L'école, ou la société miniature.

Dans le milieu scolaire, surtout les business school à plus de 10 000p$ l'année, il existait un code secret. Un code qui ressemblait étrangement à celui du monde extérieur.

Séréna considérait l'école comme un entraînement. Elle en connaissait chaque rouage, chaque subterfuge ; pour mieux se servir des règles elle en avait appris toutes les lignes. Tous les interstices, aussi.
Son père l'avait encouragée très tôt dans ce sens. Il lui avait répété que pour mieux maîtriser son environnement, il fallait d'abord en maîtriser chaque subtilité.

Alors dans l'enceinte du prestigieux établissement que la jeune femme fréquentait, elle jouait avec les fils ; elle s'exerçait à en jouer, à placer ses cartes, à contrôler l'échiquier.
Séréna reignait sur ce petit monde.
(Jeune altesse ornée d'une couronne purement accessoire)

Forte d'une réputation parfaite, appréciée du plus grand nombre, active et sociable ; finalement Séréna s'était arrangée pour qu'un maximum de des camarades la connaisse au moins de nom - ou de visage. Parce que c'était aussi un pouvoir.
Sa jeunesse n'avait pas de temps à perdre : ils jouaient déjà aux jeux des grands, simplement à moindre échelle.

A vrai dire, la belle n'appréciait pas forcément ces jeux. Mais c'était une obligation : elle ne pouvait pas être la seule à s'exclure, la seule à ne pas se créer un cercle qui s'avérera utile à l'avenir, la seule qui ne serait pas déjà incrustée dans ce qui serait la bonne société de demain. Alors la partie continuait.

Cependant, Séréna trouvait récemment un exutoire à ce quotidien fade : son meilleur ami, son confident, son frère de cœur allait bientôt débarquer à Lumiris - pour y rester un bon moment sans doute. Elle était tellement heureuse ! Voilà des années qu'ils ne s'étaient pas vus face à face.

Quand notre pléiade avait quitté Galar ils avaient d'abord gardé contact via des lettres, puis petit à petit les nouveaux moyens de communication leur avait facilité la vie - si bien qu'au fond ils savaient presque tout ce qui se passait chez l'autre.
Bien sûr elle était heureuse d'avoir pu le joindre si régulièrement, mais se retrouver en chair et en os était différent. Bien plus vrai, plus chaleureux.

Bref, Séréna comptait les jours qui la séparaient de l'arrivée d'Allen. Son cercle social habituel cependant, les étudiants qu'elle fréquentait habituellement - tous populaires mais moins que sa personne -, n'en savait rien. Elle n'avait pas souhaité leur dire, c'étaient des amitiés de convenance à ses yeux or sa relation avec Allen était bien plus importante. C'était personnel.

Ce jour-là donc, ils s'attendaient encore moins que la demoiselle à cette surprise.
Comme d'habitude ils sortaient en bavardant tranquillement, certains parlant déjà de la charge de travail qui les attendait une fois rentrés, les autres suggérant plutôt une sortie pour se changer les idées. Pour le moment elle les écoutait seulement d'une oreille distraite, peu intéressée par les propositions.
Jusqu'à...

« Séré' ! »

Séréna sursauta presque, ne s'attendant pas à être interpelée ainsi - et surtout si familièrement. Son regard trouva rapidement la source de cette apostrophe.
Là elle se figea tout bonnement, incapable d'en croire ses yeux.
(Oh, comment confondre ces saphirs pétillants ou ce sourire contagieux ?)

Tandis qu'il approche sous les interrogations pressantes de ses connaissances, la tête rose avança de quelques pas dans sa direction sans rien dire.

« Bah alors… tu me reconnais pas ? J’suis arrivé un poil plus tôt que prévu. Pas trop déçue ? »

Ce qu'elle devina être une blague eut au moins le mérite de la rappeler un peu au présent. Séréna réunit toute sa volonté pour ne pas exploser de joie ici, en public - ce serait une entorse à son image.
Seulement la manière dont ses lèvres s'étirèrent n'y trompait pas pour ceux qui la connaissaient bien, comme le brun.

« Bien sûr que je te reconnais... »
Même après toutes ces années.
Même au-delà des mers.
« Allen. »
Oh et puis zut. N'y tenant plus elle se jeta au cou du pulsar, telle une enfant surexcitée. Les autres autour n'y comprirent sans doute rien mais tant pis ; si on ne lui laissait même pas le droit d'accueillir son meilleur ami comme il se devait, Séréna ouvrirait un procès.

« Tu m'as manqué ! » Lâcha-t-elle contre lui sans s'éloigner, durant leur long et vigoureux câlin de retrouvailles.
Lorsqu'ils y mirent fin, la jeune femme garda les mains sur ses épaules. « Sale gosse, tu m'as bien eue quand même. » Crédibilité zéro, sa phrase est ponctuée d'une esclaffade heureuse. « Tu es arrivé quand du coup ? Tu as déjà visité un peu le coin ? Oh, tu as peut-être faim ? »

Wow, du calme un peu tout de même. Une fois sa salve de questions lancées elle se souvint des gens qui les observaient derrière. Portant un index inquisiteur aux lèvres du garçon pour lui intimer le silence - en lui glissant un « Une seconde. »  

Séréna toussota légèrement puis se retourna avec son habituel sourire de façade. « Vraiment désolée ! Je vous présente Allen, c'est un de mes amis de Galar. Il vient d'arriver à Lumiris et je devais lui servir de guide, comme on se connait depuis longtemps et que nos pères sont partenaires. » Bim ; comme ça ils étaient tous au courant que non seulement il était avec elle, mais que sa famille était en relation avec les FitzBurgess.
Aucun d'entre eux n'oserait se montrer impoli envers le Blackburn, comme ça.

Ces explications servies, Séréna commença à s'éloigner lentement, en tenant Allen par le bras. « Sur ce je vous laisse, à demain ! »
Vite. Elle avait hâte de pouvoir passer un peu de temps tranquillement avec Allen.