La morsure glacée de l’eau s’atténue de secondes en secondes. Chaque parcelle de mon corps, seulement protégé par un simple maillot de bain deux pièces, semble souffrir le martyr et en ressortira probablement rougie par le froid. Je ne compte pas rester trop longtemps dans l’eau. Si ma température corporelle chute trop, je risque l’hypothermie. Mais d’un autre côté, cette sensation d’être plongée dans un bloc de glace a quelque chose d’envoûtant. Comme si un étrange instinct me poussait à y rester et à accepter l’emprise du froid sur mon corps au lieu de le fuir. Ne résistant pas à l’envie de satisfaire, rien qu’un peu, cette force inconnue, je plonge la tête sous l’eau quelques instants avant de remonter, enivrée de cette douloureuse sensation pourtant si attirante.

Un appel provenant de derrière moi, depuis la terre ferme, me rappelle à l’ordre. Stahl me dévisage un instant, puis pousse une Pokéball vers le bord du bout du museau. Ne m’étant pas beaucoup éloignée, juste assez pour avoir la place de plonger l’entièreté de mon corps dans l’eau, je le rejoint rapidement. Me voyant revenir et émerger partiellement du lac, il fait demi-tour, vers nos affaires. Là bas, il saisit délicatement mon respireau (nettoyé depuis ma dernière plongée où le sable s’était fait un malin plaisir de le rendre quasi inutilisable) et enfile grossièrement mon masque pour me les apporter.

-Merci. Bon, je vais y aller. Tu gardes nos affaires!

A peine ma phrase fut-elle terminée, que l’on m’interpelle de l’autre côté. Instinctivement, je me laisse un peu retomber dans l’eau, comme pour cacher ce qui aurait pu se trouver sur mon corps quelques mois auparavant, mais qui a aujourd’hui complètement disparu. Vieux réflexes. Néanmoins, je m’améliore niveau pudicité.

Faisant volte-face, je découvre un visage familier décoré d’une chevelure blonde. C’est avec un plaisir non dissimulé que je reconnais Nora. Je n’avais même pas fait attention que nous n’étions plus seuls au bord du lac. Je ne m’attendais pas à rencontrer quelqu’un d’aussi fou que moi pour plonger par cette température.

-Oh, salut! Ouais, je voulais voir à quoi ressemble le fond du lac.

Le Démanta qui l’accompagne semblant désireux de plonger, la dresseuse spécialisé en type vol décide de prendre les devants et d’y aller la première. Enthousiaste a l’idée inattendue de plonger avec elle, je me dépêche d’enfiler mon masque et mon respireau et lance ma Pokéball de prêt. Un Lamantine en sort. Le Pokémon et moi nous sommes rencontrés un peu plus tôt, lorsque j’ai usé de mon permis pour l’emprunter. Je fais signe à Stahl, et disparaît de la surface, accompagnée de l’otarie blanche. L’avantage avec ce Pokémon est que le froid n’est pas un problème pour lui, étant donné son type glace.

Ayant repéré Nora, je me rapproche d’elle tout en continuant ma descente vers le fond de l’eau, à la recherche de quelque chose d’intéressant.

La température ne cessait de chuter, et la luminosité de baisser. Je pensais que c’était quelque chose de normal, étant donné que nous nous dirigions vers les profondeurs du lac. Mais en levant les yeux, Nora et moi apercevons un spectacle à glacer le sang (badum tsss), au sens littéral.

Une Momartik suicidaire se laisse submerger par les flots, sans même tenter de regagner la surface. Déjà qu’on se les pèle, c’est vachement le moment pour que la reine des neiges fasse sa dramaqueen, putain. L’eau semble geler au fur et à mesure de la chute du Pokémon, refroidissant encore la température alentour. Nora est la première à partir récupérer le spectre de glace malgré la dangerosité de la température. Je fais signe à Lamantine d’y aller, elle aussi. Elle craint moins le froid que Démanta.

Nora eut le réflexe d’user d’une attaque pour me renvoyer la Momartik, que je saisis en grelottant. C’est alors que Lamantine émit une lueur qui nous enveloppa tous. Rune protect. Ça n’empêcherait pas le froid de s’infiltrer en nous, mais au moins cela nous protégera du gel. Je ne peux que saluer cette réaction. Grâce à mon compagnon aquatique, nous parvenons à hisser Elsa (oui, c’est tellement obvious comme nom, j’ai décidé d’appeler la Momartik comme ça) jusqu’à la surface.

Nous ne sommes pas encore tirés d’affaire, cependant. L’air froid de l’extérieur semble presque chaud, mais la partie encore de mon corps encore sous l’eau hurle. Je regagne précipitamment le rivage, la Momartik toujours dans les bras, en espérant que Nora et son Pokémon suivent. Le pied à terre, je retire rapidement mon masque et mon respireau que je balance au sol et me rue sur mes affaires, encore trempée. Dans la précipitation, je met longtemps à trouver ce que je cherche, mais finit par mettre la main sur une Pokéball.

-Selkie! Danse flammes, s’il te plait!

La Goupix apparaît devant moi mais ne réagit pas. Elle observe le tableau. La Momartik inconsciente, moi trempée et grelottante, Nora et son Pokémon revenant à la surface, Stahl paniqué… Puis elle roule des yeux et daigne générer quelques flammes près de nous. Autre chose de très intéressant se produit. La Goupix possédant le talent sécheresse, un soleil de plomb nous tombe à présent dessus. Toujours dans la panique, je cours vers Nora pour l’aider à s’approcher du feu. Elle est en pire état que moi.

J’attrape ma serviette, qui, elle, avait été prévue à l’avance et que je n’ai donc pas besoin de chercher et enveloppe la blonde dedans, lui frottant les épaules pour tenter de la réchauffer encore.

-Ça va? Rassures-moi, tu vas pas perdre connaissance? Tu peux enlever ta combi?

Non parce que ouais, on peut avoir tout le feu du monde, c’est pas avec des vêtements trempés dans du mister freeze que sa température corporelle va remonter.

La bonne nouvelle c’est que Nora était toujours consciente, mais même elle semblait incapable de dire si elle n’allait pas sombrer à un moment. Mes membres étaient déjà engourdis, alors je n’imagine pas son état à elle qui est allée bien plus profond et qui n’a pas tout de suite été protégée par la rune protect. Je reste près d’elle, le temps qu’elle retire partiellement sa combinaison et s’installe près du feu.

-Je vais voir. Stahl, reste avec elle.

Prenant son rôle très à cœur, le type acier s’allonge auprès de la jeune fille. Sans la coller pour autant. Il n’aime pas l’eau, et sa peau froide n’arrangerait pas les choses. Avant de me diriger vers Elsa, j’actionne ma dernière Pokéball. Lys, la jeune Arcko, en sort.

-C’est un peu le bordel, là. Je peux te demander d’aller là bas pour récupérer les affaires de Nora, s’il te plait? Demandé-je ne pointant du doigt le point où il me semble apercevoir le dit matériel.

La type plante me fait signe qu’elle a compris et se dirige rapidement vers l’endroit d’où la pulsar est partie. De mon côté je me rend auprès de la Momartik qui semble déjà reprendre conscience. Je m’agenouille à ses côtés.

-Hé! Va doucement. Tu nous a fait quoi, là, dis moi?

Je frissonne lorsque mes doigts encore froids rencontre la peau gelée du Pokémon. La spectre tente de m’expliquer quelque chose, mais je ne parle pas son charabia et ne comprend rien à son histoire. Tout ce que je comprend c’est qu’elle me désigne le lac. Le fond du lac.

-Je suis désolée, mais on a déjà faillit y passer pour te sauver. Mon amie en particulier. On pourra jamais atteindre le fond par cette température. Sans compter que ton pouvoir n’a pas arrangé les choses.

Mon regard se pose sur nos montures.

-Essaye de voir avec eux, ils pourront peut être t’aider. Ensuite viens avec nous. Je suis pas sûre que le feu t’aide beaucoup, mais si tu veux boire ou manger quelque chose on a ce qu’il faut.

En revenant vers Nora, je constate qu’elle a commencé à se rhabiller avec les vêtements que Lys lui a ramené. Je devrais en faire de même. Le soleil à son zénith a largement contribué à me sécher et à réchauffer quelque peu ma peau. Mais je grelotte toujours autant. Le spectre suicidaire (c’est un comble quand même) prend quelques minutes pour discuter avec nos Pokémon qui repartent aussitôt vers le fond du lac. Je me demande bien ce qu’il peut y avoir d’aussi important là bas pour qu’elle risque sa vie.

J’enfile rapidement un T-shirt, un gros pull vert et un jean par dessus mon maillot encore mouillé, puis attache mes cheveux en chignon grossier. Je sors un emballage de barres aux céréales et au chocolat de mon sac et en tend une à Nora. La baignade ça creuse, même quand tu manques de finir en esquimaux. Je lance également une friandise à la Momartik qu’elle attrape adroitement, tout en gardant ses distances avec les flammes. Puis finit la distribution avec mes propres Pokémon (même Selkie qui continue de bouder dans son coin et qui ne mangera probablement pas ce que je lui donne) et enfin, moi même. Me frottant les bras, je m’assois en tailleur non loin de Nora.

-T’as l’air d’aller mieux, t’as un peu repris de couleurs. Commenté-je en entamant mon propre casse-croûte.

J’observe un instant ses mains et ses pieds. Elle a l’air de s’en servir correctement. Il parait que ce sont les premières parties du corps à geler, ce qui peut être dangereux, mais ça a l’air d’aller. Je me détend légèrement. Pendant un instant, je suis incapable de faire la conversation plus que ça, me laissant bercer par la chaleur des flammes. Quelle idée conne on a eu de faire de la plongée par cette température, sérieux.

-Tu fais souvent des choses dans ce genre là? Demandé-je avec un léger sourire.

Des éclaboussures attirent alors mon attention près du lac. Ce sont nos montures qui reviennent de leur mission. Curieuse de voir ce qu’ils y ont trouvé, je me relève et me dirige vers eux.

J’essaie de ne pas le montrer mais je suis contente que Nora mange et rit. Ce sont pour moi les signes définitifs qu’elle va bien et qu’elle s’en remettra assez vite. Sa réponse me décroche un léger rire à moi aussi.

-Me parle pas de douche chaude, tu vas me donner envie de rentrer pour en prendre une.

La Momartik est la première à se saisir de ce qu’on ramené nos Pokémon. Un petit coffre, semblerait-il. Elle s’approche du feu et l’ouvre. Je ne sais pas combien de temps il est resté sous la surface, mais il est étonnamment bien conservé. Et son contenu est sec. Celui-ci contient une bonne somme d’argent que la type glace sépare en deux parties égales, pour nous les donner.

-Tu es sûre de toi?

Remarque, je vois pas bien ce que pourrait vouloir faire une Momartik avec de l’argent. Est-ce que les Pokémon sauvages font du commerce avec les humains? Avec du vrai argent, je veux dire? Ça doit bien exister quelque part, remarque. Les Pokémon sont suffisamment intelligents pour comprendre comment ça fonctionne.

-Merci beaucoup. Fais attention à ne pas perdre ton coffre, à l’avenir.

Silencieusement, je me demande bien ce que peut être ce coffre. Comment est-ce qu’il a fait pour se retrouver au fond de l’eau. D’où viennent ces pokédollars? Les rares scénarios qui me viennent en tête ne sont pas des plus réjouissants. Nous remerciant une dernière fois, la spectre remise de sa presque noyade, prend son envol, nous laissant seules avec nos Pokémon. Les flammes commencent à faiblir. S’agissant d’une attaque danse-flamme, elles ne sont pas censées durer plus de cinq minutes. Tout comme le zénith au dessus de nos têtes. La zone ne va pas tarder à baisser en température.

-Bon! Tu te sens d’y aller? Finis de rassembler tes affaires. A défaut de pouvoir t’offrir la douche, je te paye un chocolat chaud. Ou un café.

Nora accepte ma proposition. Je suis contente. Ca fait un moment qu’on s’est pas vues, j’ai envie de papoter un peu avec elle! Je me demande où elle en est dans la création de son arène, comment se passe son boulot, si son Vostourno fait des progrès, ce genre de choses. Elle souhaite cependant faire un détour à Nemerya. C’est pas la porte d’à côté, Nemerya. On a bien un petite trotte pour aller jusque… AH.

-Attends, tu veux vraiment y aller comme ça?

J’observe le Ptera sensé nous transporter jusqu’à la capitale et lui fait un petit signe en guise de salutations. Je ne sais pas si ce qui m’impressionne le plus est de me retrouver face à une créature qui n’est plus sensé exister ou si c’est de m’envoyer en l’air (littéralement) sur son dos. Par contre Nora est partie, elle. J’imagine que pour une dresseuse de type vol, cascadeuse qui plus est, ça ne doit plus tant l’impressionner que ça. Je soupire.

-Ouais, t’as sans doute raison. J’ai pas spécialement peur du vide, j’ai juste jamais voyagé de cette façon. Avoué-je.

Je faire revenir mes Pokémon dans leur Pokéball et attrape mon sac. J’ai pas spécialement le vertige, mais s’élever si haut en intimiderait plus d’un, je suppose. Néanmoins, je finis par ne plus résister à la main tendue de la jeune femme. Avec son aide, je me hisse sur le dos du Pokémon roche et m’accroche fermement à mon amie. C’est avec beaucoup d’appréhension que je vois déjà le sol s’éloigner, en quelques battements d’ailes seulement. Espérons que tout se passe bien, hein?