Quelques visages s'étaient tournés dans ma direction avant, de faire mine de regarder ailleurs, fuyant ma trajectoire. Il semblerait que personne n'avait envie de se confronter à mon regard froid et hostile. Fort bien, je n'étais pas dans un état propice à la discussion. Ignorant mes blessures capricieuses, mes pansements déjà souillés et cet élan mauvais dans mon bras droit, je m'avançais péniblement dans ce rassemblement bruyant et inquiétant d'individus. Une fois le guichet de l'accueil du Centre Pokémon atteint, j'avais levé un bras et retiré lentement le tissu dans lequel j'avais soigneusement enveloppé l'objet ovale et coloré.
- « J'ai trouvé cet œuf dans la boue et les décombres après le glissement de terrain. J'ai cherché durant... des heures, je n'ai pas retrouvé ses parents ou son nid... » Expliquais-je en tendant ce que j'avais jusqu'ici protégé avec soin.
- « C'est un œuf de Pokémon... » Lança l'infirmière du centre, plus pour elle-même que pour moi. - « Cela va être difficile de l'identifier avant son éclosion. » Ajouta-t-elle en observant l’œuf de loin, restant sagement et droitement derrière le guichet. Elle ne... le prenait pas ?
- « Puis-je vous le confier ? » Demandais-je un peu confus, ne comprenant pas pourquoi elle semblait installer une barrière invicible entre elle et cet œuf abandonné ou perdu.
Je sais que je suis dans un sale état, ayant été au mauvais endroit au mauvais moment lorsque la catastrophe naturelle a frappée, mais il ne s'agissait pas de moi. Qu'importe de quoi j'ai l'air, c'est un centre Pokémon qui vient en aide à tout Pokémon en détresse et, même s'il n'était pas encore né, ce petit avait tout de même le droit d'obtenir de l'aide...
- « À vrai dire... Nous sommes actuellement débordés. Beaucoup de dresseurs et aide-soignants ne cessent d'arriver avec des Pokémon blessés par le glissement de terrain. Je suis navré de te demander ça mais... Tu es un dresseur, n'est-ce pas ? Tu dois être en mesure de garder cet œuf jusqu'à son éclosion. Une fois qu'il sera éclos, il sera plus facile de le rendre à ses congénères, car nous n'aurons plus aucun mal à l'identifier. »
Je venais de... Gentiement me faire remballer ? J'avais serré les dents et soupiré. Nul doute que la jeune femme avait saisi mon élan soudain d'hostilité. J'étais épuisé et blessé... Inutile de laisser mes émotions prendre le pas sur les règles de bonnes conduites à respecter lorsqu'on est en société.
- « Effectivement... Je comprends. Je vais faire de mon mieux. Désolé de vous avoir dérangé à un moment pareil. » Lâchais-je un peu tristement avant de me détourner.
Ce n'était pas bon... Autant abandonner l'oeuf de Pokémon dans un buisson en sortant du centre Pokémon, il aura probablement plus de chance de survie qu'avec moi... Je n'ai que deux mois de souvenirs et instinctivement, je suis assez confiant vis-à-vis de moi-même. Je suis parfaitement inapte à m'occuper d'un être vivant à naître. Tout ce que je sais du véritable moi, me vient du récit silencieux de ses cicatrices. Ce corps a vécu une vie de violence et de rejets. C'est bien loin de l'image d'un gentil éleveur attendant avec soin et sagesse qu'un petit Pokémon se décide à voir le jour pour la toute première fois... Certes, en me persuadant de ne pas en être capable et, en ne prenant même pas la peine d'essayer, je choisi le chemin le plus facile... C'est toujours plus facile de ne rien faire et d'en vouloir aux autres, après tout. J'ose même consoler mon égo en pensant déjà en avoir trop fait. J'ai passé des jours à garder cet œuf au chaud et à chercher les siens, mais ce fut en vain. J'avais échoué et, parce que je ne voulais pas condamner cet être à naître à la mort suite à mon incompétence, j'avais fini par prendre la route et trainer ma carcasse fatiguée jusqu'ici. J'étais en colère. En colère que la situation soit toujours la même, même après être venu chercher de l'aide. J'avais expiré par les narines, contenant ma mauvaise humeur tant bien que mal.
Mon regard bleu s'était subitement lever avant de se braquer sur un jeune homme au fond du centre Pokémon. Ce qu'il tenait dans ses mains venait d'attirer toute mon attention. Sans plus attendre, je m'étais avancé d'un pas déterminé vers la petite silhouette, jusqu'à ce qu'elle soit noyée par mon ombre. J'avais méchamment pris quelques instants pour juger le jeune homme face à moi, attardant mes yeux bleus indéchiffrables dans les siens, avant de finalement me décider à éclairer sa lanterne quant à mes attentions.
- « Dis... Ce que tu as dans les bras. C'est un œuf de Pokémon, n'est-ce pas ? »
« Oui... Oui, je sa– Non, c'est pas... Non. Nan. Ouais... Non mais, je sais pas, je... Mais maman ! Je te dis que je sais pas, genre... On nous a dit qu'on nous donnerait des infos... mais genre... Non... Oui, t'en fais pas... Je sais, mais... Non, maman, ça va, t'inquiète... Ils ont filé des couvertures... Ils vont nous proposer des hébergements d'urgence... J'imagine...Je crois... »
Je relève les yeux – la foule est si dense que je sens poindre au creux de ma poitrine ce nœud d'angoisse familier qui ne me quitte que rarement. Les gens arrivent en masse, leurs Pokémons blessés au creux des bras, l'air hagard ou inquiet, eux-mêmes écorchés. Les voix se couvrent les unes et les autres, chacun essaie de se faire entendre plus fort que son voisin ; par endroit, des altercations éclatent, fruits des tensions accumulées, de la panique difficilement refoulée. Dehors, la nuit est tombée, le froid mordant malgré la saison qui tiédit sans réchauffer tout à fait les sommets de Windoria. Les âmes égarées viennent chercher à l'intérieur du Centre Pokémon un peu de chaleur – ils n'y trouvent qu'une cohue désordonnée qui ne sait plus aligner ses priorités.
« Que– O– Oui, je t'écoute, maman, je... Ecoute, ça va aller, genre... Je te tiens au courant mais, euh, ah ! Je dois te laisser, on m'appelle au guichet ! Bisous, mam's ! »
Bouton pressé, portable rangé, long soupir échappé. C'était un mensonge éhonté – mais la communication durait déjà depuis douze minutes. Les mêmes inquiétudes en boucle, et puis les mêmes remontrances – comme si j'étais responsable de l'éboulement de terrain qui avait coupé la circulation entre Windoria et le reste du monde. Ma seule angoisse me suffit – le monde, et les bruits, les lumières trop vives, et d'entendre dehors les sirènes des pompiers à chaque fois qu'un nouveau véhicule est dépêché sur les lieux de l'éboulement. Tous ceux qui ne sont pas dans l'urgence ont les yeux rivés sur leur téléphone portable, les doigts branchés aux informations locales en direct. J'ai pas envie de savoir, moi – j'ai pas envie de savoir les ravages, dehors, les blessés ou même les morts. La curiosité morbide c'est pas mon fort ; l'attrait pour l'horrible qui les fait frissonner aurait plutôt tendance à me faire pleurer – parce que ma première pensée se tourne toujours vers ceux qui restent, ceux qu'on ampute au hasard, ceux qui doivent aller jusqu'au bout quand ceux qu'ils aiment s'en vont.
Je resserre contre moi la petite coquille chaude, et ça a quelque chose d'aussi terrifiant que réconfortant, de sentir la minuscule vit qui bat déjà là-dedans. On devrait déjà être à la maison, à l'heure qu'il est, et je serais plus serein – tout s'est joué à dix minutes près. J'ai trop traîné après avoir récupéré l’œuf des mains d'Hazel et, le temps que j'arrive, une partie de Windoria avait vu ses accès bloqués. Je soupire et je renverse la tête contre le mur dans mon dos – mon regard balaie une nouvelle fois les alentours et...
Euh. Il vient vers moi, ce type ? Tignasse sombre et regard fixe, démarche assurée, les vêtements saccagés, un œuf dans les bras, mais l'air pas très commode – je jette des coups d’œil à droite et à gauche, comme pour chercher un autre objectif plus honorable que moi mais, quand je regarde de nouveau droit devant, il est presque là. Un, deux, trois pas ; immobilisé face à moi, un rien trop près, et trop silencieux.
Euh... Salut ?
Aucun mot ne franchit la barrière de mes lèvres – je soutiens son regard, mais c'est peut-être plus parce que je ne parviens pas à me décrocher de ses reflets cérulés que par véritable audace. Je déglutis et je sens mon souffle qui s'alourdit – j'étouffe. Comme pris au piège, coincé entre le mur et un inconnu – tout un tas d'inconnus, partout. Incapable de battre en retraite.
« Dis... Ce que tu as dans les bras. C'est un œuf de Pokémon, n'est-ce pas ? »
... Quoi ? Je cligne des yeux, pris au dépourvu, puis les baisse sur l’œuf que je tiens – comme pour m'assurer qu'il est bien là, bien réel.
« Euh... Oui. Oui... Tu... Toi aussi, du coup...? »
Yeah, question très pertinente, Captain Obvious. J'inspire et c'est un peu tremblant – et c'est même pas sa faute à lui.
« Il y a... un problème ? T'as l'air... blessé ? L’œuf, ça va...? Je peux aider...? »
... Pourquoi je propose mon aide à un inconnu, déjà ?
« C'est... un œuf de quoi ? »
La curiosité l'emporte – mon regard s'est détaché du sien et dévore toutes les aspérités à la surface de la coquille qu'il tient. J'ai peut-être pas volé mon appartenance au Nova crew, finalement.
▬ c'est ti-par pour le coup d'un soir tant attendu ahahah ♡
Le coup d'un soir Sans la moindre gêne, sans le moindre tact, je scrutais de mon regard acéré le gringalet piégé dans mon ombre. S'il avait pu, probablement se serait-il fondu dans le mur, comme si cela pouvait suffire à m'échapper... Dans tes rêves, mon gaillard ! Sa carrure était fine et paresseuse, son teint étrangement blanc comme un linge, à contrario ses cheveux étaient sombres, mais le plus intéressant était son regard. Il était faussement vide. Loin d'y voir les sombres abysses que dissimulent l'océan, j'y apercevais une foule d'émotions fulgurantes et asticotantes.
- « Euh... Oui. Oui... Tu... Toi aussi, du coup...? »
J'avais arqué un sourcil.
- « Il y a... un problème ? T'as l'air... blessé ? L'œuf, ça va...? Je peux aider...? C'est... un œuf de quoi ? »
Cette fois-ci, j'avais froncé les sourcils. C'était le premier être humain dans le coin qui se souciait un tant soit peu de l'œuf que j'avais trouvé. C'était, un début comme un autre... Ce type, savait-il réellement s'occuper d'un œuf de Pokémon ? C'est qu'il ne semblait pas être le genre de nourrice fiable à qui on irait confier des êtres dont la vie ne tient qu'à un maigre fil de responsabilités et, succombant dès la maigre marge d'erreur franchit. Hum... Un sourire mordant s'était dessiné sur mes lèvres jusqu'ici fatiguées. J'avais aimé son regard lorsqu'il s'attarda sur l'objet ovale que je tenais dans ma triste main. Soudainement vivant et étincelant. Il me va, je le prends !
- « Je l'ignore. Mais, tu devrais faire l'affaire. En fait, ce n'est pas comme si j'avais l'embarras du choix... » Soupirais-je, presque déçu, le détachant de mon regard. - « Considère que j'accepte ton aide gracieusement proposée et totalement gratuite. »
D'un soudain retrait du bras, je l'avais libéré. J'avais porté mon œuf contre moi, tirant sur le côté de mon vêtement usé dans l'espoir de lui accorder un tant soit peu de chaleur. Maintenant que j'avais trouvé de l'aide, il était temps de décamper.
- « Quittons cet endroit... ça pue la désolation ici. Je ne tiens pas à être affecté par l'angoisse ambiante ! » Dis-je d'une voix beaucoup trop forte, m'attirant des regards contre lequels ma mauvaise humeur se heurta sans la moindre crainte. En réalité, c'était plus pour le gringalet que pour moi...
Je lui avais accordé quelques instants, de sorte à ce qu'il puisse rassembler ses affaires, si besoin était. Gentleman d'exception que je suis, je l'avais attrapé par le haut de son sac à dos, comme on récupère un bagage encombrant à l'aéroport, avant de le tirer à ma suite. Sans demander mon reste, j'avais quitté le désarroi du centre Pokémon. :copyright:️ 2981 12289 0
Damien Delaunay
Dresseur Nova, Champion d'Arène & Administrateur
Messages : 1289 Née le : 29/12/2002 Age : 21 Région : Hoenn Pokédollars : 763 Stardust : 4132 Stardust utilisés : 3405 Equipe pokemon : Aventure
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La vérité, c'est que je suis devenu Nova un peu par défaut – parce que maman l'est aussi, et que c'est plus simple comme ça. Au delà des fleurs, je l'ai toujours vue prendre soin des autres, des Pokémons comme des gens. Elle a un peu le syndrome de l'infirmière, maman – elle donne sans compter, elle panse toutes les plaies. Les hématomes aux corps et les bleus aux cœurs, elle est comme ça ; amoureuse du bonheur des autres, et heurtée par toutes leurs failles, abîmée par chacune de leurs larmes. Comme attirée par les choses un peu cassées qu'elle aime bien s'évertuer à réparer. Elle est comme ça – ivre de tout ce qu'elle imagine de beau chez les autres. J'en suis bien loin – je n'ai pas sa douceur, je n'ai pas son sourire, je n'ai pas ses doigts de fée ni son talent pour être aimée. Je n'ai pas ses mots ni ses gestes, je n'ai pas tout ce qui la rend belle et qui me manque à moi pour faire aussi bien qu'elle. Je ne suis qu'une pâle copie de tout ce qu'elle est – moi je ne m'enivre pas des beautés mais de toutes les fêlures, je m'abreuve de ce qui se fait de pire chez les hommes pour ne pas m'attendre à mieux, pour ne pas espérer plus haut que tout ce qu'ils ne seront jamais.
J'ai pas les yeux pour voir les merveilles qu'il faudrait dénicher pas le myocarde pour m'attarder sur les vivants comme il faudrait (moi, dans le leur, je n'essaie de déchiffrer que la violence et la laideur ; je sais mieux les apprivoiser).
Je n'ai, tout compte fait, d'un Nova, que la passion immuable qui me pousse à comprendre ce lien qui existe entre un dresseur et ses Pokémons. La tendresse je ne la connais qu'à leur égard, créatures aussi fascinantes que dangereuses – petites bestioles encore en coquilles qu'on tient entre nos bras et le tien m'intrigue plus que je ne voudrais bien le montrer (mais mon regard me trahit sûrement). Petites vies fragiles entre nos doigts…
« Je l'ignore. Mais, tu devrais faire l'affaire. En fait, ce n'est pas comme si j'avais l'embarras du choix... »
Faire l'affaire ?
« Considère que j'accepte ton aide gracieusement proposée et totalement gratuite. »
… J'ai proposé mon aide, moi ? Ah. Oui, possible – mais tu sais, c'était que de la politesse, un small talk comme un autre, du babillage sans grand intérêt, t'étais pas censé…
« Quittons cet endroit… ça pue la désolation ici. Je ne tiens pas à être affecté par l'angoisse ambiante ! »
Je m'étranglerais presque – mais tais-toi ! De ma main libre, je remonte le col de ma veste sur mon cou – c'est comme d'essayer de disparaître entre mes épaules crispées tandis que les regards alentours se portent dans notre direction. Surpris, ou agacés – comme je ne supporte pas de les croiser, je baisse les yeux. Ton bras n'est plus un rempart entre moi et le monde et je respire un peu – mais pas assez, pas suffisamment, moi aussi j'ai envie de me barrer tu sais. J'en peux plus de ces gens paumés, de ces gens perdus, de ces gens qui s'énervent et se disputent, j'en peux plus de leurs voix trop fortes et de leurs yeux mouillés. Ça pue la désolation, tu l'as dit.
« 'Kay. »
C'était qu'un murmure tandis que je me baissais pour récupérer à mes pieds mon sac à dos et le balancer sur mon épaule. D'un claquement de langue, j'attire toute l'attention de Rhapsodie qui s'était retrouvée capturée par ta présence – envahissante, faut bien l'avouer. Même pas le temps de me tourner que je me sens tiré en arrière – entraîné par une poigne pas bien décidé à me laisser m'échapper. La surprise me pousse à serrer plus fort l'œuf contre moi, d'un bras, tandis que l'autre débarrasse mon épaule du sac que je tiens à bout de bras – on passe de harnais à simple laisse, y'a du progrès.
« Hey, t'es complètement malade ! »
Je ne réalise à quel point l'air de la nuit est frais à Windoria que lorsque les portes automatiques du Centre Pokémon se referment dans notre dos et que la brise mord ma peau – fait remonter un frisson tout le long de mon dos. (Au moins, je respire enfin.)
« P'tain, ça caille… »
Tant bien que mal, je tire sur les bords de ma veste pour tenter de protéger la coquille des bourrasques glaciales. Je songe une seconde à la couverture encore soigneusement pliée, confiée par le Centre et enfouie dans mon sac, mais mes priorités s'alignent autrement, et mon attention se reporte sur toi. Vrai que t'es là.
« Ehh… T'es qui ? Et tu veux quoi, au juste ? J'suis censé t'aider pour quoi ? J'te connais même pas. »
Un peu plus distant qu'il le faudrait, peut-être – mais j'ai jamais vraiment aimé les gens, tu sais. (J'en suis pas tout à fait désolé.)
Le coup d'un soir Il m'avait traité de malade et, je n'avais opposé à ses paroles ni les miennes, ni même mes pensées. J'étais conscient qu'il y avait un problème. Soit le monde entier était malade et mourant, soit ma santé mentale était questionnable... Il me manquait bien trop de pièces pour assembler un tant soit peu le puzzle et, pouvoir réellement me porter un douloureux jugement. Ainsi, je préférais considéré que j'étais un intrus dans ce monde. Nous n'étions pas faits pour nous entendre, tout simplement. Tout comme j'étais incapable de comprendre le monde autour de moi, personne n'était en mesure de me comprendre. Qu'importe... Puisque j'étais en vie.
Le ciel s'était perdu dans un gris-bleu délavé, le décor s'était assombrit dans une pénombre dont la seule véritable couleur était le jaune-orangé faussement chaleureux que projetait les maisons, des magasins et autres quelques bâtiments. Une ombre de lumière qui ne rendait pas la neige plus chaleureuse pour autant. Windoria n'était chaleureuse que pour les visages familiers. Les étrangers comme moi, n'avait qu'à disparaître dans la nuit.
- « P'tain, ça caille... »
J'avais arqué un sourcil et froncé l'autre. Petite nature, va. Cela me donnait néanmoins une idée du temps qu'il avait passé à l'intérieur du centre Pokémon. S'était-il retrouvé bloqué ici par les derniers évènements ? Une possibilité comme une autre... J'avais alors remarqué que le Pokémon du centre nous avait suivi, ce qui en disait long sur à qui il appartenait. Son pelage parfaitement noir brillait au moindre pauvre éclat de lumière, ses anneaux étaient parfaitement tracés et son regard vif et observateur, semblaient chercher à percer mes réelles intentions. Je n'avais aucun doute quant au fait qu'il était fort. Néanmoins, nous n'avions aucun intérêt à être ennemis.
- « Ehh... T'es qui ? Et tu veux quoi, au juste ? J'suis censé t'aider pour quoi ? J'te connais même pas. »
J'avais inspiré l'air glacial par la bouche avant de l'expirer avec exaspération par les narines, tel un dragon annonçant son éveil, avec toute la gravité et l'ampleur que cela promettait.
- « Qu'importe qui je suis. Ce n'est pas ce qui importe. » Soufflais-je.
Je m'étais tourné vers lui, mon regard clair se plantant instinctivement dans le sien. Glacial, tranchant, agressif et moralisateur. Tout ce qu'un humain peut détester. Mais, ce n'était pas ce que j'étais. J'avais fermé les yeux un instant, les rouvrant ensuite pour trahir un instant mon véritable état d'âme. Mes yeux bleus quémandaient de l'aide plus que tout. Puis, j'avais attiré l'attention du jeune homme ailleurs. Courbant le dos pour cesser de dominer la carrure plus petite du jeune homme, j'avais dévoilé l’œuf au Pokémon sombre. Si le Pokémon ne pouvait comprendre toute la profondeur des mots que j'allais prononcés, il pouvait facilement en déduire mes intentions.
- « Ça. C'est ça qui importe. Je ne le connais pas. Tu ne le connais pas. Mais lui, ne connaitra jamais rien s'il meurt avant l'aube. » J'avais serré les dents et soufflé comme pour y chasser une colère que je refusais pour autant de lâcher. - « Parce que personne ne me connaît alors, personne estime qu'il est juste de venir en aider à l'oeuf que je transporte. Depuis quand la vie est-elle devenue si secondaire ? Qu'importe si je retourne à l'intérieur pour demander de l'aide, tout le monde est trop occupé avec sa petite personne. Quant à moi... »
À l'aide d'un seul doigt, j'avais tiré sur le gant recouvrant ma main libre, dévoilant quelque chose de triste et d'usé. Ma main n'avait rien de belle ou de tendre. Sa peau était dure et abimée, des cicatrices se révélaient à la pâle clarté, en dévoilant de plus en plus au fur et à mesure que je jouais à faire parcourir la lumière sur ma peau. C'était une main qui inspirait le travail et l'épreuve.
- « Mes mains ne servent pas à préserver la vie ou à prendre soin. Elles servent à casser, broyer, détruire. Elles sont parfaitement inutiles. Je suis inutile. » Soupirais-je avant de me redresser. - « Si tu ne souhaites pas m'aider moi alors, aide-le lui. » Terminais-je simplement.
Considérant que ce garçon ne m'aiderait probablement pas après une telle démonstration de lassitude envers le genre humain, je m'étais détourné de lui. J'étais trop fatigué et affaiblit pour lutter davantage. J'allais probablement échouer lamentablement et l'être dans cette curieuse prison allait probablement en payer le prix fort. Néanmoins, cela ne m'empêcherait pas de faire mon possible pour qu'il puisse voir l'aube. :copyright:️ 2981 12289 0
Damien Delaunay
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Un pas après l'autre, Rhapsodie s'approche de toi. Le cou tendu, les oreilles dressées, la gueule ouverte, il renifle l'air en direction de l'œuf que tu tiens au creux de tes mains, comme pour en identifier la nature. Puis, il recule dans ma direction, et moi je relève les yeux vers ton visage – je plonge au fond de tes prunelles comme tu m'observes, dans la pénombre rompue par le halo des lampadaires au dessus de nos têtes.
« Ça. C'est ça qui importe. Je ne le connais pas. Tu ne le connais pas. Mais lui, ne connaitra jamais rien s'il meurt avant l'aube. »
Mon regard glisse sur la surface de la coquille, une seconde, et je serre doucement la mienne contre moi. C'est si fragile, une vie, et même moi je suis terrifié au nom de celle qui pourrait ne jamais battre entre mes doigts. Et si je n'y arrivais pas ? Je jette un coup d'œil en direction des portes vitrées du Centre – les silhouettes sont agglutinées en une masse informe qui n'a pas de place pour les gens comme nous. Les gens qui, ce soir, ont d'autres priorités qu'eux-mêmes.
« Quant à moi... »
Et mes yeux suivent tes gestes, et mes prunelles accrochent tes mains, et comme tu parles les miennes se serrent doucement. Le froid mord mes phalanges abîmées par des coups donnés – écorchées par les heurts contre les murs. Les jointures blanchies par les cicatrices, les doigts fins du pianiste mais sans leur candeur immaculée. Mes mains aussi ont connu la violence, mais elles connaissaient déjà l'amour avant.
« Si tu ne souhaites pas m'aider moi alors, aide-le lui. »
Si tu ne souhaites pas m'aider moi... Si je suis fatigué des hommes, si je suis fatigué de leurs égoïsmes, de leurs ivresses, de leur bêtise ; si je suis las de leurs ennuis et de leurs tragédies – si je sais, moi aussi, comme l'humain n'est qu'une créature bête et étrange, et l'humanité un concept désuet qui les aide à se rassurer, (qui les cloisonne un peu plus dans leurs solitudes et leurs désintérêts) si je suis comme toi – usé et dépassé par leurs regards qui traversent sans voir.
J'esquisse un pas en avant.
« Eh, at– Attends ! »
Moi, je t'ai vu.
J'ai vu l'éclat dans tes yeux qui appelait à l'aide, j'ai vu les débris d'une vie aux contours flous dans les sillages de tes mains blessées, j'ai vu ce que les autres ont refusé d'observer et ces étincelles d'existence je n'ai jamais su leur résister.
« Je vais t'aider... Un murmure, un tremblement – une inspiration et, brusquement, la voix claire et assurée. Je vais t'aider. »
C'est inconscient, c'est déluré – d'emboîter le pas à un inconnu dont j'ignore tout jusqu'au nom dans les rues glaciales de Windoria. Les allées délaissées, les familles soigneusement rangées dans leurs petites boites chaleureuses et penchées sur leur dîner au coin du feu. Je lève la tête vers le ciel et j'inspire – mon souffle laisse échapper des volutes de buée condensée qui s'éparpille dans l'air. Je n'ai pas peur.
L'enseigne d'une supérette se dessine dans les ombres de la soirée qui s'étire, et je réalise brusquement que j'ignore tout de la suite – où est-ce qu'on va, comment, pourquoi ? Le soir est glacial et, tout ce que je sais, c'est qu'on a préféré abandonner derrière nous la chaleur réconfortante (quoique étouffante) du Centre Pokémon. Mais je me tais, tandis qu'on se glisse entre les portes coulissantes du commerce – le silence y est étrange, et comme forcé, malgré les âmes errantes qui sillonnent les rayons.
« …T'as fait une liste de courses, j'espère ? »
Ah, ah, ah.
(Un peu nerveux, peut-être, Damien ?)
▬ plop, j'espère que c'est good hruihr Tu peux faire avancer, considère que Damien achètera de quoi manger / boire, style sandwichs, chips, cannettes, whatever. ~
Le coup d'un soir Le froid cherchait un morceau de peau non chaudement dissimulait sous un vêtement afin de mordre, mais il ne trouva rien sur moi, à part quelques miettes de restes. D’autres étaient passé avant lui. J’étais bien trop fatigué et amoché pour réellement me soucier de si la température était plus agréable hier ou, il y a quelques heures. Le présent était tout ce qui m’importait, et je tenais contre moi une promesse pour demain. Je n’avais fait qu’un seul pas avant de l’entendre, ma botte s’enfonçant à peine dans la neige dans une série de craquements, que la voix du garçon m’avait immobilisée. J’avais jeté un regard par-dessus mon épaule. Comme je m’y attendais… Il n’était pas indifférent, qu’importe les mots froids qu’ils avaient brandis en guise de bouclier. Non, je ne l’avais pas trompé. Bien que je dois admettre qu’en temps de troubles, ma sincérité est une arme merveilleuse.
- « Je vais t'aider... » Ses paroles s’étaient perdues dans un courant d’air sifflant. J’allais simplement hocher la tête lorsque, brusquement… - « Je vais t'aider. »
J’avais écarquillé les yeux et entrouvert les lèvres avant, qu’elles ne se transforment en un sourire que l’épuisement rendait particulièrement doux. M’aider ? Un triste éclat traversa mes prunelles arides. J’avais presque envie de prendre ses mots au pied de la lettre, tant sa blanche détermination m’avait plu. Chassant l’illusion avant qu’elle ne s’installe, j’avais reporté mon attention sur l’œuf cachait du froid sous ma cape de fortune. Une chance pour toi de voir l’aube se lever.
- « Je compte sur toi. » Répondis-je tout bas au jeune homme.
J’avais réussi à trouver de l’aide… J’en étais rassuré, au point où sans le poids de la responsabilité et l’inquiétude dévorante qui l'accompagnait, mon état malheureux commençait à piquer. Qu’importe, j’étais accommodé à l’inconfort. Bien que le garçon ne semblait être qu’un gamin déboussolé comme un autre, son Pokémon semblait quant à lui me hurler le contraire. À côté de son dresseur, l’animal des ténèbres avait une allure si noble et si fière. Un contraste avec la mine faussement désintéressé, presque boudeuse, du garçon. Je n’avais rien de mieux sous la main, mais le doute ne m’habitait pas. Il était compétent. Après tout, je ne pouvais maintenant pas remettre en cause sa détermination et son dévouement, pas après avoir l'avoir entendu presque faire un serment. Son « Je vais t'aider » résonnait encore dans ma triste tête. Je m’étais dirigé d’un pas décidé vers la supérette, avant de réaliser, qu’effectivement, mon nouvel ami parlait. J’allais devoir moi aussi parler, encore...
- « …T'as fait une liste de courses, j'espère ? » Tenta-t-il.
J’avais arqué un sourcil et froncé l’autre. Moi qui étais constamment sous le seuil de la pauvreté, je n’avais jamais eu le loisir d’avoir assez d’achats à faire pour avoir le luxe d’en oublier… Parce qu’il semblait si fragile à enlacer son œuf contre lui de la sorte, je lui avais finalement répondu après une courte réflexion.
- « Ce ne sera pas long. Tu peux faire quelques achats de ton côté si tu veux... »
Parce que s’il comptait sur moi pour lui offrir un repas de remerciement digne de ce nom, son estomac allait nous faire part de son plus bel orchestre ce soir. J’avais à peine de quoi me nourrir correctement... On venait à peine de passer les portes automatiques de la supérette, que déjà...
- « Mais qui voici ? Akari le mercenaire ! » Lança une voix grasse.
Quel accueil. Il faisait aussi froid dehors que dedans.
- « En chair et en os. Enfin, ce qu’il en reste... » Murmurais-je, ne faisant aucun effort pour être entendu.
Il s’agissait du propriétaire de la supérette. C’était un petit homme à la carrure robuste, toujours posté derrière sa caisse à surveiller sans relâche ses caméras de surveillance. Nous n’étions pourtant pas foule, ce soir… Ah, pour le contexte. Cet homme me connaissait parce qu’avant de partir me faire défoncer la tronche dans les terres montagneuses et enneigées du coin, j’avais travaillé deux semaines dans ce magasin. Sans trop me soucier des rares fantômes errant entres les rayons, je m’étais dirigé vers un distributeur de boissons fraiches. J’avais utilisé mes plus grosses pièces pour faire tomber une première cannette, avant d’en insérer d’autres...
- « Dis moi Akari, ce glissement de terrain… Est-il vraiment naturel ? » Demanda le propriétaire de l’endroit.
Un bruit lourd, celui de la canette heurtant le toboggan de distribution plutôt que de s’y laisser glisser, cassa un faux silence. Mes yeux bleus s’étaient braqués comme des armes sur l’homme, hostiles. Qu’il n’ose même pas… J’avais récupéré mes deux boissons dans le bac à produits, offrant celle au lait et au melon à mon incubateur sur pattes. Mon visage en disait long sur mon embarras. C’était vraiment tout ce que je pouvais lui offrir… Habitué aux rayons, j’avais royalement ignoré le regard appuyé de l’homme en caisse, rejoignant sans plus attendre dans le rayon pour Pokémons. Dans la maigre sélection, j’avais attrapé le paquet bleu des croquettes préférées de Yukan. Le chiot avait bon être sauvage, cela ne l'empêchait pas d'avoir des goûts de luxe… C’est avec un certain air mauvais que j’avais vidé tout ce qu’il me restait de mon dernier salaire, déversant une montagne de petites pièces, sur le comptoir de la caisse. Dommage, le bougre d’homme était totalement désintéressé par ma misérable tentative de lui soutirer un soupire.
- « C’est quoi ça ? » Demanda-t-il en remarquant mon œuf.
- « Le repas de ce soir. » Grognais-je avec une certaine lassitude.
L’homme avait soupiré, lâchant un désespéré « Toi, alors... » avant de se mettre à conter mes pièces, faisant des petites tours pour y retrouver le compte. Soudainement soucieux, je m’étais retourné vers les caméras de surveillance pour y retrouver le garçon frileux et son compagnon à quatre pattes. Il faisait vraiment ses courses… Comme si de rien n'était... C’est lui, qui aurait bien eu besoin d’une liste. :copyright:️ 2981 12289 0
Damien Delaunay
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La voix qui nous accueille m'arrache un frisson proche du dégoût – on est loin, bien loin de l'accueil sinon chaleureux, au moins cordial qu'on impose généralement aux vendeurs. Mais l'enseigne est trop petite – le maître des lieux règne en terrain conquis, et visiblement ton visage ne lui est pas inconnu. Je me tais – ça ne me concerne pas – et mes yeux défilent sur les rayonnages sans rien accrocher. Ta voix n'est pas moins hostile – même sans vous observer je devine la tension palpable, ce quelque chose de désagréable qui électrifierait presque l'air qui nous entoure. Les provocations sont gratuites – m'arrachent des grimaces légères mais peu amènes. J'aime pas ces types – ceux qui se prennent pour les rois du monde, qui se croient intouchables, ceux qui s'éprennent d'un plein pouvoir qu'ils n'ont nulle part ailleurs qu'entre les quatre murs de leur gagne-pain misérable. Au diable, ces foutus rois de rien qui se croient seigneurs de tout.
Je me saisis de la canette que tu me tends – un « merci » murmuré à voix basse, surpris mais reconnaissant – avant de suivre Rhapsodie dans les rayons peu fréquentés. Je ne sais pas tout à fait ce qu'on vient chercher, ici, ni pourquoi – de quoi a-t-on besoin ? La réalisation me heurte brusquement : est-ce qu'on va passer la nuit dehors ? Je retrace le fil de nos conversations et je ne suis pas bien sûr – est-ce que tu me l'as dit ? Je te cherche du regard mais je ne te trouve pas – alors, j'improvise. Sandwichs bon marché (pas le premier prix, mais la sous-marque alternative ; le bail du pauvre mais on fait genre que pas trop), paquet de chips et sucreries.
Le passage en caisse est silencieux – le sourire poli et les yeux baissés, l'œuf dans un bras et la cargaison alimentaire dans l'autre. J'effleure ma carte sur le lecture, fourre le tout dans mon sac sans trop de cérémonie (pas l'œuf, hein – lui, il reste dans mes bras), puis murmure une salutation brève avant de m'éloigner – te rejoindre. Le froid de la nuit est un peu moins mordant, à croire que je commence à m'y habituer doucement.
« … C'était quoi, ça ? »
C'était qui, ce type ? C'était quoi, cette hostilité franche, ces railleries peu aimables ? C'était quoi ce délire, il s'est pris pour qui ? Tu lui as fait quoi ?
« T'as pas vraiment l'air de le porter dans ton cœur, ce type. Bon, tu m'diras, y'a l'air d'avoir de quoi… »
Enfin, peut-être bien que ça ne me concerne pas. Alors, au lieu de m'attarder sur la question, j'agite un peu mon sac pour attirer ton attention dessus, avant de le bazarder sur mon épaule.
« On devrait passer la nuit sans mourir de fin. Par contre, euh… Question ! »
Détail. Tout petit détail.
« … On la passe où, la nuit ? »
Si j'avais su… Si j'avais su, est-ce que je l'aurais tout de même suivi ? Sans doute. Peu importe ce qu'il aurait pu m'en coûter – je ne me sentais parfois vivre que dans l'expectative du danger. Soif d'adrénaline ou de quelque chose pour me ranimer – je suis de toute façon passé maître dans l'art de provoquer le risque. Alors, même si j'avais su, je l'aurais suivi comme je le suis – à l'aveugle, le cœur battant à mesure qu'on s'éloigne de la ville et de son cœur encore lumineux pour s'enfoncer dans les ténèbres de la périphérie alentours.
« … Attends… Tu veux dire que c'est là que tu dors ? Nulle part ? Dehors ? »
Sensation grisante et tamisée – je n'ai peur de rien, ce soir, sinon du froid de Windoria à la surface des coquilles encore fragiles.
Le coup d'un soir J'avais l'impression que le ciel s'était affreusement assombri depuis notre petit détour par la supérette. J'avais levé le nez vers le ciel, un voile d'un gris sale cachait jusqu'à la clarté argentée de la lune. J'avais soupiré face aux complicités qui pouvaient survenir à tout instant, le vent emportant la vapeur de mon souffle. Nous n'aurions peut-être pas le temps d'emprunter le chemin le plus sûr jusqu'au campement. Dès les premiers flocons, la température risquait de chuter de manière significative. Pas le choix, j'allais devoir emprunter un raccourci et traverser le territoire des Blizzarois...
- « C'était quoi, ça ? T'as pas vraiment l'air de le porter dans ton cœur, ce type. Bon, tu m'diras, y'a l'air d'avoir de quoi... »
Hum. La petite tension de routine du magasin devait lui paraître trouble. Je ne tenais pas à ce que le jeune homme prête une oreille trop attentive aux paroles du gérant concernant ma soi-disant implication dans le glissement de terrain alors, je lui avais donné les explications qu'il attendait.
- « Le gérant de la supérette est mon ancien employeur. Tu penses qu'il ne me porte pas dans son cœur ? » J'avais affiché un sourire en coin et arqué un sourcil. - « J'ai l'impression qu'avec moi, tout le monde réagit de la sorte. » Avais-je lâché, très peu sérieux. - « J'ai démissionné avant la fin de notre contrat, car on m'a fait une meilleure offre. Il n'a pas apprécié. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il m'a appelé « le mercenaire », ma façon de vivre s'apparente en tous points à celle d'un véritable mercenaire. Ah, j'en suis probablement un. »
Le crissement de la neige sous mes pas s'était d'abord fait lent et irrégulier puis, progressivement, s'était accéléré. J'avais calé mon rythme et ma cadence à la carrure fine et au caractère hésitant de mon nouvel ami. Le voyage ne s'annonçait pas bien long, mais je souhaitais raccourcir sa durée par précaution, sans risquer pour autant d'épuiser inutilement le garçon. J'avais encore besoin de lui. Le village et ses lumières artificielles s'étaient doucement fait discrets et silencieux dans notre ombre, jusqu'à disparaître totalement, avaler par le paysage enneigé que l'obscurité s'amusait à plonger dans des tons bleus-gris délavés.
J’aurais souhaité pouvoir éviter le territoire des Blizzarois, quitte à tripler notre promenade dans la neige, mais la fragilité des vies enfermées dans leur coquille respective me contraignait à la prudence. Sous mon vêtement, je savais l’œuf temporairement au chaud, du moins jusqu’au prochain caprice météorologique. Tel un sombre rapace, je voyais dans la catastrophe du glissement de terrain un certain avantage. Effectivement, il y avait très peu de chance que les Blizzis et Blizzarois aillent s’amuser à chasser quelques intrus insignifiants, frôlant naïvement leurs frontières, après un tel désastre… Ces Pokémons devaient s’être rassemblés vers le pied de la montagne, avec leurs petits. Et, si jamais ils venaient, malgré tout, à se confronter à nous... J’avais porté un regard lourd de sens sur le Pokémon sombre qui accompagnait le garçon. Pourrait-il faire l’affaire ? Non. J’avais chassé ce stratagème de mon esprit en secouant légèrement la tête de droite à gauche. Combattre la faune locale sur son propre terrain, avec la possibilité que la neige ou la grêle tombe, représentait un risque d’une stupidité aberrante. La fuite s’avérait être… Hum… Si seulement ce gringalet au regard de délinquant ne cherchait pas constamment à taper la discute avec moi… J’essayais de réfléchir et d’élaborer des plans pour éviter toute déplaisante nocturne, je n’avais pas spécialement envie de faire mon quart d'heure sociable du mois là, tout de suite. Puis vient sa dernière réplique, celle qui m’avait quelque peu tapé sur les nerfs…
- « ... Attends... Tu veux dire que c'est là que tu dors ? Nulle part ? Dehors ? » Osa l’imprudent.
Je m’étais subitement arrêté, un blanc silence était tombé avant, que je lui balance un regard glacial par-dessus mon épaule.
- « Effectivement, les gens qui n’ont pas d’endroit où rentrer, dorment là où ils peuvent… »
J’avais bruyamment soupiré, expulsant plus ma mauvaise humeur que l’air contenu dans mes poumons. Je m’y prenais de la mauvaise manière, et sa dernière phrase était probablement issue de la maladresse ou, d’une quelconque stratégie pour que je daigne enfin lui accorder de l’attention… Dans un cas comme dans l’autre, le fautif était mon impassibilité. Sortez le tapis rouge, le quart d'heure social du mois fait son entré.
- « Pardonne-moi... » Dis-je sérieusement en forçant un sourire, ce fut un échec. - « Je suis épuisé et à bout. C’est parfaitement légitime que tu ai quelques inquiétudes... » Surtout en suivant un inconnu armé, en pleine nuit, en direction de nulle part… - « Nous nous rendons à mon campement et spoiler, je ne l’ai pas installé sous la brise hivernale… Tu n’auras donc pas froid. Si je ne peux pas garantir le confort, je peux néanmoins t’assurer que tu y seras en sécurité. »
Puis, je m’étais retourné, offrant à nouveau au jeune homme vue sur mon dos, reprenant la marche comme si je venais de résoudre tous les problèmes du monde dans un bref effort de communication. Pouvons-nous réellement papoter en marchant, sans risquer de perdre en vitesse ? C’était jouable, le jeune homme devait assez s’inquiéter pour les œufs pour comprendre que nous ne pouvons pas nous attarder dans le froid. C’était maintenant à mon tour de faire un petit effort, d’être un semblant sociable, de gratter un peu cette glace qui s’était installée entre nous et ce, dès nos premiers échanges au centre Pokémon…
- « Au fait, comment s’appelle le beau gosse derrière ? » Demandais-je, ciblant le Pokémon noir aux anneaux bleus. :copyright:️ 2981 12289 0
Damien Delaunay
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J'inspire. J'expire. L'exhalaison répand dans l'air comme un nuage de buée fine qui se disperse et disparaît. Les flocons épars immaculés tourbillonnent du ciel et jusqu'au sol couvert d'une poudreuse qui crisse sous nos pas. Le manteau blanc étouffe les bruits du lointain, les bruits de la ville, à mesure qu'on s'en éloigne. J'imagine… J'imagine qu'il faudrait craindre, l'inconnu, la nuit, le vide et le risque. Il faudrait craindre les températures en chute libre, les flocons qui tombent de plus en plus vite et plus épais, craindre aussi le ciel qui s'assombrit, d'encre au dessus de nos tête et encore gris par delà les cimes. Il faudrait craindre tout ce que je ne sais pas, ces chemins qui n'en sont pas et qui nous entraînent loin – loin du monde et loin des hommes. Peut-être… Peut-être qu'un autre, à ma place, aurait peur. Peut-être que je suis doté d'un instinct de survie passablement dysfonctionnel. Dans ce silence-là, je n'éprouve qu'une sérénité étrange et déconcertante – sensation déroutante d'être là où l'on m'attend. Certitude inéluctable : je n'aurais été à ma place nulle part ailleurs qu'ici. Nulle part ailleurs que nulle part (précisément).
Ni tes intonations froides, ni ton regard brusquement hostile ne parviennent à émousser les rebords de la quiétude étrange qui m'anime – mais c'est peut-être de voir Rhapsodie paisible, les oreilles dressées et la démarche assurée qui me rassure (confiance aveugle accordée à son instinct animal). On se ressemble, lui et moi – et je devine dans ses gestes la même méfiance sans hostilité que celle qui m'habite quand j'avance à tes côtés. « Pardonne-moi… » Je secoue la tête, lentement. T'excuse pas. « Je suis épuisé et à bout. C’est parfaitement légitime que tu ai quelques inquiétudes… » T'as pas à te justifier mais je me tais, je baisse les yeux sur mes doigts engourdis par le froid et qui s'accrochent à la coquille comme à un trésor fragile – la métaphore n'est pas si éloignée de la réalité à vrai dire. Verront-ils jamais l'aube…
Je frissonne mais ta voix me ramène au présent et je relève la tête – qu'importe, je te suis. Peu de choses importent, en vérité, sinon l'objectif commun qui semble nous porter. Ces petites vies fragiles qui pourraient s'éteindre avant même le premier rayon du soleil… Et je me demande si c'est bien sensé, de craindre toujours plus pour d'autres existences que la mienne – cette bêtise provoquera bien ma perte un jour. J'imagine…
« Au fait, comment s’appelle le beau gosse derrière ? »
J'aurais presque pu trébucher sous la stupeur – si la neige à mes chevilles et l'œuf entre mes bras ne m'avaient pas forcé à mille précautions. Je cligne des yeux, saisis une seconde trop tard et me fend d'un rire léger – un peu bancal. Est-ce que…
« Ça dépend… Comment il s'appelle, le beau gosse devant ? »
Et mes prunelles, elles, ne te quittent pas. J'ai vraiment dit ça ? Brièvement, le palpitant tambourine – c'est la honte et l'anxiété soudaine mais j'inspire, respire ; c'est pourtant ce qu'il avait dit, se jeter à l'eau et constater qu'on n'est pas mort d'avoir osé. Je ricane et soupire, désabusé de ma propre audace qui se défile – je détourne le regard et reporte mon attention sur mon compagnon nocturne. « Rhapsodie. » Il relève la tête dans ma direction à l'entente de son nom, l'air curieux puis, comme je n'ajoute rien, il en revient à balayer le paysage des yeux, et j'en fais de même. Plus rien d'autre que des plaines et des bois à perte de vue. La neige, plus dense, forme un rideau gris qui dissimule l'horizon. La nuit nous engloutit tout entiers. Dans les thrillers ou les films d'horreur, c'est toujours à ce moment-là que l'un des personnages secondaires disparaît – jusqu'à ce qu'on retrouve sa dépouille au matin. L'idée, qui aurait probablement dû m'effrayer, ne m'arrache qu'un rictus presque amer. Soit…
Un regard en arrière, et puis rien qu'un souffle. « Pourquoi tu t'éloignes autant des villes ? » Curiosité sans détour – pas une once d'inquiétude, pas la moindre intonation de reproche. Deux iris dardés dans ta direction, et presque une autre question plus intime dans les interlignes – pourquoi tu t'éloignes autant des hommes ?
Le coup d'un soir Devant nous se dressait à perte de vue une étendue de neige fraîche où personne n'avait encore marché. Nous étions deux étrangers, presque des exilés, dans ce royaume à la terre recouvert d’une lumière mensongère. Le vol de papillons blancs venait d’entamer sa danse, apportant avec lui cette joie naïve que ressentent les hommes à la vue des premiers flocons. C’était si irréaliste, quand je m’y attardais, j’avais l’impression de rêver. Sauf que la réalité est telle que je suis tout simplement incapable d’attraper le moindre rêve. Je ne voyais en ce spectacle silencieux qu’un froid vorace, capable d’impitoyablement arracher toute vie. Et celles qu’on transportait innocemment contre nous, étaient exactement le genre de vie que la neige fauche en premier.
J’avais tenté quelque chose verbalement sans réellement attendre un retour de mon nouvel ami. Le garçon semblait néanmoins assez amusé ou… Rirait-il simplement de malaise ? Qu’importe. Je n’allais pas lui en tenir rigueur. Il avait fait l’effort de rire et, ça me suffisait. J’avais à nouveau focaliser mon attention droit devant moi, cherchant à percer la pénombre qui s’imposait de plus en plus et noyait le paysage dans un voile de neige.
- « Ça dépend… Comment il s'appelle, le beau gosse devant ? »
C’était comme sorti de nulle part.
Mon pied s’était enfoncé dans la neige d’une manière très instable. Je m’étais maladroitement immobilisé, comme piqué, me retournant à demi vers le jeune homme et son Pokémon sombre. Le regard écarquillé, la bouche figée dans un rictus incertain, j’avais tiré un sourire sur le coin de mes lèvres. C’était qu’il s’avérait moins ennuyeux que prévu… Surpris pour surpris, je n’avais pas su lui répondre tout de suite, ce qui avait laissé le temps à son soudain éclat d’être balayé et emporté par le vent. Et j’en étais subitement devenu malheureux.
- « Rhapsodie. » Avait-il lâché, défaitiste.
- « Rhapsodie… Je m’en souviendrais. » Répétais-je doucement. Je m’étais à nouveau tourné vers notre chemin invisible dans le champ enneigé, soupirant par les narines avant de jeter soudainement un regard taquin vers l’arrière, par-dessus mon épaule, ne dissimulant en rien mon sourire joueur. - « Le beau gosse devant, c’est… Akari ! Du moins, c’est le surnom qu’on lui donne. » J’avais alors passé une main aguicheuse dans mes cheveux pour dégager mon visage, offrant mon plus beau sourire carnassier. - « Et comment se nomme le charmant jeune homme derrière moi ? »
Je lui avais laissé tout le loisir de me surprendre par une réponse puis, parce que nous n'avions clairement pas la stupidité nécessaire pour rester immobile sous la neige en pleine nuit, notre insensée marche nocturne avait repris. De craquements en craquements, nos pas lourds dans une neige de plus en plus dense nous avaient amenés assez loin de la ville pour que nous puissions distinguer les formes sombres d'un tout autre paysage. J'avais froncé les sourcils en apercevant de mieux en mieux des ombres au lointain. Il s'agissait d'une immense forêt de conifères que deux montagnes, de tailles bien différentes, encerclaient. Nous n'étions plus très loin.
- « Pourquoi tu t'éloignes autant des villes ? » Demanda le garçon.
- « Tu choisis bien tes questions, dis donc… » Soupirais-je avec un petit sourire, appréciant et détestant à la fois la profondeur innocente de sa question. - « Si tu le veux bien, je te répondrais plus tard. » Parce que je n’avais tout simplement pas la réponse, là tout de suite. Cette interrogation méritait que je m’interroge longuement. En l’absence de souvenirs lointains, il était très difficile pour moi de répondre instantanément et naturellement à ce genre de questions… C’était comme si j’apprenais moi-même à me connaître et, cela ne faisait que quelques mois que je me côtoyais.
Le moment que je craignais le plus avait fini par arriver. Les flocons de neige s'étaient laissés entraîner par la folie du vent, se faisant secouer de part et d'autre dans la nuit, dansant avec fureur pour célébrer ce qui ne tarderait pas à devenir une véritable tempête. Nous étions en train de longer la forêt de grands cèdres pour atteindre le pied de la plus petite montagne, sans pour autant oser y mettre le pied, lorsqu'un bruit entre les arbres alerta tous mes sens. J'avais fait un bond en arrière, me plaçant devant mon compagnon de fortune. Le dos courbé et les jambes légèrement écartées, ma main libre avait trouvé le chemin de la poigne de ma dague, dissimulée sous mon lourd vêtement. Loin d'être un Blizzaroi ou même un Blizzi, c'était une espèce de petit chien qui avait quitté maladroitement sa cachette, trouvée sous les branches basses d'un brave conifère, se plaçant comme un prince devant moi dans le plus grand des calmes. J'avais abandonné ma posture défensive.
- « Ah... C'est juste cette petite merde de Yukan. » Murmurais-je tout bas.
Le chiot s’était alors mis à aboyer à tout-va, recouvrant avec irrespect le silence de la nuit à coups de « wanwan » incessants. J’avais frappé du pied dans la neige pour lui imposer le calme. Le Rocabot avait sursauté, se taisant durant quelques secondes, avant d’aboyer à nouveau, d’une façon plus indécente et énervée que précédemment. Mon mal de tête s’était amplifié par trois…
- « Je t’assure que c’est bien mon Pokémon... » Lançais-je au garçon derrière-moi. Avouons qu’un authentique Pokémon sauvage n’aurait jamais eu un comportement aussi grotesque. On n'allait pas passer toute la nuit là, à se faire hurler dessus par un petit cabot insolant, alors... - « Yukan… J’ai tes croquettes. »
Et la nuit avait retrouvé son trône de silence. Le chiot s'était assis, levant sa petite patte en signe de bonne conduite. Où était donc passé l'animal sauvage et irrespectueux qui me servait de Pokémon ? À qui appartenait ce bon toutou bien dressé ? J'étais bien trop fatigué pour ajouter quelque chose, même si enquiquiner le chiot était l'un de mes sports préférés, j'épargnais mon compagnon à fourrure. Pour le moment, du moins. Sans plus attendre, ignorant l'animal qui faisait le beau, je m'étais rapproché de la paroi rocheuse de la montagne, jusqu'à retrouver l'entrée d'une grotte, dont l'existence ne se remarquait que de très près.
L'entrée de la grotte était si étroite, que j'avais été contraint d'y faire passer mon sac en premier, le lançant doucement devant moi, avant de courber le dos et de me glisser à l'intérieur, prenant garde à n'exercer aucune pression malheureuse sur mon œuf. Le petit passage en ligne droite, entre des parois rocheuses glacées, donnait ensuite sur une large grotte où, du matériel était déjà installé et éparpillé. Les restes d'un feu de camp trônait au centre de l'endroit, alors que dans un coin, on pouvait y trouver un sac de couchage et quelques affaires oubliées et laissées en désordre, comme une carte encore ouverte et divers carnets de voyage. J'avais soupiré avec un immense soulagement. Nous étions arrivés au campement avant la tempête.
- « Je vais allumer un feu... » Soufflais-je à l'attention du jeune homme. :copyright:️ 2981 12289 0
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Ç'avait été une réponse simple – deux syllabes étouffées par la neige et les conifères environnants – ponctuée d'un sourire que j'espérais se suffire à lui-même. Dans d'autres circonstances, le charmant jeune homme que j(e n)'étais (pas) aurait sans doute improvisé un trait d'esprit pour relancer cet étrange petit jeu qui s'était immiscé entre nous l'espace d'une seconde ou deux. Mais l'heure était à d'autres préoccupations – à d'autres priorités. Alors, on avait repris la marche – un pas après l'autre, s'enfonçant chaque fois un peu plus dans la poudreuse à mesure que les couches s'épaississaient.
Et on marche encore quand d'autres interrogations me viennent – quand, grisé par le silence et la solitude, je me demande pourquoi. Il en a toujours été ainsi – j'aime comprendre ce qui m'entoure, et les gens qui évoluent autour de ma sphère qui me fait trembler chaque fois qu'on l'approche de trop près. Pourquoi – pourquoi les autres fonctionnent ainsi, et pourquoi le monde tourne comme ça. « Tu choisis bien tes questions, dis donc… » Je me fends d'un rire léger – toujours si peu audible. « Désolé. » J'ai pas un grand penchant pour le small talk. « Si tu le veux bien, je te répondrais plus tard. » Et je ne dis plus rien – mes prunelles t'effleurent mais seul mon silence te répond. Quand tu voudras.
Rhapsodie fraie péniblement son chemin entre les monticules de neige qui freine sa progression sans qu'il se laisse jamais distancer, et je garde sur lui – comme sur l'œuf – un œil attentif. C'est lui, plus que le craquement en lui-même, qui m'alerte d'une présence dans les bois qu'on longe depuis un moment désormais. Tu t'interposes mais je me glisse de côté – près de mon Noctali –, une main portée à la Pokéball d'Eden sur ma hanche. Je cherche à hauteur de taille ou de branche, mais c'est presque au sol que quelque chose s'anime – petit canidé café au lait qui s'ébroue dans la poudreuse et franchit la distance des bois jusqu'à toi. Aboiements ininterrompus, je grimace et mon regard défile de toi jusqu'à lui puis de lui jusqu'à toi tandis que mes épaules se relâchent. Qu'est-ce que c'est que ça ? Un Rocabot, oui, mais – Yukan, donc. Et ces aboiements qui ne cessent pas… « Je t’assure que c’est bien mon Pokémon… » J'étire un rictus, mon regard qui s'esquive et ma voix à peine audible. « Il est plus loquace que toi. » … Est-ce que je suis vraiment bien placé pour glisser ce genre de remarques ? Sans doute pas.
Rhapsodie garde ses distances avec l'autre quadrupède – sans doute trop agité pour lui, bien qu'il se soit brusquement apaisé à la l'annonce de son prochain repas – tandis que j'enfonce mes pas dans les tiens. Parcourant du regard la roche qui défile sous tes doigts, j'essaie de comprendre – jusqu'à ce que je devine la brèche. Discrète – de loin, elle n'avait eu l'air que d'une aspérité quelconque, une faille sans profondeur sur laquelle un simple passant ne se serait jamais attardé. De près… C'était la promesse d'une nuit protégés du blizzard qui n'allait pas tarder à faire rage.
Je t'imite et je laisse glisser mon sac à l'intérieur avant de me faufiler par la mince ouverture, multipliant les précautions prises pour ne pas abîmer l'œuf entre mes bras. Rhapsodie hésite, brièvement, puis il bondit à ma suite et ses griffes éraflent la pierre sur laquelle il se réceptionne. Les muscles bandés et les oreilles dressées, alerte, il observe, tout comme moi, l'endroit où il a atterrit. Rudimentaire – c'est le premier mot qui me vient à l'esprit lorsque je constate le matériel disposé dans la crevasse qui nous abrite. « Je vais allumer un feu… » Je hoche la tête et mes yeux reviennent se poser sur toi – sur la coquille fragile que tu n'as pas lâchée. J'ouvre la bouche et la referme – bascule mon poids d'un pied sur l'autre et puis m'avance, mon bras libre tendu en avant. « Tu peux me le confier. » J'en prendrai soin et c'est peut-être ma seule certitude. Je n'abîmerai pas ces vies avant qu'elles n'aient éclos. Je m'installe à même le sol, pierre froide dans le dos et coquilles blotties sous ma veste et entre mes bras – peu importe le froid sur moi tant qu'il ne les atteint pas.
Rhapsodie s'est approché du Rocabot, cou tendu et l'air curieux – la gueule ouverte, de nouveau, pour humer l'odeur de la bestiole qu'il avait probablement déjà sentie sur toi bien avant. « Tu l'as rencontré comment ? Yukan. » J'admets : je t'imaginais pas forcément assorti d'une bestiole aussi mignonne – quoique son évolution en jette. Je m'agite, rien qu'un peu, à la recherche d'un confort envoyé aux oubliettes. « C'est pas trop mal pour un premier rencard… Pourvu qu'on aime la jouer un peu sauvage. » Rictus appuyé. Ça t'avait manqué ?
Le coup d'un soirMaintenant que nous n’étions plus deux âmes vagabondes errant dans les rafales ininterrompues d’une tempête naissante, je pouvais parfaitement entendre le bruit sauvage du vent. C’était comme s’il luttait, martelant mon refuge, pour m’y déloger. Entre ces murs, j’éprouvais un sentiment de piège. Comme un océan qu’on aurait transformé en lac, j’ai toujours ressenti une certaine nostalgie à l’approche d’une tempête. L’impression que ma place était au cœur même du cataclysme ne me quittait jamais. Mais lui, ce garçon… Sa place était ici.
Je m’étais dirigé vers ma réserve de bois sec, concluant en un seul regard que j’allais devoir alimenter le feu au petit matin, à moins de le nourrir de mes carnets de voyage… Je préférais encore braver le vent glacial et le tombeau de neige qu’il préparait en secret. Ces vulgaires calepins à la couverture déjà usés étaient pour moi un réconfort, une garantie. Mon regard bleu s’était posé sur ce qu’il restait du feu de camp précédent, cendres et souvenirs, avant de s’élever jusqu’à la fine ouverture creusée dans la roche, là où je pouvais vaguement apercevoir les bourrasques blanches et par où la fumée du feu allait fuir.
Damien, car s’était ainsi qu’il s’appelait, s’était rapproché, trop prêt de moi pour ne pas vouloir quelque chose. Je m’étais lentement tourné vers lui, lui murmurant de mon regard bleu que j’étais prêt à accueillir sa demande. À la main qu’il avait tendue, j’avais compris qu’il ne souhaitait que me débarrasser de mon fardeau.
- « Tu peux me le confier. »
- « Je compte sur toi. »
Avec une lenteur presque douce, je lui avais cédé l’œuf. Loin d’être inquiet, c’était plutôt l’inverse. J’étais soulagé qu’il soit enfin entre de bonnes-mains. Laissant le jeune homme se reposer, j’avais profité d’avoir les bras libres pour retirer mon lourd vêtement usé, le jetant simplement sur le côté. Tout en surveillant du coin de l’œil que Yukan ne se fasse pas dévorer par Rhapsodie, j’avais commencé à placer du bois dans le trou encerclé de grosses pierres, préparant le feu dont notre survie, cette nuit, allait dépendre. Si nous étions à l’abri du vent, nous n’étions pas pour autant protéger de la chute brutale de température que le déchaînement du ciel allait laisser derrière lui.
- « Tu l'as rencontré comment ? Yukan. »
J’avais alors relevé mon visage vers lui. Juste un court instant.
- « J’étais perdu dans les bois en pleine nuit. J’étais perdu dans toute la profondeur du mot. Il se trouve que Yukan aussi, était perdu. Peut-être qu’en se rencontrant, nous avons tous les deux réalisé que celui qui combat peut perdre, mais que celui qui ne combat pas, a déjà perdu… Ainsi, nous avons décidé que nous n’étions plus perdus. Nous avons choisi de combattre… Mais, je m’égare probablement dans le fil de mes pensées. » J’avais soupiré par les narines. - « Cela dit, un chiot reste un chiot… Après notre rencontre dans les bois, il m’a suivi sans relâche, qu’importe où j’allais, il était toujours derrière moi. Il me suivait, encore et encore… Même en quittant des endroits en empruntant la porte de derrière ou une fenêtre plutôt que la porte d’entrée pour m’enfuir, Yukan s’élançait toujours en quatrième vitesse après moi, me rattrapant pour m’aboyer dessus sans relâche… Malgré moi, il a fini par trop faire parti de mon quotidien pour que je le laisse derrière. »
Conscient qu’il faisait trop froid pour que le feu prenne convenablement sur du bois entier, j’avais arraché quelques pages vierges d’un de mes carnets de voyage. Un sacrifice que j’estimais maigre et nécessaire. Loin de dégainer un briquet ou des allumettes, j’avais sorti ces deux pierres que je trimballais sur moi depuis mon départ de Kishika. Contrairement aux outils moins rudimentaires, ni la pluie, ni le temps ne pouvait réellement les user. Des valeurs sûres, telles des amies fidèles. Je frappais les deux pierres entre elles dans une série de frottement brutaux pour les oreilles sensibles, lorsque Damien s’était permis de faire renaître notre petit jeu de ses cendres. Au même moment, des étincelles avaient jailli de l'impact des pierres pour aller grignoter sagement le papier, se gavant jusqu’à s’attaquer aux morceaux de bois. Le feu était allumé.
- « C'est pas trop mal pour un premier rencard… Pourvu qu'on aime la jouer un peu sauvage. » Avait-il osé. Le bougre.
- « Visiblement, tu sembles aimer ça. » Petit sourire en coin. J’avais tendu mes mains encore gantées et couvertes en partie de bandages vers les flammes, comme si j’espérais attraper la chaleur entre mes doigts, sans avoir la moindre idée de comment la saisir. - « Puis, tu n’as plus trop le choix. Tu couves déjà nos futurs enfants. Félicitations, tu vas être père et il semblerait qu'il s'agisse de jumeaux ! » Autant l’achever, je n’étais pas assez cruel pour m’amuser à le faire souffrir davantage. - « Concernant ton rencard en question… Ai-je réellement l’air d’un sauvage ? J’avoue qu’on me trouve dernièrement plus dans les profondeurs des forêts pluvieuses et sur les sommets tempétueux des montagnes plutôt qu’au café du coin, en train de doucement siroter une boisson chaude prêt du radiateur… J’ai vu ton pin’s sur ton sac. » Et pour illustré mes mots, j’avais porté mon regard sur ses affaires. - « Toi qui voyage pour récolter des badges, je doute que tu n’aies jamais eu l'envie de te mettre à l’épreuve, de t’éloigner de tout pour te retrouver seul à seul avec toi-même, face à toi-même… Puis, Rhapsodie ne semble pas plus domestiqué que moi. Sinon, Yukan aurait déjà cherché la bagarre à l’heure qu’il est. » Le chiot avait rabattu ses petites oreilles sur son crâne, ses grands yeux bleus se posant sur moi, le devin, avec stupeur. :copyright:️ 2981 12289 0
Damien Delaunay
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Messages : 1289 Née le : 29/12/2002 Age : 21 Région : Hoenn Pokédollars : 763 Stardust : 4132 Stardust utilisés : 3405 Equipe pokemon : Aventure
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« Peut-être qu’en se rencontrant, nous avons tous les deux réalisé que celui qui combat peut perdre, mais que celui qui ne combat pas, a déjà perdu… Ainsi, nous avons décidé que nous n’étions plus perdus. Nous avons choisi de combattre… » Et je demeure muet, les prunelles posées sur toi qui ne te discernent plus tout à fait et j'en oublie presque d'écouter la suite – un brin troublé, un brin touché, j'aimerais dire que j'applique la même philosophie mais c'est plus difficile de mettre en œuvre la bonne parole que de la prêcher. Combattre – prendre des coups mais continuer, jamais lâcher, est-ce qu'on peut vraiment s'accrocher toute une vie ?
Je ferme les yeux et renverse la tête contre le mur – les deux œufs blottis contre moi, (je l'espère) en sécurité. Je ne rouvre les paupières que pour jeter un œil à Rhapsodie (qui se contente d'observer Yukan sans l'approcher plus que nécessaire) – puis les bruis de heurts reportent mon attention sur toi. Deux pierres aux mains, étincelles vives qui font naître l'incompréhension en moi puis l'esquisse d'un sourire sur mes lèvres. J'hésite, brièvement – comme je songe au briquet presque neuf dans la poche de mon jean et qui n'attend que d'être inauguré sur quelques brindilles sèches. Pourtant, je demeure silencieux – ton art est fascinant, et tes gestes comme trop habitués. J'attends simplement – j'attends que les étincelles embrassent le papier et que les premières braises incandescentes les embrasent. De petites flammes s'élèvent, qui enflent paisiblement comme elles se propagent au creux du foyer.
Alors, lentement, et pour préserver les œufs du froid, je m'approche. Mon sac en avant, poussé par trois petits coups de pied, je m'assieds auprès du feu et mes prunelles glissent sur tes mains que des gants dissimulent, remontent le long de tes bras et frôlent bientôt ton visage tandis que la surprise s'éprend certainement du mien. « Nos futurs enf... Hein ? » Il me faut une poignée de secondes – pour comprendre et ricaner, un rien désabusé. Bien joué je songe même si je n'en dis rien – j'suis à peu près sûr de pas être capable d'être un bon père. Dommage. Une nounou, un grand-frère, pourquoi pas – au-delà, c'est bien trop de responsabilités pour moi.
Je baisse les yeux sur le badge, accroché à mon sac. D'autres les gardent en sécurité dans des écrins – le mien trône là, sur un sac à dos sombre, presque aussi vieux que mes premières années d'école élémentaire. Presque toujours sous mes yeux – comme un rappel récurrent de ma victoire. Comme pour me souvenir, chaque fois que je pose les yeux dessus, que moi aussi, je suis capable. Un sourire s'étire au bord de mes lèvres, bien malgré moi – c'est le souvenir frais et les images encore nettes sur l'écran noir de mes paupières ; je me rappelle encore de tous les détails, de tous les battements de mon cœur. Combien m'en coûtera-t-il de vouloir vivre encore la même adrénaline pour me sentir vivre une nouvelle fois ?
« Hm… C'est… C'est mon premier badge. Je l'ai remporté il y a trois soirs. » Je hausse les épaules – trois putains de soirs. « J'avais… Je sais pas. J'avais besoin de me fixer un objectif, pour… décider que je n'étais plus perdu. » Je relève les yeux dans ta direction, brièvement – j'accroche les tiens, une seconde, avant de me perdre dans la contemplation des flammes. « J'ai pas encore réfléchi à la suite. Mais au moins j'ai un objectif en tête. » Est-ce que c'est seulement suffisant ? Je baisse les yeux sur les coquilles que j'effleure du bout des doigts. « Tu sais, je suis du genre à me perdre des jours entiers dans les bois. Seul, loin de tout et surtout loin des hommes. Rien qu'avec Rhapsodie. J'ai pas encore eu l'occasion avec les autres. » Un jour, peut-être – un jour, partir. Un jour, respirer. Et s'il suffisait de ça pour se retrouver ?
« Il est comme moi. Rhapsodie, j'veux dire. » Et je me tais – je n'ajoute rien qui me trahirait plus. Il est comme moi, farouche et inquiet. Solitaire et taciturne. Loyal, lâche et téméraire tout à la fois. De nouveau, je pose mon regard sur toi. « Et peut-être qu'il te ressemble un peu aussi. » Je laisse filer un silence – quelques secondes de réflexion qui me ramènent à fixer comme les flammes dansent près de nos mains. « Ça m'étonne pas tant, quand j'te regarde, que tu t'éloignes autant des villes, du coup. Je crois que je ferais pareil, si je pouvais. » Si je n'avais personne qui m'attendait. Parce que ça me frappe, brusquement – pas forcément douloureusement. Faut être seul, je crois – qu'on l'ait choisi ou non pour voguer sans attaches loin des hommes. Quelque chose nous pousse en avant – suffisamment fort pour qu'on ait moins besoin des autres que de soi. « T'aimes bien, toi ? » Cette fois, mon regard ne se détourne pas du tien. « Te retrouver seul face à toi-même ? » Moi, ça fait trois ans que je déteste ça. Ça fait trois ans, que j'ai plus la force d'affronter tout ce que la solitude réveille en moi.
Le coup d'un soirOh, j’imagine que comme tout le monde, il peut aussi sourire. Seulement, il y avait quelque chose d’amer dans les coins tirés de ses lèvres, comme si la moindre pensée agréable ne pouvait qu’être accompagnée de son ombre. Il est captif, me regarde derrière ses barreaux étroits, et ça m'éteint un peu le cœur. Je suis libre, libre comme aucun homme ne peut l’être. Si tout être humain est prisonnier de sa famille, de son milieu et de lui-même, alors je me suis réveillé un matin avec les chaînes brisées. Pourtant, dans son regard d’oiseau en cage, je pouvais distinguer le reflet ardent de ma jalousie. Car tout oiseau captif, une fois la cage ouverte, s’envole jusqu’aux nuages.
Mes prunelles orageuses s’étaient posées sur lui avec gravité. Je ne me contentais pas de simplement l’entendre, je cherchais à l’écouter. Les mots ne disent pas tout. N’étant guère un érudit, je ne saurais décrire précisément ce sentiment aveugle qui émanait de moi, de lui, de nous. C’était une mystérieuse alchimie, faite d'une complicité muette et d'une confiance capable de nous délivrer de nous-même. Nous étions probablement fous à nous tenir ainsi, à un pas au bord du gouffre, à un pas de nous faire confiance.
Ses mots n'ont étaient, à aucun instant, un gaspillage de salive. Ses phrases anodines cachaient toujours quelque chose de bien plus significatifs. Damien reprenait mes propres termes, ayant parfaitement saisi la force que je leur avais donné, la réutilisant comme pour montrer qu’il m’avait parfaitement entendu, qu’il maitrisait ce qui pouvait s’apparenter à un autre langage. Celui que nous avions décidé d’utiliser pour nous tester, l’un et l’autre. Sa victoire d'arène était récente, et même pour quelqu’un comme moi, incapable de saisir la moindre logique à faire combattre des Pokémons par simple sport, je pouvais comprendre son sentiment de gloire. Qu’importe la nature des accomplissements, un objectif atteint mérite le respect. Du moins, il avait le mien.
- « Tu sais, je suis du genre à me perdre des jours entiers dans les bois. Seul, loin de tout et surtout loin des hommes. Rien qu'avec Rhapsodie. J'ai pas encore eu l'occasion avec les autres. »
- « Je pourrais presque y voir une invitation, si nous n’étions pas déjà seuls, loin des hommes et effectivement, nul part. Je comprends un peu mieux pourquoi tu m’as suivi. Le sort de l’œuf ne te laisse pas indifférent, mais inconsciemment, l’idée de t’éloigner te faisait probablement plus vibrer que trembler… » J’avais jeté quelques brindilles en plus dans le feu, observant les flammes voraces léchaient timidement le bois avant de l’envahir jusqu’à ce le dévorer goulument. - « Quelque part, ça ne me déplaît pas. » Avouais-je, jetant un regard sur le côté.
- « Il est comme moi. Rhapsodie, j'veux dire. Et peut-être qu'il te ressemble un peu aussi. »
Cela en revenait à dire qu’on se ressemblait… Néanmoins, Damien ne semblait pas avoir fait le lien entre ses deux phrases, dans son esprit. Alors, j’avais gardé le silence. C’était quelque chose comme ça, probablement. Un silence que seul le feu de camp se refusait à respecter avait commencer son assaut avant, d’être repoussé par la voix du jeune homme.
- « Ça m'étonne pas tant, quand j'te regarde, que tu t'éloignes autant des villes, du coup. Je crois que je ferais pareil, si je pouvais. » Si tu n’étais pas captif. - « T'aimes bien, toi ? Te retrouver seul face à toi-même ? » Le problème, vois-tu, c’est qu’il n’y a personne en face…
Sans aucune cérémonie, je m’étais levé pour aller fouiller dans mon sac à dos, posé assez loin du feu de camp pour encore être tout aussi froid que mon souvenir de l’extérieur enneigé. - « On en revient donc à ta question. Pourquoi je m'éloigne autant des villes… » J’avais sorti une petite boite en plastique blanc de mes affaires, laquelle portant une croix rouge délavée, mais dont les contours étaient assez intacts pour qu’on puisse aisément en deviner la signification. - « Sans y avoir réellement réfléchi, je pense avoir une réponse à te donner, mais je ne garantis pas qu’elle te plaira. »
Laissant le feu crépitant faire office de barrière entre nous, j’avais posé ma boite au sol. Rapidement, mes gants sombres, mes bandages usés et mon vêtement chaud du haut avaient rejoint la poussière dans une pile irrespectueuse. Mes bras, mes mains et plus généralement le plus haut de mon corps, étaient ainsi exposés au froid mordant. Loin de sourciller de cet inconfort, j’avais profité du sentiment de légèreté pour étirer mes pauvres muscles fatigués. Prenant silencieusement place en tailleur sur le sol, ignorant presque Damien qui attendait ma réponse, j’avais ouvert la boite médicale. Le petit bocal d’alcool et un tas de coton avaient rejoint le champ de vision du jeune homme. Les plaies encore rouges à mes bras avaient besoin d’être désinfectées. Quant à mes tristes mains, je les savais encore trop froides pour subir le même traitement. Tout en savourant plus que jamais la caresse lointaine de la chaleur des flammes, j’avais trouvé quelque chose d’intéressant à répondre à mon compagnon de fortune. Ou plutôt, pour aller jusqu'au bond de ma pensée, ce que je trouvais intéressant, ce n'était pas ce que j’allais lui dire, c'était plutôt ce qu'il allait répondre...
- « Admettons, qu’un loup se réveille, sans le moindre souvenir, au milieu d’un troupeau de moutons dans une belle prairie ensoleillée. Qu’importe s’il a tout oublié. Un loup reste un loup. À aucun moment, le loup pensera être un mouton. Il va plutôt regarder du côté de la forêt… » J’avais serré les dents sous la douleur, la compresse humide et froide se faisant impitoyable. - « Rassures-toi, je ne suis pas une mauvaise personne... » Petit moment d'arrêt. - « Enfin si, je suis une mauvaise personne. Mais, je ne te ferais aucun mal. » :copyright:️ 2981 12289 0
Damien Delaunay
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« Je comprends un peu mieux pourquoi tu m’as suivi. Le sort de l’œuf ne te laisse pas indifférent, mais inconsciemment, l’idée de t’éloigner te faisait probablement plus vibrer que trembler… » Je m'étais contenté d'un sourire – léger et volatile. J'aurais cru ça plus évident – à quel point fallait-il être fou ou vouloir fuir les hommes pour suivre un inconnu aussi loin de toute civilisation, de tout secours ? La détresse de Windoria, ce soir, m'aurait étouffé et, qu'importe la chaleur du centre Pokémon, je n'y aurais jamais trouvé la moindre paix. Pas un semblant de celle qui m'emplit doucement, présentement, à mesure que me berce le crépitement du feu et le sifflement du blizzard au dehors. Je suis plus serein ici que là-bas, pour moi comme pour l'œuf (les œufs) entre mes bras. J'ai eu moins peur de toi que des émotions turbulentes de la ville, voilà tout – parce que tous ces sentiments qui ne m'appartiennent pas me bousculent pourtant chaque fois. Les larmes, la colère, l'inquiétude dans les yeux des autres – tout me frappait avec trop d'ardeur pour que ne m'y perde pas en même temps quelques morceaux de moi. Ici, par contre… Ici, je me sens bien.
Doucement, mais sans tout à fait quitter Yukan du regard, Rhapsodie s'en vient se blottir contre ma cuisse. Je l'observe brièvement, sans avoir l'audace de lâcher l'un des œufs pour le caresser. « On en revient donc à ta question. Pourquoi je m'éloigne autant des villes… Sans y avoir réellement réfléchi, je pense avoir une réponse à te donner, mais je ne garantis pas qu’elle te plaira. » Je fronce les sourcils, quelque peu confus – qu'essaies-tu de me dire ? Mais rien d'autre ne vient – tu tires de tes affaires une trousse à pharmacie et, un à un, tu fais tomber les tissus qui recouvraient ta peau, la protégeaient du froid et de ma vue. C'est plus fort que moi, mon regard qui s'attarde sur tes mains et tes bras – un instant, juste un instant, le temps de quelques clignements de paupières, de quelques inspirations. J'ai depuis longtemps ce réflexe un peu macabre, cette curiosité un peu malsaine – je cherche dans les poignets des autres les mêmes entailles qu'au creux des miens. Mais les tiennes, qui marbrent ta peau, n'ont rien à voir avec celles-là. On y déchiffrerait d'autres histoires que mes douleurs adolescentes, que mes troubles qu'on tente de diluer dans la chimie des cachetons gris ; dans les tiennes on lirait des récits de guerres et de dangers, des histoires pour faire trembler. Je baisse les yeux – tes contes maudits ne me concernent pas.
Sur l'écran noir de mes paupières, les réminiscences du vermeil éclaté dans les bandages souillés ravive la nausée que je tente d'étouffer. L'odeur de l'alcool qui envahit l'espace presque clos balaie celle du sang et du bois brûlé – je rouvre les yeux, l'esprit une seconde éparpillé dans les images lointaines d'une autre époque, puis je les pose sur ma propre main (celle qui porte au creux de sa paume la vieille cicatrice d'une entaille droite, nette et profonde – pas celle des crocs de Rhapsodie). Je me souviens du froid mordant d'une autre nuit, du verre qui tranche quand les poings s'enfoncent dans le sable et puis le sang et puis la terreur et la solitude d'avoir voulu fuir – et puis deux prunelles terre de sienne, deux billes épuisées par la vie, des cheveux fous et la voix rauque, les intonations tranchantes et l'instinct animal, deux mains d'une tendresse paradoxale et cette nuit-là aussi, l'alcool m'avait retourné l'estomac en même temps qu'il avait brûlé ma plaie. Je réprime une grimace, qui se change en sourire – dire que c'était y'a deux ans et c'est amusant comme, chaque fois, c'est sous le regard de ces êtres un peu sauvages que je me sens le mieux, le plus moi-même, le plus libre et le plus vivant.
Brusquement, c'est ta voix qui s'élève de nouveau, et m'arrache à mes contemplations. « Admettons, qu’un loup se réveille, sans le moindre souvenir, au milieu d’un troupeau de moutons dans une belle prairie ensoleillée. » Quoi ? « Qu’importe s’il a tout oublié. Un loup reste un loup. À aucun moment, le loup pensera être un mouton. Il va plutôt regarder du côté de la forêt… » Une pause suit – je devine la morsure de l'alcool sur tes plaies à la façon dont tes mâchoires se resserrent, à la façon dont tes traits se tirent imperceptiblement. Les quelques secondes qui s'écoulent, je les remplis de ton discours on repeat – est-ce que… L'évidence prononcée, à laquelle je ne parviens pas tout de suite à me résoudre.
« Un loup, donc… » je murmure – plus pour moi-même qu'autre chose. « Rassures-toi, je ne suis pas une mauvaise personne… » Je demeure immobile, et muet – tout le monde pourrait prétendre… « Enfin si, je suis une mauvaise personne. Mais, je ne te ferais aucun mal. » Mon silence, s'il se prolonge, est au moins ponctué d'un sourire que je sens s'étirer sur mes lèvres.
Lentement, et avec mille précautions, je dégage l'un de mes bras pour ouvrir mon sac et en tirer la couverture – fine, mais duveteuse – confiée par le centre Pokémon, et que j'étale vulgairement sur le sol, entre le feu et moi. J'y laisse plusieurs couches, m'assurant que le froid du sol de les traverse pas, avant d'y déposer les œufs – cocon de chaleur artificiel mais sans doute plus sûr que mes bras qui auront tôt fait s'engourdir. Je me redresse d'un rien, juste assez pour étirer mes épaules aux muscles noués, avant de reporter mon attention dans ta direction. « J'ai pas peur de toi. » Loup ou pas. Mauvaise personne ou pas. « Les loups n'attaquent pas les hommes par goût du sang. » Mes prunelles effleurent tes bras. « Seulement quand les hommes menacent leur vie. » Et quand on est ni loup, ni mouton, alors on est peut-être plutôt renard – bête peureuse des hommes parce que leurs mains l'ont trop chassée.
Je ramène mes jambes contre moi – pose mes coudes sur mes genoux et offre mes mains à la chaleur des flammes. « C'est pour ça, l'air sauvage. Je me trompais pas. Tu tiens plus de l'animal instinctif que de l'homme raisonnable. » Et j'esquisse un sourire, de nouveau, en haussant les épaules. « Et moi j'ai l'impression d'exister dans une espèce d'entre-deux indéfinissable. De n'être ni tout à fait d'un monde, ni tout à fait d'un l'autre. Ou plutôt… d'appartenir à un monde qui n'est pas celui vers lequel me portent mon cœur et ma raison. » Un monde simple, routinier, cloisonné – un monde insipide et trop gris quand on a déjà goûté au sens du mot liberté avant d'être de nouveau fait prisonnier. Laissez l'animal captif s'éprendre une fois des bois et des vallées – plus jamais il ne pourra être animal domestique et apprivoisé.
« … Est-ce que t'as peur, toi ? » Peur de toi. De tout ce qui te fait, mais que tu ne comprends pas. « Du jour où tu te rappelleras. » De toutes ces choses qu'un jour, peut-être, tu as souhaité oublier – de ces blessures qu'une nuit, peut-être, tu as prié pour qu'elles soient effacées. J'ai cent fois demandé au ciel, moi, tu sais – j'ai cent fois imploré les cieux et les dieux de m'écouter, et de dissoudre en moi les violences d'une histoire que je voulais différente. Et je ne réalise que maintenant – à quel point c'était peut-être égoïste d'y songer. D'espérer si fort perdre ce que d'autres n'auront peut-être jamais la force de retrouver.
Le coup d'un soirJe n’avais pas eu besoin de poser mes prunelles froides sur lui pour savoir qu’il me regardait. Le garçon ne faisait plus aucun bruit. Je pouvais sentir le poids de son regard effleurer furtivement mes bras. Ses yeux retraçaient évasivement ces marques que m’avaient laissées des batailles qui ne m’appartenaient plus. Tout en les trouvant affreuses et tristes, je chérissais mes cicatrices. Le mal n'était plus là, les plaies étaient refermées et guéries. Le souvenir de leur douleur m’avait totalement déserté. C’était comme si elles avaient toujours été là, comme si j’étais né et comme si j’avais grandi avec elles, sœurs funèbres mais unique famille. Mais plus que tout, ces cicatrices me rappelaient que mon passé était réel. Elles étaient les irréfutables témoins que j’avais vécu. Que j’avais survécu. Alors, avec une curiosité tout aussi malsaine… Je m’étais demandé ce que Damien avait ressentit en éraflant la couverture usée d’un livre scellé d’un cadenas dont on avait perdu la clé. Qu’avait-il pensé à la vue de ces profondes entailles dans ma chair ? Mon regard inquisiteur s’était alors posé sur le jeune homme. Il venait de détourner sa curiosité. Avec quoi, avait-il comparé mes cicatrices, pour les fuir ainsi ? Les avait-il seulement comparées à quoi que ce soit ? Les lueurs dansantes des flammes sur le visage du jeune homme n’avaient en rien caché sa soudaine pâleur. L’odeur piquante et volatile de l’alcool devait y être pour quelque chose. C’est alors qu’il regarda à l’intérieur de sa main, au creux de sa paume. Comme si, il y avait trouvé du réconfort. J’étais convaincu qu’aucun souvenir n’était capable d’apporter une joie réelle, ou une quelconque sérénité. Pourtant, l’étrange sourire qui s’était dessiné sur les lèvres blanches du garçon n’était en rien empreint de regrets ou de remords. Moi, quand je regarde mes tristes mains, je ne vois qu’une lutte acharnée et sans espoir. Pourquoi… Tout simplement, pourquoi ? Pourquoi me suis-je tant battu ? Cela, en valait-il seulement la peine ?
J’avais parlé comme un sage, ou plutôt comme un fou. Je n’étais pas convaincu que Damien ait perçu toute l’ampleur de mes mots, cette façon détournée et non-assumée de parler de moi, et je ne pouvais pas lui en vouloir. C’était comme si je ne pouvais que l’approcher lentement, en reculant de temps à autre, faisant un pas pour ensuite reculer de deux. Parce que j’avais le sentiment qu’il était comme moi. Parce que j’avais l’impression qu’il était capable de comprendre la silhouette que prennent mes maux. Seulement, je n’en étais pas certain. Plus que jamais, je restais cet animal méfiant et prêt à mordre. Le retour des couleurs sur le visage du garçon et le rictus léger de ses lèvres ne m’avaient pas échappés. Quel idiot. Je venais de lui confirmer que j’étais dangereux. Loin d’être des mots balancés au hasard pour souligner un quelconque égo déplacé ou une fierté mal gérée, il s’agissait d’une réalité tranchante. Avant de prendre la parole, le jeune homme s’était assuré que les œufs soient en sécurité, mais que ses bras soient libres. Il semblait trop soucieux pour ne pas se craindre lui-même. Avec une dextérité née de l’habitude, j’enroulais les bandages blancs autour de mes mains et doigts souillés, sans que mes prunelles bleues n’accordent la moindre importance à mon ouvrage. Non, mon regard était bien trop fasciné pour s’attarder sur mes plaies. Il était bien trop captivé par lui. Par tout ce qu’il pouvait m’inspirer. Et j’étais plus que déterminé à user impitoyablement de stratégies pour percer les faux-semblants, pour faire saigner le vrai, pour le comprendre… Ah, définitivement. Je suis une mauvaise personne.
- « J'ai pas peur de toi. » Comme tu devrais… - « Les loups n'attaquent pas les hommes par goût du sang. » Certes, mais ils apprennent très vite. - « Seulement quand les hommes menacent leur vie. » Ce qui ne les empêche en rien d’éliminer un homme seul et égaré par prévention… On ne tend pas sa main à un loup sans accepter ce que sera le tranchant de ses crocs. - « C'est pour ça, l'air sauvage. Je me trompais pas. Tu tiens plus de l'animal instinctif que de l'homme raisonnable. » Ce gringalet m’insultait dans le plus grand des calmes… - « Et moi j'ai l'impression d'exister dans une espèce d'entre-deux indéfinissable. De n'être ni tout à fait d'un monde, ni tout à fait d'un l'autre. Ou plutôt… d'appartenir à un monde qui n'est pas celui vers lequel me portent mon cœur et ma raison. » Et j’incarnais un peu cet autre monde, celui qui t’attire irrésistiblement, mais vers lequel tu ne peux aller, vers lequel tu ne dois pas aller.
- « Tu parles de mondes, comme s’il en existait plusieurs, un pour tout type d’individu… Tu te trompes, Damien. Il en existe qu’un, notre seul et irremplaçable monde. Si un individu n’a pas sa place dans ce monde alors, il n’a sa place nul part. Ce que tu ressens, je le perçois comme une frontière imaginaire. Comme celles que la société a mise en place, comme celles qu’un animal utilise pour définir son territoire… Oui, nous aimons nous inventer des frontières afin de pouvoir établir notre petite place au sein-même de l’enclos. C’est plus facile dans un espace réduit… Le monde est bien trop vaste. Je conçois aussi parfaitement que la liberté puisse être effrayante… Je le sais plus que quiconque, car sans souvenirs, un homme est libre. Je n’ai aucune frontière. »
Soupirant, plus sous le coup d’une fatigue accumulée pendant un enchaînement consécutif de jours que par simple ennui, j’avais rangé le matériel médical dans sa petite boite, attardant un instant ma vue sur mes mains qui, en partie dissimulées sous des bandages frais, semblaient presque belles. Dommage que l’odeur du désinfectant et du coton trempé me rappelaient à quel point ce corps était abimé, cassé, usé. Mon corps, mais qu’en était-il de mon âme ?
- « … Est-ce que t'as peur, toi ? » Mon regard s’était alors fait plus cruel que je ne l’aurais voulu. - « Du jour où tu te rappelleras. »
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu l’impression de me noyer dans l’eau noire d’une mer sans fin. J’ai nagé jusqu’à l’épuisement. J’ai lutté de toutes mes forces, mais au lieu de m’élever, j’ai sombré vers le fond. Au plus profond de l’abysse, j’ai toujours attendu qu’on me lance une ligne, qu’on me hisse jusqu’à la surface. J’étais persuadé qu’on viendrait me sortir de là. Alors, j’ai attendu. Personne n’est venu. J’ai appelé jusqu’à en perdre la voix. Personne ne m’a entendu. Demain ne se lèvera jamais pour moi, car hier n’existe pas. Qu’importe si je crie, qu’importe si je pleure ou si je prie. Personne ne viendra. Personne ne peut m’entendre. Je suis comme coincé dans le temps, coincé en moi. De ces mains usées par la vie et par des batailles oubliées, j’agripperais les parois pointues, je grimperais, je remonterais jusqu’à la surface. Qu’importe combien de fois, je vais glisser, combien de fois, je vais tomber. Encore et encore. J’agripperais les parois jusqu’à ce que la couleur de ma vie s’y incruste. Encore et encore. Je me hisserais vers le haut. J’y laisserai toute ma raison s’il le faut. Rien qu’une seule fois, je veux sortir la tête de l’eau, reprendre mon souffle, alors seulement… Je pourrais ouvrir les yeux et contempler toute l’horreur de ma véritable nature.
Ah, j’imagine que j’aurai dû lui dire tout ça. Peut-être m’aurait-il compris ? Non, personne ne peut me comprendre… Je ne suis qu’un idiot qui court après son propre fantôme, tout en étant encore en vie…
- « On parle beaucoup trop de moi. » Lâchais-je, l’air soudainement hostile.
Délaissant totalement mon partenaire du soir, j’avais fui notre début d’aveu et toute cette confiance aveugle qui commençait à s’installer entre nous, malgré nous. Sans chercher à cacher mon immaturité, j’étais parti boudé dans un coin, près de mes affaires. Sans que ça n’ait le moindre sens, je m’acharnais à sortir et ranger mes maigres possessions. J’en avais besoin. Craignant la tempête à l’extérieur comme celle à l’intérieur, Yukan s’était fait tout petit, se couchant près du feu, sur un bout inutilisé de la couverture de Damien. Par hasard, à force de vider mon sac à dos, j’avais retrouvé la cannette de boisson au lait et à la fraise que j’avais acheté au distributeur, lors de notre passage à la supérette. Je m’étais alors souvenu que j’en avais donné une similaire à Damien… Il ne l’avait pas bu. Peut-être qu’en buvant la mienne, je lui donnerais envie de s’hydrater à son tour ? On avait fait une longue marche, après tout... Le froid commençant à se faire un peu trop mordant, j’avais attrapé un sweat blanc à capuche dans l’une des piles de vêtements pliés. Avant d’enfiler le vêtement, j’avais passé mon visage dans la douceur moelleuse de son intérieur polaire, adorant cette sensation aggréable, cette simple tendresse contre ma peau gelée. J’ignorais si Damien m’avait vu, et même s’il n’avait qu’une sublime vue sur mon dos, je lui avais tout de même lancé un regard disant quelque chose comme « Un commentaire, et tu comprendras pourquoi je me revendique dangereux »… Une fois le contenu entier de mon sac sortit, trier, plier et ranger, je m’étais autorisé à retourné près du feu, près de Damien. Dans un bref claquement métallique, j’avais ouvert ma boisson. Long soupir. Un regard sur le côté, puis…
Les barrières qu'on érige autour de soi-même – pour s'offrir à tout jamais le même paysage réconfortant, le même horizon fini parce que sans fin c'est effrayant. La liberté, tu dis – moi je ne sais pas si je saurais la définir. C'est si vague, les eaux troubles d'une notion abstraite dont personne ne parle de la même façon – interroge l'artiste, interroge le philosophe, interroge le juriste, interroge l'homme ou le fou. Les grands concepts m'échappent – je ne saisis que la réalité tangible de ma prison mentale, barreaux froids des rêves que j'ai laissés mourir et murs humides des larmes qui n'ont jamais coulé. Je ne sais pas. Toi, libre de toutes ces essences humaines dont on t'a dépossédé (qu'est-ce qu'un homme sans rêve, un homme sans idéal, un homme sans but sinon une âme errante ?) – moi, prisonnier de ces mêmes essences que j'ai laissé me couler entre les doigts sans rien faire pour les retenir. Qu'est-ce qui est le pire, tu crois, courir à l'aveugle à la poursuite d'une vie qu'on ne saisit pas, ou d'avoir tué de ses propres mains l'existence promise ?
J'ai peur, moi. J'avais pas peur, avant, tu sais. Et puis, tout d'un coup, du jour au lendemain, la terreur a balayé tout le reste, terrassé la raison et j'ai plongé dans les abîmes d'un océan tumultueux – nuit d'ouragan qui ne voit plus d'éclaircie. Est-ce que t'as peur, toi ? Est-ce qu'on a peur, même quand on paraît droit, même quand on paraît fort ; est-ce qu'on a peur même quand les corps ont déjà connu la guerre ?
« On parle beaucoup trop de moi. » Ton intonation m'arrache une grimace brève, suivie d'un haussement de sourcil stupéfait quand tu te lèves et t'éloignes. Sans un mot ni sans cérémonie – le silence brusquement assourdissant. Brisé par le crépitement des flammes, par les halètements de Yukan qui patiente encore après sa pitance, le souffle du blizzard au dehors qui siffle contre les parois rocailleuses et enneigées. Quoi ? Vraiment, comme ça ? Tu me tournes le dos, et ça s'arrête là ? Je réprime un soupir – et ça me demande toute ma volonté, ne pas avoir l'air ingrat d'être au couvert de la tempête – et pose mon regard sur les œufs à mes pieds. Le regard de Rhapsodie file d'eux au clébard, du clébard aux coquilles. Il veille à sa propre sécurité – c'est que c'est dangereux, un Rocabot joueur, pas vrai ? – et paraît se méfier des œufs. Je me demande s'il sait ce qu'ils contiennent, tous les deux, et si c'est ce qui le rend si perplexe à leur égard.
Mes prunelles t'accrochent une nouvelle fois, et puis nos regards se croisent – je me contente d'un rictus, d'un silence qui ne dit rien mais qui en dit trop (vaguement insolent, peut-être, ça me ressemble). Puis tu reviens, et la cannette que tu tiens à la main me ramène au quart d'heure qui a suivi notre rencontre. Je tire mon sac à dos vers moi, dans un geste un peu brusque et qui surprend Rhapsodie mais, tandis que j'y plonge la main, ta voix m'interrompt. « Avant de mourir, il faut que je sache pourquoi j’ai vécu. » Je demeure immobile, le regard dans le vague, penché sur mon sac et sa gueule béante. Pourquoi j'ai vécu. Dans l'ombre de ma cambrure, mon sourire devient amer. Comment peut-on avoir tant d'interrogations similaires quand moi, j'ai toutes les pièces du puzzle de ma vie, et toi aucune ? C'est absurde.
Je me redresse en jetant sur tes genoux un lot de sandwich triangles – poulet, salade, dés de légumes – bon marché (mais pas tout à fait). « Viens, on arrête de s'interroger sur le sens de nos vies pendant cinq minutes ? » Risette appuyée, mais je crois que mes intonations ont tremblé – trémolos presque imperceptibles mais incontrôlés. Entre nous paquet de chips un rien épicées, sur ma cuisse paquet de sandwich, à la main ma canette que j'ouvre dans un geste pressé, comme pour mieux me donner contenance. Je la porte à mes lèvres – c'est frais et sucré ; saveur douce étrangement réconfortante pour la soirée.
« Hm… Au fait… Tu compte le nourrir quand, ton Yukan ? C'pas qu'il a l'air prêt à nous bouffer, mais un peu quand même… J'pas envie qu'il en vienne à me croquer un bout ou deux, c'est petit mais ça niaque fort ces conneries. » Je ne parle pas de vécu (moi, c'est un Evoli qui m'a mordu). Tâchant de m'installer plus confortablement (tant que faire se peut), m'assurant d'une main que l'équilibre des œufs n'est toujours pas mis à mal et que la surface des coquilles se réchauffe doucement, j'entreprends finalement d'ouvrir le sachet de mes sandwichs. « Dis, tu comptes en faire quoi de l'œuf, après ? 'fin, tu sais pas ce qu'il y a dedans, j'sais, mais, dans l'idée… Tu comptes le garder, ou quoi ? » Le mien, je l'ai choisi, alors la question ne se pose pas. Mais toi, il n'était pas tien, et tu t'es contenté de sauver un rescapé – du moins, d'essayer.
Le coup d'un soirLa vie est semblable à un chemin dont l'issue est fatale. Durant ce long voyage, marqué par la recherche d’un lendemain au-delà du ciel bleu, nous nous faisons secouer de toute part par les rafales d’une tempête d’espoir, de tragédies, de détermination, de haine, de peur et d’un amour qui transcende la vie elle-même. Mais la vie n'est qu'un vain rêve qui s'efface. Toute l’ampleur, toute la passion et la poésie de nos sentiments sont destinées au néant. On naît, on construit, on aime, on pleure, on se bat, on tombe et voilà qu’un simple point, un ridicule point final, vient tout balayer. La vie n'est pas une histoire pour les faibles de cœur. Et pourtant… Qui oserait vivre sans cette fin, sans ce point final ? Quel sens aurait une éternité dont les jours ne seraient qu’éternels calques d’hier ? Qui prolongerait sa vie jusqu'aux déserts de la vieillesse sans qu’il y ait l’oasis d’un trésor au bout de celle-ci ? C’est à destination, au bout de notre voyage, foudroyer par la vie-elle même, que tout prend sens. Car, pour mesurer la vie d’un homme, pour savoir pourquoi il a vécu, il faut tout connaître de lui. Sa naissance, ses trésors, ses rêves, ses émotions, ses batailles et sa mort. C’est à notre mort que notre vie prend sens. En mourant, dans mes derniers instants, à travers mon dernier souffle, dans cette ultime lueur dans mon regard bientôt vide, je ne serais plus personne.
C’était comme si j’avais caressé la bête noire dont tout le monde a peur, celle-même qui dévore nos proches, qui se lèche les lèvres en vue de notre fin et qui se régale des tragédies. Mes orbes indigo s’étaient posés sur les mains en mouvement du jeune homme, alors qu’un souffle, intrus au rythme de ma respiration, quittait mes lèvres, marquant l’air encore froid de l’abri. Je n’avais pas eu besoin de m’attarder avec compassion sur sa voix pour comprendre. Dans la pénombre, alors que mes mots avaient envahi l’endroit de leur lourdeur, tu avais vaguement entrevu ton reflet dans le miroir de mes paroles. Je ne t’en voulais pas de fuir et d’avoir peur. Tu n’avais encore jamais connu le champ de bataille… Et moi, j’avais réussi à l’oublier.
Un sourcil arqué, l’autre froncé, je regardais la boite en plastique triangulaire d’un air ahuri. Les coudes loin du torse, je donnais l’impression que le simple fait de m’avoir lancé quelque chose m’avait perturbé. Pourquoi cet idiot d’incubateur émotif m’avait lancé l’un de ses repas ? Je ne mange pas la pitié. Si ça avait été le cas, ma vie n’aurait pas été celle d’un vagabond mercenaire, mais celle d’un simple mendiant, attendant la générosité en tout temps à la sortie d’une supérette. Mes doigts à la prise forte et incertaine s’étaient refermés sur l’emballage transparent pour lui éviter de glisser jusqu’au sol froid de terre et de roche. Silencieux, j’observais Damien installait son petit pique-nique. Il me donnait l’impression d’être un adolescent en stage de découverte, ayant ramené son petit repas pour grignoter au coin du feu crépitant. Quel âge avait-il, au juste… ? Non, en réalité, ça ne m’intéressais pas de le savoir. Le garçon s’était finalement laissé tenter par la boisson au lait et au melon que je lui avais offert, ouvrant la canette et la portant jusqu'à sa bouche sèche. Un sourire en coin avait tiré l'extrémité de mes lèvres. J’étais assez satisfait de constater qu’elle ne lui était pas si déplaisante que ça.
- « Hm… Au fait… Tu comptes le nourrir quand, ton Yukan ? » J’avais relevé la tête vers lui, fronçant les sourcils avant de jeter un coup d’œil, discrètement, au chiot, lequel était couché sur un pauvre bout de couverture. Il avait remarqué que j’avais porté mon attention sur lui, et s’était immédiatement levé. - « C'pas qu'il a l'air prêt à nous bouffer, mais un peu quand même… J'pas envie qu'il en vienne à me croquer un bout ou deux, c'est petit mais ça niaque fort ces conneries. »
- « À qui le dis-tu… » Soupirais-je, levant une main tristement décorée de pansements et de bandages.
Les morsures du chiot, je les connaissais que trop bien… Heureusement, il s’attaquait surtout à mes mains, lesquelles étaient trop dures et amorphes pour pouvoir se soucier des dents encore jeune d’un louveteau insolant. J’avais conscience que si je me mettais mes doigts au-dessus des flammes voraces, il y avait des chances pour que je sente l’odeur de la brûlure avant même d’en ressentir la douloureuse chaleur. Comme on avait parlé de lui, et comme la pression s’était subitement écrasée devant quelques aliments industriels, Yukan avait quitté sa couche pour courir jusqu’à moi. Il avait d’abord grogné, avant de commencer à aboyer de manière incessante, mettant même en mal toute la férocité de la tempête de neige qui frappait la caverne, tant la voix du chiot résonnait en ricochets contre les parois rocheuses de notre abri. Infernal.
- « Mes Pokémons ne sont pas des assistés, Yukan ! Si tu veux tes croquettes, va les chercher toi-même… On t’ouvrira le paquet si tes petites dents de bébé chien n’en viennent pas à bout ! » Soupirais-je, haussant les épaules.
J'avais vu un éclat de colère traverser ses grands yeux bleus. Le chiot s'était retourné, se plaçant de dos. Connaissant bien le fourbe animal, j'avais immédiatement levé un bras en guise de bouclier de fortune. Avec fureur, Yukan avait utilisé la force de ses pattes-arrières pour projeter un mélange de terre et de caillasses dans ma direction. Conscient qu'il était toujours à ma portée, il avait rapidement cessé son semblant de Jet-de-sable pour filer à l'autre bout de la grotte. Plus d'irrespect que de mal... Le sandwich triangle de Damien était protégé par son emballage, ma canette de lait fraise était finie et je m'étais assez penché en avant pour que le jeune homme, non loin de moi, ne subisse pas la bêtise de mon idiot de partenaire.
- « Petite merde ingrate de Yukan... » Grognais-je alors que le chiot marchait avec une fierté flagrante vers mon sac à dos.
J'aurai bien aimé balancer une chaussure ou deux pour riposter, mais... Il semblerait, que je n'avais pas encore rempli mon quota de sociabilité. En réalité, je l'avais explosé, mais pour Damien, nous avions encore des choses à nous dire.
- « Dis, tu comptes en faire quoi de l'œuf, après ? 'fin, tu sais pas ce qu'il y a dedans, j'sais, mais, dans l'idée... Tu comptes le garder, ou quoi ? » Demanda-t-il.
Ayant déchargé ma responsabilité vis-à-vis de l’œuf sur les frêles épaules du jeune homme, j’avais presque oublié la présence de nos deux précieuses vies en coquilles. Enfants sages enroulés dans un plaid, c’était comme s’ils regardaient le feu, bercés par ses crépitements. À vrai dire… Je ne m’en faisais plus pour eux. Le feu, la couverture, l’abri, n’étaient pas des éléments assez fiables pour que je puisse y placer un quelconque morceau de confiance. Non, ce qui m’avait rassuré, c’était qu’à aucun instant, la vigilance de Damien n’avait négligé les œufs. Son regard discret, ses mains concernées, mais fuyardes, s’étaient constamment redirigés vers l’emplacement du nid improvisé. C’était plus fort que lui. Il se souciait beaucoup des vies contenues à l’intérieur de ces petites prisons blanchâtres. Face à autant de dévotion envers deux êtres parfaitement inconnus, je me devais de faire un effort. Ainsi, du crépuscule jusqu’à l’aube, Damien avait un morceau de ma confiance.
- « Non. Je vais d’abord me renseigner sur son espèce, de sorte à voir s’il y a une possibilité que ses parents soient encore à sa recherche, tout dépend si c’est un Pokémon élevé ou abandonné après la naissance… Sans connaître l’espèce, c’est pour le moment incertain. Sinon, je le relâcherais dans un environnement adapté, ou j’irais le confier à un centre ou une pension Pokémon… Ce sont des choses auxquelles je n’ai que vaguement pensé. Il doit avant tout éclore. Ensuite, j’assumerais ce qui suivra… »
Comme j’avais besoin de réfléchir tout en parlant, j’avais ignoré tout du long l’atroce bruit de frottement progressant derrière moi. Une fois ma réponse lâchait, j’avais jeté un coup d’œil par-dessus mon épaule. Soupir. Yukan était en train de trainer le paquet de ses croquettes préférées jusqu’à nous. Il avait mordue l'une des l'extréminité du paquet pour le tirer. Je m’attendais à ce qu’il me l’amène pour que je lui ouvre, quitte à recevoir une pluie de plaintes, mais c’était sans compter sur toute la rancœur contenue en un être pourtant si petit. Véritable bouteille débordante de caprice, Yukan m’avait totalement ignoré pour continuer son petit bonhomme de chemin. Je m’étais laissé penser que le Rocabot infidèle allait simplement apporter le paquet à Damien, et lui faire les yeux doux, mais sa trajectoire ne correspondait pas à la plus logique pour rejoindre le garçon… Sans réelle surprise, le chiot avait finalement lâché son bien à moins d’un mètre du Noctali. Face à un Rhapsodie sagement installé, notre petit cabot insolant s’était énervé. S’en était suivi une série atroce d’aboiements déchainée. Finalement, je n'avais plus rien contre le fait que le Pokémon de Damien bouffe le mien…:copyright:️ 2981 12289 0
Damien Delaunay
Dresseur Nova, Champion d'Arène & Administrateur
Messages : 1289 Née le : 29/12/2002 Age : 21 Région : Hoenn Pokédollars : 763 Stardust : 4132 Stardust utilisés : 3405 Equipe pokemon : Aventure
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Messages : 1289 Née le : 29/12/2002 Age : 21 Région : Hoenn Pokédollars : 763 Stardust : 4132 Stardust utilisés : 3405 Equipe pokemon : Aventure
Mes yeux filent, de ta main à la mienne – déjà abîmée, cicatrice nette d'une morsure en pleine paume et jointures des phalanges blanchies par les heures passées à les déchirer sur les murs. Impulsions malheureuses d'une âme brûlée vive par les bousculades dont même les cachetons n'anesthésient pas la violence – à défaut des bleus au cœur, ceux de mon corps sont maîtrisés, délibérés ; contrôle et pleine puissance dans les blessures à soi-même infligées. J'observe les ombres lugubres projetées par les flammes danser sur ma main, avant de serrer le poing et de le ramener vers moi, à moitié enfoui dans ma manche – comme pour fuir le froid, mais c'est plutôt la vue qui me dérange à dire vrai.
J'aurais pu me taire et m'enfoncer dans une spirale d'idées noires sans fin, si les aboiements stridents du louveteau ne m'avaient pas arraché au fil rouge de mes dramaturgies. Les sourcils froncés, j'observe la bestiole bruyante aux pieds de son dresseur – et j'ai du mal à croire qu'elle deviendra un jour une créature noble de la trempe d'un Absol. « Mes Pokémons ne sont pas des assistés, Yukan ! » Je hausse un sourcil, étouffe un rire ténu en observant la scène. Légèrement penché en avant, j'observe les mimiques du chiot – je ne comprends qu'un instant trop tard l'escalade de son caprice mais, le temps que je me redresse, tu t'es déjà imposé en barrage entre ses idioties et moi. Tête inclinée, je demeure un peu sonné – surpris. Je tangue entre le rire et la confusion, me confonds dans un mélange malhabiles des deux que j'étouffe dans une gorgée de lait au melon. Du reste, je m'étais efforcé de garder mon sérieux – quand bien même ton street cred' venait d'en prendre un sacré coup. (T'es étrangement, et à mon humble avis, un peu trop bien assorti à ce chiot téméraire et casse-pieds.)
L'attention s'était reportée sur les œufs – malgré moi, l'inquiétude les concernant ne me quitte pas. Je me dis quand même que les hasards sont bien faits, que les astres s'alignent d'une drôle de façon parfois ; j'aurais dû être chez moi à l'heure qu'il est, loin du froid et du blizzard, couvé dans le confort d'une maison chaleureuse et animée. Mais, alors, que serait-il advenu de l'autre ? Petite coquille anonyme qui t'a valu de m'aborder au milieu du chaos – je balais cependant l'idée d'avoir été indispensable dans la seconde. T'aurais forcément trouvé quelqu'un d'autre. Quelqu'un aurait fini par te remarquer, avec ton œuf dans les bras ; un Nova expérimenté, un éleveur de métier, une infirmière retraitée. T'aurais forcément trouvé. J'étais rien qu'un hasard parmi tant d'autres sur ta trajectoire, et… peu importe. Les œufs sont là, en sécurité. Peu importe entre les mains de qui. Ils sont là, et ils verront le jour se lever. Arceus, par pitié, ne me fais pas mentir ce soir.
« Ça va… Tu seras un daron responsable. » J'étire un rictus, mes ongles tapent doucement sur le bord de la canette que je porte à mes lèvres en suivant. « Il va pas être jaloux, ton chiot, s'il doit partager ton attention et sa bouffe avec un autre petiot ? » Je n'ai pas le loisir de poursuivre ma vanne – qui n'en est qu'à moitié une – que l'intéressé attire mon attention. Les crocs fermement serrés sur un rebord du paquet de croquettes, le chiot le traîne dans un boucan d'enfer. Il nous contourne, avec le plus grand soin, et le voilà bientôt qui abandonne sa charge à quelques pas de Rhapsodie – qui a observé, tout du long, son étrange manège, sans esquisser le moindre des gestes. Il se contente d'agiter les oreilles avec agacement quand le Rocabot reprend le fil de sa symphonie cristalline, et m'adresse un regard en biais. J'y devine comme une supplique ; permission accordée et le Noctali se redresse en s'ébrouant, secouant ses pattes engourdies et s'étirant de ton son long. Il baille, la gueule grande ouverte sur ses crocs aiguisés – il prend tout son temps, peu concerné par les désagréments causés à nos oreilles.
Sourcil haussé, j'observe comme il s'avance paisiblement face au paquet pour le renifler, le contournant pour bousculer Yukan sans grand ménagement sur sa trajectoire. À l'instant où je crois, en le voyant mordiller un coin, qu'il va céder aux caprices du louveteau, il se résigne, se redresse et puis grimpe sur le paquet. Sa désinvolture est telle qu'il pousse le vice jusqu'à tourner en rond avant de s'installer, plus ou moins confortablement, le museau sur les pattes avant et le regard porté sans détour sur son vis à vis canin. L'audace.
« Oh putain... » J'étouffe un éclat de rire – m'étouffe dans la seconde avec ma propre salive, et mon rire se transforme dans une quinte de toux qui me tire les larmes. Quelque part entre le rire et l'asphyxie, mon paquet de sandwich glisse de mes genoux et tombe au sol – je suis heureusement assez loin des œufs pour que mon sursaut soudain ne mette pas à mal leur tranquillité. Rhapsodie, surpris par ma réaction, s'est contenté de dresser une oreille dans ma direction, sans toutefois lâcher du regard le chiot capricieux. À défaut de le bouffer... « Pardon » je souffle en reniflant, essuyant mes larmes difficilement contenues du bord de ma manche, le souffle court mais le rire en menace d'éclater une nouvelle fois à chaque seconde. « Il est pas super bien éduqué. »
Le coup d'un soirLes flammes dansaient comme pour fêter leur festin de brindilles, leur lueur instable s’accrochant à mes orbes encore dehors, errant sans destination dans la froide obscurité. Comme un animal en alerte, j’avais traqué le mouvement de son regard, me heurtant à ses mains, déjà marquée par les cicatrices de l’âme. Les flammes caressaient sa peau, admirant ses phalanges blanchies sans oser s’y aventurer. Qui ne serait pas craintif face aux souvenirs que laisse la violence ? Peut-être moi… J’avais l’impression d’avoir une étrange et malsaine fascination pour les blessures que le chirurgien du temps n’a jamais su correctement refermer. Ne pouvant trouver le moindre repère en moi, bateau de fortune navigant de nuit en pleine tempête, je voyais ce jeune homme comme la lueur lointaine d’un phare. Parce que tout ça m’était familier. Parce que tout ça me parlait. Cette peau blanchit était une écriture que je pouvais déchiffrer… Seulement, fallait-il encore qu’il accepte de mettre à nues ses plaies, de me montrer qui il est vraiment... Mon regard s’était décollé avant même qu’il n’achève son mouvement de retrait, cachant ce morceau de son passé dans l’ombre de la manche de son vêtement. Je m’étais alors demandé… Qu'est-ce qui peut le pousser à se détester autant ? La lâcheté ? L'ignorance ? Ou plutôt, l'éternelle peur de se tromper, de ne pas être à la hauteur, de ne pas faire ce que tout le monde attend ?
Si j'avais eu le choix, peut-être que je l'aurais observé encore un moment, discrètement, comme si j'étais capable de savoir le contenu d'un livre juste en observant méticuleusement sa couverture, à défaut qu'on m'autorise à en boire le contenu... Mais sur le moment, je n'avais eu que faire de la logique et de la raison, ma curiosité avait pris le pas sur toutes ces futilités. Sauf que, un élément perturbateur, j'en avais amené un avec moi. Celui-ci répondait au nom énergétique de Yukan et avait un caractère bien trop encombrant pour un être aussi court sur pattes.
- « Ça va… Tu seras un daron responsable. » Pourquoi il dit ça, ce con... ?
Si je ne l'abandonne pas à la première pension venue, quelques heures seulement après son éclosion. Je n'aurais qu'à jouer au singe muet-sourd-aveugle en me persuadant qu'il sera inévitablement heureux après je m'en sois débarrassé, aussi facilement et sereinement que s'il n'avait été qu'un vulgaire sac poubelle, une corvée trop passagère pour être véritablement encombrante. Hélas, je savais que jeter toutes ses responsabilités envers un être vivant, c'était balancer, dans le même instant, toute son humanité aux ordures.
- « Il va pas être jaloux, ton chiot, s'il doit partager ton attention et sa bouffe avec un autre petiot ? »
Oh, il s'inquiétait déjà pour la suite ? Quelque part, il se savait capable de prendre soin de ces petits êtres attendant sagement le moment opportun au fond de leur coquille...
- « Je possède d'autres Pokémons. Yukan est un chiot sociable... Quand il le veut bien. Cependant, au risque de me répéter, je ne suis pas certain de garder ce qui sortira de cet œuf. » D'un doigt, j'avais pointé l'objet de forme ovale. - « Je n'ai pas forcément les moyens pour une bouche de plus. »
C'était déjà difficile d'avoir le droit à plus d'un repas par jour, alors plus de Pokémons pour encore moins de nourriture... À ce stade, j'allais devoir choisir entre la maltraitance animale et la négligence envers moi-même. Le corps anesthésié par la fatigue, l'estomac serré par la privation, le regard peint dans un bleu exténué, les mains devenues inutiles abandonnées sur les genoux, j'observais le début de cette pièce de théâtre qui trouvait sans peine son public à mon côté. Si les Pokémons vont la vie et le bonheur de certains, je dois être moins sensible et crédule que la plupart de mes supposés semblables... La différence entre Damien et moi, commençait probablement par notre approche envers ces êtres tantôt capables de nous défendre, tantôt capable d'infliger un point final à notre histoire. Ils n'étaient... Guère différents d'une arme à double tranchant.
Pourtant... J'ai toujours eu l'impression que le but même de leur existence est d'allumer une lumière dans l'obscurité de l'être humain. Je serais un idiot de blâmer tous ces gens à qui je tourne le dos... Cette façon ingénieuse et pratique qu'ont les humains de transporter un Pokémon est semblable en tous points à celle d'un voyageur transportant toujours une lampe-torche avec lui. Lorsque que le chemin s'obscurcit, lorsque les ombres s'allongent, lorsque le glas de nos heures les plus noires sonne... Qu'importe d'où provient la lumière. Si la vie des uns peut éclairer celles des autres... Certes, il y aurait bien des choses à redire sur ces pensées fallacieuses, seulement... Le rire et la maladresse du gars à mon côté... Allait beaucoup trop en ce sens. Si tous les maux ont un remède, je crois que tu as trouvé le tien, Damien…
- « Pardon, il est pas super bien éduqué. » S’était excusé le jeune homme, s’étouffant à moitié dans son hilarité.
- « Je ne pense pas avoir mon mot à dire sur ça... » Admettais-je avec un petit sourire, étant donné que le pire des deux clowns se trouvait être - mon - chiot insolent. Ma main avait trouvé une utilité, attrapant la denrée encore dans son emballage de plastique pour la tendre avec politesse vers le jeune homme, histoire de lui montrer quelle forme peut prendre le respect. Même une main misérable est capable de bienveillance. - « Tu ne me dois rien, après tout. » Lâchais-je pour seul argument. Je pouvais très bien me passer de nourriture jusqu’au lendemain, mais j’étais moins sûr que ce soit son cas, à lui.
Je respire. Une inspiration après l'autre, le regard porté sur les aspérités de la roche qui nous entourent – je force mes idées sur des images paisibles qui s'éloignent des raisons de mon hilarité. J'ai mal aux côtes, mal à la gorge – je porte la canette à mes lèvres pour y trouver un peu de douceur tandis que mes yeux ne se heurtent qu'aux rocailles hostiles. C'était quand, mon dernier fou rire ? Je ne sais plus, je crois – je tends à les oublier ; ces moments simples, ces instants heureux arrachés aux torrents. Les chimies dans ma tête ont ce pouvoir-là, de troubler mes mémoires et de couper les fils de mes souvenirs ; ce pouvoir-là, de remplacer les éclaircies par des obscurités. C'est comme voir les étoiles s'éteindre une à une dans mon dos, et courir vers un soleil qui ne se lève jamais. Certains jours sont durs – éclipsés par les orages de mes idées déraisonnées. Je ferme les yeux – j'expire. Ce rire-là, j'aimerais m'en souvenir pour plus tard. M'en faire des armes et des cuirasses pour les nuits rouges – dresser des étendards de mémoires tendres pour chasser les désordres. J'ai peur de ces instants qui s'effacent, en proie à mes démons toujours plus grands.
Quand je rouvre les paupières, le décor est toujours le même. Étrangement paisible, presque rassurant. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment – d'être aussi loin de tout avec toi, inconnu troublant, en plein blizzard, au coin d'un feu qui tremble sous les courants d'air, et de ne rien craindre. Je n'ai pas peur – ni de toi ni des ombres qui dansent sur les murs. Coupé de tout – il ne m'est même pas venu à l'idée de vérifier mon téléphone ; je sais par instinct que si loin de la ville et par ce temps le reste du monde est injoignable. Et je crois que ça me plaît – ça me plaît d'être si loin de tout, des lumières, des gens, du quotidien. Elle est alléchante, l'idée de ne jamais rentrer – mais c'est rien qu'un songe ; et à l'aube il sera terminé.
Du coin de l'œil, j'aperçois un reflet de lumière sur une surface en plastique qui me force à reporter mon attention dans ta direction – je ne comprends pas tout de suite. « Tu ne me dois rien, après tout. » Hein ? Mon regard file, de toi au paquet, du paquet à toi, sans que je saisisse. Et puis, brusquement, ça me revient – et je tends la main pour rattraper mon propre bien tombé par terre, en haussant les épaules. « Non, mais, ça va, hein. J'avais à peine commencé à l'ouvrir. Genre, y'a pas de mal. » Je m'immobilise pourtant dans mon geste pour déballer ces savoureux (non) sandwichs triangles, et te regarde de nouveau – les sourcils froncés, et un rien confus. « J'ai jamais dit que j'te devais quelque chose. » D'un mouvement de tête, je désigne la boîte plastique dans ta main. « J'ai même pas réfléchi quand j'en ai pris deux, c'était juste logique, en fait. J'sais pas. J'fais pareil avec mes potes quand on sort. » C'est ça qui te pose souci, pour que t'y aies pas encore touché ? « Va pas te croire spécial, c'est qu'un sandwich de supermarché. » Rictus appuyé, une seconde, puis je déballe enfin mon encas – avant d'être interrompu par un grognement peu avenant.
« Rhaps... » Je soupire, le ton menaçant, et il se tait. Visiblement toujours pas décidé à venir en aide au Rocabot affamé.
Le coup d'un soirDehors, dans ce monde plongé dans le voile sombre de la nuit, ce monde qu’on avait fui pour créer ce qui semblait être un semblant du nôtre, la tempête se déchaînait. Belle et audacieuse, elle peignait les sommets inaccessibles d’un blanc débordant, elle engloutissait le paysage dans son souffle glacé, elle inondait la vie de son froid immaculé dans l’espoir de lui dérober une étincelle de chaleur. Mais dans toute sa cruauté, dans toute sa beauté, la tempête n’est qu’une enfant aveugle, frappant aux portes closes de la vie dans l’espoir qu’elle lui ouvre. Recouvrir le monde d’un blanc immaculé, comme s’il allait en devenir plus simple, entrer en guerre contre la vie lorsqu’on est que colère... Même dans les moments les plus sombres, la vie recommence toujours le lendemain. La solitude, quant à elle, est un sentiment de piège pour l'éternité. Nous avions seulement choisi d’être seuls à deux et d’oublier, juste le temps d'un soir, ce monde trop compliqué.
J’avais froncé les sourcils. Damien parlait vraiment beaucoup… Je m’étais mordu la lèvre inférieure. Vraiment beaucoup pour ne pas dire grand-chose…
- « Calme-toi, je vais le manger ton sandwich... » Soupirais-je, tirant un peu trop fort sur la languette de plastique, ouvrant l’emballage en deux mouvements au lieu d’un seul. Mes doigts encore froids avaient précautionneusement ramassé la nourriture. J’avais laissé un souffle de frustration quitté mes narines en voyant que de la garniture était retombée dans le fond de l'emballage, alors que j’en sortais le sandwich. J’ai bon vivre comme un sauvage, j’ai quand même un caractère assez princier… Trop canalisé sur l’idée de me remplir un peu l’estomac, j’avais laissé le chiot insolent échappé à ma surveillance, jusqu’à ce qu’un grognement mauvais me contraint à refermer la bouche et à abandonner l'idée de taper un croc dans mon casse-croque. Mon regard orageux s'était porté sur les deux Pokémons.
- « Rhaps... »
Sauf que l’autre espèce de petite merde à fourrure n’avait aucunement associé le calme soudain du Pokémon sombre à la voix du dresseur. Pour lui, c’était comme s’il venait de prendre l’avantage. Aussitôt Rhapsodie de retour dans son calme royal, Yukan avait étiré un grognement avant d’éclater dans une série d’aboiements qui promettait de lui user définitivement les cordes vocales.
- « Yukan ? » Tentais-je, comme on tente sa chance à la loterie.
Inutile de détailler que dans sa petite crise de colère, la bestiole infernale en avait même oublié jusqu’à son nom. J’allais me redresser en apercevant le Rocabot prêt à user de ses crocs, petits mais assez pointus pour laisser leurs empreintes, mais loin de s’attaquer au beau gosse ténébreux – Rhapsodie, pas Damien -, l’attaque Morsure du louveteau s’était acharnée sur le paquet de croquettes, jusqu’à finalement arraché un bout du paquetage. Dans le silence que seul le feu crépitant ignorait, une portion d’aliments pour Pokémons s’était échappée du sachet. J’avais eu le même regard bleu abasourdi que le chiot. Glorifiant la fin de sa chasse, le louveteau avait levé le museau vers le plafond rocheux de la caverne, libérant un hurlement si maladroit, qu’il ressemblait à peine à une pâle imitation de l'espèce…
- « Il était gratuit... » M’étais-je défendu face au regard de l’autre garçon.
Chiot satisfait, chiot silencieux. Savourant le calme soudain, que même les cris lointains de la tempête n'arrivaient pas à secouer, j’avais mangé le sandwich triangle offert par le jeune homme, ne me souciant plus des regards qu’il pouvait me porter après quelques bouchées, une fois le goût de la nourriture sans grande saveur mais saucée en bouche. Hum… Ouais, je pense que ça m'avait fait du bien. Pas de me remplir la panse avec une nourriture à bas prix à destination des étudiants sans le sou ou des dresseurs de passage au budget souvent misérable, mais… Le simple fait qu’on me porte assez d’attention pour acheter deux sandwichs triangles au lieu d’un. Je ne sais pas. Il semblerait.. Oui. J’étais content.
- « Tu devrais dormir… La nuit avance, l’aube pointera le bout de son nez bien assez tôt. Concernant les œufs... » Parce que je les avais presque oubliés, tant je savais que lui, n’osait pas s’en détourner plus de quelque véloces minutes. - « Je vais rester éveiller pour m’assurer que le feu ne meurt pas durant tes songes... Ainsi, aucun risque que nos futurs enfants attrapent froid. » Et s'ils sont laids, ça ne sera plus que tes avortons à toi.:copyright:️ 2981 12289 0
Damien Delaunay
Dresseur Nova, Champion d'Arène & Administrateur
Messages : 1289 Née le : 29/12/2002 Age : 21 Région : Hoenn Pokédollars : 763 Stardust : 4132 Stardust utilisés : 3405 Equipe pokemon : Aventure
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Chiot affamé, chiot enragé ; ses aboiements redoublent et parviennent à m'arracher une grimace agacée. S'il fallait une preuve que l'adage qui dit tel chien, tel maître ne s'appuie pas sur grande base scientifique, je crois qu'elle se trouve juste sous mes yeux : à dresseur silencieux, demi-portion bien trop bruyante. Je ne garde qu'un œil dans la direction des deux Pokémon en affrontement stérile, arrachant une maigre bouchée de mon sandwich que, déjà, je fais mine de me redresser dans un élan qui fait écho au tien lorsque les crocs de Yukan se dévoilent. Leur claquement sec, cependant, ne se referme que sur le rebord du paquet de croquettes, sous le regard perplexe de Rhapsodie. Il redresse brusquement les oreilles lorsqu'un bruit de déchirure retentit, suivi de celui, plus discret, de quelques croquettes qui se déversent sur la roche. Tout aussi surpris que nous, il observe le chiot se repaître, brusquement silencieux – satisfait. Presque sonné, je relève les yeux dans ta direction, un sourcil haussé et un semblant de rictus au bord des lèvres. Maigre défense qui ne m'arrache d'un ricanement ténu avant que je m'en retourne à mon sandwich – à l'éternel goût de plastique qui me rappelle ces sorties scolaires qu'on faisait en primaire, dans des milieux moins hostiles.
Casse-croûte terminé, je range le contenant vide dans mon sac et m'étire, les prunelles portées sur les aspérités du plafond, et un frisson qui remonte capricieusement le long de ma colonne vertébrale – malgré mon pull, malgré mon blouson, malgré les flammes dressées pourtant si près. Au dehors siffle encore le vent et, de temps à autres, des flocons aventureux se glissent par l'ouverture étroite pour s'en venir fondre dans les vapeurs du feu de camp. Les courants d'airs sont froids mais éphémères et, à l'intérieur, rien que nos souffles, et le bruit de croquettes malmenées par les mâchoires d'un prédateur en devenir. Hors de tout, hors du temps – je me surprends presque à prendre goût à cette sensation fugace d'être libre et loin.
« Tu devrais dormir… » Je reporte mon attention sur toi, les sourcils froncés, et les détourne presque aussitôt. Comme par automatisme, mes poings se sont serrés, mon esprit déjà bousculé par trop d'idées que je ne peux pas formuler. « La nuit avance, l’aube pointera le bout de son nez bien assez tôt. Concernant les œufs… Je vais rester éveiller pour m’assurer que le feu ne meurt pas durant tes songes… Ainsi, aucun risque que nos futurs enfants attrapent froid. » La formulation m'arrache l'ombre d'un rictus, et mes doigts hésitent à la surface des coquilles rugueuses avant d'accepter de s'en détacher. Si je m'installe un peu plus confortablement – notion toute relative –, je n'esquisse toutefois pas l'ombre d'un geste pour m'allonger ou me préparer au sommeil. Je sens le corps chaud de Rhapsodie contre le dos de ma main, et baisse les yeux dans sa direction tandis qu'il s'allonge contre moi – mon corps entre lui et les œufs qu'il continue de toiser d'un œil hostile.
Ma main sur son flanc, je réprime un soupir. « Je suis pas vraiment capable de dormir, là... » Peu importe tout ce que ce là signifie (ici, maintenant, avec quelqu'un que je ne connais pas et dans un environnement qui ne m'est pas familier ; parce que je ne suis jamais plus vulnérable que comme ça). J'observe les flammes qui dansent – et si leur chaleur doucereuse me berce et m'appelle au sommeil, c'est la peur en travers de ma gorge qui me force à la veille. « J'vais veiller sur eux. » je souffle, en désignant les œufs d'un vague mouvement de la tête dans leur direction. « Ça rentabilisera la future insomnie. » Haussement d'épaules nonchalant – parce qu'on s'y fait, je crois ; on finit par oublier ce que sont les nuits sereines, alors, quand on ne sait plus, ce n'est plus si grave au fond.
Le coup d'un soirL’histoire commence avec un enfant innocent, une épine dans le cœur, les yeux remplis de questions auxquels personne n’a de réponse. Vient ensuite l’incompréhension, suivie par une douleur condamnée à fleurir en haine. Qui est à blâmer ? Qui a mis la première pierre à l’édifice de ce cercle vicieux ? C’est l’histoire ennuyeuse de toute l’humanité, du genre de monde dans lequel nous vivons… Là où l'amour est divisé par la haine, où nous perdons les rênes de nos sentiments et où nous finissons tous par fermer les yeux et rêver. Il y a quelque chose de malade à l'intérieur de nous qui lutte pour s'échapper… Je comprends qu’on puisse avoir peur, qu’ouvrir son cœur aux autres serait comme enfoncer ses doigts profondément dans sa chair et se déchirer soi-même pour voir ce qui en sort... Ce que tu ressens, c’est ce qu’on ressent lorsqu’on ne peut pas trouver son chemin. Toutes ces divagations, je les avais gardées dans mon esprit embrumé par la fatigue, ne voulant pas être l’oiseau noir qui te livrera une bien triste prophétie. Tu n’as pas fini de tomber à genoux, tu vas tomber, encore et encore, et devoir à chaque fois trouver la force de te relever… Nous sommes ainsi faits. Tout ce que je pouvais faire pour toi, c’était d'allumer un feu dans l’espoir que tu puisses oublier, juste le temps d’une courte nuit, à quel point le monde est froid.
- « Je suis pas vraiment capable de dormir, là... » J’avais retenu un soupir, laissant mes yeux bleus chuter sur l’emballage vide et délaissé de mon sandwich. J’avais seulement essayé de te rendre la pareille, ayant déjà une trop grosse dette envers toi. - « J'vais veiller sur eux. Ça rentabilisera la future insomnie. » J’avais simplement lâché un son, espérant qu’il sonnerait suffisamment approbateur.
J’avais porté un regard brillant, mélange d’inquiétude et de regrets, vers l’œuf et sa coquille chaude que j’avais pris sous ma responsabilité avant de tout bonnement la décharger sur les épaules de quelqu’un d’autre. C’était, après tout, ce que j’avais prévu de faire à la base… Je ne suis pas capable de m’occuper de ces petites vies fragiles et dépendantes, mes mains ne sont pas faites pour prendre soin de quelque chose d’aussi beau. Celles de Damien n’étaient pas spécialement belles, mais la fatigue agonisante qui me tiraillait le ventre et la tête depuis que mon corps avait été satisfait de sa faim, me laissait me demander… Pourquoi ? Pour quelle raison ? La colère est comme une avalanche qui se brise sur ce qu'elle brise. La tienne Damien, ne semble n’avoir causé que ces jointures blanchies que tu caches comme un secret inavouable, pourtant, je crois qu’une colère justifiée est comme une bonne douche, elle fatigue, puis elle apaise... Tes cicatrices ne ressemblent pas aux miennes, elles sont bien trop vivantes.
- « Dans ce cas… C’est moi qui vais dormir. » Décidais-je.
Je n’avais même pas pris la peine de me relever pour aller chercher le demi-confort de mon sac de couchage, le jugeant comme à l’autre bout du monde en étant qu’à l’autre bout de notre abri de fortune. J’avais bougé mon sac à dos pour en faire un oreiller de la flemme, avant de me laisser doucement tomber vers l’arrière et de me coucher. Dans une quête à peine entamée, j’avais étiré mes jambes devenues trop lourdes, incapable de savoir si j’étais assez au chaud pour autoriser ma température corporelle à baisser encore un peu plus. Les bras de Morphée sont si froids par ici. Je ne comptais pas dormir toute la nuit, de toute évidence, ce n’était plus possible, le char tirant le soleil était déjà prêt à se lancer dans sa course, attendant seulement la fin de la tempête.
- « Tu sais, Damien… Je ne crois pas que les hommes naissent pour être des tueurs. Je ne crois pas non plus que ce monde ne puisse pas être sauvé… Peut-être que ça vaudrait le coup, de se battre... » Voix éreintée dans la pénombre.
Je m’étais vaguement redressé pour apercevoir le chiot couché en boule sur un coin minuscule de la couverture où dormaient paisiblement les êtres en-coquillés. Mes épaules avaient presque aussitôt retrouvé la dureté de mon lit. L’idée que Damien seul ne puisse pas alimenter le feu correctement m’avait traversé, mais je l’avais chassé tel une mouche agaçante en me disant que le garçon, en bon yankee, n’aurait aucun scrupule à me réveiller si le froid mordant menaçait ses précieux enfants. Je ne me souviens pas d’avoir fermé les yeux ou d’avoir attendu le sommeil, juste d’avoir accueilli les hurlements lourds et infatigables du vent comme une berceuse.:copyright:️ 2981 12289 0