Aujourd’hui, je suis joie. Je vais revoir ma nouvelle amie de Sunrya et je suis très enthousiaste à l’idée de la retrouver. Malheureusement pour elle, je ne serai pas la plus sexy : le joggo et les baskets, il faut faire place au sport. J’enfile ma brassière et mon gilet à la hâte sans oublier mes lunettes de soleil. J’essaie d’avoir un peu de style et dépenser l’argent de mes victoires à bon escient. J’allume une clope à mes lèvres après avoir quitté l’hôtel.

J’ai hâte de lui présenter mes nouveaux compagnons. Ces derniers vont devoir s’entraîner et faire leur preuve. Je suis d’autant plus motivée par la présence d’Astelle, j’ai prévu de quoi bien pique-niquer. Je ne suis pas une grande cuisinière -j’ai surtout pas de chez moi pour pouvoir me développer dans l'art- mais j’ai pas acheté du caca pour autant.

Nous nous sommes donnés rendez-vous après son service, au parc. Je suis un peu en avance car je veux faire un point avec mes nouveaux pokémons. Près de l’entrée du parc, je me pose sur un rondin avant de sortir mes petits monstres. Shyo apparaît avec grâce et enthousiasme tandis que Jojo est réservé. Je leur offre mon plus beau sourire ainsi qu’une caresse.

« Salut vous deux ! Jojo, tu reconnais cet endroit ? Vous allez voir, vous allez bien vous amuser. »

Je préfère ne pas inviter Ophélia et PP car ils ont tendance à bizuter les nouveaux. Mes deux derniers méritent de me connaître sans avoir à se confronter à ces racailles. Mon singe s’empresse à grimper dans l’arbre non loin de moi. Je le laisse faire : il a besoin d’observer son environnement de haut. À sa place, j’aurai fais la même : ça doit être génial de voir la globalité du parc. Mon poulpe reste sagement à côté de moi en balançant ses petits poings. Les jambes croisées, je tire sur mon mégot.

Modération:

Clic !

— Quelle chance ! On commence à peine, et j'ai déjà capturé une Manon sauvage ! émit une petite voix enjouée derrière l'objectif. Je me demande ce qu'en dirait le pokédex ? Manon : Le pokémon Poum-poum Tchaa-tchaa ! Elle dit tout plein de choses qui font siffler les oreilles des petites stagiaires à la Dracoposte, mais c'est la meilleure amie dont une postière pourrait rêver !

Cessant de mimer la voix robotique du Motisdex, la frimousse d'Astelle apparut derrière son appareil photo.
Elle n'était pas habillée de son uniforme aujourd'hui, et avait un air un peu coquette avec sa veste rose et sa chemise à froufrous. Elle portait bien un short et des baskets, qui indiquaient son intention de courir, mais certainement pas de beaucoup de dépenser. Elle avait ses raisons.
Dans son sac, avec son Kendama de Capture, elle avait ses cinq Safari Balls et une grande thermos de thé aux herbes que Tata Ombline – l'herboriste de Kishika – lui avait envoyée. Et bien évidemment, sous la grosse casquette gavroche qui couvrait sa petite tête : il y avait Mini-senpai qui faisait la grasse matinée.  

La jeune fille se précipita vers Manon avec un petit trot guilleret et la salua des deux mains. Avec un grand sourire.
— Coucou Manon ! Coucou... adorable-poképoulpe-dont-j'évite-sagement-de-deviner-la-civilité, parce que j'ai bien retenu ma leçon depuis la terrible Affaire Ophélia. Vous allez bien ?

Inutile de lui retourner la question : Astelle était pétillante ce matin.

~ Demande d'apparition pour le Safari du mois d'Avril ~

Un petit clic capte mon attention. Une silhouette se tient devant moi avec un appareil photo. Qui ose me photographier à mon insu ? Je commence à m'énerver jusqu'à ce que j’ouïs une voix familière. Mon visage froncé se détend immédiatement, se mettant presque à rougir.

Astelle est rayonnante. Je n'ai jamais eu l'occasion de la voir dans une autre tenue que celle de son taff - ou presque - ce qui me désoriente quelque peu. Je sais que c'est une demoiselle très charmante mais j'ai jamais eu autant envie de la serrer dans mes bras. En la voyant aussi soignée, j'ai l'impression d'être sapée comme un sagouin à mon date.

Shyo s'accroche machinalement à mon cou avant que je me lève pour accueillir mon amie. Cette dernière s'approche vers moi avec plein d'enthousiasme. Si je n'étais pas aussi coincée, j'aurai ouvert grand les bras pour la réceptionner. Au lieu de ça, mon visage s'illumine, les prunelles brillantes.

« Salut Astelle ! Bonjour Mini-Senpai ! »

- Coucou Manon ! Coucou... adorable-poképoulpe-dont-j'évite-sagement-de-deviner-la-civilité, parce que j'ai bien retenu ma leçon depuis la terrible Affaire Ophélia. Vous allez bien ? »

J'ai eu un éclat de rire à sa réflexion. Mon petit poulpe l'observe avec beaucoup de curiosité.

« J'te présente Shyo, c'est une p'tite femelle. T'inquiètes, elle est pas du tout comme Ophélia, c'est un vrai petit rayon de soleil. Dis bonjour Shyo ! »

Le pokémon salue timidement ma copine avant de se cacher derrière ma nuque. La bestiole est un peu réservée mais une fois qu'elle connait l'individu, elle se lâche complètement.

« J'vais bien ! Et toi ? »

J'écrase mon bout de cigarette à la poubelle avant de prendre Astelle par le bras.

« J'suis super contente qu'on s'voit ! T'es d'jà allée au Safari ? »

Je l'amène tranquillement marcher avec moi, snobant l'existence même du Ningale qui est venu cherché de l'attention. Je lui montre bien à quel point j'en ai rien à foutre de son existence et que même des WCs publics ont plus d'intérêt pour moi. Je raconte à la stagiaire mon expérience dans le parc en lui introduisant Jojo.

« J'ai pas chaumé, j'ai deux nouvelles recrues ! J'vais m'occuper d'elles aujourd'hui. Tu verras, ils sont moins chaotiques qu'Ophélia et PP. Juste ... »

Je hurle en direction des arbres le nom de mon chimpanzé. J'ai dû lui crier quatre ou cinq fois dessus avant qu'il ramène ses fesses. Il descend à toute vitesse de l'arbre avant de se jeter dans mes bras. Je le rassure par une petite caresse avant de le présenter à Astelle.

« J'te présente Jojo. Il est vraiment gentil et social mais évite de trop l'exciter, parce qu'il a une sale manie ... »

Je le repose par terre. Le macaque a très envie de jouer dans les arbres alors je cède. Ça me laisse l'opportunité de prévenir la demoiselle sur les comportements du singe.

« Je sais pas comment l'expliquer ... C'est comme un TOC. Quand il est satisfait de quelque chose ou très joyeux, il se met tout dégommer avec son bâton et à gueuler comme pas possible. Ça dure un instant, c'est très bref mais ça surprend toujours ... Je sais pas pourquoi il a ça. »

J'ai l'air pensive mais j'invoque le sujet avec légèreté. Nous poursuivons la promenade vers une plaine verdoyante. Le soleil matinal est vraiment agréable et je savoure chaque minutes passées avec la brunette.

Modération:

Astelle se portait à merveille. C'était même évident : elle avait la démarche sautillante d'un Vivaldaim de printemps. Et les joues toutes aussi roses.
Mini-senpai toutefois... lui, ronflait encore. Bien à l’abri sous la casquette de sa partenaire.
Ce n'était pas facile d’être un Minidraco. Le matin, la jeune fille retrouvait fréquemment une petite mue d’écailles (de la taille d’une chaussette pour bébé) dans la casquette-de-nuit* du pokémon.

*Très différente du modèle de jour : celle-ci possédait un rembourrage intégral et une aération inégalable !

« J'suis super contente qu'on s'voit ! T'es d'jà allée au Safari ? »
C'était précisément à cause de ce genre de remarques qu'Astelle gambadait comme un petit pokémon des bois.
Avec Manon, elle se sentait tout le temps la bienvenue. Et plus encore !
Quand elle l'observait, les yeux de son amie semblaient se mettre à briller. D'un éclat tout en douceur.
Le contraste entre cette lueur tendre et les manières (et le langage surtout !) de Manon avait un petit je-ne-sais-quoi qu'Astelle trouvait fascinant.

Mais ce qu'elle ne savait pas, c'était que ses yeux à elle brillaient aussi.

— Moi aussi ! répondit-elle avec entrain. Et oui, je suis venue une fois : Tata Ombline m’y a invitée il y a deux semaines environ, pour me féliciter d’avoir signé mes papiers de stage. J’y ai croisé un petit pokélapin super-mignon…
...qui m’a piqué mes Safari Balls pour jongler avec ! …au passage, il m’a aussi donné un grand coup de papatte sur les fesses. J'ai encore un bleu.

En faisant de grands gestes animés, la jeune fille relata à Manon la suite de ses aventures au Parc.
Pas forcément de la manière la plus claire qui soit.
— …et puis le Frisonnille a crachouillé les feuilles, c'est un genre de petit pokésorbet délicieux... mais le Goupix de Tata a fait irruption par derrière, j'adore lui tripoter les coussinets... alors, le pokélapin s’est déconcentré en plein numéro de jonglage et s’est capturé tout seul ! Paf ! Il s'est envoyé la Safari Ball en plein dans la truffe !

S'étant un peu (beaucoup) excitée, il lui fallut un instant pour reprendre son souffle. (Ce qui était un petit peu étonnant de sa part. la jeune stagiaire ne manquait pas d'endurance en temps normal !) Accrochée au bras de son amie, Astelle se laissa entraîner avec plaisir, prêtant à la fois attention à Manon, et au début de promenade qu’elles entamaient toutes les deux.

— …mais il ne reste pas à Sunyra avec moi, pas pour le moment en tout cas... conclut-elle, un peu mystérieusement.

C'était tout pour son histoire à elle.
Astelle eut un grand sourire en apprenant qu'elle allait surtout passer du temps avec les deux nouvelles recrues de l'équipe de Manon, aujourd'hui. Elle s'en voulait un petit peu de penser ça, mais... pour composer avec Pépé et Ophélia, il fallait tout de même une certaine force mentale. Aussi, elle se sentait un tout petit peu soulagée. Et coupable, aussi.

Tandis que Manon s’époumonait pour que son pokésinge descende de l’arbre et vienne les rejoindre, la jeune fille se boucha les oreilles avec un sourire poli. Difficile d’expliquer comment elle réussissait ce coup-là... Astelle était probablement la seule personne au monde à pouvoir faire cette mimique qui semblait sincèrement dire : « Désolée, Manon ! En fait, tu huuuuurles avec un tel volume sonore que je me soucie beaucoup de l’intégrité physique de mes tympans, mais ne t'arrêtes surtout pas ! J’aime beaucoup ce que tu fais ! »

Le pokésinge rappelé à l'ordre, la petite postière accueillit Jojo avec un gentil coucou, puis écouta attentivement les explications de son amie.
— Oooh… s'étonna la jeune fille en clignant des yeux. ...ils ont vraiment du caractère, tes pokémons, Manon ! Ah, mais... pardon... c'est un peu indélicat de dire ça...

Rouge de confusion, Astelle s'en voulut un peu. Elle parlait vraiment sans réfléchir, parfois. Tout le temps.
Considérant le trouble du pauvre Jojo, la jeune fille essaya de se rappeler des pokémons qu'elle rencontrait à Kishika.

Anne, la Miaouss d'Archie, était une vraie petite canaille. Comme son dresseur.
Chonma le Ponyta... avait un petit côté rebelle et défiant, typique de Hyung Soo.
Milusia la petite Goupix était un peu fragile... et Tata Ombline aussi, même si elle essayait de ne pas trop le montrer.

Les pokémons ressemblaient toujours un peu à leur dresseur, c'était bien connu.
Mais pour aller plus loin, est-ce qu'on pouvait imaginer que Manon avait jeté son dévolu sur Jojo parce qu'il lui correspondait, d'une façon ou d'une autre ?
Astelle tourna la tête vers son amie... et l'observa très longuement.

— Malheureusement, je ne sais pas grand-chose là-dessus… dit-elle timidement. On n’avait pas de pokémons à la maison, alors je les connais surtout par le biais des livres, mais…

Elle releva un sourire vers Manon.
— ...je suis contente que Jojo t’ait trouvée.

La jeune fille hocha doucement la tête. Convaincue par ce qu'elle disait.
— Comment l’expliquer, mmmh… : c’est un peu la même chose que pour Ophélia et Pépé.
Ils ont une petite part de folie douce, et avec toi... je crois qu’ils peuvent se sentir libres de l’exprimer. Tu ne vas pas moins les aimer pour ça... souvent, ça te fait même beaucoup rigoler !
(Même si Pépé exagère quand même un peu sur la question des lampadaires, ça oui...)

Astelle eut un sourire à la fois attendri et taquin.

— Je le sais, parce que moi aussi, je peux être un peu fofolle avec toi ! dit-elle en serrant la main de son amie dans la sienne. ...même si je ne suis pas encore tout à fait un pokémon.
Enfin, je crois. Tu veux lancer une Safari Ball, pour vérifier ?  

Après un clin d'oeil malicieux, Astelle s'arrêta quelques instants pour laisser passer un Blizzi un peu pataud. Tandis que le pokémon se traînait sous la chaleur, la jeune fille se pencha, et lui souffla doucement dessus, des fois que cela puisse l'encourager dans sa quête d'air frais.
— ...vous devriez vous chercher un petit coin d'ombre, cher monsieur-ou-madame Blizzi. dit-elle gentiment.

***

Après avoir cheminé ensemble quelques temps, les deux amies débouchèrent sur un grand espace vert.
C'était manifestement l'endroit qu'avait sélectionné Manon pour leurs exercices de la journée ! Sur un aussi grand terrain, on pouvait très certainement courir, mais aussi faire participer les pokémons à toutes sortes de jeux.
Quel dommage que ce gros paresseux de Mini-senpai dorme encore ! Mais c'était un signe qu'il avait besoin de repos, alors elle n'allait pas le réveiller.
— C’est spacieux, ici. Est-ce que tu voudras commencer par une séance d’étirements ? Si tu veux, je peux t’aider à t’assouplir ! Et vice-versa ! Et c'est très important. Il y a moins de risques de se faire mal ensuite, quand on procède correctement.
Même si de mon côté, je ne vais pas pouvoir me dépenser beaucoup-beaucoup… dit-elle tout bas, un petit peu à regret.

~ Demande de relance de Pokémon ~

Je ne suis pas la seule à avoir expérimentée le Safari. Astelle me raconte ses mésaventures, faut dire qu’elle n’a pas eu autant de chance que moi. Je reste attentive aux logorrhées de mon amie. Cette dernière me fait pouffer de rire à déblatérer et à être aussi expressive. La postière a quand même fini par attraper ce lapin, ce qui me donne très envie de le voir. Malheureusement, le pokémon n’est -pour l’instant- pas avec elle, je fais donc une moue d’enfant déçu. De toute façon, j’aurai d’autres occasions de le voir, c’est juste que la vilaine postière m’a foutu la hype.

Lorsque j’évoque Jojo à Astelle, cette dernière ne trouve pas les mots. Je peux comprendre la jeune fille n'est pas comportementaliste. La pauvre, j’ai l’air de l’avoir embarrassé avec ma question. Je zieute mon macaque un peu déconcertée. C’est là qu'il me fixe avec une de ces têtes, je vous le jure : ses yeux noirs sont tout globuleux et sa lèvre baveuse est rebroussée. J’éclate de rire. Jojo fait cette grimace lorsqu’il veut une friandise. Il a voulu imiter PP en levant les pattes avant en faisant les gros yeux.

« P’tain, tu verrais ta tête Jojo ... »

Évidemment, j’ai du mal à y résister, et il le sait. Je me dénoue un instant d’Astelle pour choper une pomme dans mon sac. Je la coupe en morceau avant d’en donner à mon singe puis à mon poulpe. Shyo n’a même pas besoin de quémander, j’ai l’impression qu’en toutes circonstances elle est bien. C’est bien mon premier pokémon facile à gérer, ça change la vie ! Le Ouistempo retourne dans les arbres tandis que Poulpaf revient se nicher dans mon cou. Je prends soin de la cacher dans mes cheveux avant de me tourner vers Astelle. À ce même moment, elle m’étonne.

« … Je suis contente que Jojo t’ait trouvée. »

Je lui demande ‘‘pourquoi ?’’ du regard. La jeune fille argumente ses dires par des compliments implicites qui me font bien rougir. Au fond de moi, je suis heureuse que l’amour inconditionnel que j’ai pour les autres se ressent. Ce n’est pas pour me vanter mais j’ai toujours pris soin d’accepter autrui tel qu’il est. Astelle esquisse un sourire réconfortant. On ne m’a jamais gratifié comme ça auparavant. Dans ma famille, la seule façon d’exprimer ce que l’on ressent c’est en faisant des reproches. Depuis que j’ai rencontré Astelle et toutes ces connaissances que j’ai pu croiser, je vois les choses autrement et j’ai d’avantage confiance en moi. Je vous le dis, plus jamais je rentre à Unys. Je donne la main à mon amie, un peu émue.

« Je le sais, parce que moi aussi, je peux être un peu fofolle avec toi ! ... même si je ne suis pas encore tout à fait un pokémon. Enfin, je crois. Tu veux lancer une Safari Ball, pour vérifier ? »

Je rigole à sa remarque avant de saisir une de mes balls. Je fais mine de la lui jeter mais je ne préfère pas le faire : qui sait si cela va l’assommer ou lui faire une grosse bosse sur la tête ?

Sur notre chemin, un Blizzi fait son apparition. Astelle interagit avec lui d’une façon si mignonne que je ne peux pas décoller mes yeux d’elle. Peu après, Ouistempo se ramène car nous arrivons dans la plaine.

Je pose mes affaires en prenant soin de dérouler ma carpette. Ma pote me fait la remarque :

« C’est spacieux, ici. Est-ce que tu voudras commencer par une séance d’étirements ?

- Oh mais oui, carrément !

- Si tu veux, je peux t’aider à t’assouplir ! Et vice-versa ! Et c'est très important. Il y a moins de risques de se faire mal ensuite, quand on procède correctement. »

Je hoche de la tête pour approuver sa proposition. J’ignore pourquoi je suis si enthousiaste à l’idée de m’échauffer avec elle. La postière m’indique tout de même à voix basse :

« Même si de mon côté, je ne vais pas pouvoir me dépenser beaucoup-beaucoup … »

J’étale bien mon tapis puis je martèle le sol pour que l'on puisse être à l'aise. Je m’assois sur mes genoux avant d’esquisser un sourire amical à la demoiselle.

« C’est pas un soucis ça ! Fais ce qui te fais le plus plaisir. J’suis là pour m’entraîner mais on est aussi là pour s’amuser et se détendre ! »

Je tapote le tapis en plantant mes yeux malicieux dans les siens.

« Vas y, tu peux poser tes fesses sur le tapis, c’est fait pour ! »

Je ricane pour décompresser l'atmosphère. Jojo est parti faire l'état des lieux tandis que Shyo commence déjà à s’échauffer. Elle est au taquet ! Le poulpe admire tendrement la postière, voulant à connaître les enchaînements. Je calme ma petite pieuvre le temps que l’on se pose et qu’on démarre.

Pendant ce temps, le bébé chimpanzé a les oreilles qui siffles. Des ronflements forts désagréables va  perturber la séance. Jojo part à la chasse aux parasites : il creuse, examine derrière les pierres et les hautes herbes dans l’espoir de dégoter le ronfleur. C’est en haut d’un jeune hêtre que dort paisiblement un Dodola. Ouistempo ne s’est pas attendu à cela, pensant rencontrer un monstre géant. Un peu trop sûr de lui, le singe vient secouer de toute ses forces la jeune pousse jusqu’à faire chuter le paresseux. S’en suit une bagarre violente qui va attirer l’attention des deux jeunes filles.

Je me précipite vers les lieux du crime, abandonnant momentanément Astelle. J’exige à Jojo d’arrêter tout de suite de griffer ce pauvre pokémon. Ce dernier m’est inconnu, attisant grandement ma curiosité.

« Pauvre chou, viens j’vais t’soigner mais avant ... »

Sans pression, je sors ma Safari Ball pour une première tentative de capture.

Modération:

Invitée à poser ses fesses sur le tapis, Astelle se débarrassa de son sac et de ses petits souliers. La motivation brillait dans ses yeux noisette.
L’échauffement, c’était important !
Plus encore pour deux dresseuses en voyage. Une dresseuse en voyage… la jeune fille avait envie de glousser tout bas quand elle s’imaginait ainsi.

Avant qu’Astelle ne soit autorisée à quitter la maison, sa maman avait pris grand soin de lui enseigner comment se maintenir en bonne condition physique.
Tai Chi, assouplissements et exercices respiratoires : la jeune fille en connaissait un rayon ! Quitte à laisser son petit trésor vadrouiller sur les routes, sa maman s’était assurée qu’elle ne risquait pas se blesser.

Aujourd’hui, Astelle était souple comme une baguette de bambou. Et si son physique n’était pas celui d’une grande sportive, elle était habituée à bouger, et elle avait du souffle. Elle s'imaginait donc tout à fait apte à superviser les étirements du petit groupe.

Regardant tour à tour Manon et Shyo, la petite postière s’éclaircit la gorge d’un « hum hum » qui avait un petit quelque chose de solennel.  
— La règle d’or, c’est de ne pas forcer, commença à expliquer Astelle à ses deux élèves improvisées. Les échauffements statiques ne sont pas idéaux. Le but, c’est de préparer le corps à bouger ! Alors préparez-vous à gigoter. Le cou est la plus grosse exception : on va chercher des mouvements lents et délibérés. Dans l’idéal, il faudrait même que ça soit un petit peu agréable.

Après leur avoir montré comment délicatement s'étirer les cervicales (en ronronnant discrètement), la petite coach-en-herbe attaqua la première étape de son menu. Astelle se laissa mollement tomber par-terre et commença à frétiller sur la carpette.

— Cet exercice s’appelle… La Trempette du Magicarpe !
Et effectivement, cet exercice portait bien son nom. La manière dont la jeune fille se tortillait rappelait un peu les tressautements mous (mais rythmés !) du pokémon susnommé.
— Ça a l’air rigolo, mais c’est un exercice très complet. Qui fait travailler des hanches jusqu’aux épaules. Et comme on imite un Magicarpe, on peut garder des gestes un peu moumous… flasques… pas trop énergiques… je suis un Magicarpe, après tout : j’ai pas beaucoup de tonus ! C’est bien pour commencer en douceur !

Elle leur montra ensuite la Danse du Simularbre, qui faisait travailler le tronc et les bras, et puis la Sieste de la Limonde, qui aidait réellement à développer sa souplesse. Shyo s’appropria le mouvement en un temps record, mais pour Manon, c’était plus compliqué. Astelle passa donc derrière son amie et appuya doucement sur son dos, pour l’aider à se rapprocher du sol.
— Est-ce que ça fait un petit peu mal ? En vrai, c’est le moment qui fait un peu mentir la règle d’or… avoua la jeune coach autoproclamée. Sur une échelle de 1 à 6, à combien est-ce que tu estimerais ton « ouille-ouille-ouille » actuellement ?

La jeune fille poussa progressivement plus fort, et continua de parler à l’oreille de Manon.
— Tu sais, tu as de la chance de ne pas être plus jeune. J’avais douze ans la première fois que j’ai fait la Sieste de Limonde, et ma maman s’est approchée exactement comme je l’ai fait avec toi, pour s’enquérir de mon état… sauf que tout ce qu’elle disait : c’était juste pour me distraire ! Et dès que j’ai relâché ma vigilance, elle s’est appuyée de tout son poids sur mon dos pour que je réussisse à faire le grand écart !

A demi-appuyée sur le dos de Manon, la jeune fille relâcha doucement la pression.
Non, elle n’allait pas soudainement appuyer de tout son poids ! Elle n’avait pas les connaissances de sa maman, et ne pouvait pas prendre ce genre de risque avec son amie !
…mais l’espace d’un instant, on aurait vraiment dit qu’elle allait le faire. Et son sourire malicieux ne contredisait en rien cette impression.

Laissant le temps à Manon de se remettre de ce petit moment de torture complice, Astelle se tourna vers Shyo pour superviser son entraînement. Le poképoulpe était une petite élève adorable, qui comprenait tout très vite. Elle avait manifestement le sport dans le sang ! Occupée à lui dispenser des conseils, la coach-en-herbe ne se rendit pas compte tout de suite qu’elles étaient observées.

A un jet de pierre de là, un Doduo qui se dégourdissait les pattes s’était arrêté pour admirer le spectacle. Quatre petits yeux ronds, signes d’une curiosité un peu benoîte, étaient posés sur Astelle et Shyo. Le pokéduo ne bougeait plus. Le regard fixe et indolent.  
— On a du public, Shyo. Tu veux faire la Bamboiselle avec moi ?

Assise en tailleur, Astelle appuya doucement le bout de ses doigts contre les gants du Poulpaf.
— On commence par de petits cercles. Une main après l’autre. L’important, c’est de ne pas oublier de faire jouer le poignet, et puis le coude, et finalement l’épaule.

La jeune fille et le poképoulpe gigotèrent mollement ensemble. Pour le moment, Shyo n'était pas bien sûre de la force qu'elle devait mettre dans ses tentacules. Astelle lui offrit un sourire encourageant, et l'aida progressivement à trouver le dosage qui lui convenait.
— Le but c’est d’imiter la souplesse du bambou, qui plie sous la tempête, mais ne brise pas…
…mais, honnêtement, je crois qu’un tentacule, c’est plus souple qu’un bambou ! dit-elle en riant.
C’est pas grave : prenons quand même bien soin d’échauffer tous tes petits muscles.

Les bras d’Astelle et les tentacules du pokémon dessinèrent de petits cercles concentriques ensemble. Pour bien exécuter cet exercice, le but du jeu était d’accompagner les mouvements de son partenaire, de manière à garder un geste fluide, mais la petite Shyo était tellement à l’écoute, et tellement souple, qu’elles y arrivèrent en l'affaire de deux ou trois petits essais.

— Maintenant, le plus difficile, admit Astelle à mi-voix, c’est de ne pas te sauter dessus pour te faire un groooooos câlin, tout en prétendant très sérieusement qu’il s’agit de la suite de l’exercice. Tu es si mignonne, Shyo !

***

La séance d'entraînement dut s'interrompre temporairement. Les ronflements d'un dormeur déterminé planèrent sur la plaine, et le petit Jojo s'était mis en tête de débusquer le paresseux. Une grosse dispute éclata, et Manon se leva en coup de vent pour partir chercher son pokésinge. Cette soudaineté prit un petit peu Astelle de court. Surtout que son amie avait de grandes jambes (de mannequin, se disait-elle avec une pointe de jalousie), quand elle, n'avait que de petites pattes de poképoulet (c'était un vieux monsieur grincheux à qui elle livrait le journal qui lui avait fait cette remarque).

C’est donc une Astelle en chaussettes, toujours accrochée au tentacule de Shyo, qui se leva afin de rattraper Manon. Le conflit ayant cependant cessé aussi vite qu’il avait commencé, la jeune fille garda ses distances. Sans faire de gestes brusques, afin de ne pas provoquer le Dodoala sauvage.
Comme à son habitude, la petite postière avait une potion dans son sac, et elle pourrait la lui administrer, si son amie parvenait à leur ramener le petit dormeur.

Patientant un petit peu en retrait, elle tenait donc le gant de boxe de Shyo comme on tiendrait la main à une petite enfant. Derrière elles, le Doduo à l’air un peu hagard, qui ne paraissait pas très dégourdi, continuait à simplement les suivre de son regard benêt.

~ Tentative de Capture sur le Doduo ~

Shyo a l’air d’avoir le béguin pour Astelle. Elle suit chacun de ses mouvements en prenant compte ses conseils.

« Maintenant, le plus difficile, c’est de ne pas te sauter dessus pour te faire un groooooos câlin, tout en prétendant très sérieusement qu’il s’agit de la suite de l’exercice. Tu es si mignonne, Shyo ! » avoue la postière à demi-mot.

Le Poulpaf la fixe un moment avec ses grands yeux azurs.  Le poulpe se galvanise aussitôt avant de sauter sur la stagiaire pour tendrement l’étreindre.
Pendant ce temps-là, je galère à bien tendre mes jambes. Je sens mon corps se raidir et mes membres chauffer. Ma souplesse me frustre terriblement mais c’est normal si je n’arrive pas à tendre mes gambettes, je ne fais pas tout le temps des exercices. Après l’interlude-Dodoala, je demanderai à ma pote les enchaînements que je peux pratiquer le matin.

***

Le pokémon ne se laisse pas attraper. Je tique de la langue en marmonnant un « Vas y là ... ». Je prends délicatement le koala dans mes bras avant de le ramener à notre petit camp. La brunette le soigne immédiatement mais la bête ne se réveille pas pour autant. Il a l’air de s’en foutre de s’être fait agressé, probablement trop crevé pour se révolter.

Je retente ma chance. En espérant que ce coup-ci soit la bonne.

Lorsque je regarde la demoiselle, j’aperçois non-loin un Doduo matant bêtement la scène. Sa vieille tête me lâche un rire. Je fais donc la remarque à Astelle :

« Eh, t’as vu l’piaf ? Y’m’fait trop rire avec ses p’tites têtes de linotte. »

Je le pointe du doigt avec un sourire à la fois moqueur et attendri. Le pokémon n’a pas l’air vilain, je l’inviterai bien à venir nous joindre.

Modération:

Sans ciller. Sans bouger. Sans respirer.
Doduo regardait.
...
Fixeeeeeeeeeement...

Administrant sa potion au Dodoala, Astelle avait un petit sourire gêné sur le visage.
Entre le petit paquet d'amour et de tentacules qui roucoulait contre sa joue, et le Doduo qui s'était rapproché (très près !) pour la contempler avec une patience infinie... elle n'avait plus beaucoup d'espace pour s'occuper du gros dormeur ! Ou pour respirer.

— Oui, ils sont très, très… zen, tous les deux, dit-elle en jetant un coup d’œil embarrassé au pokéduo. Ça oui…
Et c’était peu dire. On aurait pu se perdre dans les profondeurs de leur regard.

Est-ce qu'ils pensaient seulement à quelque chose ?
Il y avait ce grand vide dans leurs petits yeux noirs...

Astelle déglutit.

Et cette immobilité... cette tendance à ne bouger – très lentement – qu'une fois hors de son champ de vision...
La jeune fille ne l'avait même pas vu se rapprocher...

Elle se trémoussa, un peu inconfortable.

D'ailleurs, vu de loin, elle avait d'abord pensé à un accessoire de jardin.
Le genre en plastique qu'on installe sur le gazon...

Elle prit une grande inspiration.
— ...mais ils n'ont pas l'air méchants ! Je crois...
...probablement, vu qu'ils semblaient même dénués d'émotions.
Vides et vacants.

Au-delà du concept de bien et de mal.
Et au-delà du concept d'espace vital aussi, apparemment.

Toussotant poliment, elle s'adressa aux deux oiseaux.
— ...votre intérêt me touche beaucoup. Vraiment. Mais est-ce que vous voudriez bien vous reculer... juste un petit peu ?

Astelle plongea son regard dans les yeux de Doduo. Il y en avait quatre, alors ce n'était pas facile.
Le pokémon ne broncha pas. Sans ciller. Sans bouger. Sans respirer.

Pendant 26 secondes d'immobilité intense...
...puis, il fit docilement trois pas en arrière.  
 

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Poussant un petit soupir de soulagement, la jeune fille remercia le pokéduo d'une courbette polie.
Elle prit ensuite Shyo sur ses genoux (après lui avoir donné un gros bisou sur la frimousse), et attendit de voir comment Manon allait régler l'Affaire Dodoala.
— ...si tu veux le réveiller, tu peux tenter de lui chaparder son oreiller ! suggéra-t-elle en jouant avec les gants de l'adorable poképoulpe. Mais fais attention... moi, je distribue des coups de pied quand on me fait ce coup-là...

~ Deuxième tentative de capture sur le Doduo ~

Je ris doucement à la remarque d'Astelle. Cette dernière analyse tout comme moi le comportement du Doduo. Ma copine a l'air mal à l'aise mais moi ça me fait marrer. Je suis persuadée que ces deux-là sont fait pour être ensemble. J'imagine la postière trainée son espèce de gros dindon pendant ses livraisons, je paierai cher pour voir ça tant ça doit être drôle.

La petite dame interagit avec l'oiseau qui ne bronche pas. S'en suit un long échange de regard ne déclenchant aucun réaction chez le Doduo. Même pas un battement de cil, il se contente d'aspirer l'âme d'Astelle dans les profondeurs de ses pupilles.

De mon côté, j'ai fais la gueule quand le Dodoala s'est échappé. Il fait toujours mine de pioncer mais je sais qu'il joue avec mes nerfs. Pour le moment, il me reste 3 Safari Balls ; ça devrait suffire pour le choper.

« ... Si tu veux le réveiller, tu peux tenter de lui chaparder son oreiller ! Mais fais attention... moi, je distribue des coups de pied quand on me fait ce coup-là... »

J'hésite un instant à l'écouter. Je peux le faire mais mon petit doigt me dit que je ne devrais pas sous-estimer le pokémon. Puis, plus je l'énerve moins j'ai de chance de l’accueillir dans mon équipe. Je soupire bruyamment, contrariée.

« P'têt' la bouffe ça peut marcher, les pokémons ont du mal à y résister. »

Je trifouille dans mon sac pour saisir deux baies. L'une est un Maron -pouvant potentiellement réveiller le Dodoala-, l'autre une Pêcha beaucoup plus parfumé. Je les lui mets sous le nez. Je plante mon ongle dans le fruit pour que le jus jaillisse. La baie Maron se brise dans ma paume tandis que le jus de l'autre bec gicle sur le museau de l'animal. Le miracle se produit : le pokémon se trémousse légèrement, ouvrant ses lourdes paupières.

« Salut toi. » lui dis-je avec un timbre angélique.

J'attends tranquillement que le koala se réveille pour lui donner ma friandise. Il se jette sur la pêche, la dévorant comme un glouton avec des gestes lents. Le pokémon est tout pataud, difficile de se convaincre qu'il peut être agressif. Avec beaucoup de délicatesse, je l'intègre dans ma pokéball. Je n'ai pas l'habitude de me montrer aussi sage alors j'espère qu'il va rentrer avant que je ne perde patience.

Sans aucune race, Jojo chipe la baie Maron avant d'aller se planquer dans l'arbre du Dodoala. Ce singe a beau être mignon, il a un sacré culot.

Modération:

Un léger sourire aux lèvres, Astelle se laissa doucement tomber sur le flanc. Allongée, la joue reposant au creux de sa main, elle observait Manon aux prises avec le Dodoala. Et puis, elle étouffa un petit bâillement.

— A le voir si bien roupiller, il est en train de me donner sommeil à moi-aussi.

Ce n'était pas la seule raison. En vérité, la jeune stagiaire était un peu fatiguée ces jours-ci.
Chétive de constitution, elle ne s'adaptait pas très bien au quotidien très physique des facteurs de la Dracoposte.
Ses tournées matinales lui laissaient encore des courbatures, et puis...
...il y avait eu cette mésaventure au Manoir Hanté, en périphérie de la ville.

Elle ne l'avait pas dit à Manon, et depuis son arrivée au Safari, n'en avait parlé qu'à demi-mot, mais... après avoir fait sa visite médicale obligatoire – trois jours plus tôt –, le docteur l'avait mise tout net aux arrêts. Plus de travail physique pour la petite postière ! Le temps qu'elle se débarrasse de la fatigue accumulée tout au long de la semaine.
Alors, le matin, à la Dracoposte : elle triait des lettres. Elle apprenait à utiliser l'ordinateur pour stocker les données et pour communiquer avec les agents sur le terrain. C'était intéressant, mais...
...c'était un petit peu frustrant, aussi.

Le grand air lui manquait.

Comme sensible à sa mélancolie, Shyo vint délicatement se lover tout contre son cou, et Astelle accepta la présence du petit poképoulpe en gloussant.

— ...hihi, tu es toute moelleuse, Shyo... Fais attention, je pourrais bien me servir de toi comme oreiller !
La petite Poulpaf se tapota le torse de son gant de boxe, l'air de dire "ça ne me fait pas peur !".
Attendrie, la jeune fille la chatouilla délicatement entre les tentacules.

— ...ne me tente pas ! Je suis une horrible catcheuse de nuit. Coups de pied, coups de poing, prises de soumission : je retrouve mon édredon K.O. dans un petit coin de ma chambre tous les matins...!

Shyo mima une série de jabs de boxe et une esquive toute en ondulation frétillante.

— ...bon, juste un petit peu alors… murmura Astelle en passant délicatement ses bras autour du poképoulpe. …désolée Manon, je crois que Shyo et moi… on va t’abandonner lâchement avec le petit Dodoala… et partir dans le monde des rêves ensemble…

La respiration d’Astelle se fit rapidement plus profonde.
Pour la séance de sport… c’était un peu râpé.
Ceci dit, Shyo ne paraissait pas déçue, et avec son gant de boxe, elle tapota gentiment la petite joue ronde de la jeune fille.

***

Ne faites surtout attention pas à lui.
Doduo se contente d'observer.

J'y crois pas. Il n'a toujours pas cédé ? Le Dodoala me nargue : même pas un remerciement, un sourire, rien, il se remet à pioncer. J'échappe un soupire d'agacement. D'ailleurs, cet abruti donne sommeil à ma copine. Pour répondre à sa somnolence, j'empile deux vêtements pour improviser un oreiller.

« J'pourrais le rembourrer avec des feuilles, tu m'diras si ça te va. J'ai un gilet si tu veux te couvrir au cas-où ... »

Je détourne le regard, l'air de rien. Le pokémon rêveur a repéré de l'œil la couche avant de s'y nicher. Sans tendresse, je le saisis par la peau pour le dégager.

« Aah non, pas toi, tant que tu ne seras pas rentér là-d'dans, t'auras pas d'lit ! » je l'avertis en secouant une Safari Ball dans la main.

Pendant ce temps, Astelle flirte avec Shyo. Elles s'entendent si bien que je deviens presque jalouse de mon poulpe. C'est avec une certaine amertume que je m'exprime :

« Eh ben, vous vous entendez bien toutes les deux ! V'z'êtes bien partis pour roupiller toute l'aprem'. Hein Shyo ? »

Je plante mon regard taquin dans le sien. Je la charrie car on est censé bosser aujourd'hui. Il faut dire que je pourrais motiver les troupes mais leurs invitations à l'oisiveté me décourage.

Avant de les rejoindre, je ramène Jojo au camp. J'ai de la peine à l'obliger de descendre de son tronc mais je veux éviter les ennuis : vu son agressivité au près des autres pokémons, je ne lui fais pas confiance. Je tends mes bras vers lui en l'appelant. Le macaque est sacrément têtu. C'est moi où aujourd'hui on met ma patience à rude épreuve ? Je reviens vers le singe avec une friandise. Évidemment, ça l'a convaincu. Je le chope dans mes bras avant de le déposer près du tapis.

Le chimpanzé fait la grimace, visiblement mécontent de mon piège. J'exige avec fermeté qu'il reste ici. Pour lui, c'est beaucoup moins drôle de mater des gens entrain de s'endormir, ce qui n'est visiblement pas l'avis du Doduo. Ce dernier n'en perd pas une miette.

Le Ouistempo a donc trouvé une nouvelle occupation : interagir avec l'oiseau. Je crains son agressivité mais il ne se comporte pas ainsi : il poke le Doduo jusqu'à grimper sur son dos. Jojo s'extasie de voir son champ de vision s'élargir. J'angoisse à l'idée qu'il victimise le volatile mais que nenni : le macaque frappe dans les airs et non le piaf. Je pense que le chimpanzé est suffisamment intelligent pour savoir qu'il ne faut pas faire mal à son porteur au risque de se faire jarter.

Tout le monde semble serein sauf moi. Le Dodoala m'a contrarié et j'arrive pas à lâcher prise avec Jojo. Au lieu d'aller courir pour me défouler, je pose mes fesses sur le tapis en allumant une clope. Je zieute timidement la brunette avant de lui parler.

« Comment ça s'passe à ton boulot Astelle ? T'as l'air bien crevé, c'est pas de tout repos comme métier. »

Je tire longuement sur ma barrette de nicotine. Mon bras maintient mon buste pendant que j'étale mes jambes.

« En même temps si chacune de tes livraisons se passe comme celle de la dernière fois, tu m'étonnes que t'es fatiguée ! »

Je la contemple, le sourire tendre.

Modération:

"Vu sa tendance à végéter, Doduo aurait pu être de Type Plante.
Ayant autant de présence et de lucidité qu'une fougère, il ne faisait déjà plus qu'un avec la nature.

...pas étonnant que Jojo se sente à l'aise sur son dos."


***

Le détecteur d'Astelle capta des ondes de vilaine jalousie. Son doudou-Poulpaf dans les bras, la petite postière lança une menotte exploratrice à l'assaut de la carpette. A la recherche de la source du signal, elle arpenta le Mont Pantalon-Jogging, brava la Vallée du "Oh, c'est un peu mou ici", dépassa le Col du "Je n'ai pas la moindre idée de ce que je touche là", et au terme d'intrépides pérégrinations : elle rencontra finalement sa semblable.

Victorieuse, la jeune fille referma la main sur celle de son amie.
— Mmmmh... je voudrais des jambes plus longues, répondit-elle rêveusement. Comment tu as fait pour devenir si grande, Manon ? C'est le lait Meumeuh ? La soupe ? L'extrait de protéine de soja ? Les trois à la fois ? J'ai déjà essayé : c'est pas très bon.

Entendant son amie s'enquérir de son état, elle remua doucement.
La question la mettait un brin mal-à-l'aise, mais...
...Astelle n'était rien sinon honnête. De plus, elle avait la sensation de pouvoir lui parler de tout ça.
Elle espérait juste que Manon n'allait pas prendre ses problèmes pour elle.

— ...c'est assez nul, avoua-t-elle avec une petite moue boudeuse. On m'a envoyée voir le docteur après la livraison à la Maison Mystère... et je suis privée de sortie. L'avis médical a inquiété tout le monde.
J'ai dû les supplier de ne pas appeler mes parents pour tout leur raconter. A tous les coups, papa et maman seraient venus me chercher aussitôt...

La jeune fille ouvrit les yeux pour croiser le regard de son amie.
Il y avait de l'amertume dans sa voix. Et une intensité mesurée, qui couvait comme un feu sous la cendre.
— ...je ne vais même pas mal. Je ne suis pas blessée. Tout va bien. C'est juste que... c'est juste qu'il faut "faire attention".
Pfff, ç'aurait été un garçon, on lui aurait donné sa journée et on l'aurait l'attendu de pied ferme le lendemain matin. Mais apparemment, quand ça me concerne, "faire attention", ça veut dire : "ne plus rien faire du tout".

Elle ôta délicatement sa casquette pour dévoiler Mini-senpai, qui après avoir fait la grasse matinée, semblait doucement se réveiller. Ses petits yeux noirs encore embrumés de sommeil, il se tortillait poliment pour souhaiter le bonjour à l'assemblée.
La proximité de Shyo ne parut pas le surprendre outre-mesure... ou alors, c'était peut-être juste que le dragon mettait un point d'honneur à conserver une impeccable poker face en toute situation.

— ...il y a même un gros nul de responsable qui a suggéré de remplacer Mini-senpai par un partenaire pokémon plus costaud...
Le remplacer ! Comment on peut dire une chose pareille ? ...ce monsieur, je l'ai mordu.
— ...pyon ! ajouta Mini-senpai, qui y allait également de son petit commentaire médisant.

Je suis aigrie et blasée. Je fusille le Dodoala qui s'est, pour la quatrième fois, barré de la ball. Je prends une grande bouffée de fumée-qui-tue pour apaiser ma frustration avant de prendre le pokémon dans mes bras. Doucement, je lui offre des caresses ce qui contraste avec mon visage froid.

« T'as de la chance que ce mois-ci j'ai pas payé mon ticket. Mais sache que si tu me fais gaspiller cette visite gratuite, sache que tu vas te faire emmerder par le Ouistempo que tu vois là-bas. Alors, à toi de décider. »

Je ne sais pas si il pige un traître mot mais mon inconscient se sent plus serein à l'idée d'une nouvelle tentative de capture. Nous sommes limités à un pokémon attrapé au Safari, alors je refuse d'abandonner maintenant. Je saisis ma dernière Safariball avant d'y déposer un bécot : c'est le bisou de la chance. Enfin, je poke le petit nez du Dodoala avec la balle avant qu'il intègre celle-ci. Au point où j'en suis, je vais prier Dieu Arceus pour qu'il y reste.

Soudain, je sens la main de mon amie se poser sur la mienne. Son contact a comme dissipé tout l'aura négative qui m'a entouré.

« Je voudrais des jambes plus longues. Comment tu as fait pour devenir si grande, Manon ? C'est le lait Meumeuh ? La soupe ? L'extrait de protéine de soja ? Les trois à la fois ? J'ai déjà essayé : c'est pas très bon. »

Je pouffe de rire par l'inattendue de la question. Je gigote mes gambettes en remettant une mèche derrière mes cheveux.

« Ahah, ah bah ça ! J'pense que c'est d'famille, on est plutôt grande. Ma daronne fait 1m75 quand même. »

Je tire une latte, songeuse à mon tour. La demoiselle réagit à la question que je lui ai préalablement posé. Apparemment, après notre péripétie, elle a été privé de sortie car ses parents ont été soucieux de sa santé. Du coup, la voilà toute déprimée, contrariée par

« ... je ne vais même pas mal. Je ne suis pas blessée. Tout va bien. C'est juste que ... c'est juste qu'il faut "faire attention".

Je remarque que son entourage est très attentionnée à son égard. Ils s'angoissent pour elle : c'est bien, mais c'est trop. Je sens la brunette agacée par le fait qu'on ne la crois pas un minimum capable. Ok elle a 17 ans mais pour son âge, je la trouve très responsable et j'aurai aucun mal à la laisser dans la nature. J'ai toujours pensé que j'aurai aimé qu'on se fasse autant de soucie pour moi, mais le fait de ne pas avoir eu cette attention m'a permit de devenir une femme débrouillarde et indépendante. Avoir des mamans et papas poules, c'est assez oppressant.

Sur le moment, je ne réagis pas à sa plainte : je pense surtout qu'elle a besoin d'écoute et non pas de comparaison avec quelqu'un qui ne lui ressemble pas du tout — en l’occurrence, moi. Mon unique réponse a été une petite moue compatissante s'affichant sur mon visage.

Le Mini-senpai fait sa première apparition. Je le salue d'une voix suave en effleurant sa petite tête avec mon index.

« ... il y a même un gros nul de responsable qui a suggéré de remplacer Mini-senpai par un partenaire pokémon plus costaud ...

- QUOI ?! »

À sursauter aussi brusquement, j'ai risqué de réveiller Shyo et le pauvre serpent. Je m'excuse, embarrassée, avant d'être attentive à Astelle.

« Le remplacer ! Comment on peut dire une chose pareille ? ... ce monsieur, je l'ai mordu. »

J'ai eu un éclat de rire. Je l'imagine mordre comme un petit chien le gros nul de responsable, c'est une sacrée scène à voir. À sa place, j'aurai chassé cette mauvaise idée de mon esprit ! Je proteste face à cette décision.

« Nan mais c'est n'importe quoi ! Sérieux, ils s'attendaient à quoi au départ ? Il suffit d'être un peu patient et je suis sûre que Mini-Senpai va faire ses preuves ! Tu connais sa troisième évolution ? Moi j'te dis, ça sera la meilleure des mascottes ! »

Je tire une barre avant d'enchérir :

« Mais toi, pourquoi tu pourrais pas le garder ? En plus t'as d'autres pokémons donc tu t'y connais un minimum. »

Je consomme ma barrette de nicotine tel un feu consume les bûches. Jojo lui, s'amuse à manger les bestioles qui grignotent le Doduo.