Tu n’avais pas assez ta vie en main pour avoir des fruits frais chez toi. Encore moins des oranges… Alors presser des oranges…?
Tu regardais dans ton frigo, tu voyais les restants de fruits (c’était moins une avant qu’ils ne soient pourris), et un reste de jus d’orange. Bon… c’était un peu triste, mais avec un peu de présentation de la part de ta colocataire, il y avait moyen de faire quelque chose, sans doute. Tu faisais ce qu’elle t’avait demandé, tu n’avais pas l’impression de faire grand-chose, mais selon elle, tu l’aidais énormément et c’était déjà un départ.

Votre repas était simple sans être trop triste, à y jeter un œil deux fois. Marguerite semblait avoir un sens accru de l’esthétisme, ça ne t’étonnait pas vraiment venant d’une influenceuse de ClickClack. Tu souriais un peu alors que tu la laissais prendre des photos de la présentation qu’elle avait faite avec tes tristes restes.
C’est fou ce que l’illusion pouvait amener. Peut-être que tu réfléchissais trop, mais le contexte te faisait réfléchir.
Tu ne pouvais pas t’empêcher de penser à Béatrice.

Est-ce qu’elle était vraiment heureuse ? Est-ce qu’elle pensait vraiment ces choses qu’elle avait dites sur toi ? Est-ce qu’elle aimait ce qu’elle faisait ? Est-ce qu’elle pensait encore à toi ?

Elle te collait à la peau et ça t’agressait. Tu étais obsédé encore et ça t'attristait. Tu ne t’étais même pas rendu compte que tu avais un peu trop pensé et que tu t’étais laissé emporter par le courant de tes propres pensées, et comme d’habitude tu avais débordé. Tu étais ramené à l’ordre par Marguerite qui te demandait si tout allait bien, tu n’avais toujours pas touché à ton assiette. Tu t’empressais de hocher la tête en souriant.

« Oui ! Oui, t’inquiète. J’étais… un peu ailleurs. »

Ah, les fameuses et fâcheuses tendances lunatiques de Ludwig Edward Winter. Tu rougissais un peu sous le rappel à l’ordre alors que tu t’empressais d’essayer les fameux pains perdus de ta colocataire. Et ils étaient…
Délicieux ?
Tu étais surpris. Les choses pouvaient donc avoir l’air bien, tout en étant… bien ?
Les choses allaient-elles bien ?

Pourquoi tu pensais à ça alors que tu mangeais des pains perdus ?

C’était juste un bad brain day… ça t’arrivait parfois.

Tu t’efforçais de sourire à Marguerite, comme pour la rassurer de ton silence qui prenait de court. Tu n’étais toujours pas habitué de partager tes matins avec une autre personne, ça prendrait sûrement un peu de temps.

« Tu ne mentais pas quand tu disais que tu savais cuisiner. C’est délicieux. »

Tu soupirais alors que vous terminiez votre repas en silence. Tu n’étais pas de nature très… bavarde. Surtout avant d’avoir ton premier café. Mais voilà que tu buvais ta dernière gorgée, alors que tu remerciais Marguerite pour son temps et sa cuisine, tu t’empressais de défaire la table pour aller porter la vaisselle à l’évier. Tu t’en occuperais plus tard.
Oui, tu le ferais aujourd’hui. Pour de vrai.
Tu serais un peu gêné de procrastiner et laisser traîner ta vaisselle sale pendant des jours car tu n’as pas l’énergie de le faire en la présence de Marga. Tu devais avoir l’air d’un adulte qui avait sa vie en main.

C’était la moindre des choses… Non ?

« Alors… Qu’est-ce que c’est que tout ça ? »

Vous retourniez dans le salon que tu voyais la quantité astronomique de grosses boites. Vous alliez devoir jouer à Bob le Bricoleur visiblement. Tu soupirais; Maximilien était vraiment un type généreux, tout ça pour des chaussettes sales avec lesquelles il-…
Eurk, pourquoi tu avais cette pensée dérangeante ? Tu t’empressais de la chasser RAPIDEMENT de ton esprit tellement elle t’était perturbante.

Tu avais laissé Marguerite dans une des deux chambres vides (tu lui avais laissé choisir celle qu’elle voulait, tu prendrais l’autre pour en faire un bureau, au pire) pendant cinq minutes, et voilà qu’elle commençait déjà un rituel d’invocation de sa base de lit en étendant toutes ses boîtes autour d’elle, se rangeant au milieu du cercle. Tu fronçais les sourcils en la voyant tenir les instructions à l’envers, et même que les sacs de vis étaient tous ouverts et éparpillés. Tu soupirais un peu, avant de venir t’asseoir à côté d’elle pour retourner la feuille d’instructions dans le sens correct.

« C’est du Pokézon, ça ne doit pas être si compliqué à monter. Il ne faut qu’un peu d’organisation… »

Tu soupirais alors que tu rapatriais les pièces, toutes identifiées, tout comme les sacs qui contenaient les vis. Ça ne pouvait pas être compliqué, tu n’étais pas particulièrement manuel, mais avec un livre d’instructions, ça allait toujours mieux. Tu t’étais armé du petit kit d’outils basiques que ton papa t’avait offert avant que tu n’emménages, tu avais appris à t’en servir toi-même.

C’était un travail qui avait pris un après-midi complet, et franchement, tu en avais fait beaucoup plus que Marguerite n’aurait pu en faire. Mais tu prouvais, encore une fois, que tu pouvais venir sauver son petit monde. Tu jouais avec le feu sans t’en rendre compte, Ludwig; tu étais mignon, tu appréciais sa cuisine, tu lui offrais un toit et tu te montrais comme étant un véritable handyman. Tu ne savais pas, mais tu avais tout pour plaire à Marguerite… À n’importe qui, en fait.

Par chance qu’elle n’avait pas encore vu tes gros défauts. Ta chambre en elle-même est un gros red flag.

Tu avais chaud sous ton hoodie, alors que tu venais relever la base de lit surélevée et la monter contre le mur. Tu étais à bout de souffle, jeune artiste, tu n’étais pas fait pour faire autant d’efforts physiques. Il ne te manquait plus qu’à déballer le matelas et le monter dans son lit, elle t’aidait mais… Marguerite n’était pas spécialement forte ni grande, alors, est-ce que ça valait vraiment la peine de compter cela comme de l’aide ? Tu avais un peu (beaucoup) l’impression de tout faire tout seul, mais bon…
Essoufflé, tu descendais de l’échelle du lit pour enfant (oui, c’était bien un lit pour enfant, tu ne rêvais pas) avant d’instinctivement retirer ton hoodie pour te retrouver dans ton t-shirt noir.
Sans te soucier de ce que tu cachais sous tes manches.



Tu ne restais pas dans la chambre longtemps, de toute façon. Tu rassemblais ce qui était dans ton panier de linge sale pour tout mettre dans une poche, ni vu ni connu. Et après être disparu dans ta chambre l’espace d’un instant, tu avais enfilé un nouveau sweat, pour ajouter ton t-shirt à ta poche de linge sale.

« Je n’ai pas de machine à laver, mais il y a une buanderie au bas de la rue. On pourrait y aller pour ta couverture, j’avais justement de la lessive à faire. »

Tu glissais ton trench coat sur tes épaules que vous étiez en route pour la buanderie. Le genre où vous ne pouviez pas partir, sous peine de vous faire voler vos vêtements ou de les perdre dans le triangle des bermudes des pièces de vêtements perdues. Une fois que vous aviez terminé de tout mettre dans la machine à laver, vous vous étiez assis côte à côte sur le rebord de la grande fenêtre, vous étiez seuls. Tu tendais une bouteille d’eau à Marguerite.

« On l’a bien méritée, cette pause, non ? »

Le soleil se couchait déjà sur Mirawen, le temps n'était pas trop frais. Vous étiez éclairés par les néons des enseignes de la buanderie et les faibles lumières des machines qui vous entouraient. Vous n'étiez que tous les deux, coincés dans cet espace liminal, tu te sentais comme si le temps n'existait pas. Peut-être était-ce pour cela que cette buanderie était l'un de tes endroits préférés à Mirawen.
Un scénario à la fois romantique et nostalgique.

Vingt-trois minutes où vous alliez devoir tuer le temps dans cette buanderie. Par chance que les lumières n’étaient pas agressives. Tu laissais Marguerite prendre appui contre toi; à ce point, la glace était brisée et ses comportements tactiles ne te dérangeaient plus tant que ça. Si c’était ce dont elle avait besoin, tu allais lui accorder, autant pour toi. Marguerite tâtait le terrain avec une question qui te prit un peu de court; ah, finalement les cinquante-douze pourcent de chances qu’elle oublie ce que tu avais dit lors de votre petit délire alcoolisé n’avaient pas joué en ta faveur.
Tu rougissais légèrement que tu baissais la tête. Tu savais un peu où elle voulait en venir, et tu ricanais sous ton malaise.

« Ah ! Pardon, l’alcool a dû déformer un peu mes paroles… Je ne suis pas aux hommes seulement. En fait… Le genre de la personne m’importe peu, je pense que je recherche une connexion spirituelle avec la personne. Homme, femme, les deux, ou aucun des deux. Ça m’est égal, le corps n’est qu’un récipient dans lequel se cache la véritable beauté de notre âme. »

Tu devais toujours utiliser des mots trop compliqués, mais parler de tes sentiments était toujours quelque chose de compliqué pour toi. Ton sourire s’effaçait petit à petit, avant que tu ne soupires légèrement. Une lueur de tristesse venait effleurer ton esprit alors que tu déviais le regard sur Marguerite.

« Mais… Je ne pense pas être prêt de me lancer dans un tel engagement à nouveau. Il y a des blessures du passé qui ne sont pas totalement refermées et dont je dois guérir avant de comprendre le nouveau fonctionnement de mes sentiments. »

Tu n’aimais pas particulièrement trauma dump sur tes ami.e.s, et tu sentais l’inconfort grandir en toi alors que tu déballais vaguement cette pièce de ton passé. Tu venais de dire à Marguerite que tu étais émotionnellement indisponible, ça lui ferait sans doute de la peine, mais tu ne savais pas pourquoi elle te questionnait sur ta vie amoureuse ou ta sexualité. Pour toi-même, tu avais tous les défauts du monde et ton esprit ne concevait pas qu’une personne pourrait aussi vite avoir des sentiments pour toi. Alors que pourtant, même si tu étais auto-destructeur, pourtant, tu étais gentil, patient, inclusif. Tu avais accepté Marguerite chez toi lorsque tu voyais qu’elle avait besoin d’aide, ce n’est pas tout le monde qui aurait eu l’amabilité de faire ça. Pourtant, tu trouvais moyen de te trouver…

…narcissique, pervers, malicieux, gênant, étrange, dégoûtant, voyeur, égoïste, abusif…

C'était ce que ces commentaires en ligne disaient sur toi. Tu y pensais trop. Comme d’habitude. Mais c’était ça, de vivre tous les jours dans ta tête; c’était de te faire subir tes propres mensonges, tenter d’être honnête avec tout le monde mais jamais avec toi-même.

« Je voulais te dire… Parce que c’est resté avec moi depuis hier soir… Je suis désolé pour ton ex petit ami. Je sais ce que c’est de perdre un être cher, et je te trouve forte de continuer. »

Tu lui souris tristement alors que tu passais ton bras par-dessus ses épaules pour venir la serrer contre toi dans une étreinte chaleureuse, amicale et bienveillante. Comme si tu voulais souligner son courage.

C’était une question gênante qui ne l’était pas vraiment pour toi. Lorsque tu faisais des lectures ou des séances avec tes clients, tu rencontrais des situations et tu répondais à des questions encore plus gênantes. La différence, c’est que Marga pouvait devenir ton amie, alors ça ne te dérangeait pas d’être ouvert à elle.
Elle était plutôt tactile avec toi, tu sentais sa prise contre toi se resserrer. Avais-tu dit quelque chose qui l’avait choquée ? Surprise ? Tu n’allais pas t’avancer sur cette question si elle ne le faisait pas, mais elle le faisait.
Était-elle surprise que tu sois aussi ouvert d’esprit par rapport à l’amour, la sexualité ? Pourtant, toi, ça t’était quelque chose de banal, d’humain, la sexualité. Ça t’importait peu.
L’amour par contre… Tes sentiments étaient un peu plus complexes que ça.

« Mhm. L’apparence et l’identité m’importent que trop peu. »

Il avait juste adonné que Béatrice était une fille cisgenre. Mais qu’elle se soit identifiée autrement, tu l’aurais toujours aimée jusqu’au bout.

Si tu soulignais que tu étais émotionnellement invalide, tu sentais la tristesse s’emparer de l’énergie de Marguerite. Son énergie était particulièrement facile à ressentir, ce qui était une bonne comme une mauvaise chose. Peut-être que sa naïveté rendait la tâche facile aux gens qui voulaient profiter d’elle. Tu n’avais pas besoin de calculer sa carte du ciel que tu pouvais lire au-travers du Verseau qui était sous tes yeux.

Tu la sentais se resserrer contre toi alors que tu venais l’enlacer. Vous étiez deux âmes blessées, incomprises, qui ne recherchait que le réconfort et la chaleur de l’amour. Cependant, vous étiez trop endommagés pour comprendre ce que vous vouliez. L’un comme l’autre. Si seulement tu pouvais miraculeusement guérir Marguerite, tu le ferais. Car le deuil et la rupture, tu savais ce qu’ils pouvaient faire. Tu avais vécu les deux séparément, et c’était un choc.
Vous étiez interrompus par la machine à laver qui vous avertissait que vos deux lessives étaient terminées. Tu te relevais d’abord, brisant l’étreinte, pour aller t’occuper de tes vêtements, alors que Marguerite faisait de même.
Une par une, tu insérais tes pièces de monnaie dans la machine à laver que Marguerite te posait une question qui t’avait perturbé d’un coup.
La laisser sur la corde raide ?

…avait-elle remarqué…?
Tu ne vas toujours pas bien. Tu n’es pas un si bon acteur que ça, pour ne pas dire, Ludwig.

Tu t’immobilisais alors que tu laissais le silence planer sur votre conversation. Comme si tu avais besoin de réfléchir à ce que tu allais lui répondre. Tu voulais lui mentir pour ne pas l’inquiéter, mais en même temps, tu ne voulais pas lui mentir.
Tu ressentais de sombres et fortes émotions. C’était difficile pour toi de les gérer, et souvent, tu débordais…

…et tu débordais, et tu débordais, et tu débordais…
…et tu te faisais du mal pour que ça arrête, parce que tu n’en pouvais plus d’être dans ta tête…

Tu soupirais alors que tu appuyais sur le bouton pour mettre la sécheuse en marche, pour regarder directement Marguerite.

« Je… ne fais pas de promesses comme ça, Marga. »

Tu marmonnais doucement que tu t’excusais alors que tu venais reprendre place au bord de la fenêtre, après avoir bu une gorgée d’eau.
Tu te demandais souvent comment tu faisais pour continuer alors que tu te sentais ainsi. Tu laissais tes amazonites se perdre au loin, tu regardais de manière floue chaque passant, tu étais éclairé des phares de chaque voiture qui passait. Comme si tu faisais comprendre à Marguerite que tu n’avais pas l’énergie de te pencher sur ce sujet.
Tu n’aimais pas faire des promesses que tu n’arrivais pas à respecter.
Alors pourquoi promettre que tu allais bien, alors que tu n’allais pas bien ?
Tu allais pire que mal. Et pourtant, tous les jours, tu prétendais, tu souriais, tu riais, tu accomplissais des choses. Ce n’était qu’une mascarade pour prétendre, cacher que tu étais épuisé, que tu n’arrivais plus à tenir le coup.
Pour ne pas inquiéter les gens.
Pour ne pas déranger les autres.
Tu pouvais y arriver tout seul.

…c’était ce que tu te répétais.

tw; comportement à caractère dépressif

Tu avais toujours ce sentiment de mal être qui t’habitait. Cette lourdeur sur tes épaules, ta petite voix dans ta tête qui te cassait les oreilles. Ton intuition qui te disait que tu n’étais pas… assez. Que tu ne réussissais rien.
Tu avais tellement de potentiel.
Qu’est-ce qui t’était arrivé ?

On t’avait… gratuitement fait du mal. On t’avait discardé comme un item duquel on n’avait plus besoin, sans savoir si les mensonges et assomptions émis à ton égard auraient une véritable conséquence sur ta vie.
Ils s’en fichaient de toi.
Que tu sois dans cette buanderie avec Marguerite ou au bout d’une corde, ils s’en fichaient.
Ils s’en fichaient que tu te coupes. Mais tu avais pourtant l’impression que ça aidait. Ça les taisait et ça te calmait. Mais tu te détruisais à petits feux… Allais-tu te rendre à l’année prochaine ?

Tu te laissais transporter dans tes pensées négatives, ce tourbillon sans fin qui te hantait. Tu le laissais sans doute trop pourrir ton âme, te rendre peu confiant, et ça t’épuisait.
Marguerite te serrait dans ses bras, elle ne savait pas trop quoi te répondre. Et tu étais trop perdu pour comprendre que tu étais enlacé par ton amie, pour comprendre qu’elle se faisait du souci pour toi. Ou peut-être est-ce qu’elle avait peur de revivre son trauma au-travers de toi ?

Tu soufflais lorsque tu entendais que votre lessive était enfin terminée.
Tu ne pouvais pas lui rendre ce qu’elle désirait. Tu n’étais pas celui qu’elle attendait. Oh, peut-être avais-tu des similitudes avec son Ludovic, peut-être que Marguerite te trouvait bien mignon et attirant (ce n’était pas la première, comment pouvais-tu ne pas le voir ?), mais tu ne pouvais pas lui donner ce qu’elle attendait de toi.
Tu ne pouvais pas oublier Béatrice. Pas tout de suite.
Tu ne pourrais plus jamais aimer. Tu te sentais vide et l’obscurité prenait contrôle de ton cœur. Et si Marga te lâchait, tu prenais ta lessive pour te retourner lentement vers elle, et la fixer un instant.

« On rentre à la maison ? »

Tu en avais terriblement besoin. Ta chambre.

Le trajet à pied pour revenir chez vous était terriblement long et silencieux car tu étais perdu dans tes idées négatives. Peut-être que c’était la question qui avait su déclencher une détresse non désirée en toi. Tu pouvais sentir ce sentiment de lourdeur qui pesait sur ta tête, contre ton torse. Tu avais toujours plutôt du mal à te débarrasser de ce genre de migraine, et sans que tu le saches, c’était toi-même qui t’imposais cette souffrance.
Tu ne savais plus ce que c’était de te sentir en sécurité. Sauf peut-être dans ta chambre…?

Une fois que vous étiez arrivés au pas de ta porte, tu t’empressais de prendre tes clés pour déverrouiller la porte. Mais Marguerite t’arrêtait dans ton élan, elle semblait vouloir faire une activité avec toi, elle avait besoin d’aide pour défaire ses boites. Tu ouvrais la porte sur le couloir qui menait vers le salon, avant de dévier la tête vers elle.

« Je vais passer mon tour pour ce soir, je vais aller me reposer. »

Tu devais trouver une échappatoire à tes idées noires, surtout. Tu ne pouvais pas passer trop de temps en une présence, tu avais besoin d’être seul pour recharger ta batterie sociale. Et si Marguerite semblait un peu surprise par ton choix, tu prenais un trousseau de clé qui était accroché au crochet dans l’entrée, pour venir tendre une des deux clés qui s’y trouvaient à ta nouvelle colocataire.

« Je suis bête, j’ai oublié de te donner la clé. La voilà. ~ »

Tu lui souriais, que tu retirais ton manteau, et tes bottes avant d’envoyer doucement la main à ton amie. Tu essayais de te faire le plus rassurant possible.

« Bonne soirée, Marga ! »

Et dans le silence des plus étranges, suivi de ton petit Axoloto, tu t’éclipsais dans ta chambre en fermant la porte derrière toi.
Ta chambre… vide.
Tu n’avais pas repeint les murs et tu n’étais pas doué pour décorer. Pour ça que tout était bien basique… Mais pourtant, même si tu venais de faire la lessive, c’était le bordel. Les épais rideaux noirs te gardaient dans une obscurité totale même le jour, tu avais des pièces de vêtement qui traînaient, des déchets même… Tu devrais vraiment te ramasser, mais tu repoussais la tâche parce que ça te surstimulais. Si Puppy prenait place dans son panier, toi, tu t’effondrais dans ton lit. Tu étais encore tout habillé, tu ne t’étais pas douché depuis la veille…
Probablement plus longtemps que ça.
Mais tu n’avais pas l’énergie. Tu avais besoin de te sentir en sécurité. Oh, il était plutôt tôt pour aller au lit, mais le concept n’était pas d’aller au lit. C’était de te sentir en sécurité, et cette sécurité, tu la ressentais dans le noir complet, sous tes couvertures.
Tu soufflais et tu fermais les yeux.
Tout allait si bien et tu avais encore débordé. Mais bon, tu avais des bad brain days relativement fréquemment alors il était normal pour toi de te sentir comme ça… non ?
Ça mettait fin à ta journée, tu espérais que ça n’inquiétait pas trop Marguerite. Mais tu avais besoin d’être seul dans le confort de ce que tu ne connaissais que trop bien. C’était le seul moyen de faire passer la lourdeur qui pesait sur tes épaules.
Demain, ce serait une autre journée où tu allais enseigner. Où tu prétendrais être neurotypique. Où tu sourirais, rirais, mangerais avec tes collègues et que tu prétendrais que tu étais heureux. Tu étais peut-être bon acteur, finalement. Parce que personne ne se doutait de ta détresse.
Personne.
Sauf Marguerite, maintenant.