Pourquoi la journée devait-elle toujours commencer par la partie que tu détestais le plus ? C’était la réflexion que tu te faisais alors que tu boutonnais ta chemise, ton regard s’égarant dans ta réflexion que tu t’efforçais de flouter, dans le grand miroir de la salle de bain de ton appartement. Tu soupirais, alors que tu venais cacher ce petit corps que tu maudissais tant sous un grand pull en laine couleur taupe.
Tu étais très sobre, parfois, tu avais du mal à différencier tes habits de tous les jours des habits que tu portais pour aller enseigner à l’académie de musique. Peut-être n’était-ce que ton style à toi ? Très… digne de ton milieu. Tu n’aimais pas attirer les regards avec des couleurs trop vives, tu préférais te fondre dans la masse.

Tu attachais ta tignasse de blé que tu t’épongeais doucement le visage avec de l’eau froide. Aujourd’hui, tu n’allais pas enseigner. Tu allais ouvrir une porte à quelqu’un.
Ton appartement était sans doute trop grand, et parfois, tu t’y sentais particulièrement seul. Tu ne savais pas trop décorer, il y avait un je-ne-sais-quoi qui rendait le tout… beaucoup moins chaleureux que tu ne le pensais. Oh, même si tu étais parfaitement apte de payer toutes tes factures toi-même, tu songeais à prendre un colocataire avec toi. Peut-être que tu te sentirais beaucoup moins seul ainsi ?
Moins auto-destructeur ?

Puppy te ramenait sa gamelle en couinant pour attirer ton attention. Tu lui souris légèrement que tu la lui remplis de ses croquettes, pour le laisser manger à sa faim. Il était particulièrement, ton petit Axoloto, c’était un de ses traits que tu aimais malgré tout. Un dernier coup d’œil dans le miroir, que tu t’assurais d’être parfaitement socialement acceptable pour rencontrer cette personne qui voulait partager ton chez toi.
Une femme, cette fois. Elle t’avait envoyé une lettre de présentation et son CV, tu te demandais si elle ne s’était pas trompée, ou si c’était toi qui avais l’air beaucoup trop professionnel. Peu importe, tu avais décidé de lui laisser une chance pour l’interviewer au Velvet Café, qui était à quelques coins de rue de chez toi.

Une fois que Puppy comprit que tu partais, il s’empressait d’aller chercher la laisse rouge assortie à son collier pour te l’amener et te la déposer à tes pieds. Tu ricanais légèrement.

« Tu veux venir au café avec moi, Puppy ? »

Le petit Pokémon tentait tant bien que mal d’imiter un aboiement qui te faisait sourire, que tu acceptais sa demande en attachant la laisse à son collier. Une fois tes bottines et ton trench coat noir enfilés, ton Axoloto et toi étiez partis pour une petite promenade dans la ville. Le froid s’installait, sans être trop accaparant comme au Nord de Lumiris… Mais le mois de décembre se faisait bien ressentir.
D’ailleurs, tu venais d’avoir 24 ans, petit Sagittaire. Peut-être que cette Marguerite Bailey était le cadeau que te réservait la vie ?

Une fois arrivé au café, tu sondais les environs pour voir si quelqu’un ne ressemblerait pas à la description que tu te faisais dans ta tête. Mais il n’y avait pas grand monde, tu décidais donc de t’asseoir à une table, prenant soin de demander un coussin supplémentaire pour que Puppy puisse se coucher à tes pieds. (Après tout, tu ne pouvais pas le garder dans tes bras.) Une fois que tu t’étais commandé une tasse de thé Earl Grey, tu avais envoyé un message à cette Marguerite pour lui dire que tu étais bel et bien arrivé.
Elle était en retard.
Toi aussi, d’ailleurs.
Ça vous faisait déjà un point en commun !

Finalement, elle était vraiment en retard. Tu pensais même qu’elle t’avait posé un lapin, ou que c’était une arnaque. Et si quelqu’un cherchait à te kidnapper ? Te trafiquer ? Quelle était la marge de crimes à Mirawen ?
Focus, Ludwig. Tu te perds dans tes pensées intrusives et tes scénarios absurdes. Tu soufflais pour retrouver ton calme.
Tu décidais d’attendre un peu plus. Simplement parce que ton instinct d’astrologue, et que l’énergie que tu ressentais, te disait d’attendre. Tu lui laissais encore trente minutes pour venir te rejoindre, tu n’osais pas trop lui envoyer un autre message pour la déranger.

Il ne prit pas de temps pour toi de te perdre dans ta tête, petit être lunatique que tu étais. Tu te laissais emporter par le flot de tes pensées, tu étais carrément ailleurs. Tu avais même terminé ta tasse de thé, tu ne portais pas attention qu’une petite voix semblait avoir répété ton nom quelques fois.
Monsieur Winter…
Oui ! C’est toi, monsieur Winter.

Tu relevais les yeux vers elle. Disons qu’elle ne ressemblait pas vraiment à la personne que tu avais imaginé… Quand elle disait être influenceuse sur ClickClack, tu t’imaginais plutôt une grande blonde mince au teint embrassé par le soleil, avec un sourire tellement blanc et brillant qu’il t’aveuglait. Et devant toi tu avais… Une gamine ? Tu avais du mal à croire qu’elle avait ton âge, elle semblait beaucoup plus jeune…
Et beaucoup plus… rose.
Mais qui étais-tu pour juger par les apparences ? Tu sentis tes joues rougir, que tu te relevais rapidement pour te présenter.

« O-Oui…! Mademoiselle Bailey ? Enchanté... La route n’était pas trop longue ? »

Tu lui souris que tu lui tendis doucement la main pour serrer la sienne. Elle avait les mains si… petites, si froides. Et toi, tu n’étais pas particulièrement grand…
Tu lui souris que tu l’invitais à s’asseoir devant toi, Puppy dormait si profond qu’il n’avait même pas remarqué l’arrivée de la demoiselle chewing gum.

« Je peux vous offrir quelque chose, un café, une viennoiserie ? »

Tu t’étais empressé de commander une autre tasse de thé, bien évidemment. On ne buvait jamais trop de thé. Et une fois que la glace était brisée, que vous aviez pu proprement vous présenter, tu sortais les papiers et tu étais prêt pour la fameuse entrevue.

« Bien ! Commençons… Alors… Qu’est-ce qui vous amène à vouloir habiter à Mirawen ? Avez-vous des projets par rapport à votre emploi, une préférence pour la ville ? »

Tu te sentais ta jambe gauche grouiller, tu étais un peu nerveux. C’était différent de lorsque tu enseignais, tu devais analyser chaque réponse, voir le potentiel possible en cette personne. Après tout, tu allais partager ton chez toi avec elle… Autant prendre des précautions et se montrer prudent…

« Pardonnez-moi, j’ai l’impression d’être un peu sévère… La vérité, c’est que je ne suis pas très doué pour faire ce genre de choses. Pourquoi ne me parlez-vous pas un peu de vous, mademoiselle Bailey ? »

Au diable toutes ces questions, tu n’avais pas vraiment la tête à prendre des notes de toute façon !

…Est-ce qu’elle allait bien ?
Depuis qu’elle avait posé ses yeux sur toi, elle ne cessait de bafouiller, tu avais même remarqué des rougeurs sur ses joues, enfin… Sous tout le maquillage et le blush rose bonbon…
Tu ne comprenais pas vraiment ce qui lui prenait et soudainement… Tu te sentais particulièrement mal. L’absence de réponse te gênait… Étais-tu trop sévère ?
Trop sérieux ?
Trop studieux ?
Trop… comme un professeur, oui.
Tu pinçais les lèvres que tu déviais le regard, comme si tu étais un peu trop gêné par la situation. Tu n’arrivais pas à comprendre ce que tu avais fait de mal pour la mettre dans cet état. Peut-être tes questions étaient-elles trop intrusives ? Avais-tu l’air vicieux, pervers, à lui demander de te parler d’elle ? Pourtant, cela semblait censé pour toi…
Tu la voyais sortir un carnet rose recouvert d’autocollants Hello Kitty et de toutes sortes de petites choses qui criaient ‘kawaii’, tu avais vu certaines de tes élèves avec ce genre de cahier, alors que toi, tu étais plus sobre… Était-ce une peluche qu’elle avait pour sac à dos ?
Arrête d’être intrusif ! Elle te trouve déjà assez étrange comme ça !

Tu sentais ton moral chuter qu’elle commençait une phrase qui te mit la puce à l’oreille.

« Vous… Vous venez de Kalos ? »

Une pensée nostalgique effleurait ton esprit. Visiblement, n’importe qui et n’importe quoi qui se mettait au-travers de ta vie te rappelait Béatrice. Tu essayais de chasser cette pensée négative que tu forçais un sourire joyeux.

« J’aurais dû m’en douter, vous avez un joli accent ! »

Mais alors que tu essayais d’ouvrir une porte pour la conversation (spoiler alert : tu es tout aussi timide qu’elle, voire plus, alors tes portes sont plutôt difficiles à prendre), tu remarquais des larmes embrumer ses améthystes.
Et rapidement, tu sentais ton cœur se resserrer et la panique prendre le contrôle de ton petit cerveau.

« E-E-Eh ?! »

Tu écarquillais un peu les yeux que tu te penchais un peu vers elle pour lui tendre une serviette de table, lui adressant un regard attristé et inquiet.

« J-Je…! Non…! Je… Arf, je recommence…. »

Tu inspirais fortement que tu essayais de calmer cette crise d’anxiété qui montait doucement en toi alors que tu posais tes mirettes saphir sur la demoiselle chewing gum.

« Je ne voulais pas vous faire pleurer… Excusez-moi si j’ai été trop intrusif, là n’était pas mon objectif… »

Tu lui adressais une expression gentille alors que tu venais doucement essuyer la larme qui coulait sur sa joue avec une serviette de table. C’était peut-être beaucoup trop personnel comme geste pour une première rencontre, mais tu sentais que quelque chose n’allait pas en son sens, à la Marguerite. Tu sentais une certaine détresse, comme si son stress était encore plus accaparant que le tien.

« Allons, prenez une inspiration et une gorgée de votre chocolat chaud… Qu’en pensez-vous si nous recommençons ? Prenez votre temps. »

Marguerite semblait s’être calmée dans sa crise de stress, qu’elle avait un peu trauma dump. Tes instincts ne te mentaient pas; tu savais qu’il y avait quelque chose qu’elle cachait. Et comme tu le pensais bien, elle avait jusqu’à la fin de la semaine pour se trouver un logement et un emploi stable.
Tu ne connaissais pas trop son background, mais juste ça, ça te donnait mal au cœur. Tu ne pouvais t’imaginer être évincé de chez toi et n’avoir personne vers qui te retourner, ou être pris au dépourvu dans une région complètement différente.

Marguerite s’était interrompue qu’elle t’avait tendu son carnet qui sentait comme la totalité des chandelles sucrées de Bath & Body Works en une. Tu avais presque les yeux qui piquaient… C’était de la paillette qu’elle avait mis sur les pages ?
Oui. C’était carrément de la paillette.
On aurait dit le scrapbooking d’une élève de 3e année. Ça te faisait sourire un peu.
Tu réalisais donc quelques petites choses sur elle; Elle aimait se faire surnommer Marga, elle était née le 14 février 1997, Kalossienne…

« Huh... Verseau... Intéressant ! »

Elle savait faire le ménage, elle savait plus ou moins cuisiner (tiens, toi non plus en vrai), elle mentionnait qu’elle prenait aussi sa douche tous les jours. Cette remarque te poussait à lever les yeux vers elle et arquer un sourcil, comme confus. Mais tu décidais d’ignorer cette dernière remarque et tu lui tendais à nouveau son carnet.

« Tu as besoin d’aide…? »

C’était ton cœur de prof qui parlait. Tu étais sans doute trop empathique, et cette fille… Elle ne semblait pas bien méchante, à vrai dire. Tu soufflais un peu, et alors que tu voyais le Pokémon rose bonbon à l’effigie de sa dresseuse s’approcher un peu trop de Puppy, tu la repoussais gentiment de ton petit Axoloto.

« Attention, toi ! Puppy est très toxique, tu ne peux pas l’approcher… »

Tu caressais doucement la tête barbe à papa du petit nuage, qui retrouvait sa place sur les cuisses de Marguerite. Et toi, tu buvais une gorgée de ton thé, alors que tu reposais les yeux sur la jeune femme devant toi.

« Tu sais… Je n’ai pas besoin de tout savoir. Si tu veux, je peux te faire visiter l’appartement et le quartier, pour voir si cela te convient. Et si tu n’arrives pas à payer le premier mois de loyer, on peut s’arranger le temps que ta paie s’ajuste. »

Elle savait cuisiner et faire le ménage ? Tiens, toi, avec tous tes cours et tes sessions d’astrologie, tu avais du mal à en venir à bout. Tu revenais toujours à la maison trop crevé pour te faire un repas consistant, et si tu le faisais, tu remettais la vaisselle au lendemain… Puis au surlendemain… Et parfois jusqu’à une semaine plus tard…
Peut-être qu’un peu d’aide te motiverait, donc ? Ou te sortirait de tes habitudes dépressives, de ta procrastination ?

Pourquoi pas ? Tu cherchais de la vie en chez toi… Marguerite était sans aucun doute plus que vivante.


Presqu’une semaine s’était écoulée depuis que Marguerite avait visité ton appartement. Tu lui avais laissé la nuit pour réfléchir et elle s’était finalement manifestée; elle avait accepté ton offre, et vous étiez officiellement des colocataires.
C’était maintenant la fameuse journée du déménagement de Marga chez toi. Tu t’attendais à ce que le clan Panneton te rapporte une boite à surprise rose remplie de peluches et de paillettes… Tu étais incroyablement surpris en voyant que ta nouvelle coloc ne possédait que quelques boites. Pas de meubles, pas de décorations, rien.
Toute la vie de cette jeune fille se tenait dans ces boites de carton tristes.
Quel étrange personnage.

Tu ne manquais pas à l’accueillir et l’aider à rentrer ses cartons et les déposer dans sa chambre, mais honnêtement, tu t’attendais à devoir jouer beaucoup plus à Bob le Bricoleur que ça. Ça allait donc devoir attendre une autre fois.

« Euh… Je suppose que tu peux dormir sur le canapé, en attendant d’avoir un lit. »

Tu lui souris gentiment.

« Sinon, tu peux dormir dans ma chambre, et moi je prendrai le canapé. Ça ne me dérange pas. »

…ça te dérangeait un peu, en fait. Tu n’aimais pas qu’on envahisse ton espace (ta chambre). Depuis que ta sœur était décédée, c’était ainsi. Ta chambre cachait tes mille et un secrets, et tu ne voulais laisser personne les trépasser.
Mais tu ne voulais pas avoir l’air d’un hôte sans cœur, non plus. Tu étais un gentleman, non ?

Tu ne savais pas vraiment le background de Marga que tu avais rapidement consulté Internet pour faire des petites recherches. Elle avait vraiment beaucoup de succès, elle aimait danser, le maquillage… Tu te sentais un peu bizarre de stalker autant, elle n’était jamais apparue sur ta For You Page de ClickClack… Non, toi, tu avais plutôt des vidéos de musique et de Pokémon mignons, le truc bien basique. Peut-être que Marga t’ouvrirait un nouvel œil sur la culture du net, qui sait !

Elle était arrivée chez toi et avait terminé de maigrement s’installer, qu’elle s’empressait de foncer dans tes bras pour t’enlacer sans doute un peu trop fort. Oh, si tu étais habitué en quelques mois que tes élèves plus jeunes te disent qu’ils t’aimaient, t’offraient des dessins et des cartes qu’ils avaient écrites… Tu n’étais pas encore tout à fait habitué aux contacts physiques des étrangers. Ça te faisait étrange, surtout après toutes ces années à t’être fait ignorer et éviter comme la peste.
Tu ne savais pas trop comment répondre. Mais tu pouvais sentir une détresse qui venait d’être levée, un soulagement dans cette petite étreinte fragile qu’était celle de Marga. Tu hésitais un peu, puis tu enroulais doucement tes bras autour de ses maigres épaules. Elle te remerciait, te serrait si fort, tu ne savais pas trop comment réagir. Pourtant ?
C’était sûrement ton côté sensible qui parlait, mais tu avais de la peine pour elle. Tu n’avais aucune idée de son tragique vécu, et tu n’avais pas besoin de le connaître. Tu savais qu’il y avait quelque chose, tout simplement.
C’était un truc de personne hypersensible.

Marguerite refusait ton offre de prendre ton lit, tu en étais soulagé. Pas que tu avais quelque chose à cacher, tu avais juste besoin de t’isoler pour jouer de la musique le soir. Tu te doutais que Marguerite aimerait être embêtée par ton brouhaha et ta cacophonie le soir, lorsque tu composais…
Elle était vraiment drôle, Marga. Elle répondait à une question et s’empressait de t’en poser une, elle te demandait quelle taille tu faisais, la question ne manquait pas de te surprendre.

« Euh… »

Tu essayais de comparer sa taille à la tienne, et faire un estimé… Mais tu es un artiste, Ludwig, pas Bob le Bricoleur; estimer des tailles c’est carrément pas ton truc.

« Je pense que je fais… Entre 165 et 170 cm…? »

Tu la regardais d’un œil incertain en haussant les épaules, avant de ricaner légèrement. De leur côté, Sucrose semblait vouloir offrir la balle à Puppy, qui agitait sa queue d’un mouvement joueur, avant de la pousser vers la petite barbe à papa flottante. Avoir une autre présence canine allait certainement l’encourager dans ses comportements, et ce n’était peut-être pas une mauvaise chose ? Ça lui ferait un ami, tu te disais. Tant que Sucrose ne s’intoxiquait pas.

« Marga, je pense que tu devrais déjà regarder sur le net pour un lit et un matelas, histoire que tu puisses t’installer rapidement. E-Enfin…! »

Tu ricanais nerveusement, avant de venir te gratter l’arrière de la tête, de manière embarrassée.

« Pardon… J’ai juste envie que tu te sentes bien ici… »

Courage, Ludwig.
Un jour, tu apprendras comment friend proprement.

« A-Ah, dis !! Tu connais l’heure et la ville où tu es née ? …Je sais, c’est étrange comme question mais vois-tu… J’aime beaucoup l’astrologie, peut-être que tu voudrais connaître ta carte du ciel ? »

Non, tu n’étais pas particulièrement grand. À vrai dire, tu étais même assez petit comparé aux autres hommes qui t’entouraient, mais tu ne complexais pas vraiment avec ça. Tu n’aimais pas spécialement ton apparence et tu n’avais pas l’énergie à t’y consacrer pour le moment, alors tu faisais toujours le strict minimum.

Du coin de l’œil, tu remarquais que vos deux Pokémon semblaient bien s’entendre, et c’était tant mieux. Tu n’avais jamais vu Puppy aussi content, enfin, quand tu ne lui lançais pas une balle ou que tu ne l’amenais pas en laisse, bien sûr.

Marga semblait suivre ton conseil; elle avait même une liste sur Pokézon où elle avait trouvé plein d’effets aussi kawaiiesques les uns que les autres… Tu ne t’attendais pas à moins d’elle, vos chambres allaient sans doute être très différentes. Car si toi, tu étais assez sobre et monochrome, elle préférait les trucs rose et accessoirisés. Les deux mondes opposés.
Elle te demandait si elle pouvait utiliser ton adresse pour se faire livrer l’entièreté de sa liste. Un certain Maximilien voulait lui acheter tout ça, et d’ailleurs, ça semblait te mettre la puce à l’oreille.

« Woah, c’est généreux, ça ne me dérange pas, c’est chez toi aussi maintenant. Par contre… Qui est Maximilien ? C’est ton petit ami ? »

Non, Ludwig, Maximilien n’était pas son petit ami.
C’était juste un simp qui voulait la gâter et agir comme son white knight dans le but de se faire remarquer de sa ClickClackeuse préférée. Après, Marga avait l’air typiquement de faire partie de la catégorie ‘e-girl’ qui faisait fureur sur ClickClack, rien à voir avec ce que la majorité de tes élèves te montraient. Tu comprenais pourquoi Marguerite avait des fans… Mais d’aussi grands fans, ça te surprenait. Parce que toi, tu n’étais pas comme ça.

Marga s’empressait de te prendre les mains en voyant que tu déviais le regard, trop d’interaction sociale, ça avait pour effet de te faire ça. Après tout, tu as tout de même passé sept ans à t’isoler de tes amis et du reste de la population, ta batterie sociale se vidait un peu trop rapidement encore… Chose que tu allais devoir améliorer. Mais le contact physique te faisait encore étrange; tu ne le vivais qu’autant avec Béatrice, et te voir entre les mains d’une autre femme, c’était… Étrange.
Elle te remerciait de ce que tu faisais pour elle, sous-entendant qu’elle ne saurait pas ce qui adviendrait d’elle si tu n’avais pas joué au bon Samaritain. Tu ne lui adressais qu’un sourire embarrassé.

« Je suis content d’aider. »

Avant de retirer tes mains, elle était un peu trop proche de ton plus grand secret, et ça ne te plaisait pas particulièrement. Et tu t’empressais rapidement de dévier la conversation sur l’astrologie, en espérant fortement qu’elle ne force pas un autre contact physique avec toi.
Elle ne savait pas exactement à quelle heure elle était née, avec son certificat de naissance, tu allais pouvoir bien calculer sa carte complète. Elle ajoutait alors qu’elle était Poissons, qu’elle n’aimait pas l’eau et qu’elle ne connaissait pas grand-chose aux étoiles. Ça te faisait ricaner un peu.

« Marga, tu es Verseau, pas Poissons… »

Alors elle s’était fiée sur un horoscope mensonger toute sa vie ? Elle te demandait également ce qu’était une carte du ciel, tu croisais les bras en soufflant timidement.

« La carte du ciel est un outil utilisé par un astrologue pour situer la position des astres lorsqu’une personne vient au monde. Grâce aux Éphémérides, et à l’astronomie, l’astrologue peut calculer la position des planètes en chaque signe, et ainsi, la carte du ciel peut se transformer en… Hum, comment dire…. En un voyage ? Oui. Un voyage pour apprendre qui est cette personne devant nous. Chaque planète et chaque maison possède un signe qui peut éclairer une personne sur, par exemple, ses finances, ses relations, sa situation amoureuse. »

Tu ne réalisais pas que tu utilisais des mots beaucoup trop compliqués pour la petite tête rosée qui clignait innocemment des yeux, en te fixant. Tu savais qu’elle n’avait rien compris, mais vous alliez tous les deux prétendre que vous vous y connaissiez.

« …bref. Ahem. Je vais te faire ta carte du ciel, un jour. Dans tous les cas, je t’assure que mes prédictions seront plus justes que celles de l’horoscope du Poissons auquel tu t’es toujours fiée, si… bien sûr… il t’arrive de lire ton horoscope… »

Tu finis ta phrase d’une voix un peu plus faible, tu sentais ton regard dévier, et tes joues s’empourprer un peu. Avais-tu trop parlé ? Tu avais définitivement trop parlé, ça l’emmerdait, sans aucun doute. Elle devait te trouver vraiment bizarre, elle ne savait même pas qu’elle était Verseau, alors pourquoi est-ce qu’elle s’intéresserait à l’astrologie en premier lieu ?!

Tu sentais une forme d’anxiété sociale se construire doucement en toi. Tu avais envie de fuir… Mais tu ne pouvais pas fuir; tu étais chez toi, déjà. Et tu n’allais pas laisser Marga seule comme un chien.

Ah.
Oh non.
Marguerite s’était encore plus approchée de toi, pour te rappeler qu’elle était Poissons (spoiler; elle ne l’était pas). Et toi, tu figeais alors que ton regard exprimait la panique qui t’avait pris, et tu t’empressais de faire un pas en arrière.

« T-Trop proche… »

Oui, vous alliez être colocataires, mais tu restais encore très secret, protecteur de ta fameuse bulle et ce qui restait de ton intimité. Les gestes barrière, c’était un must pour toi, le 2m tu le respectais toujours… Mais pas Marga. Elle était tactile, après tout, tu l’avais aidée, tu avais l’impression qu’elle voulait te montrer qu’elle était reconnaissante. Sauf que toi, tu n’avais pas le même love language qu’elle, ça sautait aux yeux.
Marguerite n’avait absolument pas compris ce que tu voulais dire lorsque tu lui expliquais des choses, mais ce n’était pas grave. Elle n’avait pas l’air d’être la lumière la plus brillante (pourtant, elle venait de Kalos…) mais qui étais-tu pour juger ? Toi aussi, il t’arrivait de ne pas t’être assez éduqué, même si c’était plus rare en raison de ton métier. Elle te posait plein de questions, à un point tel que ça te donnait un peu mal à la tête.

« …Hum… Je… C’est vraiment ta décision si tu veux lire ton horoscope ou non, je n’ai pas mon mot à dire… »

Elle te demandait si tu avais faim, mais elle parlait tellement que… Ah, oui.
Tu n’avais encore rien mangé, tu étais probablement trop nerveux par rapport à son déménagement, et maintenant qu’elle te le rappelait, tu la ressentais, ta faim. Tu regardais l’heure, d’ailleurs… Il était déjà presque 17h ? Tu soupirais doucement, que tu déviais ton regard saphiré sur ta nouvelle colocataire.

« Ah… Oui, moi, j’ai faim. Euh…. Je ne suis pas très doué pour la cuisine, le frigo est un peu vide donc… Une pizza, ça te dit ? En plus, je n’ai pas envie de sortir… »

Tu faisais partie de ces personnes introverties qui détestaient plus que tout n’importe quelle interaction sociale. C’était pour cela, d’ailleurs, que tu choisissais toujours très logiquement tes restaurants favoris; n’importe lesquels qui offraient la livraison sans contact, et desquels tu pouvais commander par internet sans avoir à appeler au téléphone. D’ailleurs, tu ouvrais depuis ton téléphone une page de ta pizzeria préférée, probablement beaucoup trop fancy pour votre propre bien. Comme à ton habitude, tu choisissais ce que toi tu voulais manger en premier, avant de mettre ton téléphone entre les mains de Marga en lui souriant.

« Prends ce que tu as envie, Marga. C’est moi qui offre ce soir ! »

Tu espérais seulement qu’elle ne te sortirait pas une facture astronomique… Pas que tu n’avais pas les moyens de l’afforder, mais tu faisais sûr de faire un budget raisonnable à chaque mois, et ce serait dommage de le déborder.

Tes yeux s’étaient ensuite perdus sur vos deux Pokémon qui avaient des zoomies au milieu du salon. Oh, Puppy était très joueur, et il avait très souvent des zoomies, surtout à l’heure du bain matinal ! Cependant, avec un autre Pokémon ? C’était encore plus mignon ! Il allait avoir enfin un partenaire pour jouer à la balle, et tu étais bien heureux de le voir.

tw; alcool

Elle te demandait si tu avais déjà mangé sous l’influence de l’alcool, et tu rougis.
Non, tu n’avais pas vécu d’aussi belles années qu’elle en tant que jeune adulte. Tout le monde te détestait et personne ne t’invitait jamais à des fêtes. Tu passais tout ton temps dans ta chambre à moisir, donc…

« Pour être honnête, je n’ai jamais bu de ma vie… »

Tu n’avais jamais touché ni à l’alcool ni aux drogues. Ta thérapeute t’avait toujours répété de ne rien prendre qui pourrait avoir un effet dépresseur sur toi, comme tu étais déjà diagnostiqué avec une dépression, le mélange n’était certainement pas la meilleure des options qui s’offraient à toi. Marguerite avait l’air surprise par cette déclaration, mais toi, ça ne te faisait ni chaud ni froid. Tu avais 24 ans et tu étais toujours en vie malgré que tu n’aies jamais rien consommé, tu t’amusais quand même.

Elle te demandait si tu aimais les cheesy breads, elle te donnait un peu trop de détails, mais ça te faisait tout de même sourire.

« Je pense que je n’avais pas besoin de tout savoir… »

Après que vous ayez passé votre commande sur l’application, Marguerite s’était proposée pour aller acheter des boissons au supermarché du coin. Pourquoi pas, ça lui ferait une opportunité d’apprendre à connaître le coin un peu mieux, en plus de t’éviter à toi de te déplacer. Et en attendant, ta seule mission, ce serait de garder les deux Pokémon.

Easy peasy lemon squeezy. Ils jouaient déjà ensemble, et tu prenais toujours soin de Puppy à temps plein, Sucrose ne devait pas être plus chaotique…
Sauf que lorsque Marga avait quitté les lieux, tu remarquais une différence de comportement chez la petite Sucroquin. Elle regardait sa dresseuse s’éloigner, puis elle semblait couiner tristement ? Elle ne te regardait même pas, comme si tu n’existais pas. L’absence de Marga semblait déranger Sucrose, et bien sûr, Puppy ne pouvait s’empêcher d’intervenir en venant ramener la balle à la petite barbe à papa flottante.

Marguerite n’en avait que pour quelques minutes, une demi-heure plutôt. Et à ta grande surprise, elle était revenue avec des bouteilles particulièrement colorées, le genre que l’on retrouvait uniquement dans l’allée des boissons pour grandes personnes.
Tu espérais que ce ne soit pas ce que tu pensais, mais ta colocataire s’était vantée ne pas avoir été cartée, et il y avait un pourcentage d’alcool assez élevé inscrit sur les bouteilles. Elle voulait vraiment fêter avec toi ?
Pourtant… Tu lui avais souligné que tu n’avais jamais bu auparavant, et que c’était la première fois.
Tu ravalais nerveusement ta salive.

« Ah, bien sûr… Ça m’étonne qu’ils ne t’aient pas cartée…? »

Des fans de ClickClack, peut-être ? Personne ne pourrait jamais savoir. Mais vous étiez tous les deux assis dans le salon, sur le plancher, avec le pack de 6 boissons entre vous deux. Tu ne savais pas si tu attendais la pizza, ou si tu attendais que Marga choisisse sa boisson… Tu étais particulièrement nerveux, juste parce que c’était une expérience que tu n’avais jamais encore vécue, et puis bon, ta thérapeute t’avait quand même un peu fait peur.

Ah, et au pire, les choses ne pouvaient pas être pires qu’elles ne les avaient déjà été.
Tu avais pris une bouteille entre des mains, à la framboise bleue. Ta saveur de barbotine préférée, de base, alors peut-être que ce serait tout aussi bon ? Marga t’avait fourni l’ouvre-bouteille et vous aviez pu trinquer à votre déménagement, votre nouveau départ et votre amitié naissante. Ainsi, tu pus boire ta première gorgée… Au final, ce n’était pas si mal !
La boisson était particulièrement sucrée ! Ça ne goûtait pas du tout l’alcool.

Ça finirait terriblement mal, tout ça.

tw; alcool

Jusqu’à présent, la soirée se déroulait relativement bien. Vous aviez mangé chacun toutes vos pares de pizza, et vous étiez tous les deux à votre troisième bouteille. Même, tu commençais à bien aimer ça; tu ne ressentais plus une once de timidité sous l’influence de l’alcool, et tu trouvais ça trop bien !

Vous étiez sortis pour acheter encore plus d’alcool, et pour la première fois de ta vie, tu avais réussi à établir un contact visuel avec la caissière, c’était un moment incroyable.
TU ADORAIS L’ALCOOL, FINALEMENT.

Enfin, tu n’étais pas encore ivre. Juste un peu feeling. Tu gérais TOTALEMENT bien !
Arrivés à votre troisième bouteille, tu étais couché sur le canapé, tête en bas, probablement la pire idée que tu aurais pu avoir de toute ta vie, mais tu ne ressentais presque pas l’effet de l’alcool (pauvre petite chose). Toi et Marga, vous appreniez à vous connaître, vous brisiez la glace, comme on pouvait dire. Et tu utilisais des mots un peu trop intelligents pour elle, tu la sentais frustrée.

Sauf qu’elle en avait marre que tu lui poses des questions, elle t’en lançait aussi une. Et tu te retournais pour t’allonger sur le ventre – c’était là que la sensation te prenait. Le sol tournait, tu avais la tête dans le coton, les joues rougies tellement tu étais ivre… Tu devais fermer les yeux un instant pour retrouver ton focus.

« Okay, okay… Laisse-moi réfléchir… Euh…. »

Ah oui, mais tu n’étais pas particulièrement intéressant, sauf que l’alcool t’en faisait dire, des niaiseries. Tu prenais la main de Marga, en ricanant légèrement.

« J’ai jamais dit à personne mais… Je pense que je pourrais carrément avoir un truc avec un garçon. En fait, je m’en fiche un peu, je veux juste pouvoir aimer quelqu’un à nouveau. Sauf que j’ai jamais eu l’opportunité, tu vois ? »

Tu soupirais en te laissant tomber lâchement contre le canapé.

« Je suis un pauvre type, ou un vieux garçon, c’est toi qui décide comment tu veux m’appeler ! Mais si tu veux me rabaisser, au moins, fais-le comme il faut je t’en prie... »

Tu ricanais un peu avant de tendre le bras pour aller chercher ta bouteille d’alcool au melon d’eau, avant d’en prendre une gorgée probablement beaucoup trop grande pour ton propre bien. Par chance que tu avais congé demain…

« Marga tu m’as toujours pas répondu !! Maximilien c’est ton copain ou pas ? Pourquoi il t’achète des trucs ? Tu penses que moi aussi, y’a des mecs qui voudraient m’acheter des trucs, je dois faire quoi pour qu’ils le fassent ? »

Oh, Ludwig, tu n’avais pas assez confiance en toi pour te trémousser devant une caméra pendant 15 secondes à 3 minutes en minijupe avec une barre de blush sur le nez et des petits cœurs sous les yeux. Tu étais peut-être mignon, mais tu avais tes limites, quand même.
Et puis tu n’aurais certainement pas la patience de flirter constamment avec des fans, d’être inatteignable, tu aurais peur de leur faire de la peine en leur refusant quelque chose…
Tu n’étais pas disponible émotionnellement, non plus. Tu étais toujours en train de procéder Béatrice. Ah… Ah non. Elle venait effleurer ton esprit. Ton amour de jeunesse venait encore te hanter, alors que ton sourire s’effaçait doucement pour laisser place à une expression plus triste.
Oh non.
Ma pauvre petite fleur bleue que tu es, Ludwig.

« Dis, Marga… Tu as un intérêt pour quelqu’un, dans ta vie ? »

Peut-être que de l’entendre parler de son bonheur invoquerait le tien. Peut-être que tu arriverais à te changer les idées.
Ugh, tout allait pourtant si bien ! Pourquoi il fallait que tu sois triste ?
Ta thérapeute avait raison; c’était l’effet dépresseur de l’alcool qui t’affectait. Mais tu ne voulais pas de cette tristesse qui t’envahissait, de ces souvenirs qui te faisaient regretter Béatrice; tu voulais redevenir heureux comme tu l’étais il y avait quelques minutes.

tw; alcool

Il y avait cinquante-douze pourcent de chances que Marga ne se rappelle même plus de quoi vous aviez parlé en ce jeudi soir chaotique.
Mon pauvre Ludwig. Tu étais dans un état… assez loin de l’ordinaire, à vrai dire. Tes joues étaient rougies, tu te sentais tout bizarre, l’alcool ne te faisait pas si bien que ça. Peut-être que ce serait la dernière fois que tu allais boire, qui sait. Mais prends garde à la gueule de bois…

Marga te disait qu’elle pouvait t’aimer, mais qu’elle n’était pas un garçon. Tu ricanais un peu; tu le savais, ça ! Et de toute façon, tu ne t’intéressais pas qu’aux garçons, mais un peu à tout le monde. Peut-être pas Marga, trop d’énergie pour toi… Elle te disait que vous pouviez être des amis, tu ricanais un peu en venant prendre une gorgée de ta boisson.

« Tu habites chez moi… je pense qu’on peut prendre en considération être amis, non ? »

Elle essayait même de te remonter le moral quand tu te rabaissais, chose qui te… prit de court. Ta mère et ta thérapeute t’aidaient lorsque tu te sentais ainsi. Mais pas comme Marga le faisait, et ça te faisait sentir étrange. Tu haussais un sourcil, alors que tu gardais le silence suite à ce qu’elle amenait sur la table.
Tu n’étais pas d’accord avec ce qu’elle disait sur toi.

(Elle ne te connaissait même pas tant que ça.)

Même ivre, tu n’arrives pas à penser la moindre chose bien sur toi. Même ivre, tu restes toujours cette personne triste et solitaire que tu es.
Meilleure chance la prochaine fois ?

Pour briser ce silence pire que gênant, vous déviez à parler de Maximilien, comme si tu étais curieux de savoir qui il était et pourquoi il achetait des meubles à Marga. Elle t’expliquait et tu compris assez vite l’intérêt de ses desseins, ce qui ne manquait pas à te faire rougir vivement. Tu ne savais pas que ce genre de personne existait pour vrai… Tu les voyais souvent passer dans les threads sur les réseaux sociaux, mais c’était la première fois que tu rencontrais quelqu’un qui faisait de l’argent avec des simps. Impressionnant, tu pensais.

Marga avait faim, tu compris que le fameux cochmolat, c’était du chocolat, expression sans doute déformée par l’alcool. Tu soufflais un peu, avant de te pencher vers ton sac pour aller chercher une barre de chocolat que tu t’étais réservé pour le vendredi soir…

(Ouh là, ça tourne...)

Tu venais la déballer pour la casser en deux et la partager avec Marga, jusqu’à voir son expression se décomposer. Les larmes lui montaient aux yeux, elle t’évitait du regard.
Aurais-tu abordé un sujet un peu trop sensible ?
Tu ne comprenais pas trop ce qu’elle te disait, mais ça te brisait le cœur de la voir comme ça. Ton petit cœur hypersensible se serrait alors que tu venais t’asseoir à côté d’elle.
Arf. Même si tu te sentais terriblement mal, tu ne savais pas quels mots utiliser pour essayer de la faire sentir mieux. Alors tu laissais doucement tomber ta tête contre son épaule et tu soupirais.

« Ça va aller. Tu n’as pas besoin d’en dire plus… Je te comprends. »

Ne pas trop aller dans les détails pour ne pas trop la faire sentir en détresse, mais surtout, pour ne pas toucher un sujet qui pourrait éveiller tes triggers et tes traumas à toi. Tu étais encore fragile, et pas à jeun ? Qui sait. Tu serais imprévisible sous l’influence de l’alcool, à voir comment ton humeur pouvait drastiquement changer.
Elle étouffait en sanglots que tu venais la prendre dans tes bras pour essayer de la rassurer en lui frottant un peu le dos. Il fallait surtout la calmer. Tu n’avais pas besoin de dire quoique ce soit, c’était ce que ta propre expérience t’avait appris. Tu n’aimais pas que les gens aient pitié de toi lorsque tu pleurais ou que tu faisais une crise de panique, autant pour toi ne pas provoquer cette même détresse chez Marga.

tw; alcool

Toi qui n’aimais pas spécialement les interactions forcées, et qui était facilement étouffé sous tes émotions, pourtant, tu étais là à consoler Marguerite dans ses gros chagrins. Aurait-elle un passé aussi tragique que le tien ?

Tu… n’étais pas en mesure de le savoir.
(Trop d’informations ? ça te terrifiait…)

Tu ne voulais que le bien-être des gens, aussi maladroit que cela semble être. Tu voulais rassurer cette jeune femme qui était en détresse. Parce que toi, lorsque ça n’allait pas… personne ne t’avait rassuré. Ils avaient essayé, crois-moi, mais peut-être n’était-ce pas ce que tu avais besoin ?
Ce n’était pas ce que tu voulais.

Marguerite te soulignait à nouveau que tu étais une bonne personne (elle te mentait, tu ne pouvais pas en penser autrement, elle avait pitié de toi) pour venir t’embrasser la joue. Tu eus un mouvement de recul avant de baisser la tête. C’était un contact un peu trop précipité pour toi, et tu ne te sentais pas particulièrement à l’aise… Pas à l’aise du tout, en fait.
Mais bien sûr, tu n’allais rien dire. De toute façon, il y avait des chances que le lendemain, vous ne vous en rappelleriez même pas.

Tu sentais ton stress se calmer un peu, que soudainement, ton corps était lourd, comme si tu étais fatigué. Mélanger ta médication et l’alcool n’était sans doute pas la plus brillante des idées que tu avais eues, si je peux être honnête. Ça te fatiguait, tu avais eu ton petit high, maintenant tu étais sur ton low. Et tu soupirais un peu.

Puppy et Sucrose dormaient tous les deux dans le même panier, bien profondément. Sans doute qu’ils n’étaient pas dérangés par votre brouhaha et vos émotions un peu trop grandes. Tu souriais légèrement ; ça faisait sans doute beaucoup de bien à ton Axoloto d’avoir un copain avec qui jouer et dormir. Demain, ils partageraient leur premier repas ensemble, ce qui serait pour ne pas dire… relativement intéressant. Mais en ce moment, tu ne pensais pas vraiment à ça. Tu n’avais qu’une seule destination en tête.
Ton lit.

Le plancher tournait trop, la pièce tournait trop, tu voyais sans doute un peu trop flou devant toi. Tu avais besoin de crasher, mais peut-être que ce n’était pas encore assez sécuritaire de laisser Marga seule ? Elle venait de pleurer, après tout.
Alors au lieu de t’écraser dans ton lit, tu étais simplement allé chercher tes oreillers et tes couvertures pour improviser un lit sur le canapé. Tu dormais d’un côté, et Marga de l’autre. Vous étiez tous les deux bien blottis au creux de ta grosse couverture alors que tu soufflais légèrement.
Tu avais veillé à ce que vous preniez des cachets d’aspirine et un très grand verre d’eau afin de réduire la probabilité d’avoir une gueule de bois. Même défoncé, tu pensais tout de même à ton bien-être et celui de ta colocataire…
Non. De ton amie, maintenant.

« Essaie de bien dormir, Marga… »

Tu lui soufflais cette timide phrase alors que tu fermais les yeux. Tu sentais ton corps t’abandonner sous la fatigue, ta tête s’alourdir… Même si tu fermais les yeux, tu te sentais comme si la pièce tournait sur elle-même, tu avais les mêmes sensations que si tu étais dans un manège.
Oh.
Ce serait sans doute la dernière fois que tu allais boire.
Mais pour le moment, tu étais un peu trop épuisé pour même y penser.

La nuit était plutôt étrange. Tu te réveillais souvent à cause de cauchemars… Ou à cause de Marga qui venait se coller à toi pendant la nuit. Elle avait la même façon de se lover à toi que…

…Béatrice…?
C’est toi…?

Non, Ludwig. Ce n’est pas Béatrice, elle ne reviendra jamais. La déception à chacun de tes réveils lorsque tu remarquais que Marga n’était pas la personne que tu espérais si éperdument revoir.

Pourquoi as-tu encore le cœur brisé…? Ça fait déjà presque trois ans, reviens-en…

Tu avais réussi à trouver un sommeil moindrement considérable en agrippant ton oreiller contre toi, en la serrant bien fort comme s’il s’agissait d’une personne. Ton temps de sommeil était donc court, mais pourtant, plus doux et paisible.
Tu étais réveillé par une petite chose qui s’était mise à hurler après avoir entendu la sonnette de la porte. Et pourtant, encore ? Tu avais la tête dans le cul.

Tu avais tellement bu et la première gueule de bois de bébé était particulièrement… moche. Il n’y avait pas de meilleure façon pour te décrire que la suivante : une bougie à moitié fondue. Tu n’arrivais pas à te lever que tu enfonçais ta tête dans l’oreiller pour la replier sur elle-même, venant bloquer tes oreilles afin de préserver tes tympans. Qu’est-ce que tu aimerais pouvoir tout tourner à off, parfois…

Finalement, c’était Puppy qui était venu te chercher, gamelle dans la gueule, il venait la presser contre ta main en couinant, comme pour te supplier de le nourrir. Tu te sentais encore plus comme une bougie à moitié fondue, et la lumière dans le salon ne faisait qu’empirer ta migraine. Tu venais t’étirer, ouvrir les yeux, Puppy semblait content que son dresseur ne soit pas mort !

Tu te levais du canapé lentement, tu avais soif et terriblement besoin d’un café. Puppy te suivait au pied, toujours en tenant sa gamelle dans sa gueule, alors que tu te dirigeais vers la cuisine pour boire un grand verre d’eau, avant de te faire un latté moka. Puis tu te dirigeais dans le salon pour voir Marguerite en train d’essayer désespérément de trimballer sept gros paquets avec elle au-travers de la maison. Tu haussais légèrement un sourcil.

« Euh… bon matin… ? »

Tu venais prendre une gorgée de ton café, et une fois que tu avais son attention, tu soupirais un peu.

« …Viens déjeuner, on s’occupera de ça après, d’accord ? »

Tu t’éclipsais à nouveau vers la cuisine pour prendre la gamelle de Puppy et y verser des croquettes adéquates pour Axoloto. Ton Pokémon semblait pire que joyeux à l’idée de manger son petit déjeuner, lui aussi !

Comment Marguerite pouvait-elle avoir autant d’énergie après une soirée aussi alcoolisée et un réveil aussi brutal ? À te regarder, on pouvait presque dire que tu ressemblais à un enfant victorien qui n’allait pas passer au-travers de la tuberculose.

Tu étais pathétique. Moche. Tu n’étais rien.

Elle était tellement en forme qu’elle se proposait même pour cuisiner. Tu rougissais vivement, tu étais habitué de vivre seul et tout faire toi-même. Enfin… Tu n’étais pas très doué pour prendre soin de toi-même, tu commandais plus souvent des restaurants que tu ne te faisais à manger.

Tu avais pris du poids, depuis que tu habitais seul, d’ailleurs… Tu allais commencer à complexer sur ça, à ce rythme...

Ton réfrigérateur était plutôt vide, par cette faute. Et ça te gênait un peu de te montrer sous cet angle… Tu avais peur que tes invités pensent que tu n’étais pas assez responsable. Tu ne l’étais pas totalement, pour ne pas dire. Disons que ta santé mentale n’était pas au top de sa performance et c’était parfois gênant pour toi.
Mais Marguerite ne te jugeait pas. Même qu’elle t’offrait des solutions qui étaient adaptées pour toi et pour les Pokémon. Lorsqu’elle parlait de nourrir Puppy, tu regardais ton Axoloto qui finissait joyeusement sa gamelle.
Il méritait une petite gâterie, ton Pokémon. Après tout, il était sacrément présent pour toi. Tu souriais légèrement.

« Pourquoi pas ? Tant qu’on le nourrit dans une gamelle, sinon, il n’acceptera pas de manger. »

Détail qui te faisait à la fois sourire et soupirer. Tu ne connaissais pas trop le background de ton Pokémon; il avait été abandonné par ses anciens dresseurs parce qu’il n’agissait pas comme un Axoloto normal. Il avait passé la moitié de son existence au fond d’une cage dans un refuge, jusqu’à ce qu’il ne tombe sur toi. Toi qui l’acceptais, tout aussi particulier et différent qu’il était. Ça ne te dérangeait pas. Tu aimais Puppy et tu trouvais qu’il était un camarade incroyable.

« Si tu veux, je peux t’aider… Ça me gêne un peu de rester là sans rien faire… »

Ça te gênait surtout que l’on prenne soin de toi, avoue-le, Ludwig. Tu avais peur de passer pour un paresseux ou un profiteur. Mais tu avais pourtant cruellement besoin d’aide, besoin d’attention. Pas d’attention malsaine. Tu avais besoin que quelqu’un prenne soin de toi et te guide un peu, car lorsque tu étais laissé à toi-même, tu n’y arrivais pas seul. Ta dépression, ton désordre et ta négligence finissaient toujours par revenir en force, et à chaque fois, c’était pire que terrifiant.

Tu t’empressais de sortir tous les ingrédients et tout ce dont Marguerite avait besoin pour cuisiner, en lui adressant un regard inquiet.

« Tu es certaine que tu n’as pas besoin d’aide ? Je peux aider… »

Mais pourtant, elle tentait tant bien que mal de te rassurer. Elle n’avait pas besoin d’aide. Mais passais-tu pour un profiteur…? Tu avais terriblement l’impression de profiter d’elle.
Ça t’agressait.