Quand tu ouvres les yeux, tu réalises que tu es loin de cette ville que tu as appris à connaître depuis un peu plus d’un an. Pourtant le paysage te semble familier tandis que ton regard se déplace dans la rue où tu te trouves, face à l’obscurité prenant quasiment la place, que seule la lumière des maisons et des champignons luisant viennent éclairer l’espace dans lequel tu te trouves. Les arbres entourant le lieu, cette ambiance mystique qui t’entoure, tu avances sans trop y réfléchir, finissant par mettre un nom à ce lieu et réalise que tu ne devrais pas être ici.

A Galar, et encore moins à Corrifey, dans cette ville affectée par tes traumatismes et que pourtant tu aimais tant. Mais quand tu avances, tu as la sensation que tes souvenirs s’effacent, l’impression que le décor devant toi s'agrandit de façon inexplicable. C’est quand tu fais face à cette maison que tu as connu que tu réalises que ce n’est pas le paysage qui s’est accru, mais toi qui rajeunit. L’instant suivant, tout ceci te parait naturel, quand tu ouvres la porte de chez toi. Tu as songé à la crainte que ce geste aurait normalement apporté, pourtant quand tu l'exécutes, tu ne ressens que de l’apaisement. Tu entends les rires qui viennent t’accueillir, la vision de ta jumelle qui te souris quand vos regards se croisent et tes parents qui t'appellent chaleureusement. L’odeur de la bonne nourriture te donne insatiablement faim, et quand tu t'approches vers eux, tu sens le bonheur t’envahir, courant vers cette sœur que tu as tant chéri pour venir te blottir contre elle.

Un croassement résonne dans la pièce, te faisant lever les yeux en direction du bruit pour apercevoir le Cornèbre perché sur l’accoudoir du canapé. Mais rapidement tu en viens à l’ignorer, pris d’une sensation de malaise face à sa présence, et tu te laisses être acteur de cette soirée si douce,de ce bonheur familial qui s’offre à toi. Un instant, pourtant, ta vision se trouble et tu crois entendre des cris et des pleurs, des bouteilles jaugeant le sol et la sensation d’une douleur qui s’estompe aussi vite qu’elle est venue, pour que tous reviennent de nouveau plus doux.

Comme si c’était normal.

Tu vois leurs mains se tendre devant toi, et tu viens t’en saisir sans la moindre hésitation. Alors que vous vous dirigez dehors, que la porte se renferme derrière vous, l’obscurité de la ville se transforme en blanc éclatant. La sensation de la neige sous tes pieds te fait brièvement frissonner, mais tu viens te baisser pour en saisir doucement dans ta main, formant une boule discrètement. C’est en direction d’une adolescente rousse que tu lances ton missile, riant de bon cœur alors qu’une bataille s’offre à vous. Tu te plais, à te sentir complice avec elle, le froid de Ludester n’est rien comparé à la chaleur de cet instant en compagnie de Mara, rien par rapport à cette sensation de complicité silencieuse quand ton regard vient se poser sur l’adolescente de ton âge au regard vert. Te voici à avancer dans les rues de Windoria, entouré de ces gens que tu aimes et qui t'aiment, des rires et de la joie.

Naraku sur ton épaule, lui, s’envole. Et au moment où tu le regardes, tu t'aperçois que le ciel s'obscurcit. L’orage, brusquement, s’abat devant toi.

Tu trembles, et tout se finit ici.

Les cris colériques de tes parents biologiques parviennent à tes oreilles, et c’est tout ton corps qui tremble et se crispe sous la peur et la douleur. L’odeur de l’alcool embrume la pièce dans laquelle tu te trouves, et c’est ce toi enfant que tu vois en blotti dans un coin, terrifié. Ce toi qui aurait tant donné, pour que tes parents t’aiment, pour ne pas voir ta jumelle souffrir. Toi, tu recules et rapidement fuis en passant la porte. Tu crois les entendre hurler de revenir, tu as la sensation qu’ils te poursuivent, mais tu n’oses pas t’en assurer. Tu as si peur, Iekazu, cela a toujours été le cas devant eux.

Tu passes de nouveau des rues de Corrifey à celles de Ludester, et quand tu t'arrêtes, c’est pour te figer devant Mara. Mais c’est ton regard à toi qui s’assombrit, toi qui la regarde avec froideur. Et elle qui, sûrement, doit en souffrir. Que tu peux te détester. Sans crier gare, les fantômes de ta famille te rattrapent et t’écrasent, et puis c’est la vision de cet aîné fracassé par ta propre colère qui s’offre à toi.

Il n’y a plus que la haine, plus que le mépris, qui restent en toi et grandissent peu à peu. Tu rêvais de cette vie paisible, de ces parents qui t’aiment et d’une famille que tu ne rejetterait pas. Tu espérais pouvoir être digne, toi aussi, de ne pas être cette personne mauvaise comme seule réponse à l’horreur qu’on t’as infligée.

Lentement, le paysage s’estompe, tu crois revoir cette vision de bonheur une dernière fois, ces gens souriant chaleureusement, avant que tout ne s’efface. Dans ta réalité, c’est Audrey qui te fait face, ce regard vert tristement similaire à toi dans cette rage qui vous anime. Dans cette réalité sombre, tu n’es pas digne, pas encore, toujours tant traumatisé par cette violence que tu exacerbes encore aujourd’hui.

Tu sens le Cornèbre revenir sur ton épaule, posant ta main sur sa tête dans un faible geste de caresse. Mais c’est toi que tu tentes de calmer, alors que ton regard se lève sur le ciel pour y accorder un murmure.

« Mais un jour, je pourrais enfin me tenir fièrement sur mes deux jambes. »

Et cette promesse, tu te la feras autant de fois qu’il faudra, au pied de l’arc-en-ciel.