Dans les paroles de la vieille dame, en dehors du jeu d'acteur juste bon pour un téléfilm, j'avais retenu quelques éléments importants. Les Pokémons spectres rôdent dès la tombée de la nuit et terrorisent les challengers, tout en les guidant vers l'arène, bien que le plus souvent, ce soit en quatrième vitesse... Ils sont ceux qui mènent les dresseurs à l'arène. Néanmoins... Je n'étais pas spécialement chaude pour me faire maltraiter par une bande d'âmes égarées... Je voulais chasser les ténèbres, pas les fantômes... Les combattre était également un plan foireux, ce serait user du temps et de l'énergie avant même le véritable combat. Inutile de prendre le chemin le plus évident et le plus visible... Il est connu que les types Spectres ne sortent pas souvent, en tout cas pas de la façon d'un poltergeist déchaîné, lorsqu'il fait jour... Le plan était donc de trouver l'arène Ténèbres sous la gloire de l'astre solaire, ce qui contraignait à devoir se passer des Spectres-guides...
Heureusement, j'avais un partenaire spécialisé dans le repérage. Sous le soleil hargneux de midi, j'avais rejoint une clairière pour lancer une Pokéball vers les nuages qu'elle ne pouvait atteindre. Dans un flash lumineux, Koma, le Braisillion, avait pris son envol, effectuant les cercles aériens propres aux rapaces. Depuis les cieux, fort de sa vue hors du commun, l'oiseau au plumage de flammes et de cendres n'allait n'avoir aucun mal à localiser l'entrepôt supposé servir d'arène. L'avantage de la saison froide était que les arbres ne portaient plus beaucoup de feuilles, offrant une vue presque toujours dégagée vers le ciel. Certes, j'allais finir par atteindre ma destination, mais mon rapace aller devoir maintenir longtemps son vol, tout en effectuant une multitude d'aller-retour pour me guider... Koma était l'un de mes meilleurs Pokémon combattants, le savoir épuisé avant le combat me mettait davantage la pression.
D'ailleurs, on en parle du fait que je m'apprêtais à défier ma toute première arène ? Moi, la dresseuse débutante avec plus de culot que d'expérience ? Non. Certainement, pas, non. Rien que le fait d'y penser me donnait envie d'aller me cacher le visage dans la toison moelleuse de Melly pour me plaindre jusqu'à ce qu'elle s'endort, ennuyée et fatiguée d'écouter mes insignifiants problèmes d'être humain. Melly est douce de laine, un peu moins de cœur... Un cri strident m'avait rappelé à la réalité, Koma semblait avoir trouvé quelque chose d'inhabituel dans les bois. Je ne pouvais qu'espérer qu'il s'agissait bien de l'arène de type Ténèbres... C'était déjà un exploit de faire comprendre à un animal que je cherchais quelque chose dans la forêt alentour... Confiante sur le fait qu'un bâtiment humain est ce qui semblerait le plus cohérent pour Koma, j'avais entamé la longue marche à travers la forêt. Sans trop m'avancer, je m'avais donné une petite heure maximum de marche...
Trois heures. Je vais juste le répéter pour bien appuyer le drame, trois longues heures ! Je ne sais pas si vous avez déjà marché dans la pénombre d'une forêt durant trois heures avec une boule d'angoisse logée dans la gorge, une douleur abdominale gorgée de stress et une affreuse cervelle vous rappelant constamment que vous n'êtes qu'une perdante et que vous vous êtes sûrement égarée dans les bois, stupide comme vous êtes... C'est toute ma vie. Parce qu'un problème en attire souvent d'autres... Vous vous souvenez des fameux Pokémon Spectres locaux ? Et bien, sachez qu'ils sont très loin de se contenter de sortir uniquement sous la pâleur du clair de lune. Non seulement Koma était épuisé par son rôle de guide, mais le pire, la plupart de mes Pokémons s'étaient évanouis à force de combattre les fantômes, repoussant autant que possible toute leur fourberie ! Melly, Abbie et Tora étaient hors de combat... Sans même avoir atteint l'arène Ténèbres, j'avais déjà « perdu » la moitié de mes Pokémons... J'avais évité au maximum le combat à mes meilleurs éléments, mais j'avais l'impression d'avoir commis une sombre erreur de débutante... Peut-être que mon équipe serait encore entièrement debout, si j'avais laissé Baku repousser nos assaillants...
C'est littéralement démoralisée, presque au bout de ma vie, que j'avais atteint l'entrepôt rénové en arène officielle. Koma était si fatigué, qu'une fois sa tâche accomplie, il s'était posé à même le sol, ne prenant pas même la peine de chercher une branche en hauteur. Après l'avoir tendrement remercié, je l'avais rappelé dans sa Ball afin qu'il puisse bénéficié du repos tant mérité. Avec un peu de chance... Non, ce serait l'exploiter d'y songer maintenant... Tout le cheminement de mes pensées s'était brutalement figé devant l'inattendu... Sur la porte de l'arène de Type Ténèbres, un joli petit panneau « Fermé » pendouillait... Et Melly étant exténuée, je n'avais même pas le droit à mon coussin de réconfort pour me lamenter sur mon triste sort. Pourquoi étais je venu défier un chômeur ?
Un groupe d'oiseaux s'élevait paisiblement sous les couleurs d'un début de crépuscule, poussant des cris de rassemblement, s'éloignant de la forêt jusqu'à ne plus être que des « V » mouvants au lointain. Assise lamentablement au sol, dos à la porte d'entrée de l'arène, les genoux enlacés contre moi, je regardais mes baskets, attardant mon regard ambré sans éclats sur chaque rayure causée par le parcours, ainsi que sur la texture complexes des lacets, jusqu'à ce que l'ombre du tant attendu se dessine à quelques mètres de moi. J'avais froncé les sourcils et soupiré avant même de répondre ou de le regarder.
- « Franchement... S'il n'y avait pas eu une forêt autour et un potentiel risque d'incendie, j'aurai brûlé ton arène histoire de patienter... » Grognais-je en guise de salutation à Monsieur le Champion de l'arène de type Ténèbres. - « Tu m'as fait attendre, Damien Delaunay ! »