Ce jeu est vraiment trop nul. Si Leonard n’était pas aussi stupide, je pourrais penser qu’il veut qu’on joue à ça pour me ridiculiser. Mais j’ai beau regarder les gens, je ne comprends pas comment ils font pour lancer avec autant de facilité leur boule. Ils ne sont pas si musclés que ça et je pense même qu’ils sont plus maigres que moi.

Pourtant, ils arrivent à prendre la boule à une main et à la lancer sans grande difficulté. Il y a un truc là-dessous, mais je ne vois pas quoi. Et je passe pour une conne et ça m’énerve.

Leonard revient vers moi avec une autre boule. Je lui jette un regard noir. A part me brûler la rétine avec sa couleur infâme, je ne vois pas ce que pourra m’apporter cette boule.

Et là, y a l’autre idiot qui me montre un numéro. Il y a un numéro pour savoir si c’est lourd. Je regarde les autres pistes et leur cirque prend une autre allure. Ils ne tournent pas les boules à la recherche d’un quelconque défaut, juste du numéro.

L’air surprise, je me redresse pour prendre la boule de Leonard. Je m’attends à un truc lourd, mais son poids me surprend. Ce n’est pas léger, mais bien moins lourd.

Leonard va chercher une autre boule et je le suis. Je regarde les boules pour en prendre une plus petite. La force n’est pas mon point fort, je n’ai pas de honte à avoir.

Je regarde Leonard lancer à son tour, puis d’autres personnes. Le geste est un peu étrange, mais peu compliqué.

Je vais réessayer. La taille 9 me convient mieux.

Je regarde un voisin prendre son élan et lâche la boule. J’inspecte la boule et trouve les trois trous. J’y place mes doigts, ce n’est pas très agréable. Je change la position puis finalement, je ramène la boule dans la main gauche. Là c’est mieux. Je prends mon élan et tendant le bras gauche je lâche la boule. Mais le poids me surprend et détourne mon bras légèrement. La boule part du milieu et rejoint la gouttière avant les quilles. Je fronce les sourcils et retourne en prendre une autre.

C’est à toi du coup ?

Quand c’est de nouveau mon tour, je retourne en place avec ma boule. Cette fois, elle part bien droite. Elle frappe la quille de tête mais les deux de chaque côté reste debout. Je penche la tête en cherchant à comprendre pourquoi ça avait donné ça.

Ce n’est pas aussi facile que je ne le pensais.

Ce n’est pas parce que ce n’est pas aussi facile que ce que je pensais que c’est complexe. Je ne manipule pas des boules d’habitude, c’est tout. Lui dis-je en regardant les autres pistes. Un peu plus loin, la boule vient de faire un petit arc de cercle pour frapper de côté et faire tomber toutes les quilles. C’est vraiment pas mal comme coup.

Je regarde Leonard jeter sa boule en réfléchissant, prenant une boule, en vérifiant le poids. Du bout du bras, je la fais tourner sur place pour tester l’équilibre et l’inertie. Ce n’est pas très compliqué. Voilà ce que je me dis.

Pourquoi, tu crois qu’il y aura besoin d’une seconde partie ?

Je me concentre et lance. La boule part d’abord de travers dans un coin, direction la rigole, puis revient frapper sur le côté le triangle de quille. C’est trop long. Il en reste deux debout. Le prochain coup, ce sera bon.

Je prends la carte que Leonard me tend. Il m’énerve. Pourquoi devoir toujours lire ? Mais c’est lui qui paye, j’ai soif, et franchement, je ne sais pas quoi prendre. Donc, le truc standard. C’est quoi le truc standard ?

Dans ce cas, là, ce sera une limonade.

Quand Leonard revient de sa boule. Je prends rapidement la mienne et la lance. Encore un angle et cette fois toutes les quilles tombent d’un coup. Je pousse un cri de joie.

J’ai gagné ! Je me tourne vers Leonard et le regard avec un regard plein de fierté. Et c’est la première fois que je joue moi.

Je n’ai pas fait attention au tableau de score, ni compris qu’il fallait plusieurs tours, qu’on en était qu’à la moitié, et donc, que je ne gagnais pas. On passe à autre chose ? Ce jeu vient de passer de un peu facile à facile. Et tu dis que ça s’appelle comment ? Tu y joues souvent avec ta famille ?

Il me prend pour une aveugle. Est-ce que je vois l’écran ? Le gros truc au-dessus de nos têtes. Non parce que je suis débile. Je me demande si je ne devrais pas lui balancer à la tronche, cet écran. Restons calme. Si vraiment il me saoule, les boules devrait suffire à me détendre.

J’écoute donc l’explication de Leonard. J’ai gagné, je ne vois pas ce qu’il y a à expliquer. Sauf que manifestement, il y a plusieurs tours et qu’on accumule les points. D’accord, donc ce n’est pas fini. Il va falloir le faire encore combien de fois. Une, deux… je n’en sais rien, mais on n’est pas sorti.

Non, non, c’est bon. On va finir la partie. Une fois qu’on a le coup de main, ça ne devrait pas être très dur.

Si je veux le battre il va falloir enchainer les strikes ? J’entends souvent ce mot, mais je ne suis pas sûre de voir ce qu’il veut dire ici. Quant à espérer qu’il ne soit pas trop bon, je n’ai pas trop d’inquiétude là-dessus. On parle de Leonard tout de même. On est assez loin du terme bon avec lui. Et j’en ai la preuve en direct.

Pendant qu’il parle, je prends une boule à mon tour. Maintenant que j’ai le truc, il suffit juste de répéter. La boule part avec un effet et frappe les quilles. Pourtant une oscille et ne tombe pas. Presque. Neuf quilles ce n’est pas mal.

Ouai, je m’en doutais. Ils sont contents que tu ne sois plus là et en profitent.

Ça me rassure finalement. La famille de Leonard paraissait trop gentille. C’était bizarre qu’ils m’accueillent comme ça, spontanément. Mais c’est parce que je peu éloigner leur idiot de fils plus longtemps. C’est logique. C’est ce que font les gens : se débarrasser des autres. Leonard est un pot de colle, mais pour les autres, c’est une certitude.

Je regarde le verre de limonade mais n’y touche pas. Il faut que je me fasse à l’idée que Leonard va me le payer.

Cet endroit est bruyant tout de même. Ces bongs irréguliers contre le sol. Et puis les cris. C’est presque pire qu’un bar un soir de match.

Mon bras commence à fatiguer et mon poignet aussi. J’ai réussi à prendre le coup et à enchainer quelques strike, mais avec la répétition, mes coups se sont faits d’abord moins précis, puis moins puissant. Des élancements commencent à se faire sentir tout le long de mon bras gauche à force de soulever et jeter ses boules lourdes. Mes tirs finissent parfois dans la rigole maintenant, malgré mes efforts, et sinon, il y a trop peu de quilles qui tombent alors que Leonard marque toujours le même nombre de point.

Je n’aime pas se jeu.

L’autre continue de parler de ses parents. Entre son éducation et leur travail ? J’en connais un qui n’a pas perdu beaucoup de temps avec ces deux choses. Je ne sais même pas s’il a profité de petits moments. Je pense qu’il n’avait que des longs moments, mais de toute façon, j’en n’ai rien à foutre.

Mon verre ? Ouai. Je bois une grande gorgée et repose mon verre. Je n’ai pas spécialement soif. Surtout que le fait que ce soit Leonard qui me le paye me met mal à l’aise. Ça me rappelle à quel point je suis en rade de thune en ce moment.

Je me crispe et tombe sur mes gardes quand Leonard se met à crier. Mais ce n’est rien, juste de la joie.

Je n’aime pas ça. Je veux parler du balling. Dis-je en dissimulant la douleur dans mon épaule. C’est répétitif et sans astuce.

Je retiens un râle aussi. Pas le parc Saule. Leonard va certainement s’exclamer devant chaque brin d’herbe. Je ne veux pas aller dans le parc. Pas tout de suite.

Nan. Avant on va là-bas. Dis-je en pointant la zone d’arcade.

Je jette ma dernière boule qui ne fait tomber aucune quille. Bof, de toute façon, je m’en moque. C’est nul comme jeu.

Je ne reste pas plus longtemps que ça et sans changer mes chaussures je me rends vers la salle d’arcade. Puis je m’arrête et me tourne vers Leonard.

On fait comment pour récupérer nos chaussures ? Je n’en ai pas la moindre idée. Est-ce qu’on doit demander à la même dame ? C’est à un autre endroit ? Est-ce qu’on peut seulement les récupérer ?

Dans la salle d’arcade je me dirige vers une table. On dirait une table de billard, mais le green est en métal. Il y a deux fentes à chaque extrémité et deux gros disques en plastique et un plus petit.

Viens on va faire ça. C’est du hockey sur table. Tu dois mettre le plus petit palet dans la fente de l’autre. Attention ça va vite.

J’adore ce jeu. Déjà parce que j’ai une excellente coordination œil main, que je suis vive et que je ne perds jamais à ce jeu. Je ne prends presque aucun point. Mais c’est super amusant, parce que même si l’adversaire est nul, il peut envoyer et renvoyer le palet super vite. Ce qui met toujours les réflexes à l’épreuve. J’adore ça.

Je suis Leonard pour récupérer nos chaussures. Je laisse Leonard faire la discussion, manifestement, il aime faire ça, je ne voudrai pas l’en priver. De plus, s’il ne le fait pas, ça risque de me retomber dessus et je n’ai vraiment pas envie de le faire, et je ne l’aurai pas fait ce qui aurait fait peser un silence lourd été désagréable.

Devant le jeu, j’inspecte Leonard de loin, avec un œil scrutateur. Une andouille comme lui, oui je ne doute pas qu’il manque de réflexe ou de nerfs.

Que tu ne sois pas un grand nerveux ne me surprend vraiment pas. On pourrait de casser la gueule et rentrer chez soi avant que tu ne te rendes compte qu’on vient de te passer à tabac. Dans ce cas contente-toi d’essayer d’avoir de la chance. Ça peu aider.

Leonard lance le palier et ma vision se rétrécit. J’entends encore le bowling au loin, le serveur apportait des boissons, les machines et leur musique, la porte des toilettes s’ouvrir. Mais ma vision n’est focalisée que sur le jeu : le palet en particulier.

Le palet bouge lentement vers mon côté et je le frappe. Il part à grande vitesse, rebondit contre un bord et sur le côté de Leonard et reviens vers moi sans que le jeune homme puisse le toucher. Je le refrappe et il accélère encore, et me revient je frappe encore et le palet fait des aller-retours de plus en plus vite en frappant plusieurs bords sans que je ne le perde des yeux. Puis une fois que je le trouve assez rapide, je lui fait prendre une direction, qui apprend un rebond l’envoie dans le but de Leonard.

Je reste concentré, m’attendant à ce que Leonard remette rapidement en jeu.

Mon visage est fermé et sérieux mais je jubile intérieurement. C’est le type de jeu que j’adore : esquive, réflexe, instinct. Rien de difficile, tout de naturel.

Leonard traine. Lance ce palet. Je veux jouer. Vite.

Le palet part en ligne droite. Trop facile et c’est reparti. Le palet repart à toute vitesse.

Bang.

Un claquement puissant me tire de ma concentration. Je me redresse complètement et regarde vers la salle. Le palet va marquer un point pendant que je regarde ailleurs. Mais je ne prête pas attention à ça. Qu’est-ce qui vient de faire bang ?

Un groupe de personne s’exclame mais ce sont des cris de joie. J’aperçois une bouteille de champagne. Rien de grave. Juste du champagne.

Je ramène mon attention sur le jeu.

Juste de la chance.

Je reprends le palet et relance la partie.

Le jeu se prolonge à grande vitesse. Mes points s’enchainent quand je veux les marquer, Leonard en met parfois par chance.

Lorsque le temps de jeu se termine, le score est de 11 à 3. J’ai un sourire ravi sur mon visage, pas parce que j’ai gagné, mais parce que je me suis amusée.

C’était amusant. Tu veux aller au parc maintenant ?

Finalement nous marchons dans le parc. Le temps passé au Bowling était sympathique, surtout le hockey, bien que Leonard n’ait été un adversaire vraiment intéressant. Pire encore, il avait l’air heureux de perdre. C’était absurde. Pourquoi appréciait de perdre.Ce garçon est stupide.

Nous marchons donc dans le parc. Sans une parole. J’aime le silence. Cependant, Leonard parle tellement normalement, que ça me parait étrange. Je n’aime pas discuter et ne supporte pas entendre l’autre crétin parler sans cesse. Cependant, là c’est étrange.

Nous marchons et rien ne se passe. Et ça m’énerve. Est-ce que ce crétin va dire quelque chose ? Ce silence m’insupporte.

Tu… Faire la conversation n’est pas mon truc. Et ça m’énerve encore plus de me sentir de le faire. C’est trop pour moi. Je vais y aller. C’était sympas. Mais c’est suffisant pour moi.

Je fais demi-tour pour repartir comme je veux. Puis reviens sur mes pas. On peut rentrer chez toi ? Je voudrai récupérer mes affaires.