La vie n'avait jamais été facile, d'aussi loin qu'il s'en souvienne. Combien de fois s'était-il retrouvé aux portes de la mort ? Assez pour ne plus pouvoir les compter sur les doigts. Combien de fois s'était-il ronger les ongles, dont la faim l'appelait sans cesse ? Assez. Toujours trop, toujours. Et il en avait marre, le zombie, de vivre, de se battre pour quelque chose qu'il n'aura sûrement jamais. Et ça le tuait à petit feu, enfin, ce n'est pas comme s'il était déjà mort. Malade, toujours malade. Affreux était son visage, affreux était sa putain de vie.

Il n'était qu'une âme errante, attendant sagement que la faucheuse vienne l'accueillir de ses doigts glacés. Il souffrait en silence, Asmaël, et faisait en sorte de ne jamais le montrer. Parce qu'après tout, qui s'intéresserait à un être aussi misérable que lui ?

Avachi sous ses cartons, las, sentant la mort, le zombie faisait de son mieux, de son corps fragile, il protégeait cet oeuf qu'il avait découvert il y a de cela quelques semaines. Il ne comptait pas les jours, mais cela lui semblait long. S'il avait pu, Asmaël l'aurait donné mais il voyait en ce futur petit être un passé douloureux auquel il a dû subir nombres sévices. C'est pour cela qu'il se devait de le protéger, au péril de sa vie si insignifiante.

- " Où est La Beuglante ? Ça fait quelques jours qu'elle a disparu.  "

Marmonna l'être à la chair brûlée, observant la petite équipe de pokémons qui avait élu domicile dans la rue. Parmi eux, Carcasse, sa fidèle amie, secoua la tête avant de repousser un peu plus la couverture sale sur la coquille, espérant ainsi lui redonner un peu de chaleur.

Elle ne devait pas être loin. La cornèbre revenait toujours, toujours pour lui annoncer de mauvaises nouvelles. Ou bien quelques vivres retrouvées dans une poubelle.

Les minutes passaient, lentement. Très lentement. Et l'oiseau de malheur n'était toujours pas revenu. Devait-il attendre encore un jour, deux, voir une semaine entière avant que La Beuglante lui revienne ? Asmaël avait l'habitude, de voir ses amis de fortune partir à la recherche de nourriture, revenant que le lendemain. Mais jamais autant. Il soupira, roula un peu sur lui-même, sur ces cartons sales et les quelques couvertures abîmées. L'oeuf trônait toujours à ses côtés, chaud il était. Comme s'il tentait de le réconforter, dans sa triste solitude. Ce petit être, même pas né, semblait tant comprendre les souffrances que vivait le zombie.

Il râle, il a faim. Et il attend encore, une larme veut couler mais rien ne sort. C'est comme ça tout les jours, cette fichue monotonie, quand sera-t-elle brisée ? Asmaël se sent si fatigué, si miséreux. Alors, Carcasse se colle à lui, léchant les vieilles plaies sur son visage, Mot se met en boule et Razzia regarde le bout de la ruelle sombre. Il avait entendu quelque chose. Un battement. Voilà que La Beuglante revient de son voyage loin de son ami humain.

La cornèbre était magnifique, tenant fièrement la moitié d'un sandwich entamé. Ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'elle avait été suivi, vite observée par un humain peut-être un peu trop curieux par son pattern si exceptionnel. Elle vole jusqu'à la petite cabane de cartons, derrière les poubelles et s'y dépose, relâchant son trésor dans les lianes du bulbizarre. La faim se fait de nouveau sentir. 

- " Tu reviens de loin. Où étais-tu ? "

La voix rauque, malade, retentit derrière les draps brunis. Asmaël est heureux, heureux de revoir son amie qui n'hésite pas d'hurler quelques mots dont elle ne comprenait le sens.

- " Culotte. Culotte ! "

Finalement, la tête du corbeau tourna sur le côté avant de tomber nez à nez avec l'inconnu qui l'avait poursuivi.

Le volatile ne laissait mot dire, observant toujours l'inconnu, comme tentant de chercher la raison du pourquoi il était ici. Asmaël aussi, se posait la question, lui qui ne voyait guère de gens dans ces lieux qu'à part des abandonnés, comme lui. Alors, aussitôt, le blessé se mit sur la défensive, faisant reculer le bulbizarre dans la cachette où reposait l'oeuf. L'oeuf, l'objet qu'il fallait protéger à tout prix, au péril de sa vie. C'était pour cela qu'il n'avait pas bouger de lieu, de peur de briser la si fragile carapace qui contenait ce futur être.

L'oiseau finit par croasser bruyamment, sûrement dérangé par la présence de l'homme avec un étrange appareil dans les mains. Etait-ce une arme ? Asmaël ne savait pas mais mieux valait-il rester prudent. De plus, il ne faisait guère confiance à ces personnes, toujours bien habillé, bien nourri. Ceux qui ne connaissaient pas la misère comme lui.

"Que veux-tu ?"

Finalement, ce fût la flamiaouss qui débarqua, la peau sur les os, elle contourna l'inconnu en feulant, secouant plusieurs fois la queue pour montrer son mécontentement. Peut-être était-ce un dresseur et qu'il voudrait capturer La Beuglante pour sa rareté ? Ou bien un de ces brigands contre une grosse somme d'argent.

"Tu es sur le territoire de Carcasse."

Finit par dire Asmaël, en montrant du regard le chaton de feu famélique.