Je cligne des yeux en suivant l'ancienne championne fée du regard – pas bien certain d'avoir compris. J'acquiesce simplement, par automatisme – boucle l'invitation dans un coin de mon esprit. Je ne suis pas à la hauteur et c'est la seule idée fixe – suffit de taper son nom à elle sur le réseau Dusk pour en apprendre plus sur son parcours et comprendre qu'elle n'est pas n'importe qui et qu'elle est terrifiante. Comme le champion ténèbres, à sa façon – ils ont tous les deux cette espèce d'aura de puissance glaçante, qui me pousse à me dérober de crainte de me ridiculiser. Ils ont de l'expérience – et l'on n'apprend jamais mieux qu'avec ceux qui nous surpassent, je sais – mais ils en ont trop. Trop pour que l'idée de me mesurer à eux, dans mon inexpérience infinie, ne soit pas totalement folle.
On en revient toujours au même refrain qu'on pose sur les mêmes accords fatigués ;
un jour, peut-être.

Les combats j'aime les regarder – du reste... Du reste, je ne suis pas certain d'avoir les épaules. Pas certain d'avoir l'audace, ni le courage. Pas certain d'en avoir vraiment envie – pas certain d'être assez bon perdant pour encaisser les défaites sans m'y briser.
Je soupire et détourne le regard, loin de Lise qui s'éloigne, loin de Flora et c'est mon épaule qui s'appuie doucement contre la sienne cette fois, loin de Yuna qui piaille trop et loin de...

Quoi ?

Je papillonne, mes yeux se décrochent des écrans qui affichent les combats à venir. Des noms familiers désormais, mais un seul me captive un peu plus que les autres – et celui de son adversaire, accolé à celui de mon... amie ?, m'intrigue sans trop que je comprenne pourquoi.
Bunji, c'était bien le colosse au Trépassable totalement barge ?

Je- euh, oui, ouais, je balbutie, toujours un rien perdu dans mes inquiétudes. À l'occasion, pourquoi pas ?

Est-ce qu'on aura seulement l'occasion de se revoir ?
Mon regard s'égare une seconde de trop sur ma voisine – s'en retourne sur les écrans et mon attention s'échappe des conversations, jusqu'au retour de Lise qui me ramène de force au présent. Je décale mes jambes, secoue la tête à ses excuses, lui adresse un sourire discret. Elle se réinstalle et j'hésite, me penche d'un rien avant d'oser.

... C'était sérieux ? Ta... Votre ? Je dois vouvoyer ? Bref, c'était sérieux, la proposition, tout à l'heure ?

Mais qu'est-ce que je fous ?

Sauvé par le gong, la voix de Kei s'élève, comme approche le début des hostilités, et je me redresse sur mon siège.

Bon courage vous deux ! J'dois encourager qui ?

Sourire léger, tête inclinée – mes yeux filent de l'un à l'autre, de Kei à Kiana, puis de Kiana à Kei, et je réalise combien ce match promet d'être intéressant.

Tension palpable dans l'arène et les estrades – l'ouverture des quarts de finale se fait en grandes pompes et l'extase des tribunes finit par me gagner tandis que le sol semble trembler (sous les pieds des supporters ou bien les sabots du Bourrinos, difficile à dire). Kiana commence fort – protection et attaque puissante qui ferait presque vrombir les murs (mais là encore, séisme ou hurlements d'une foule en délire, seul Arceus sait) mais le champion n'est pas en reste. Digne de sa réputation – digne de son rang. Ils conversent mais on n'entend rien – Kiana sourit et semble plus détendue qu'aux premières secondes, et même moi ça m'arrache un sourire (empathie oblige ; le noeud d'angoisse qui avait emmêlé deux-trois trucs dans mon ventre à lire le trac dans ses yeux et ses gestes se défait doucement à mesure qu'elle paraît prendre de l'assurance – toujours tamisée, on dirait, et je comprends ; ce doit être terrifiant d'affronter un champion qui n'a plus rien à prouver).
Je réalise un peu tard qu'il importe finalement peu de savoir qui perd ou qui gagne – il s'agit de donner le meilleur de soi-même, et d'apprendre de ses erreurs et des stratégies de l'adversaire. C'est le détail qui change la donne – réaliser qu'une défaite, tout compte fait, n'est pas si tragique.
(On ne relèvera pas la pause thermos – on est en plein tournoi ou en pause café ? – qui ne manque pas arracher un rire désabusé à la foule)
Et puis, Bourrinos tombe, Luxray prend la relève – Archéduc attaque puis Rikku reprend place dans l'arène, sous les cris d'extase de Yuna qui semble ne plus bien savoir qui encourager de ses deux amies (alors, elle encourage tout le monde… à sa façon).
Je demeure silencieux – simple spectateur de la foudre qui s'abat brusquement au centre du Colisée. Audacieux, mais pas suffisant – Rikku pare, et Yuna piaille. L'issue est de toute façon bouclée, et Kiana se résigne plutôt que d'infliger des dommages inutiles à son Pokémon qu'elle rappelle.
La foule salue le geste et les gradins tremblent dans une ovation qui semble ne plus s'arrêter – ici aussi on applaudit à tout rompre et
une part de moi me souffle va la voir tandis que tout le reste me retient (je ne la connais pas, ce n'est pas à moi d'agir ; on n'est pas amis en une heure ou deux, ce serait déplacé, ce…)

Le temps que je tergiverse, les deux combattants reviennent doucement, et l'arène est remise à plat, le sable vaguement égalisé pour les prochains dresseurs.

C'était bluffant !

J'adresse un sourire à Kiana – un peu hésitant, un peu pataud, j'hésite sur les mots à employer, demander ça va ? est-ce que ce serait téléphoné ?

T'as géré, Kiana ! Vous étiez superbes.

Mes yeux interrogent quand même en silence – tu tiens le coup ? J'ignore ce qu'on peut ressentir quand on perd un duel pareil – je n'y ai jamais été confronté. Je ne peux me fier qu'à ce qu'elle dégage, qu'à ce qui transparaît au travers de son sourire – des bribes sur lesquelles je ne m'attarde pas de crainte d'en déchiffrer plus qu'elle ne le voudrait.

On annonce les prochains participants, et toute mon attention est de nouveau captivée.
Hazel Hilton.
Petite chose rousse et toute menue, geek à lunettes plutôt craquante à sa façon – l'anonyme de la salle d'attente de l'unité psy de l'hôpital de Voltapolis, devenue la rivale idéale des bornes d'arcade. À peu près mon âge, je sais pas trop, j'arrive jamais à déchiffrer les années dans les traits des gens – je ne la connais qu'en esquisses brouillonnes peu détaillées, des détails saisis mais que je ne raccroche à rien. Des failles et des fêlures au dedans mais c'est comme moi – des sutures qui pètent mais personne ne voit les ravages de l'intérieur, le grand tableau au milieu des couleurs (délavées). Compréhension mutuelle mais jamais avouée.
En face d'elle, le colosse (tout est relatif – c'est pas purement physique mais c'est un truc qu'il dégage) du tout premier match. Bunji d'Izabe, ont une nouvelle fois annoncé les hauts-parleurs dans l'arène. Un type impressionnant – presque flippant. Il suinte la force de caractère et l'audace – il saurait faire trembler tous ceux qui exposent un peu trop leurs failles. Même moi, pourtant si loin malgré les premiers rangs occupés, j'étouffe – l'entrée en scène est glaçante et elle tord un truc en moi, me filerait presque un haut-le-coeur.
C'est quoi ce bordel ?
Même les gradins sont plongés dans un presque silence suffoquant – comme si tout le monde craignait d'avoir un mot plus haut que l'autre et d'attirer l'attention du dresseur ou de son Trépassable (au moins autant, sinon plus terrifiant encore que le type aux commandes).

Ce… C'est– C'est quoi, ça ?

D'ici, on devine le malaise imminent d'Hazel – déjà bien pâlotte, je mettrais ma main au feu qu'elle a encore perdu trois teintes. J'ai envie de vomir et je crois pas être le seul – des murmures angoissés s'élèvent dans la foule plutôt que les cris hystériques habituels. Et puis, les minutes s'égrènent, et doucement la violence tamisée ravive la flamme d'une foule avide – et je tremble tandis qu'à chaque inspiration les cris reprennent, les acclamations et les hurlements qui appellent au combat.
À la guerre aveugle.
Et la violence qui n'engendre que la violence – les coups pleuvent et l'affrontement est sans merci ; les hurlements dégénérés du Trépassable me font froid dans le dos et les cris d'Hazel qui ordonne transcendent l'ivresse des spectateurs affamés. Les cris d'effroi quand les Pokémons heurtent trop près des gradins se mêlent à ceux d'extase – qu'est-ce que…
Tape, bon sang, tape et même moi je n'entends plus rien d'autre, tape et fais voler en éclats ce putain de pâté de sable et mes ongles entament les paumes de mes mains, j'étouffe pour elle, j'étouffe pour Hazel – frappe, te laisse pas faire et…

... Il a fait quoi, là ?

Métalosse est immobile – endormi. Aucun ordre n'a été donné, et rien ne laisse deviner le moment précis où une capacité de statut a pu être lancée. C'est à n'y rien comprendre – et ma voix s'étrangle et je déglutis.
Putain de…
Des hurlements.
C'est la voix du type qui s'élève brusquement – une malasada vole en direction d'Hazel et le discours ne vient qu'en ponctuation. Je m'entends pantelant, comme si c'était moi en face de lui – et mes yeux se brouillent et mon attention doucement s'effiloche, un truc s'use et s'abîme à chaque fois qu'il parle et
putain, mais pourquoi l'arbitre n'intervient pas ?

Mais tu vas la fermer ta putain de grande gueule…

J'ai murmuré la voix rauque et qui tremble – ferme-la putain, tu connais rien de nos histoires, tu connais rien d'Hazel, tu sais pas comme tu la blesses tu sais pas comme on est rien parfois ; toi t'es grand toi t'es balèze, trois mois ou dix ans on s'en fout quand les blessures du dedans nous gardent enfant apeurés, gamins esseulés
ta gueule putain je voudrais gueuler mais moi je suis rendu muet – aveugle et sourd, les yeux clos tandis que les mots d'Hazel font écho, mais putain tu vas la fermer ta grande gueule et c'est comme si elle hurlait à ma place
(montre-lui, Hazel – montre-lui comme t'es grande toi aussi même si on est un peu pétés)
on n'est pas en sécurité, on n'est pas en sécurité, toi aussi tu le sais pas vrai puis j'entends plus rien.
J'entends plus rien.
Je ne veux plus rien entendre d'eux – de lui.
T'es peut-être pas un connard, Bunji d'Izabe, mais les intentions c'est pas ce qu'on retiendra d'un homme. T'avais pas le droit.

Je– Pardon, je reviens.

Je me lève brusquement, tâche de ne bousculer personne tandis que je m'extirpe de l'allée de sièges et que je dévale les escaliers pour rejoindre la sortie des coulisses – cette fois je ne me retiens pas, j'y arrive pas. Le combat fait rage à côté, et j'observe depuis l'arrière de l'arène – le destin déjà scellé, de tout ça j'en ai toujours la nausée.
Les Pokémon tombent – le sifflet résonne.

Je ne bouge pas – j'attends Hazel tandis qu'une gamine à casquette me rejoint. Je la calcule à peine – les bras croisés et la gorge nouée, la mâchoire serrée et les yeux embués.
(Lui aussi il voudrait bien lui dire, à Hazel,
à la petite guerrière rousse à l'enfant qui s'est brisée
à celle qu'on a jeté dans la fosse aux lions à la merci d'un Bunji d'Izabe
lui aussi il voudrait bien lui dire, à la petite Hazel,
d'une petite voix, comme il est fier d'elle.)

résumé ;
(parce que c'est très long mais Kei a dit qu'on devait avancer lmao)

▬ commentaire du match de kei vs kiana
▬ damien félicite les deux (mais ++ kiana) à leur retour dans les estrades
▬ il s'inquiète un peu de savoir comment kiana se sent suite à sa défaite mais il ose pas trop demander, juste que son empathie lui joue des tours donc voilà
▬ commentaire du match de bunji vs hazel
▬ empathie de damien again, il est aussi malade que si c'était lui qui se trouvait en face de bunji, il vit l'angoisse la terreur et la rage en écho à celles d'hazel comme si elles étaient siennes
▬ clairement pour lui ce type devrait être mis hors jeu, c'est pas legit à ses yeux qu'on autorise un truc pareil dans un match officiel but, ok
▬ et ce même si bunji avait de bonnes intentions, peu importe
▬ il finit par craquer et il quitte les estrades pour rejoindre les coulisses et y attendre hazel
▬ il croise astelle, du coup, mais la calcule pas vraiment, il est toujours dans sa bulle chaotique
▬ j'suis out pour un tour du coup hihi