Vous voulez que je vous parles de moi ? Heh, je vais en avoir des choses à dire. Enfin, non, c'est pas vrai, pas tant que ça. Il ne s'est pas vraiment passer grand chose dans ma vie actuellement. C'est que j'ai encore que vingt ans, j'ai toute ma vie devant moi ! Ou presque, paraît que j'ai déjà vingt ans qui se sont écoulés. Mais attention, c'est pas la que ma vie commence ! Heureusement d'ailleurs, ce serait triste autrement, vous imaginez ?
 
 Je suis né il y a une vingtaine d'années, au sein du village de Kishika. On était en plein mois de juin si ma mémoire est bonne et déjà à l'époque, j'avais décider d'embêter tout le monde. Accouchement en plein milieu de la nuit, vers les une heure trente du matin. Et vas-y que je veux sortir. Et en fait non, on est bien au chaud là-dedans. Ouais mais, je veux quand même sortir. Moarf, pas tout de suite, je veux encore profiter de la chaleur de maman. Bon allez, maintenant je sors y en a marre ! Moi, chiant ? Pas du tout ! J'ai juste mis les nerfs de tout le monde en boule pendant un moment, mais c'est tout, c'est rien de bien méchant. Et au moins, j'avais la chance d'être arrivée sur ce monde en bonne santé, c'est-y pas la classe ?
Ma mère en revanche... C'était un peu moins la forme. Je le savais pas à l'époque, mais elle avait eu un accouchement difficile. Bon, je lui avait pas rendu la tâche facile, certes, mais il n'y avait pas que moi. Apparemment, son état de santé posait déjà quelques petits soucis et la grossesse ainsi que l'accouchement n'avait absolument pas arranger la chose. Le verdict des toubibs était sans appel. Une autre grossesse à terme la tuerait, elle et peut-être l'enfant. Croyez-le ou non, mais mes parents étaient pas très chauds pour ça...
 
 Après ça, on est rentrés à la maison, plus ou moins tranquillement pour certains. Tout le monde a un peu repris sa petite vie, ma mère à s'occuper de moi et de ma sœur à la maison, pendant que mon père se démenait pour ramener l'argent pour nous faire vivre. Parce que oui, ma mère ne pouvait pas travailler tout de suite, maternité oblige et tout ça, autrement elle travaille. Ah oui, j'ai une sœur aussi ! Ça serait bien que je vous le dise aussi, ça évitera de mauvaises surprises par la suite, surtout qu'on s'entend assez bien tout les deux. Elle est mon aînée, mais de pas grand chose, on a qu'un an et quelque d'écart. Ça avait d'ailleurs fait jaser quand ma mère était enceinte de moi. "Encore ?", "De nouveau ? Mais vous avez même pas attendu un peu entre les deux !", "Hé bien, pire que des lapins vous deux, à quand le troisième ?" Ça les faisaient rire, mes parents. Ils s'en fichaient, même s'ils avaient bien été rapides à nous avoir tout les deux.
 
 Ma mère a repris le boulot au bout de quelques mois, le temps de se remettre de tout ça, mais aussi le temps que je grandisse un peu. J'avais toujours besoin d'être surveillé, bien évidemment, je n'étais qu'un bébé, seulement elle commençait à n'en plus pouvoir, à force de rester entre quatre murs à longueur de journée. Et mon père se tuait au boulot, il fut bien content de la voir retourner travailler.
Qu'est-ce qu'ils faisaient ? Oh, pas grand chose. Ils étaient tout les deux de petits producteurs de thés et d'herbes aromatiques. Ils travaillaient ensemble, c'était un peu une sorte d'exploitation familiale. Ils gagnaient assez pour nous permettre, à tout les quatre, de pouvoir vivre assez confortablement. Mais c'était bien tout. Ils ne faisaient pas assez de recettes pour pouvoir se permettre un nouvel employé ou même des vacances. De ce fait, je n'ai littéralement connu que mon village natal. Et il a beau être beau et calme... on en a vite fait le tour. Et il n'y a pas grand chose à y faire. On avait au moins la chance d'avoir une école, c'était déjà pas si mal.
 
 L'école d'ailleurs, parlons-en ! ... Pourquoi en parler en fait, il ne s'y passait pas grand chose. On nous y apprenait les trucs classiques. L'écriture, la lecture, etc etc. Ça se passait relativement bien. Il n'y avait pas beaucoup d'autres enfants dans le village, du coup on était tout le temps tous ensembles ou presque. On faisait les abrutis, on jouait, on se coursait, on se blessait aussi... On était des gosses quoi ! Ça nous tenait jusqu'à l'adolescence, après certains allaient dans d'autres villes pour continuer leurs études. Mais plus le temps passait, plus on perdait le contact.
 
 C'était d'ailleurs pendant ces années de perte de contact que j'ai récupérer ma petite May ! Enfin, récupérer... c'est un bien grand mot. La pauvre s'était traînée jusqu'à chez moi, en pleine nuit. Je devais avoir quatorze ans à cette époque-là, mais je me souviens de la réaction que j'avais eu en entendant des bruits bizarres chez moi. Je voulais casser la gueule à la personne qui s'était pointée chez nous en pleine nuit, parce que je pensais qu'il voulait nous voler, sauf que je m'étais retrouver face à une petite Zorua fort blessée. Je n'allais pas la laisser comme ça, la pauvre bête.
Il m'avait fallut un petit temps pour lui faire comprendre que je ne lui voulais pas de mal, avant qu'elle ne daigne bien se laisser approcher et se faire soigner. Elle avait de vilaines blessures dans le dos et le flanc, suffisamment graves pour qu'elle puisse y rester si elle n'avait pas été soignée. Quand elle fut guérie, elle avait pris l'habitude de rester à la maison. Ce n'était pas une mauvaise chose non plus en y repensant, elle se débrouillait pour manger même si elle ne refusait jamais ce qu'on lui donnait et ça faisait un peu de vie dans la maison. Et puis, à part ma sœur qui la déteste, tout le monde l'aime bien dans la famille. Surtout ma mère.
 
 Ah, ma mère... Ma pauvre mère. Elle est encore en vie encore aujourd'hui, se tenant fièrement avec sa cinquantaine d'années. Fièrement... comme elle le peux. Passé la quarantaine, elle avait commencer à avoir quelques petits problèmes, très souvent des mouvements involontaires de sa part. Mouvements dont elle ne se rendait même pas compte elle-même. La pauvre a commencer à voir ses mouvements s'étendre petit à petit sur tout son corps. Sur le coup de ses quarante-cinq ans, elle s'est vue diagnostiquer la Maladie de Huntington, une maladie génétique. De ce fait, elle a commencer à devoir prendre des médicaments, mais ça ne faisait qu'atténuer la chose. A terme, la maladie allait la tuer.
 
 Vu qu'il s'agissait d'une maladie héréditaire, mes parents ont commencer à mettre de l'argent de côté. Ils s'étaient tout les deux pris un bon moment de réflexion avant de le faire, mais ils souhaitaient nous faire diagnostiquer, afin de savoir si moi et ma sœur allions être dans le même bateau ou non. Ça leur a pris quelques mois, mais ils ont finalement réussir à nous faire faire les tests. Coup de chance, je ne suis pas atteint et mon père non plus ! Ma sœur en revanche n'a pas eu cette chance...
 
 Après ça, il ne s'est plus trop rien passer. J'ai passer les quatre dernières années à la maison où j'ai put voir, un peu impuissant, la dégradation de l'état de ma mère, qui à cinquante ans ne peux plus travailler à présent.
J'ai put voir aussi que la maladie se manifestait chez ma sœur par des dépressions chroniques, à seulement vingt-et-un ans.
May, ma Zorua, passait tout le clair de son temps avec ma mère, à s'installer sur ses genoux ou même sur son ventre lorsqu'elle dormait.
Mon père, de son côté, se tuait à nouveau à la tâche, profitant de ses quarante-six ans pour tenter de terminer le mois. Mais il avait de plus en plus de mal.
Et moi, j'étais à la maison, sans emploi.
 
 Un soir, du haut de mes petits vingt ans, j'ai pris mon courage à quatre mains et j'ai discuter avec tout le monde, pendant le repas, d'une envie qui me travaillait. L'envie de partir, d'explorer le monde, de voir autre chose que le village. Bien sûr, leur réaction ne se fit pas attendre, ils n'étaient pas d'accord. Mais ils ont tous finis par accepter, avec plus ou moins d'émotion.
De cette façon, je pouvais alléger la charge financière et peut-être même ramener un peu d'argent, occasionnellement.
Ma sœur voulait voyager, mais à cause de son traitement, elle ne pouvait pas partir, qu'à cela ne tienne, j'amènerais mes récits de voyage à elle, avec photos et vidéos.
Ma mère était la plus facile à convaincre. Elle ne voulait qu'une chose : que je m'épanouisse, que je fasse quelque chose qui me plaise. Je n'avais nul besoin de lui faire comprendre que je n'allais pas y manquer. Je suis très vite parti de chez moi, en laissant une famille au bord des larmes.
Quant à ma Zorua... La fourbe était dans mon sac, avec un petit mot de la part de ma mère. "Emmène-la avec toi. Elle mérite aussi de voir ce monde. Et elle ne serait pas heureuse sans toi." Hé bien soit ! Au moins, je ne serais pas tout seul sur ces routes inconnues !