Pensive, j’observe les preuves accablant Mistral sur l’écran que me désigne Maxim. Des plans, des profils, des comptes-rendus… Tant d’éléments laissant imaginer tous les sombres desseins s’étant dessinés ici. Il ne fait plus aucun doute que cet établissement a appartenu aux terroristes régionaux auquel la plupart d’entre nous ont déjà dû faire face plusieurs fois.

-C’est glauque de tomber là dessus… Tu dis qu’il y a un plan sur les ruines d’Akéos? Je me souviens pas qu’ils aient lancé une opération là-bas. Peut être que c’était prévu avant qu’on ne capture Hyouga. Ou que c’est encore à venir.

Je fouille dans ma mémoire, dans la mienne mais surtout dans celle à venir. Rien ne me vient, même en me concentrant sur les plans et sur l’image que je me fais du désert. Aucun flash. Aucune migraine. Rien qui ne puisse me laisser penser qu’il se soit passé ou qu’il se passera quoi que ce soit là-bas.

-Je sais pas si ça serait utile d’y envoyer Oplyn.

Mon regard se pose sur la Ténéfix, elle aussi visiblement très (trop) intéressée par l’ordinateur. Ses yeux se lèvent vers les miens lorsqu’elle entend son nom. Elle pourrait certainement le faire, mais qui sait ce qui se trouve de l’autre côté? Remarque, si la clé se trouvait de l’autre côté, elle pourrait la chaparder et s’en servir.

C’est à cette réflexion que du bruit me parvient depuis le couloir. Mes Pokémon restés en arrière pour monter la garde s’agitent. En quelques enjambées, j’ouvre la porte et en sort. Lys et Sirius, obéissant à mes ordres, m’ont avertie à l’approche d’autres personnes. Une main sur chacun d’eux, je les calme en reconnaissant le second groupe parti en exploration de l‘autre côté du complexe.

-C’est rien, ils sont avec nous. Vous pouvez les laisser passer. Leur dis-je simplement avant d’accueillir les autres dans la pièce de nos trouvailles.

Les retrouvailles sont peu bruyantes, malgré les commentaires de la rouquine. “Amusés” n’est pas réellement le mot.

-On va dire ça. Disons qu’on a trouvé des choses intéressantes. Maxim a trouvé la preuve définitive que Mistral occupait l’endroit, sur le PC. Ça pourrait t’intéresser, Meira, d’autant qu’on a des raisons de penser que Mistral pourrait viser les ruines d’Akéos.

La clé tourne dans la serrure, et la porte réagit. Oplyn est la première à se faufiler dans l’entrebâillement avant même que ne puissions entrer. Lorsque la nouvelle pièce se découvre à nous, je la trouve debout, au milieu de la salle, à fixer les nombreux écrans de surveillance bien peu animés. Le reste est surprenant. La poussière y est bien moins abondante qu’ailleurs. La couche et la table s’y trouvant témoigne de l’occupation relativement récente des lieux.

En quelques pas, j’atteins la table où trônent divers objets. C’est une photo qui attire mon attention. Fort intéressante, illustrant un lien fort entre les deux leaders des factions se disputant Lumiris. Mes doigts effleurent le bord du cadre alors que mes sourcils se froncent. C’est étrange comme à chaque évènement me fait remettre en question mon jugement sur le lien entre Meira et Hyouga. Après le volcan, j’avais la quasi-certitude que la jeune femme était de mèche avec lui. Les forces de Lumiris servies à la Team Mistral sur un plateau d’argent, le refus de Meira de nous laisser affronter Hyouga à ses côtés, la défaite puis la fuite du chef de Mistral trop bien timé, et le refus de la maître de la ligue de le poursuivre.

Tout ça n’avait l’air, dans ma tête, que d’une mise en scène me laissant croire à la complicité entre eux, jusqu’à la croisière Ariwa. Jusqu’au jour où Hyouga s’est ouvertement présenté comme le commanditaire de l’assassin de Cyrus. A ce moment, j’ai accepté de croire que je m’étais trompée sur leur relation. A moins que ce ne soit, là encore, qu’une mise en scène pour laquelle la jeune femme aurait accepté la mort de son ancêtre. Après tout, la présidente d’Hestia n’a cherché qu’à démasquer le bras armé de Hyouga, qui s’est échappé également par ailleurs, sans lever le petit doigt pour mettre son employeur en déroute. J’ai mis ça sur le compte de la perte familiale. En fait, plus le temps a passé, plus j’ai envisagé m’être trompée sur le compte de la jeune femme. Mais maintenant, avec cette photographie, tout est remis en question.

Je me tourne vers l’entrée de la pièce, où demeure toujours la concernée. Silencieusement, je lui désigne la photo. Sans colère, ni accusation. Une simple volonté d’attirer son attention sur cette étrange morceau que je ne sais où placer dans cet immense puzzle.

-J’ai toujours eu des doutes sur ta bonne foi, je te l’ai dis la première fois qu’on s’est rencontrées. Et avec tous tes mensonges, tes omissions, ta tendance à ne révéler les choses qu’au compte-gouttes, tes “erreurs”… Je suis pas la seule. (Mon regard dérive un instant vers Ombline.) Le volcan, la mort de Cirrus, Mistral, Hestia, et maintenant cet endroit… Y a clairement un conflit en train d’éclater à Lumiris, particulièrement depuis cet été. Alors, si ton but est vraiment la protection de la région contre Mistral, sans vouloir te commander, je crois que tu nous dois quelques explications supplémentaires. Si t’avais voulu cacher tout ça, on serait probablement pas ici. Tu nous a dis que tu ne savais pas sur quoi on tomberait. Et en même temps, t’avais pas l’air emballée à l’idée d’entrer dans cette pièce. Est-ce que, oui ou non, tu savais ce qu’on y trouverait?

Malgré la colère stagnante vis à vis de ces histoires, et mon incompréhension du tableau se dessinant sous nos yeux ces derniers mois, je ne laisse paraître aucune animosité. Mon ton reste neutre, quoiqu’un peu froid, n’exposant que des faits appuyés par un regard direct en attente de réponses.

Bras croisés, j’écoute la maître de la ligue sans l’interrompre. Quand bien même ses amourettes d’adolescence ne m’intéressent pas le moins du monde, je reste attentive tout du long de son histoire. Et je finis déçue. En colère, aussi, un peu.

Les sacrifices faits au volcan auraient certainement pu être évités. Mais ils auraient gagné un sens si Hyouga était tombé ce jour là. Et tout ce qui s’en est suivi n’aurait peut être pas eu lieu. La centrale, la croisière, la mort du Doyen… Peut être même qu’Hestia aurait réussit à garder ses petits secrets bien cachés. On aurait pu fêter la fin de Mistral, et tout serait allé pour le mieux.

Dans un monde utopique, bien entendu. Parce qu’il est difficile de dire si Mistral aurait disparu à la chute de leur leader. Ces derniers se font bien discrets depuis son arrestation, mais rien n’indique leur dissolution. Je peine à croire que tout soit finit, que la perte d’un seul homme suffise à détruire une organisation de fanatiques aussi extrémistes qu’eux. Couper la tête d’une hydre fait pousser les suivantes, et ainsi de suite.

Toujours est-il que les crimes commis ces derniers mois portent un visage, celui d’Hyouga. On ne saura jamais si les choses auraient été pires ou meilleures si Meira avait tenu ses responsabilités. Elles auraient simplement été différentes. Au vu de ça, à défaut de savoir si l’arrestation de Hyouga aurait porté préjudice à la Team Mistral, à mes yeux, c’est là la plus grosse erreur de Meira : avoir sacrifié des vies pour atteindre un objectif auquel elle a sciemment renoncé alors qu’il était à portée de main.

Et maintenant que j’en connais la raison, je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine pitié pour la présidente d’Hestia.

Je ne répond rien à son histoire. Je me contente d’observer la suite des évènements. Les écrans, les plans. Je repense aux documents trouvés par Maxim sur l’ordinateur. Quelque chose me dit que même sans leur tête pensante, nous n’avons pas finit d’entendre parler de Mistral.