Café du coin de Kishika. Seule assise à une table, Ombline a les yeux fermés et tente de respirer convenablement. Être ici lui donne la nausée. La gérante qui lui demande comment va sa famille, les clients qui la saluent et lui posent la même question. L’herboriste leur répond le plus aimablement possible mais intérieurement elle a envie de hurler. Elle ne supporte plus Kishika, sa famille, le ton mielleux des habitants, le paysage, sa maison. Elle ne supporte plus cet endroit et tous ceux qui y résident. Malgré tout, elle reste là assise et elle attend.

Elle attend l’arrivée de Jenna qu’elle est censée rencontrer sous peu. A dire vrai, Ombline est en avance, elle n’aime pas être ici mais elle préfère encore être ici que chez elle. Tout, plutôt que chez elle. C’est pour ça que ça fait déjà presque une heure qu’elle est là dans ce foutu café. Elle ne sait pas pourquoi elle a accepté de voir Jenna dans cet endroit. Ne pouvaient-elles pas choisir un autre endroit pour se rencontrer ?

Ombline soupire et essaye de faire retomber la pression. Elle n’en veut pas à Jenna. Elle n’a aucune raison de lui en vouloir. Non. A dire vrai, elle n’en veut à personne de ceux qui étaient présents à la centrale. Elle en veut aux autres. A la terre entière. A ceux qui lui ont menti toute sa vie. A ceux qui continuent de vivre comme si cet événement n’avait pas eu d’importance. Oui...La jeune femme est pleine d’une rancoeur qui semble sans limite.

Au bout d’un certain temps et alors qu’Ombline se retient d’envoyer balader tout le monde et de s’en aller, Jenna arrive enfin. La fermière ne lui en veut pas de n’arriver que maintenant, après tout, elle aurait attendu moins longtemps si elle était elle-même arrivée un peu plus tard, ou tout du moins à l’heure, plutôt que bien à l’avance comme elle l'a fait.

“Salut Jenna.”

Les deux femmes se saluent, un sourire crispé aux lèvres, la tension est palpable autant chez l’une que chez l’autre, peut-être pas pour les mêmes raisons cela dit. Toujours est-il que cette rencontre n’avait rien à voir avec les autres fois où elles s’étaient vues.

“Ne t’inquiète pas, je suis arrivée bien trop à l’avance de toute façon.”

La conversation retombe et le silence s’installe. Ni Jenna, ni Ombline ne semble réellement savoir quoi dire, quelle conversation mettre sur le tapis, quelle conversation éviter. Le genou de la blonde tressaute sous la table quelques instants avant de prendre une profonde inspiration et de se lancer.

“Je sais que...c’est un peu...débile comme question mais...comment tu vas ?”

La bombe était lâchée. Ombline redoute d’ailleurs la réponse mais elles ne se sont pas donné rendez-vous pour se regarder dans le blanc des yeux. Il faut bien avancer, un peu en tout cas.