La caisse à météore

Voilà la fin, mon cher magneti ! Et tu serais bien incapable de dire si cela te soulage – tout cela est bientôt terminé – ou si cela fait monter ton stress de deux crans encore – puisque tout se joue maintenant. Pauvre, pauvre petite créature ; c'est que tu commences à fatiguer. À être épuisé, même. Je dois te reconnaître cela, Magnet : tu t'es surpassé !

Ce qui n'est guère difficile, tu en conviendras ♪

Et puis, tu peux encore te ridiculiser. Je n'en doute pas et même, j'y crois pleinement ! Après tout, ton dresseur est actuellement ceinturé par un agent du chaos, et son véhicule est accolé à un Camérupt que l'on devine à bout et qui l'entraîne dans une valse superbe, un morceau de cette étrange cuisine s'étant enfoncé dans une de vos annexes... Tout semble mener à votre inéluctable défaite voire – oserais-je le dire ? – à l'homicide d'Elijah.

Mais pas en tant que victime. Hooo non ! Ne sens-tu pas son cœur s'emplir d'un gel implacable ? Son cerveau s'abandonner lentement à ses pulsions reptiliennes ? Ses yeux se voiler de ténèbres insondables ? À l'époque, quiconque osait poser sa main sur sa veste finissait le poignet tordu ; et à présent, malgré l'opportunité donnée d'en rester là, un singe enragé essaie publiquement de lui briser la colonne vertébrale... Il y a des choses qui ne se tolèrent pas, mon tendre Magnet. Des choses qui doivent connaître une mesure exemplaire. Radicale.

Il le frappera. Il se prépare déjà à le faire. Et, ô délicieuse injustice, il sera désigné populairement seul coupable de la rixe – lui, l'inconnu, le sombre antipathique, face au champion reconnu. C'est que tu ne comprendras jamais la force des apparences, innocente boule de fer, alors même que leur importance a forgé mon espèce ! Et puis, s'oser au tango si proche de la ligne d'arrivée ? Admets-le et apaise-toi : agir devient inutile, car vous avez perd-

*Gasp !* Quel est ce son abominable ? Toi, Magnet ; toi qui prends une étrange initiative – et guère l'une des plus agréables pour ton entourage ! D'un grincement dans les oreilles de ton dresseur, tu tentes de rediriger sa rage vers toi ; pour l'interrompre, pour qu'elle s'affaiblisse en perdant sa cible, pour qu'il revienne à la raison. Folie, ou génie ? Tu t'en moques. Tu n'as plus peur. C'est que tu as décidé une chose, pokémon : vous gagnerez. Ou du moins, tu feras tout pour. Alors que ton maître cède à sa nature profonde, tu transcendes la tienne... et ta détermination est sans failles.

Une première étape qui est un succès, puisque le Corbeau, après t'avoir jeté un regard assassin, se reconcentre sur la route – luttant contre la force de son adversaire pour rester en place. Mais la suite arrive, tu n'en as pas terminé ! Rassemblant tes dernières forces, tu projettes des bombes aimant sur ce qui lie vos deux bolides, profitant de la spécificité de l'attaque pour faire mouche malgré la folle danse qui les agitent. Encore un triomphe, puisque voilà le Corvaillus libéré !

Ho, vision miraculeuse : ton dresseur réagit au quart de tour – littéralement –, freine et braque en harmonie merveilleuse avec toi ! Enfin, vous voilà une digne équipe, liée par le respect et la confiance ! Il n'est plus d'esclave, il n'est plus de servant, mais deux complices synchronisés ! Ho, quel dommage que votre volant ne soit plus de la partie !

Et oui : forcer sur une composante déjà bien endommagée et ce, dans un moment critique ? Il n'en faut pas plus à mon vieil ami le Diable pour céder à la tentation ! Elijah n'en montre rien, cachant cette faille au public, mais il comprend bien qu'il ne contrôle plus sa direction... Et te le fait comprendre en un regard contrarié. Tu sais ce qu'il te reste à faire : stabiliser en aimantant aux bons endroits, aux bons moments. Oui, tu dois le faire, malgré ton énergie vidée, malgré tes cellules douloureuses, malgré les étincelles de fatigue qui t'échappent... Tu l'as promis, non ?

Et tu essaies, petit être. Tu donnes tout ce que tu as... mais en vain. Tu es trop faible. Trop ridicule. Trop incompétent. Jamais...

Jamais tu n'auras la force, seul, de protéger Rosie.

Mais pourquoi devrais-tu être solitaire, Magnet ?

Deux voix familières répondent à tes sombres pensées, chassent tes noires idées comme la flamme dans l'ombre. Jaillissant du public et fonçant à toute vitesse, baigné par la lumière se reflétant sur leur armure d'acier, deux héros s'offrent à ton regard : Lector et Rocky. Tes meilleurs amis, ceux que tu vois à chaque concert d'Electro, ceux à qui tu confies tous tes secrets, tes âmes frères ! Et leur vue suffit à t'emplir de courage et de force, à te rendre le souffle et l'ardeur !

Oui, amis, apprenez-le : un magneti n'est pas voué à la solitude. Sa nature est profondément sociable, et aucun dresseur ne pourra se dresser (hi hi) entre lui et ses proches. Le moment est venu, Magnet, et tu te sens enfin prêt : la tendre et insouciante enfance est terminée, le temps du magneti n'est plus ! Désormais, tu veux agir. Devenir. Servir. Protéger !

Et vous le ferez ensemble, Magneton !

Unissez vos aimants, fiers chevaliers de foudre ! Ne faites plus qu'un, pour devenir bien plus ! Vous qui étiez faibles, vous qui étiez fragiles, vous qui trembliez face au monde angoissant... Prouver à ces misérable âmes perdues qu'il n'existe aucune coïncidence, puisque puissance rime avec bromance !

A-t-on jamais vu aimant aussi glorieux ? Qui peut se targuer d'avoir connu trio plus impressionnant ? L'on racontera, trois mois plus tard encore, qu'un des spectateurs du dernier rang dû retenir sa montre d'acier pour ne pas la voir s'envoler ! Une chose est sûre, lecteur et lectrices : le Corbeau surpassera la tornade et s'arrachera à son étreinte, plus vif et fier que jamais !

Et cependant, il restait un obstacle. Une épine dans le dos. Un enquiquineur puisque, face à tel spectacle, je ne puis que retourner ma veste. Or, si la solidarité triompha de Newton, ce sera la solitude qui écrasera Bunji : en effet, notre triste sire favori a prévu un plan de secours, pour le cas où tu lui faillirais à allumer ses fameuses fusées ! Une torche de feu d'artifice, plus exactement.

Qu'il tient désormais en main. Qu'il allume de son briquet.

Et qu'il dirige vers l'agresseur.

PRECISIONS ET CLARIFICATION:

La caisse à météore

L'ancestrale loi du Talion a beau ne plus convaincre, elle a le mérite de rétablir l'équilibre ; et quand les adultes ne perdront chacun qu'un bras, l'enfant préfèrera s'engager dans une escalade qui, au vu de l'énorme canon qui fait face au corbeau, pourrait se révéler... mortelle. Diantre, pourrais-il décéder ici, au cœur de cette  course amicale ? Jeter un voile aussi tragique que spectaculaire sur ces festivités ? Me ferait-il réellement cet ultime plaisir, cette savoureuse œuvre de chaos que je n'osais plus espérer de sa part ? Et moi qui finissait par le croire dénué de tout potentiel - un peu à ton image, Magnet !

Et pourtant, une enquiqui- une brave âme vole à votre secours, déviant l'insoutenable fournaise par ses pouvoirs incommensurables. Sans attendre l'ordre (deviendrais-tu dangereusement autonome ?), tu ajoutes ton propre voile lumière pour soulager autant que faire se peut la mille fois supérieure Gardevoir - comme un paysan promu au rang d’écuyer, en quelque sorte - alors que Lector et Rocky, partageant tes connaissances et y ajoutant leur expertise, emploient cette danse-pluie enfin assimilée. Quelle fine équipe vous faites, vraiment...

Et tu t'en réjouirais si le regard noir d'Elijah ne vous foudroyait pas à l'instant même. Il n'apprécie guère tes nouvelles initiatives, car il a pour principe de garder ses outils sous contrôle ; et qu'il entrevoit avec mauvaise humeur la différence entre un pokémon et une arme mécanique. Serais-tu un électron libre, Magnet ? Finiras-tu par susciter mon intérêt pour d'autres raisons que les moqueries que j'ai plaisir à t'asséner ?

Ceci étant dit, la fin de la course s'annonce assez morne. Votre trio est épuisé, Elijah n'a a priori plus de tours dans son sac, il ne vous reste qu'à dévaler la pente, loin derrière les autres. Pour les tremplins et obstacles, rien de très compliqué, un bon coup de volant suffira.

Oui, mais... quel volant ?

Bonne chance, mon cher Corvaillus ! L'enjeu n'est désormais plus la victoire, mais la survie ; espérons que le système de freins puisse aider à diriger, que les multiples sécurités se révèlent suffisantes et que le bolide soit aussi solide que prévu !

Au vu de l'objectif réel de ton dresseur, c'est finalement là la dernière ligne droite la plus adaptée : son œuvre sera-t-elle à la hauteur de la publicité, aussi fiable et sécurisée qu'annoncé ? Son airbag manuel convaincra-t-il, le casque qu'il vient de mettre tiendra-t-il le coup ? Sa clientèle va-t-elle exploser...

Ou son véhicule s'en occupera-t-il ? ♪

PRECISIONS ET CLARIFICATION:

La caisse à météore

Joie ! Gloire ! Et, avant tout, richesse ! Le Corvaillus a bondi, cabriolé, roulé, frappé et, devant une foule au souffle retenu, a franchi la ligne d'arrivée ! Qu'importe le classement du pilote : l'artisan est victorieux, puisqu'il s'en sort avec quelques coups et un mal de tête pernicieux – qui lui est assez familier, pour d'autres raisons. Quelle publicité, mon cher Magnet, quel éclat ! Décidément, nul n'est jamais mieux servi que par soi-même. J'entends d'ici le tintement des pièces, le brouhaha d'une file de clients impatients, le doux son des outils de qualité...

Et les sirènes de police, puisque cette dernière s'invite à la fête. Comment peux-tu être surpris, Corbeau ? Tu as tourné le dos à ta meilleure alliée, la froide obscurité : tôt ou tard, tu t'en mordrais les doigts. Tu le sentais, tu le savais. Lâcher l'ombre pour la proie, quelle délicieuse inconscience...

Mais le pire, Elijah, le plus fou, le plus stupide, le plus fascinant... c'est que tu ne regrettes pas encore cette avancée dans la lumière. Tu es prêt à affronter ses torts, ses tourments, ses dangers incontrôlables. Combien de vie a-t-il brûlé, ce projecteur infâme, ce Judas qui désigne les cibles à ce que foule recèle de plus cruel ? Pour chaque client, combien de casseurs viendront dans ta boutique et dénonceront ton style, ton origine, tes relations, n'importe quel prétexte justifiant ton sacrifice à l'autel de leur violence ? Combien de mirages fera naître la lumière artificielle de la scène, combien de mythes saliront ton image ? Combien de ce savoureux chaos viendra bousculer ta vie, combien de spectacles m'offrira-t-il ?

Si au moins, tu faisais cela pour l'argent, pour assurer ta propre survie, par calcul mathématique ! Non, rien de tout cela. Cette folie, je la dois à la personne qui te hait comme nul ne t'a jamais haï, la seule qui éveille davantage en ton âme pourrie qu'une froide indifférence, le seul couteau capable d'atteindre non seulement ta chaire, mais aussi ton cœur. Loyce.

Et il s'agit là de la première raison pour laquelle j'en ferai mon amie ♪

Mais revenons à nos moutons, Corbeau ; ou plutôt, à nos chiens de berger. La police. Cette sirène familière qui t'évoque autant de nostalgie que de dégoût, comme un traditionnel shot d'alcool rance après une journée pourrie. La dernière institution par laquelle tu voulais être remarqué, le bris de ton serment de ne pas faire de vagues – bien malgré toi.

Pourtant, tu conserves ton sang-froid, comme toujours, et garde ton objectif en tête : ne pas être fiché, ne pas faire parler de toi outre-mer. Alors, tu descends tant bien que mal de ton véhicule, et tu attends. Tu sais qu'ils ne feront pas de différence, qu'ils vous arrêteront tous pour ordonner le chaos (ho, que je les hais !), qu'ils se feront ensuite les premiers juges de cette affaire brouillée en suivant leur instinct : le tout est de suivre le courant lorsqu'il est trop fort et, ensuite seulement, de nager vers la berge. Passer comme un courant d'air, et ne lutter que pour glisser vers la sortie et non la prison, par tes connaissances juridiques et le rappel que tu n'as rien fait de reprochable – rien qui ne tienne pas de la légitime défense, du moins.

Une policière arrive, et tu la laisses faire. Peut-être devrais-tu protester pour la forme, ou paraître surpris ; bref, cacher ta familiarité avec cette procédure. Tu as déjà tout du criminel, après tout... Mais tu n'as jamais été bon acteur. Alors, face à sa surprise méfiante, tu te contentes de désigner le champion d'arène de la tête et de constater :
 - Il est plus effrayant que vous.
Tu espères intégrer l'idée que tu es la victime de cette affaire, mais son visage reste de marbre. Heureusement, voilà une autre participante qui hurle, tente de passer entre vous deux, échappe à la tentative de capture, avant de se faire avoir à un pas de la liberté. La policière siffle entre ses dents, avant de reporter son attention sur toi. Ton regard descend vers les menottes, puis la regarde d'un air assez explicite : "suis-je réellement la personne à arrêter, ici ?".
 - Fermez-la.
Un ton sec. Celui d'une personne qui sait que tu as raison, mais qui attendra un contexte plus calme pour prendre cette décision.

Les choses ne se présentent pas si mal, finalement... Du moins, pour une course qui a inclus des fumigènes, une matière visqueuse, des fusées, du feu, de la lave, des tremblements de terre et des gels instantanés !