouvelle idée, elle vient juste révéler et compléter celle qui se cache sous le texte depuis le début – sinon, ça perturbe le lecteur plus qu’autre chose, c’est pour ça qu’on nous dit d’éviter les retournements à base de "Nom de dieu, c’était un rêve" et autres deus ex machina.

Ici, dans l’idée, on a une continuité très logique : tout le long, on voit la genèse de l’univers décrite par Snow de façon expressément lyrique, saupoudrée de métaphores et de personnifications, frôlant carrément le mystique ; on peut le lire comme une façon romancée de présenter la chose à un enfant, d’autant qu’on voit deux fois Snow s’interrompre pour adapter le récit à sa jeune auditrice, et en soi, ça suffirait déjà à faire un texte bien mignon. Et puis vient cette petite chute, qui indique que cette vision poétique semble venir d’elle, qu’elle est elle-même étrangère à toute cette cosmologie, qu’elle est elle-même une petite fille passionnée de belles histoires en train de s’intéresser à ce sujet mystérieux qui semble occuper les journées de son petit ami. C’est une chute plutôt douce, dans le sens où elle est amenée lentement et ne vient pas radicalement retourner la vision du lecteur, mais néanmoins très efficace ; j’ai déjà parlé plusieurs fois, au sujet des autres citations, de phrases qui suffisaient à caractériser rapidement et efficacement un personnage, et ici, on en a un exemple assez particulier : la présentation du personnage n’est pas là pour aider à saisir le texte, c’est au contraire le texte qui est là pour saisir la présentation du personnage, et le fait de le présenter sous forme de chute aide à l’appréhender d’un seul coup, sur la base de tout ce qu’on a lu précédemment et qu’on peut enfin interpréter correctement. Pour ceux qui s’en souviennent, ça me fait un peu penser au texte de Tiago sur l’interforum de Metro, épreuve 5, même si là, la chute était plus radicale.

Et du coup, outre le fait que je trouve le personnage de Snow extrêmement sympathique – probablement parce que j’ai moi-même suivi un master de physique avec une mentalité beaucoup trop fantaisiste pour la chose –, je trouve que le fait de présenter ainsi son caractère un peu particulier aide vraiment à la comprendre, sans doute en partie parce qu’on peut l’appréhender sans préjugés puisqu’on en découvre en même temps l’idée générale et la façon dont elle se traduit en pratique ; en fait, on n’a pas vraiment de délai entre le moment où on la découvre et celui où on la comprend. Et ça, je trouve que ça marche bien.

Et puis c’est mignon, foutredieu !

« Je le revois encore, sur son embarcation, nouer les cordes, déployer les voiles et larguer les amarres. »

Parfait, un texte de Samaël. Je vais pouvoir continuer mon arc de rédemption sur les personnages que j’ai été dégoûté de pas avoir trouvé le temps et l’énergie de commenter sur l’interforum d’Esquisse.

Ça, c’est le genre de phrase qui casse pas trois mâts à un schooner, mais qui est super propre de la poupe à la proue. D’abord, rythmiquement : la segmentation en petits bouts de phrase séparés par des virgules, qui fonctionne comme une sorte d’accumulation, une description à laquelle on ajoute de nouveaux éléments un par un, ça se prête vraiment bien à l’ambiance "souvenir" qui englobe le texte ; quand on essaie de se remémorer quelque chose, on en a rarement une vision d’ensemble, on essaie plutôt de rassembler les fragments de mémoire qu’on arrive à retrouver à force d’y penser, et c’est un effet assez proche que je ressens à la lecture de cette phrase. Et puis il y a la longueur des segments : les deux premiers sont réguliers, on les lit avec six syllabes chacun, un peu comme un alexandrin – nonobstant le ‘e’ muet –, ça fait une introduction bien posée au cours de laquelle on visualise simplement le père de Samaël sur son embarcation ; et ensuite, quand on entre dans la partie plus active de la phrase, celle où il affrète son bateau pour le départ, on a trois segments dont la longueur augmente progressivement – quatre, puis cinq, puis six syllabes –, qui aident vraiment à ressentir le côté "départ", l’éloignement progressif, et le mètre rythmique qui se relâche de plus en plus à mesure que l’embarcation se libère de ses attaches. Typiquement, essayez de mettre à la place « nouer les cordages, hisser les voiles, et larguer les amarres », on sent que ça marche moins bien, alors que ça dit la même chose.

Et ensuite, au niveau des connotations : il y a un équilibre que je trouve vraiment sympa entre des images très modestes – l’utilisation du mot "embarcation" a un côté plus rustique que "navire" ou "bateau", et la description des actions se fait de façon très brève, pas grandiloquente pour un sou –, et un côté assez grandiose en parallèle, à travers le côté très distant de l’image du père – sa description est minimaliste au possible dans ce passage, on s’imaginerait presque une silhouette sur son embarcation – et le fait que la phrase soit amorcée comme une description du père, avec le « Je le revois encore », mais enchaîne plutôt sur des images du navire, ce qui induit une sorte d’association inconsciente entre les deux. On n’est certainement pas dans le majestueux, mais en lisant ce passage, je m’en figure une image un peu mystique, avec cet homme à peine dissociable de son bateau qui s’en retourne une énième fois vers la mer. Et je trouve que c’est une image qui reflète assez bien la fascination que peut ressentir Samaël, ce côté à créer du mythe à partir de pas grand-chose en le saupoudrant d’un regard émerveillé. Donc voilà, niveau identification et ressenti, ça fonctionne bien.

Par contre, on me dit dans l’oreille qu’il existe bel et bien des schooners à trois mâts, donc pardon pour les puristes de la marine.

« La photo les montrait tous les cinq, du temps où ils étaient ensemble. Maxime, Aurèle, Alix, Maman. »

Bon, là, comme avec Audrey, on est dans un de ces textes où quasiment toutes les phrases auraient mérité un commentaire. « Depuis combien de temps luttait-elle, prisonnière d’une version des faits qu’elle ne voulait pas abîmer ? », « Sur sa tempe, un fusil d’assaut braqué par l’enfant qu’elle était, lançant des regards de défis à l’adulte qu’elle était devenue. », ou encore « Il avait échoué, le triton, à l’émouvoir suffisamment. », pour ne citer que mes préférées ; mais je vais me tenir à ma limite d’une par texte, notamment parce qu’on est le 18 décembre, que l’interforum est terminé depuis bientôt trois semaines, et que je suis déjà foutrement à la bourre.

Celle que j’ai choisie, à vrai dire, c’est pas compliqué de déterminer pourquoi je l’aime bien, parce que l’effet de style est assez évident, à tel point que je me risquerais presque à considérer pour une fois qu’il est conscient : on a la phrase qui dit « tous les cinq », mais lors de l’énumération, elle ne présente que quatre des cinq personnages – il y manque Odalie elle-même. À vrai dire, la façon exacte d’interpréter ça est propre à chacun ; on peut y ressentir comme une omission volontaire, d’une personne tellement au fond du gouffre du doute qu’elle se sent négligeable, ou bien une sorte de frein soudain survenant au moment de voir sa propre photo parce qu’elle n’a pas la force de s’y reconnaître, ou bien que sais-je encore ? C’est ce genre de cas où on peut s’amuser à poser autant de mots qu’on veut pour décrire son tourment, mais au final, on le ressent mieux en lisant la phrase dans son contexte. Quoi qu’on y lise, il y a un effet qui ressort, on sent facilement qu’il y a quelque chose qui cloche.

Mais outre cette idée assez habile pour exprimer indirectement le sentiment qui gangrène Odalie, j’aime aussi beaucoup la façon dont est construite l’énumération des noms, et l’ordre dans lequel ceux-ci apparaissent. La raison à ça, c’est une question de sonorités. D’abord, sur les accents : les trois premiers noms ont leur deuxième syllabe plus haute que leur première, dans le sens où on y met plus naturellement l’accent, et on les prononcerait en montant (Maxime, Aurèle, Alix), mais le quatrième, "Maman", qui termine sur une voyelle nasale, appellerait plutôt à accentuer la première syllabe et à descendre – pour les experts en prosodie, c’est trois iambes suivis d’un trochée. Ça donne un effet de clôture, une sorte d’écrasement soudain avant l’apparition du cinquième nom qu’on attendrait – celui d’Odalie. Quel que soit l’effet qu’on ait lu dans l’absence de ce nom, je trouve que ça le renforce bien. Et dans la même veine, j’ai l’impression qu’il y a comme un effet de reflet dans les sonorités – et surtout les lettres – composant les noms, notamment à travers leurs initiales – M, A, A, M –, qui donne une structure en ouverture-fermeture donnant à peu près le même effet. Mais bon, là, on entre dans le domaine où je suis plus sûr de pas être le seul à lire ça comme ça.

Enfin, quoi qu’il en soit, je trouve cette phrase franchement expressive – et évocatrice, aussi –, à l’image de toutes les autres que j’ai pas pris le temps de commenter mais qui sont bourrées d’effets dans le genre aussi. Je ne cache plus le gros coup de cœur que j’ai eu pour ce texte, et plutôt que de tenter subrepticement de parler de plein d’autres passages comme je l’ai fait avec Audrey, je vais me contenter de vous envoyer le lire si vous ne l’avez pas lu ! Précaution inutile, bien sûr, puisque vous avez bien évidemment lu tous les textes avant de lire les commentaires qui en traitent, car vous êtes des gens sages, HEIN !?, mais c’est pour les deux-trois galopins qui restent encore malgré tous mes avertissements.

« Jusqu’à ce que l’engrenage ne se bloque et que je me laisse enfermer dans un système rouillé et brisé. »

Et je termine en douceur sur celle-là. D’abord, énormes félicitations à cette participation pour l’utilisation de son champ lexical, parce que c’était clairement pas le plus évident, mais la métaphore qui en découle est franchement stylée, et à vrai dire assez efficace pour décrire le tempérament du personnage de Willow. Toute l’image de l’horlogerie et des mécanismes emboîtés et dirigés avec une rigueur de fer, ça marche déjà bien pour illustrer sa personnalité réagencée de force par sa mère ; mais surtout, là où je trouve que c’est le plus parlant, c’est dans le moment où ça craque – d’où la citation que j’ai sélectionnée.

Je crois que le mot le plus important de cette phrase, c’est "rouillé". À lui seul, il porte toute l’image d’un mécanisme mal entretenu depuis longtemps, laissé à l’abandon, et surtout, définitivement fichu. Le craquage, il ne résonne pas comme une rupture survenue de nulle part, mais vraiment comme l’accumulation d’une usure qu’on ne peut plus réparer ; outre le fait que ça traduit mieux les difficultés qu’a dû connaître Willow dans sa jeunesse – pas juste une sensation de vide liée au fait d’être dirigée à la baguette, mais surtout un lourd affaiblissement qui en a découlé, et probablement quelques larmes si on joue avec les connotations habituelles du cœur qui rouille –, il y a aussi le fait que ça lui donne maintenant l’air bonne pour la casse. Et on le voit quand elle se reprend à essayer de danser, il y a quelque chose qui finit par bloquer en elle, un système qui ne tiendra jamais plus malgré toutes les réparations qu’on y aura appliquées. Même ce à quoi elle a été destinée de force, elle ne le tient plus ; c’est pas juste un automate, c’est un automate gâché.

J’ajoute à tout ça l’ambiance qui découle de la tournure « je me laisse enfermer dans un système rouillé et brisé » ; on a l’impression que ça l’entoure, qu’elle est en plein milieu de la machine, et qu’elle a sans doute du mal ne serait-ce qu’à en détourner les yeux. Là encore, je trouve l’image vraiment puissante, pour décrire le traumatisme qui s’est développé chez elle.

Bref, « les métaphores, c’est fort », comme dit l’autre (l’autre, c’est moi). Et celle-ci est aux métaphores ce que « Ésope reste ici et se repose » est aux palindromes : un exemple remarquable que je bénis le sort d’avoir eu l’occasion de découvrir.