Une meilleure idée ? Auguste arqua un sourcil en se retournant, intéressé par ce qu’elle avait en tête. L’expression sur le visage de Séréna, il la reconnaissait. Ce n’était pas la première fois qu’il la voyait et, couplée à ses paroles, cela augurait soit quelque chose de très bon, soit tout le contraire. S’il était curieux de savoir ce qu’elle manigançait, la jeune femme lui offrit la réponse lorsqu’elle entreprit de courir pour carrément lui sauter dessus. Plus par réflexe que par intention, il la rattrapa, sans quoi elle aurait précipité leur chute à tous les deux.

« Je préfère ton idée, en effet. »

Séréna n’avait pas attendu sa réponse pour commencer à le délester de son unique vêtement. Alors qu’ils discutaient si sérieusement il y a moins de cinq minutes, les voilà déjà prêts à refaire des bêtises. Le brun la laissa faire. Il ne demandait qu’à être touché, qu’à être embrassé. Par elle. Juste elle. Il répondit à son baiser par un autre, plus appuyé, appelant à son tour une réponse. La machine était en marche. Alors qu’ils s’étaient assez bien comportés depuis le réveil, voilà que leurs bas instincts reprenaient le dessus et aucun d’eux ne semblait enclin à se contrôler. À quoi bon ? Autant s’amuser.

« Je ne sais pas si nous allons gagner du temps mais ça ne coûte rien d’essayer. » lâcha-t-il en partant à l’assaut de son cou tandis que ses mains descendaient le long du dos de la demoiselle avant de se montrer plus aventureuses.

Ensuite, il l’attira dans la salle de bain sans jamais la lâcher. Si le brut premier était de se doucher rapidement et de manière écologique, cette expérience était un échec absolu. Fort heureusement, les deux amants avaient trouvé du réconfort ailleurs. Seuls les plus grands esprits de ce monde étaient en mesure d’imaginer ce qu’il s’était passé dans la cabine de douche mais ce qui était certain, c’est qu’ils en étaient ressortis très longtemps après y être entrés.

Ils se préparent à leur aise. Faute d’avoir pu se déshabiller mutuellement, ils s’aidèrent à s’habiller. La complicité n’avait pas à disparaître une fois les désirs assouvis. Des baisers qui se perdent ça et là tandis que leur nudité disparaissait peu à peu, voilà qui était mieux. Auguste regrettait presque que cela prenne fin.

« Merci ? Je ne sais pas si je dois prendre ça comme un compliment, cela dit. »

Séréna venait de lui nouer sa cravate autour du cou. Un geste maîtrisé, surtout quand il le comparait à la manière dont lui-même faisait ses nœuds de cravate quand il avait vingt ans. Cette remarque, il l’avait bien prise, quoi qu’il en dise. Il reconnaissait ne pas toujours coller à l’image que l’on se faisait d’un homme en costume. Il savait toutefois se montrer sérieux mais avec Séréna, ils avaient vite compris qu’ils étaient sur la même longueur d’onde. Les masques étaient tombés peu après. Entre eux, il y avait eu des rires sincères, des taquineries innocentes et une authentique passion.

« Le sentiment est partagé. » répondit-il alors qu’il lui prenait la main. « N’hésite pas à m’appeler dès que tu as envie de me voir ou que tu as besoin d’une pause loin de tes cahiers. J’en ferai de même. »

Il ne sous-entendait rien par cela. Certes, après cette nuit passée ensemble, le doute était permis mais non, s’il souhaitait la revoir, c’était surtout et avant tout pour la revoir et passer un moment agréable avec elle. Le reste était une cerise sur un gâteau déjà somptueux. Si cette douche était le dernier endroit où il touchait Séréna, ainsi soit-il. Leur relation, encore balbutiante, ne se limitait pas qu’à cela. Son numéro, elle le lui avait déjà donné la veille alors que rien n’était encore passé entre eux. Preuve que, depuis le début, se revoir était une possibilité. Souhaitait-il la rencontrer à nouveau ? Définitivement.

Auguste lâcha la main de son amante et attrapa un peigne en vue de faire le ménage là-dedans. Puis, il attrapa les escarpins qui traînaient dans un coin de la salle de bain et les tendit à la jeune femme. L’heure des jeux étaient terminée. Ils devaient à présent rendre la clé de leur chambre et quitter l’hôtel des Sylves, seul témoin de leur amour nocturne.

« Rien oublié ? »

Il venait d’ouvrir la porte d’entrée. La tête rose sortit la première alors que lui-même tapotait ses poches pour être certains de n’avoir rien laissé dans la chambre. Clés, portefeuille, téléphone, c’est bon, il avait tout ! Sans un regard derrière lui, il quitta cette chambre remplie de souvenirs qu’ils n’oublieraient pas de sitôt. L’air frais fit le plus grand bien au pulsar, qui apprécia également l’odeur boisée qui lui montait aux narines. Les ponts suspendus traversés, ils retrouvèrent la terre ferme et entreprirent de remonter le chemin de terre battue – il n’avait pas oublié d’offrir à nouveau son bras à la belle. Ils passèrent devant « Séquoia » et « Nouveau Printemps », deux autres chambres proposées par cet hôtel unique en son genre. Maintenant qu’il faisait jour, le brun en apprécia l’apparence, très différente de leur « Nid d’oiseau ». S’il regrettait de ne pas avoir eu l’occasion de se promener sur le domaine, Auguste comprenait malgré tout l’engouement des visiteurs pour l’hôtel. Le cadre était magnifique en plus d’être très calme. Une adresse qu’il ne manquerait pas de revisiter à l’occasion.

Une fois la clé de la chambre rendue auprès de la réception, ils quittèrent pour de bon l’Hôtel des Sylves. Revenir sur un parking de béton après une nuit si enchanteresse avait quelque chose de déprimant. Auguste mena la jeune femme jusqu’à sa voiture. Il n’allait quand même pas la laisser rentrer par ses propres moyens.

« Où est-ce que je te dépose ? » lui demanda-t-il après s’être installé à l’intérieur du véhicule.

Il était bientôt l’heure pour eux de se dire au revoir. Pour le moment.

L’ambiance resta agréable sur le trajet du retour. Auguste n’en aurait pas mis sa main à couper mais il avait la sensation qu’aucun des deux n’avait envie de se dire au revoir. En ce sens, le souhait de prolonger cet épisode, même de quelques minutes, était partagé. Alors, il prit son temps. Il n’était pas pressé d’arriver à destination, aussi conduisit-il de manière tranquille en portant presque plus d’attention aux paroles de Séréna qu’à la route. Il fallait dire qu’elle était une personne intéressante. En plus d’être drôle et attachante, elle avait toujours quelque chose d’intelligent à dire. Elle était loin d’être bête et cela se voyait. Converser avec elle était un véritable plaisir. Elle avait toujours une remarque amusante ou pertinente à placer – parfois les deux en même temps. Quel dommage que tout ceci touche bientôt à sa fin.

Séréna lui avait demandé de la déposer à Nemerya. Un choix qui ne l’étonnait pas. À vrai dire, il n’avait pas la moindre idée d’où elle habitait et si elle lui avait dit, il l’avait depuis oublié. Ainsi, il était persuadé de la reconduire chez elle. Que la fille FitzBurgess vive à Nemerya n’avait rien de très surprenant en soi. Auguste remarqua avait une certaine satisfaction que son domicile et le sien n’étaient pas si éloignés que cela. C’était toujours bon à savoir, dans l’optique où il prévoyait de la revoir.

« Nous y voilà. »

Le brun, après avoir été guidé à travers les rues de la capitale, s’était finalement arrêté sur un parking privé, devant une résidence. Le moteur cessa de ronronner alors qu’il coupait le moteur pour se tourner vers la jeune femme. Elle avait déjà posé la main sur sa cuisse, installant de fait une ambiance plus intime. Ils y étaient. C’était le moment de se souhaiter une bonne journée et de se promettre de se revoir, en espérant que cette promesse soit honorée. Une fois la passion envolée, il n’était pas rare que deux amants préfèrent ne pas se revoir.

« T’en vouloir ? Pour quelle raison ? » demanda-t-il, sincèrement étonné.

Elle l’avait remercié avant d’enchaîner sur un souhait qu’il avait trouvé très énigmatique. Il n’avait pas caché sa surprise après les dernières paroles de Séréna. Avait-elle fait quelque chose de mal sans qu’il le sache ? Possible. Mais s’il ne l’avait pas remarqué, ça ne devait pas être bien grave – sauf si elle lui annonçait avoir la syphilis, pensa-t-il avec une pointe d’amusement. Avant de lui laisser le temps de répondre, le pulsar se pencha vers son amante, comme s’il s’apprêtait à lui faire une confession.

« Si me faire passer la meilleure soirée que j’ai vécue depuis longtemps était répréhensible, alors oui tu aurais beaucoup à te faire pardonner. » lui glissa-t-il sur le ton de la confidence avant de s’esclaffer. Son rire occupa l’espace sonore un moment avant qu’il ne poursuive. « C’est plutôt moi qui devrais te remercier. J’ai apprécié chaque minute passée en ta compagnie. »

Avant et après leur arrivée à l’hôtel. C’était si évident qu’il ne l’avait pas précisé. Pour lui, la soirée de la veille était un tout dont il ne voulait rien jeter. Depuis le plan échafaudé pour faire le mur et fuir le vernissage au musée, tout n’avait été qu’un doux rêve, coincé hors du temps, et dont il garderait d’excellents souvenirs. Mais là sur ce parking en plein centre-ville, il redescendait. La réalité l’appelait, laissant en lui un vide, une sensation de froid qu’il n’avait aucune peine à expliquer : il ne voulait pas la laisser s’évanouir dans la nature. Il n’était pas le genre d’homme à s’attacher après une nuit d’amour dans l’intimité d’une chambre mais il savait qu’il serait déçu s’il ne revoyait plus Séréna. Il se pencha et attrapa le Nounourson sur la banquette arrière et le déposa dans les mains de la tête rose.

« Comme ça tu ne m’oublieras pas. »

Il lui déposa un baiser sur la joue. Auguste n’était pas bête. S’il mourait d’envie de l’embrasser encore une fois, ce chapitre était terminé depuis qu’ils avaient quitté l’Hôtel des Sylves. Il avait plutôt bien mené sa barque jusqu’à présent, hors de question de saboter son navire maintenant. Si Séréna ne l’avait vu que comme son amant le temps d’une nuit, il gâcherait tout en allant cueillir un ultime baiser sur ses lèvres. S’il s’interrogea sur la raison pour laquelle il s’inquiétait de tout cela, lui qui d’habitude ne se posait même pas la question, l’ancien champion préféra ne pas trop se prendre la tête avec cela pour le moment. Qui vivra verre, disait l’adage.

Mais il espérait tout de même la revoir.