Les yeux tournés vers cette jeune femme, tu te demandes sûrement comment elle pourrait ne pas attraper froid. Elle est vêtue d’une simple robe bouffante rouge s’arrêtant à mi cuisses. Ses cheveux d’or lui tombent dans le dos en une élégante natte. Et des bottes noires à lacets remontent jusqu’à son mollet par dessus des collants chauds couleur sable, lui offrant une faible protection contre le froid. En revanche, ses bras et ses épaules dénudées restent assujettis à la morsure hivernale.

Pourtant, le spectacle continue comme si la température importait peu. A vrai dire, elle ne cesse de bouger, de se déplacer, d’exécuter des tours en compagnie de son Feuforêve. Peut être n’a-t-elle pas si froid que ça. Ses yeux pleins de vie expriment une grande concentration tandis qu’elle exécute avec minutie cet enchaînement qu’elle a répété maintes fois, au rythme de la musique.

Ce n’est qu’une petite représentation de rue, à l’occasion du marché de Noël d’Artiesta. Pour être honnête, cette pauvre artiste a probablement dépensé plus d’argent pour obtenir cette scène que ce que son spectacle lui rapportera.

Il y a pourtant un peu de monde au devant de la courte scène. Certains laissent bien tomber un peu d’argent dans l’écuelle laissée au devant, à cet effet. Tu fais peut être parti de ceux-ci. Ou bien de ceux qui passent en jetant simplement un coup d’œil. De ces enfants qui ignorent totalement la prestation. Ou de ceux accoudés à l’estrade en bois, la tête légèrement penchée vers l’avant, prêts à saisir la moindre image de ce qui pourrait se trouver sous la robe de la coordinatrice.

Le peuple passe, s’arrête, reste un peu, repars. C’est tout ce que demande Lisa. Le récipient n’est là qu’ “au cas où” mais l’objectif du jour est de se faire remarquer, non pas de gagner de l’argent. Elle a d’autres occasions d’y parvenir. Non, ce qu’elle souhaite, c’est profiter de la popularité des attractions de la ville, spécifiquement en un jour comme celui-ci, pour éventuellement décrocher ne serait-ce qu’une invitation à un casting. Pour un défilé, une pièce de théâtre, un concours, un spectacle quelconque. Toute publicité est bonne à prendre.

La fin de la chanson approche, alors que la jeune femme tape du pied sur le sol. D’une impulsion, elle se projette rapidement en arrière, ramenant ses genoux contre elle. Une acclamation de stupeur parcours l’assemblée lorsque son salto dépasse le tour complet, et que sa tête manque de se fracasser sur les planches.

Mais ce spectacle a longtemps été répété, ce n’est pas une erreur dans la chorégraphie. Un léger halo pourpre la ralentit juste à temps. Ses membres se déploient, tel une fleur ouvrirait ses pétales à l’arrivée du printemps, tandis qu’elle est ramenée vers l’avant par les maigres pouvoirs psychiques de sa partenaire fantôme. Ses pieds se posent délicatement sur le sol, soutenus par les dernières notes au piano. Une main sur le buste, elle se penche gracieusement pour saluer les spectateurs, un immense sourire aux lèvres.

-Merci beaucoup! Lance-t-elle, rayonnante, en réponse aux quelques applaudissements.

Lisa salue une dernière fois avant de quitter la scène par l’arrière, sans même penser à ramasser le pot recueillant l’argent, dont le contenu a pourtant doublé suite à l’impressionnant final. Enfin, elle disparaît aux yeux de tous en pénétrant le petit barnum blanc où l’attendent une veste et un thermos.

Le son de ta voix parvient jusqu’aux oreilles de Lisa, malgré la toile de la tente refermée derrière elle. Cependant, perdue au milieu du brouhaha général qui règnent au cœur de la ville en ce jour, elle ne suscite pas l’intérêt de la jeune blonde.

Le cœur pompant encore en accéléré, la danseuse avale prudemment quelques gorgées au goulot de sa bouteille d’eau. Puis elle s’empresse d’enfiler un sweat noir par dessus sa robe. Des vêtements qui sont bien loin d’aller ensemble, mais en dépit de son métier très centré sur l’apparence, la jeune femme n’y prête pas attention. Il vaut mieux cela qu’attraper un rhume. Et puis, à l’abri des regards, dans sa loge, qui viendrait lui faire une quelconque remarque?

-Il va falloir qu’on répète encore quelques fois. On était pas synchro sur certains passages. Dit-elle à l’attention de la Feuforêve, qui virevolte gaiement au milieu de la pièce.

C’est alors que le rideau s’agite, laissant pénétrer une silhouette sous la tente. Une seconde suit. Deux hommes qui, au vu de la lame dégainée par l’un d’eux, ne sont pas venus en amis. L’un d’eux se cache le bas du visage sous son écharpe. L’autre, celui au couteau, maintient son visage dans l’ombre en portant une capuche par dessus sa casquette. Au bord de la panique, la blonde recule d’un pas, sans parvenir à émettre la moindre parole.

Courageuse, Kesla s’interpose devant le danger. Le couteau ne l’effraie pas. Que pourrait un tel outil sur son corps d’ombre, après tout? Une aura pourpre se forme autour d’elle alors que son voile gonfle et ondule, comme agité par un vent surnaturel.

A sa vue, les deux personnages hésitent, puis le propriétaire du couteau fait appel à son propre Pokémon. Un Farfuret aux griffes acérées.

-Kesla, attaque! Parvient à articuler la coordinatrice.

Mais les combats de Pokémon ne sont ni sont fort, ni celui de sa starter. Pour preuve, la seule capacité offensive qu’elle possède, jaillit du rubis qu’elle porte autour du cou. Les ondes bleus s’écrasent sur le type Ténèbres sans avoir le moindre effet.

On dirait que Lisa est en bien mauvaise posture. Pourvu que Vincent arrive rapidement sur les lieux et lui vienne en aide. Ou pas? Le choix t’appartient.

Au moment où le mec au couteau allait ouvrir la bouche pour menacer la coordinatrice, le rideau s’ouvre pour laisser passer une troisième personne. Pendant un instant, Lisa craint qu’il ne s’agisse d’un autre complice des malandrins.

Cependant, il apparaît bien vite que Vincent n’est pas l’un d’eux. Quelque peu soulagée, la blonde ne peut cependant s’empêcher de penser que l’humour du nouveau venu est quelque peu décalé par rapport à la situation.

Elle est néanmoins ravie de voir que le Farfuret peine à se relever après l’attaque du lézard.

-On devrait partir… Suggère le moins téméraire des deux antagonistes.

Le second semble réfléchir à la proposition. Il toise Vincent, le dévisage, l’analyse de haut en bas. Puis décide de suivre le conseil de son camarade. Sans tourner le dos au détective, il quitte le barnum, son Pokémon sur les talons.

Soulagée que quelqu’un soit venu à son secours, la jeune femme s’appuie sur la table de chevet en soupirant. Ses genoux pourraient cesser de la soutenir d’une seconde à l’autre. Inquiète, la Feuforêve s’approche d’elle. Le vent spectral qui la faisait paraître plus intimidante a cessé.

-Je vais bien, Kesla. La rassure la danseuse en affichant un sourire.

Puis elle tourne ses yeux verts vers toi, son sauveur.

-Merci beaucoup! Je ne veux pas imaginer ce qu’ils m’auraient fait si vous n’étiez pas intervenu.

Pourtant, ce n’est pas quelque chose de très compliqué à deviner. Se montrer sur le devant de la scène, faire en sorte de paraître belle et d’attirer l’attention, cela n’a pas que des avantages et a tendance à attirer les idées malsaines chez certains spectateurs. Espérons que tu ne sois pas de ceux là.

-Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous remercier?

Lorsque tu répond à Lisa que tu viens la voir pour une raison précise, l’étonnement se lit sur son visage. Qu’a-t-elle bien pu égarer et qui nécessiterait qu’on le lui ramène? Sa bouche s’ouvre dans un “Ah!” silencieux lorsqu’elle découvre l’écuelle dans laquelle traîne un peu d’argent.

Elle récupère la pot puis en retire les deux billets et les tends à son sauveur. Au fond, ne reste que quelques pièces qui lui serviront au moins à payer de quoi grignoter pour elle et sa Feuforêve.

-Cet argent ne m’aurait sans doute pas servi à grand chose, sans votre intervention. Et puis, je ne suis pas vraiment venue pour ça. Prenez en une partie, s’il vous plaît.

Ses paroles sont accompagnées d’un sourire franc.

-Je suis contente que le spectacle vous ait plu, même s’il était plutôt médiocre. (Elle jette un regard à sa partenaire de scène, qui écoute silencieusement la conversation.) On manque encore d’expérience.

La coordinatrice semble réfléchir à ta question suivante. Nouvelle… Il faut le dire vite. Supposons que tout est relatif.

-En quelque sorte. Ça fait quelques mois qu’on est installés ici. C’était peut être pas la meilleure idée. C’est déjà difficile de se faire connaître dans le monde du spectacle, mais la concurrence est rude ici. Et vous, vous êtes d’Artiesta?

Face à l’insistance du détective, Lisa abandonne l’idée de lui remettre une récompense pour son aide. Loin d’être riche comme Crésus, cet argent lui servira bien. Elle se sent néanmoins mal à l’aise, à l’idée de ne pouvoir remercier convenablement la personne qui vient de la sauver.

Mais le compromis qu’il lui propose ravit la jeune femme. L’homme gardant la parole, Lisa se contient de révéler sa curiosité pour le métier de détective privé. Peut être relancera-t-elle le sujet plus tard. De plus, malgré sa bienveillance, l’artiste n’est pas surprise qu’il n’ait aucun conseil a lui donner sur la coordination et le milieu du spectacle à Lumiris. Après tout, la plupart des gens qui cherchent à en donner n’y connaissent pas grand chose de toute façon.

C’est ainsi que le sujet important arrive rapidement sur le tapis. Une demande de conseil, rien de plus. Qu’il en soit ainsi!

-Un cadeau pour une jeune fille? C’est difficile comme ça… Est-ce que tu peux me parler un peu d’elle? Son âge, ce qu’elle aime, ce qu’elle fait dans la vie, ses goûts, la relation que tu as avec elle… On va bien trouver quelque chose!

Disons qu’on n’offre pas la même chose à sa petite nièce de 8 ans fane de barbies ou à la fille d’un ami qui en à 15 et qui passe ses soirées aux concerts de Rock. Il est important de connaître une personne pour lui offrir le cadeau adéquat.

La jeune femme attrape sa veste qu’elle enfile. Prenant bien soin de placer dans son sac à main ce qui serait susceptible de disparaître malencontreusement par la main d’autrui, elle se tourne vers Vincent.

-On peut aller faire un tour sur le marché si tu veux, on y trouvera peut être quelque chose. Oh et… je m’appelle Lisa!

En sortant de la tente, Lisa repense à toutes les informations que lui a dites le dénommé Vincent. La jeune fille dont il est question arrive vers la fin de son adolescence. Ses goûts alimentaires tendent vers le sucré. Et elle est particulièrement proche d’un Goupix d’Alola. Ces quelques informations font déjà naître des idées dans l’esprit de la coordinatrice.

Son sac près du corps, l’artiste se faufile entre les nombreux passants, tout en continuant à poser quelques questions au détective.

-Et toi, tu as une idée de ce que tu voudrais lui offrir? Un bijou? Quelque chose de précieux? De la décoration pour sa chambre? Ou quelque chose de plus éphémère comme un billet d’entrée quelque part?

Kesla voletant gaiement au dessus de sa tête, Lisa s’approche d’un étalage. Bracelets, bagues colliers, boucles d’oreilles, broches, barrettes… Elle se tourne vers son accompagnateur en lui désignant l’un des collier.

Un pendentif en argent, ou peut être en or blanc, accompagné d’une pierre bleutée s’apparentant à un saphir.

-C’est peut être un peu cher, mais les couleurs sont assorties à son Goupix. Tu en penses quoi?

Évidement, telle l’artiste qu’elle est, son premier argument n’est autre que l’assortiment des couleurs entre la dresseuse et le Pokémon. Cependant, il est vrai que le prix peut effrayer. Dans ce cas, ce n’est pas bien grave, puisque la blonde n’a pas joué sa dernière carte.

-Sinon… Baie pêcha et baie Oran, tu m’as dis?…

La jeune femme se remémore un instant ses quelques connaissances en cuisine. Deux baies bien différente. La première étant sucrée et très tendre ; la seconde, ferme et savoureuse mais qui a tendance à sécher à la préparation.

-Ferme, sucré et sec... Elle aime les biscuits secs? Peut être qu’on pourrait essayer de trouver un fabriquant renommé, tu pourrais lui offrir un assortiment un peu haut de gamme.

Haut de gamme oui. Il faut admettre que lorsqu’on parle de nourriture, offrir du milieu de gamme trouvable en supermarché, c’est un peu limite. Et puis, faire un cadeau à Noël, c’est aussi le signe qu’on est prêt à trouver son porte-monnaie.