C’était de la folie. La vie de la magicienne avait changé du tout au tout. C’était ce qu’elle aimait se répéter constamment. Camille aimait s’imaginer que sa vie allait dans le bon sens et avait fait un immense pas en avant. Sa vie avec Iris, sa carrière, tout allait de l’avant. Elle avait vécu une expérience traumatisante mais elle guérissait. Les vacances, le voyage avec Iris, le dépaysement et cette autre rencontre avait rendu leur vie différente. Et les cauchemars étaient partis.

Mais les vacances avaient pris fin et il fallait retourner travailler pour gagner sa croute. Mais surtout, pour Camille il était temps de modifier sa garde-robe. La jeune femme frileuse avait tout préparer pour l’hiver mais n’avait rien de joli. Tout était pratique tout était chaud, mais rien n’était joli. Pour vivre à Windoria, on n’en demandait pas moins. Il faisait frais en été et froid au printemps et à l’automne. L’hiver en revanche faisait trembler même les rochers de froid. La maison d’Iris et de la magicienne était un peu plus au sud, en retrait de la ville, mais le froid n’en était que plus mordant lorsque le vent soufflait.

La femme aux cheveux noirs s’enroulait dans un gros pull, un gros manteau et de gros pantalons, les pieds fourrés dans des bottes épaisses. Mais elle n’avait rien de bien harmonieux. Elle vivait depuis peu chez son amie et avant, elle devait se contenter de peu d’espace, car elle n’avait pas de chez elle. Elle achetait des vêtements pour une saison et les revendait juste après pour en acheter des nouveaux pour la saison d’après. Une question de gestion de place.

Quoi qu’il en soit, elle devait acheter de quoi ne pas ressembler à un bibendum quand elle marche dans la rue et en soirée.

Dans un magasin de vêtements, la magicienne essayait de nouvelles tenues. Mais elle commençait à désespérer. Elle n’était convaincue par aucune, bien qu’elle lui aille bien. Elle n’arrivait pas à se décider. Elle essayait et réessayait les mêmes tenues. Elle avait un gros budget, mais pas illimité. Robe, pantalon, pull, jupe, T-shirts. Mais elle n’avait pas d’amies pour la conseiller. Elle n’en avait pas parler à Iris pour lui faire la surprise et Maya était bien trop loin. Et certainement occupé.

Quelque chose n'allait pas. Camille se demandait si elle n'avait pas pris trop de choses à essayer. Depuis qu'elle vivait seule, ou plutôt, sans ses parents, elle avait été incapable de trouver une méthode efficace pour s'acheter de beaux vêtements de ville. Les pratiques et ceux de spectacle ne posaient pas de problèmes. Pour les premiers, Camille choisissaient en fonction de ses besoins et pour les seconds, elle avait généralement une idée très précise en tête et si elle ne trouvait pas ce qu'elle voulait, elle achetait les tissus pour les coudre elle-même.

Mais pour les autres, c'était à chaque fois le même cirque. Elle prenait ce qu'elle trouvait jolie, ce qui lui plaisait, que ce soit les hauts et les bas, sans faire attention aux accords, puis une fois essayer, elle gardait ce qui était à sa taille, ce qui ne réduisait pas vraiment les nombres, et cherchait alors les bonnes combinaisons. Et c'était à ce moment-là que les choses se corsaient. Elle n'arrivait pas à se décider, à faire des choix de combinaison. Tout achetait aurait été une pure folie financière et elle n'avait pas assez de jour pour tout porter. Parfois elle trouvait un ensemble joli, mais elle ne voyait pas comment porter chaque élément séparément.

Cette fois, elle essayait une jupe, avec un gilet et un chemisier et se regarda avec horreur dans le miroir, après être sortie pour prendre du recul. Elle se demandait comme avait-elle pu penser que cet ensemble pouvait être possible. Les couleurs n'allaient pas ni le style. Elle commençait sérieusement à fatiguer et n'avait toujours rien choisi pour ses achats.

Soudain, une voix douce se fit entendre derrière elle. Camille sursauta et fit un peu bond en avant, portant une main à son cœur en se retournant. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'on lui parle et elle était très facilement surprise. Ce n'était pas faute de l'avoir vue s'approcher avec un grand sourire bienveillant. Camille avait cru que cette personne travaillait pour le magasin en entendant ses conseils, mais en réalité, elle n'avait pas d'indication de vendeur.

Elle regarda sa jupe et le pull en question puis l'inconnu avant de regarder de nouveau les vêtements. Elle prit le pull et le porta à sa taille, devant elle, pour regarder dans le miroir. Le mélange était vraiment bien, et Camille n'aurait pas pensé à le faire comme ça. Elle sourit à son conseiller inconnu et ce dernier lui proposa de prendre un pantalon taupe. Camille fit non de la tête à sa question. Elle n'en avait pas vu dans les rayons, en déambulant, ce qui ne voulait pas dire qu'il n'y en avait pas.

Elle hésita un moment, ne sachant pas trop quelle démarche suivre. Elle ferma les yeux et prit une grande inspiration. Elle souffla doucement, mais le calme ne revint pas. Alors elle recommença. Cette fois, elle allait un peu mieux. Elle rouvrit les yeux et regarda l'inconnu. Son courage s'envola de nouveau et elle dut reprendre une nouvelle inspiration. Elle posa lentement le pull, prit quelque chose dans sa veste, suspendu dans la cabine.

C'était un paquet de carte. Elle en présenta une, la main légèrement tremblante. On pouvait y lire :

Bonjour, je m'appelle Camille Gutenberg.

Elle saisit ensuite son téléphone.

Tu veux bien m'aider ? écrivit-elle.

Son cœur battait la chamade, à tout rompre dans sa poitrine. C'était une personne inconnue, qui était venue la voir spontanément, et Camille lui demandait de l'aider pour ses propres achats. Cette personne avait l'air très gentille et avait un charme remarquable. Son sourire plaisait énormément à Camille, mais elle aimait facilement les sourires. Quiconque qui lui souriait avec gentillesse ouvrait facilement le cœur de la magicienne. Mais en général, seuls les garçons lui faisait cet effet.

Mais ce qui faisait battre son cœur, était sa prise d'initiative. Prendre les devants avant d'échanger une phrase ou deux. Demander quelque chose d'aussi personnel et aussi vite à une inconnue était aussi incroyable. Camille était tellement timide.

Elle essayera la tenue suggérée et attendrait sa confirmation. Ce n'est pas que Camille n'avait aucun goût, bien au contraire. Mais avoir une approbation comptée beaucoup pour elle.

Marguerite, comme la fleur. Ce n’était pas une phrase très rassurante pour Camille. Elle connaissait une autre personne avec un nom de fleur, une personne qu’elle n’avait rencontrée qu’une seule fois brièvement mais qui avait réussi à terrifier l’impressionnable magicienne. Un regard glacial, une expression de dégoût et de mépris et cette nette impression d’envie de meurtre qui se dégageaient de la championne de glace au nom pourtant si doux avaient inspiré une profonde peur à Camille. Camille étant très peureuse.

Mais cette fleur-là avait l’air gentille, plus en adéquation avec ce qu’on attendait d’une fleur, de la douceur, de la beauté et cette impression de chaleur printanière. Marguerite était cependant un nom d’Ecremeuh, ne put s’empêcher de penser Camille, avant que cette pensée ne disparaisse aussi vite qu’elle était venue, sans laisser de trace.

En revanche, ce qui ne disparut pas rapidement ce fut le débat intérieur de Camille. Elle se demanda un instant si Marguerite était stupide ou si elle prenait Camille pour une idiote, à lui montrer une image de marguerite. La magicienne le va immédiatement le voilà d’un froncement de sourcil et d’une réponse.

Je sais ce que c’est une marguerite.

Elle enchaina rapidement avec sa demande d’aide, parce qu’il y avait trop de choix et que Camille avait quelques difficultés à choisir.

Après un nouvel essayage, la réaction de Marguerite était semblable à celle de Camille. Oui, c’était un bel ensemble et la retouche rendait l’ensemble moins strict et plus naturel. L’idée d’ajouter un accessoire était aussi présente dans l’esprit de Camille. Le collier n’était pas son objectif dans le magasin. Elle en avait bien assez chez elle, et beaucoup qu’elle n’avait pas payé.

En revanche, Camille manquait de ceinture. Ce n’était pas le genre de chose qu’elle récupérait facilement. Elle se contentait généralement d’une ou deux ceintures qu’elle avait depuis des temps immémoriaux.

Elle lança un regard interrogateur avant de se rendre vers un présentoir d’accessoire. Elle ne savait pas laquelle prendre et espérer que Marguerite ferait le choix pour elle. Prendre des décisions en dehors des spectacles n’était pas le point fort de Camille. Elle n’en avait pas tant que ça de points forts.

Le temps passait, Camille ne pouvait pas passer toute son après-midi dans un seul magasin. Elle se changea, prenant les articles qu’elle souhaitait acheter et se dirigea vers la caisse pour payer.

Tu veux bien rester avec moi ? Ecrivit-elle à Marguerite.

C’était ridicule si on n’y mettait pas le bon ton. Camille proposait juste à sa nouvele connaissance d’apprendre à se connaitre un peu plus et d’utiliser son avis pour plus d’achat.

Oui ! Marguerite avait compris ce que Camille attendait d’elle sans avoir besoin de perdre du temps à écrire un message. Même elle perdait parfois patience à devoir discuter par message et prendre plusieurs secondes à écrire une simple phrase. Mais il y a parfois des limites qu’on ne peut franchir facilement, aussi ridicule que ça puisse paraitre. Et dans le cas de Camille, le mur du son était infranchissable.

La compagne du moment l’aidait à choisir une ceinture. D’habitude solitaire, Camille profitait avec plaisir de cette présence qui l’aidait à prendre des décisions et si elle devait être honnête, prenait les décisions à la place de Camille. Elle n’avait pas vraiment l’occasion de profiter de ses amis de cette manière. Camille travaillait dans le spectacle, elle n’avait pas les mêmes horaires qu’Iris par exemple. D’autant plus que Camille passait beaucoup de temps à travailler ses spectacles pour qu’ils soient le mieux rôder possible. Si bien qu’elle s’accordait finalement assez peu de temps de loisir. Et ses moments ne tombaient pas souvent en même temps que ceux d’Iris ou de Maya.

Marguerite fit essayer des ceintures, des bijoux, des bracelets, barrettes, Tout ce qui semblait lui passer sous les doigts. Parfois c’était une réussite, souvent c’était juste amusant. Camille fit une petite sélection, et alla les payer, mais elle ne put résister à faire disparaitre un bracelet et une paire de boucles d’oreille. Sa dextérité de magicienne les fit s’évaporer sans que personne ne le remarque. C’était du vol, pur et simple, mais pas pour elle. Elle ne s’en rendait juste pas compte. C’était un instinct, une envie compulsive, un besoin. Elle s’en était rendu compte pour les boucles d’oreilles mais pas pour le bracelet. Cependant, elle ne se sentait pas coupable pour autant. Personne ne le verra et personne ne lui en voudra. C’était toujours comme ça. Elle se faisait plaisir sans blesser personne.

A la timide demande de Camille qui ne voulait pas si vite retourner à sa solitude, Marguerite répondit avec un enthousiasme un peu étrange. Tout ce que le cœur de Camille désirait de quoi ? C’était très étrange comme formulation et Camille regarda sa compagne en levant un sourcil perplexe. Ça faisait très maîtresse et esclave. Camille ne savait pas si elle trouvait ça amusant, agréable, bizarre, malaisant ou juste stupide. Puis d’un mouvement de main mentale, elle balayait les doutes et décida de profiter juste de cette rencontre. De cette personne d’accord pour subir sa présence silencieuse et ses difficultés de communication.

Et surtout pour le proposer à manger. Le regard de Camille s’illumina lorsque Marguerite évoqua la possibilité de prendre quelque chose à manger.

Une glace ?

Sans attendre d’autre réponse, Camille tira sa comparse vers le premier glacier venu avec force et enthousiasme. Elle arriva pour demander son péché mignon : une glace, trois boules : fraise, vanille, chocolat. Et elle attendit sa commande avec impatience, luttant pour ne pas la manger avant que Marguerite ne soit servit.

C’était ce qu’elle mangeait presque tout le temps et pourtant, elle ne s’en lassait pas et elle n’apprenait pas. Elle avala trois cuillères et fronçant les sourcils alors qu’un mal de crâne venait lui envahir le front à cause du froid. Et ça ne la ralentit pas pour autant.